Hier soir, de façon très impromptue, avait lieu le concert chez Art-Bar des "talents" locaux. J'en ai été avertie deux jours à l'avance, Katia le jour même, mais l'avantage, c'est que nous n'avons pas eu de sectateurs extatiques de la variété télévisuelle. Se sont produits de jeunes rockers de Pereslavl, très beaux, très russes, très sympas et avec, à la batterie, une jeune femme qui a ensuite lu un poème avec beaucoup de présence. Je les ai trouvés excellents, et le leur ai crié du fond de la pièce. C'était moi qui ouvrais le concert, avec deux chansons de Pâques, une vendéenne, une russe, et une chanson de noces cosaque très ancienne. Je ne voyais pas les réactions du public, parce que j'avais la lumière en pleine poire. Mais après coup, j'ai rencontré, sur la terrasse, l'équipe du café, Laurent, Bruno et Gilles, qui m'avaient charriée auparavant en long, en large et en travers, et qui m'ont dit: "Eh bien écoute, tu sais, ta musique, c'est trippant! On ne sait pas ce qui se passe avec, mais on part complètement dedans!"
Pourtant, je me suis trompée, comme d'habitude, mais je pars complètement moi-même, et c'est justement la caractéristique du folklore que cet état de transe, Sérioja me disait la même chose à propos de la balalaïka, dont il jouait des heures avec ivresse. C'est quelque chose dont j'ai besoin, dont à mon avis tout le monde a besoin et qui était à la portée de tout le monde, sans recours aux joints ni même à l'alcool. On ne pouvait pas me faire de meilleur compliment.
Mais le clou du concert, c'était Jason, l'Américain. Il s'est trouvé sur place deux complices, l'un joue de la guitare électrique, l'autre du violon et de l'harmonica. Et sa fille Sima dansait devant eux. Ce country américain si authentique à Pereslavl Zalesski, avec cette fillette angélique au premier plan, c'était un grand moment. Je retrouvais ma jeunesse, et tout ce qui me fascinait alors en Amérique, cette liberté, cette folie, le côté Jack Kerouac-Jim Morrison. Jason m'a dit ensuite que toutes les filles étaient amoureuses de Jim Morrison, mais en réalité, ses chansons et sa voix m'ont subjuguées dès que je les ai entendues, car elles m'étaient ontologiquement proches, et cela, avant d'avoir vu sa gueule de Dionysos déjanté, cousin de Fédia Basmanov! Je suis, pour la première fois depuis longtemps, frustrée d'avoir oublié l'anglais, car Jason ne parle pas bien le russe... Il m'a dit que la musique était la meilleure des drogues, et je lui ai répondu qu'en effet. "Piotr Mamonov, qui a connu les drogues, l'alcool et la musique, disait pour sa part que rien ne faisait planer comme la grâce de Dieu". Je soutiens en tous cas que la finalité de l'Homme est de passer les portes de la perception, mais pas n'importe comment. Et pas n'importe quelles portes.
J'ai l'étrange impression, ici, de récapituler ma vie, et aussi d'y trouver tout ce qui me manquait en France, malgré ma famille et la beauté des paysages et des bâtiments. Qu'ils soient français ou américains ou autres, les gens qui viennent ici depuis l'occident partagent avec moi quelque chose qui m'est essentiel, et c'est précisément cela qui les pousse à venir. Nous ne sommes pas compatibles avec le wokisme.
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