samedi 5 août 2023

Féodaux


Aller et retour à Moscou pour rencontrer Slobodan Despot, de passage avec sa femme Ioulia. A l'aller, j'ai mis deux heures pour faire 20 km: un accident. Au retour, bouchons, et un terrible orage, je n'y voyais plus à trois mètres. 7 heures de route en tout pour aller dans un restaurant serbe avec Slobodan! La fréquence des accidents est hallucinante, mais quand on voit comment on conduit... agressivement, impudemment, imprudemment. Avec une gossièreté et une inconscience totales. Même les routiers, autrefois sympas, deviennent de vrais malotrus stupides. 
Le restaurant était excellent, le Serbe de service ravi de servir un compatriote, et galant avec les vieilles dames. Nous avons évoqué les transformations de gens supposés normaux en rhinocéros barrissants et bondissants, que nous avons pu observer ces derniers temps autour de nous, et les raisons possibles de cet état de fait. Je lui ai parlé de la fac, où tout était en germe. "J'avais tellement horreur d'y aller, lui dis-je, que je traversais tout Paris pour cela, mais avant de monter dans le bus, je prenais un café à la porte de Vincennes pour me donner du courage...
- Et vous loupiez ainsi l'heure des cours, oui, j'ai beaucoup pratiqué cela moi-même!"
J'avais bu deux coups de raki, du raki aux coings et du raki aux abricots, cela me rendait prolixe... Je lui ai même raconté mon pèlerinage en Serbie, avec mon amie Béatrix, en 1972...
Ensuite, nous sommes allés chez Dany et Iouri prendre le thé et retrouver Ioulia qui nous y rejoignit plus tard. Un ami de Iouri nous a tracé un tableau consternant de la Russie, j'avais l'impression de l'entendre décrire la France, le féodalisme mafieux de l'appareil d'état, la destruction de la culture, de l'école, de l'hôpital... A vrai dire, je le comprenais assez mal, d'une part parce que je tombais de sommeil, et d'autre part parce qu'il n'articulait pas bien. "Cependant, s'exclame Iouri en riant et en conclusion, nous n'en sommes pas moins beaucoup plus libres que là bas, et notre société est beaucoup plus vivante! Peut-être l'habitude de la zone, nous avons développé des techniques pour vivre quand même!"
Le père Valentin m'a dit: "L'Occident est très hostile à la Russie, c'est un fait désormais complètement avéré. Il nous déteste, et déteste notre gouvernement. Tout gouvernement que déteste l'occident n'est forcément, pour nous, pas si mauvais qu'on le pense." 
Périodiquement, quand je lis les inquiétudes dont font part certains blogueurs que je respecte, par exemple Karine Bechet Golovko, je suis moi-même perturbée. On la critique dans ces moments-là, mais je trouve sain qu'elle pose et se pose des questions. Cependant, il y a des choses que je peux dire avec certitude. Du côté occidental, j'ai l'impression d'avoir affaire à des mutants, à des extraterrestres, à une nuisance d'une forme inédite, qui prend, dans le droit fil de notre catastrophe anthropologique majeure, une apparence idéologique pour tromper ses victimes, bien que ces prétextes soient de plus en plus suspects, aberrants, hideux et difficiles à avaler, même pour les plus décérébrés. Du côté russe, nous avons quelque chose de russe, et même de médiéval, dont on a déjà vu l'équivalent au temps d'Ivan le Terrible ou de Boris Godounov, on peut tomber dans la basse politique, mais on garde quand même relativement le sens de l'Etat et tout simplement, du bon sens, du sens commun. Ce ne sont pas des anges, mais nous restons dans un registre humain historique et connu. Qui plus est, ces féodaux, issus de l'appareil communiste; se fichent éperdument de ce que nous pensons, disons et faisons, pourvu qu'on ne se mette pas sur leur chemin.
Je lui ai parlé ensuite de la campagne de calomnies que menait certain site orthodoxe français contre l'Eglise ukrainienne, afin de justifier les persécutions auxquelles son créateur et ses lecteurs s'associent de fait. Cela me soulève tellement le coeur que je ne peux même plus commenter. J'ai écrit une fois que l'on atteignait là des abîmes d'ignominie, que l'on s'assimilait ainsi aux groins de cochons qui grouillent autour du Christ au Sanhédrin, sur les tableaux de la Renaissance, et il n'y a rien d'autre à ajouter. Ces gens-là vont à l'église et récitent des prières, c'est absolument vertigineux, quand on y pense... Mais bon, sur les fresques du Jugement dernier, on voit nombre de chrétiens et de gens d'église sombrer dans la géhenne... Le grand inquisiteur de Dostoievski n'est ni bouddhiste ni musulman, il est vrai qu'au moins, il n'est pas orthodoxe, mais aujourd'hui, tout devient possible.
Quand je les entends sussurer, façon faux-cul, que "le métropolite Epiphane déplore le refus de tout dialogue de la part du métropolite Onuphre"... Quel orthodoxe normal ne ferait pas la différence entre un véritable métropolite spirituel, et persécuté, et un personnage infréquentable, ordonné par un excommunié aux moeurs bizarres, propulsé par un patriarche aux ordres de la CIA, et avide de nuire au patriarche russe par rancune personnelle? Quel dialogue pourrait mener le métropolite Onuphre avec cette marionnette suffisante? Peut-être que saint Tikhon aurait dû dialoguer avec le traître à la tête de "l'Eglise rénovée" en 1918?
Au point où l'on en est arrivé, on ne peut que se détourner en secouant sur ces créatures des ténèbres la poussière de ses sandales...
Dans la foulée, je suis allée, mes sandales à la main, écouter Boris Akimov, interviewé par Katia au bar du café français. Boris Akimov est un businessman orthodoxe devenu gentleman farmer dans le village où ses parents avaient leur datcha, près de Pereslavl. Il parle beaucoup, avec des tas de digressions, j'avais un peu de mal à suivre. Il a écrit un livre où il fait des propositions pour une heureuse transformation de la Russie à l'horizon 2062. D'après ce que j'ai compris, sa vision des choses s'apparente à celle de Soljénitsyne dans son livre "Comment reconstruire notre Russie?" et n'est pas sans rappeler non plus certains courants français à la Louis Fouché, à la différence que Boris Akimov ne croit absolument pas à la politique. Il appelle de ses voeux une "monarchie populaire" qui nous débarrasserait du souci de ce genre de choses et nous permettrait à tous d'agir sur le plan local. Il citait en exemple une ville moyenne qui, avant la révolution, s'était dotée elle-même de toutes sortes d'infrastructures, grâce au zemstvo local et à ses marchands entreprenants. Devant le désastre de l'administration de la ville de Pereslavl, il espère qu'il sera possible de créer peu à peu une gestion locale autonome et sensée. Il a fondé l'association des "gens heureux" qui rassemble tous ceux qui font et transmettent quelque chose d'utile, artisans, paysans, commerçants mais aussi écrivains, artistes, musiciens. Il est aussi à l'origine de la participation locale au festival "Tom Sawyer Feast" qui consiste à rassembler des bénévoles pour repeindre de vieilles maisons traditionnelles, afin de rendre à Pereslavl un peu de sa poésie perdue, et d'attirer l'attention des habitants sur le massacre culturel en voie d'achèvement. Et de fait, cela marche, les volontaires sont de plus en plus nombreux et j'ai lu le commentaire d'une jeune fille qui se félicitait que sa génération fût moins indifférente que les précédentes à son patrimoine culturel.
J'adhère plutôt à sa vision, car je ne crois pas que la plupart des gens soient aptes à faire de la politique et à la comprendre, moi la première. Les gentils français qui nous verraient tous dans une sorte de vraie démocratie participative dont tout le monde serait acteur concerné et conscient ne se rendent pas compte de la difficulté de mettre cela en pratique. Si je suis monarchiste, c'est bien parce que depuis longtemps, j'ai réalisé que la démocratie était un mythe qui menait à la ploutocratie, au totalitarisme et à l'avilissement général. La politique m'a toujours emmerdée et dégoûtée, je ne m'en occupe que dans la mesure où elle présente un danger pour moi et pour tout ce qui a de la valeur et du sens à mes yeux. Et je ne procède que par intuition, parce que je n'ai certainement pas le temps ni la structure d'esprit pour explorer des milliers d'informations et les analyser. Déjà, tout ce qui est économique me passe loin au dessus du bonnet. Le système des partis est d'abord un leurre, ensuite un ferment perpétuel de discorde, et dans le contexte où nous sommes, celui qui arrive au pouvoir est forcément une espèce de prostituée qui a raconté n'importe quoi pour séduire les foules et satisfaire clients et commanditaires. Je me souviens d'un jeune Gilet Jaune proclamant: "Macron, c'est finalement moi qui le paie, c'est ma pute". L'ennui, c'est que si c'est bien nous qui le payons, il est la pute de quelqu'un d'autre, qui contrôle les flux d'argent et les détourne. Mais sur le plan local, et dans les domaines où nous avons des savoir-faire, nous pouvons tous agir, avec du bon sens et de la bonne volonté. Pour l'instant, nos "féodaux" laissent faire.

Boris Akimov







                                                                               

4 commentaires:

  1. "L'Occident est très hostile à la Russie"

    Les gouvernements occidentaux oui....qui sont hostiles envers leurs propres peuples, qu'ils travaillent à faire disparaitre.

    A part ça quand j'entends Lavrov et Poutine nous conchier voire nous nazifier, COMME BHL et Mélenchon nous vichysent depuis 40 an, j'en ai plus que marre.
    J'avais beaucoup d'estime pour eux avant, mais Ils m'ont perdus avec leur points Godwin à répétition, avec leur propagande néo IIIème Internationale. Ils m'ont vraiment perdus. Mon regard sur eux a changé et je ne leur pardonnerai pas : alors que les Axelle (Dorier), les Alban (Gervaise), les Bernard, les Philippe, les Enzo se font massacrer par l'Afrance chaque jour qui passe, ils flattent via M. Tebboune les blédards recuits de haine pour les koufars qui ont équipé et créé leur pays, ils légitiment l'envie et le ressentiment infantile et homicide de tous les crevards Sub-sahariens infoutus de sortir de leur tribalisme de merde. Non la France n'a pas exploité les pauvres petits Africains, contrairement à ce qu'ont martelé les néo bolchéviques depuis des décennies. Bien sûr Il y eut des abus et des crimes (quel pays en est exempt ?!?) mais la France aura payé TRÈS cher (2,1% de son PIB en moyenne chaque année pendant pas loin d'un siècle, solde NET bien sûr, cf les historiens Jacques Marseille et Daniel Lefeubvre) pour sortir l'Afrique de son merveilleux Néolithique. Et on a été des salauds pour ça ? Et la Russie va faire mieux en Afrique ? Non mais quelle blague !!
    Autre chose : non, nous n'avons pas utilisé les Africains comme de la chair à canon pendant les deux guerres mondiales, cet autre MYTHE si populaire et indéboulonnable dans les facs et les rédactions. Les troupes de Métropole avaient même un taux de mortalité supérieur à celui des troupes coloniales (cf l'historien Marc Michel).
    Ah, dernier détail : l'Occident, par la colonisation même, a détruit en Afrique l'esclavage et les Royaumes qui prospéraient sur ce crime, qui alimentait par ailleurs la traite arabo-musulmane depuis 12 siècles. Affreux Occident.
    Ca suffit la haine de soi. On ne me fera plus jamais avoir honte de "l'Occident".

    J'aime la Russie, j'aime les Russes, mais leurs dirigeants politiques me dégoûtent désormais presque autant que Macron, Mélenchon et les Antifas.

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    1. Oui, je n'en suis pas à ce point, mais il y a des dérives fâcheuses, d'autant plus qu'en fin de compte, les gouvernements occidentaux sont plus bolcheviques que nazis, l'Ukraine est les deux à la fois, on assiste au mélange du trotskysme et du nazisme, ce qui prouve à mes yeux que tout cela, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, des épiphénomènes du même mal, j'en suis persuadée depuis longtemps, mais sous sa forme aiguë, en ce moment, c'est en occident qu'il sévit. Cependant, pour être juste, Poutine semble conscient que les peuples occidentaux sont victimes de leurs gouvernements, il l'a dit plusieurs fois. Mais disons que c'est la guerre, ce qui implique ce genre de déclarations, hélas, de part et d'autre. Je pense que retourner l'Afrique est une façon de mettre l'occident en difficulté, et ça a bien marché. Un journaliste originaire du Donbass, Igor Druz, redoute qu'on en profite pour nous faire en Russie le scénario qui a perdu l'Europe, et moi aussi, cela m'arrive. Pour ce qui est de tous ces mythes, je suis entièrement de votre avis, mais les Russes sont loin de tous les partager. Et dans la vie courante, ils ne manifestent aucune animosité envers les occidentaux installés ici.

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  2. Très agréable de te lire, Laurence. Tu évites le manicheisme et tu restes modeste. Je partage tes points de vue généraux !

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