Dimanche, j'ai vu mes amis Volodia et Mariana, les journalistes de Dobrilovo. Mariana a beaucoup aimé Yarilo et Parthène, qu'elle a lus d'un seul trait, mais s'étonne de mon engouement pour le tsar, qu'elle ne partage pas du tout, même tel qu'il apparaît dans mes romans. Je lui ai répondu que je ne me l'expliquais pas non plus, que tout s'était passé pour moi au niveau du subconscient, ou peut-être de l'âme collective, et il en est bien ainsi. Leur village est très beau, mais je crains qu'il ne le reste pas. J'ai fait un dessin, avant d'arriver chez eux.
Mon amie moniale, qui est très malade, m’a fait ses adieux chez elle. Quand j’ai
appris qu’elle en était à ce point-là, cela m’a plutôt déprimée, et angoissée. En
plus, nous nous entendions bien, et je la perds sans avoir eu le temps de
développer des relations plus suivies avec elle. Mais elle finit sa vie de telle
façon, que je le ressens comme quelque chose de providentiel, comme si
Dieu lui donnait l’occasion de me conforter avant de s’en aller. D’ailleurs, à
ce propos, un moine de la Laure lui a apporté un bouquet de roses blanches. «Elles
ne dureront pas jusqu’à mes funérailles, a-t-elle observé.
- Mère, je vous
les ai apportées pour vous féliciter de partir de cette manière magnifique ».
Elle m’a dit :
« Nous n’avons pas eu le temps de nous voir beaucoup, et pourtant nous sommes
vite devenues très proches...
- Oui, mère, prie
pour moi quand tu seras là bas, j’en ai bien besoin.
- Je suis très
heureuse de mourir comme cela, lucide, et de mourir en Russie. J’ai tout
préparé, ma tombe, mon cercueil, mon habit, l’office funèbre à la Laure. Je
profite de mes derniers moments avec mes enfants, tout se passe dans le calme,
et j’en remercie Dieu ».
Je lui ai
expliqué que ma tante venait de mourir dans une grande solitude. « Qu’en
sais-tu ? M’a-t-elle répondu. Elle est morte avec le Christ. Quand quelqu'un meurt seul, c'est le Christ qui vient l'accompagner.
- Elle n’allait
plus à l’église depuis des lustres...
- Et alors ?
Tu crois que le Christ coche des cases chaque fois que nous y mettons les pieds ?
Il est important pour toi de savoir que nous ne mourons pas seuls, nous mourons
avec Lui, cramponne-toi au Christ, ne le lâche pas. Il est avec moi, à chaque moment, et j’attends de me jeter, comme le
fils prodigue,dans les bras de mon Père du Ciel. »
Ensuite, elle m’a
envoyée à la cuisine, avec ses enfants. Et j’ai discuté avec eux, de leur mère. Je leur ai confié que j’étais loin de son accomplissement, et
que, malade moi-même, ou confrontée à la maladie et à la mort de mes proches, j’avais
l’impression d’être fourrée de force dans un sac sans issue. Et que le
témoignage de leur mère m’apportait une immense consolation et me soulevait au
dessus de ce genre de pensées. «Il ne faut pas perdre de vue, m’a dit son fils, moine à la Laure, que nous ne sommes pas tous pareils, et que nous ne sommes pas tous
appelés à réaliser les mêmes choses, qu’il y a de nobles récipients, et d’autres
plus utilitaires, mais que tous ont leur fonction. Il ne faut pas regarder la
croix des autres, mais porter la sienne, et si elle est moins lourde, c’est que
nous n’avons pas les forces pour faire mieux. Faisons ce que nous avons à faire
et ce que nous pouvons faire, nous en faisons peut-être plus que nous ne le
pensons.
- Oui, bien sûr,
mais il y a des paliers difficiles à franchir !
- Nous en sommes
tous là. »
Je me suis alors rendu compte que Dieu lui-même avait soufflé à mon amie de me contacter, pour me faire connaître cette pieuse et délicieuse femme et ses enfants, pour notre bien à tous, pour notre réconfort. Un réconfort dont je fais profiter aussi les autres, à notre époque qu'elle a qualifié de "catastrophique". Cette entrevue intense et belle m'a beaucoup aidée, elle m'a soulevée un instant de la terre, à laquelle je reste cramponnée.
Sublime. Sainte moniale.
RépondreSupprimerJe considère comme une grâce de l'avoir rencontrée.
SupprimerMerci Madame Guillon. Vôtre texte est plein de beauté, poésie, vérité, force et sincérité. Je vous lis depuis longtemps. Que Dieu vous garde.
RépondreSupprimerMerci, vous aussi.
Supprimerhttps://www.youtube.com/@MeelJC
RépondreSupprimerC'est magnifique, quelle grâce celeste cette moniale sur votre chemin...j'aimerais beaucoup avoir un de vos dessins (même petit ), une de vos campagnes , avec une belle Eglise aux bulbes dorés dans les feuillages d'automne ...
RépondreSupprimerOui, c'est une grâce. Mes dessins sont presque tous petits. Celui-ci est un format A4. Et j'ai bientôt une amie française qui peut en poster un en France. J'ai peu de coupoles, mais ça peut se faire d'ici là. J'aime bien les coupoles, mais je dessine beaucoup dans la nature ou chez moi, parce que cela me paralyse quand on vient me parler, et dans les endroits où il y a des coupoles, il y a des gens. Et en plus, maintenant, beaucoup m'ont vue à la télé!
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