lundi 28 avril 2025

Froid

 


Retour de froid polaire, il gèle la nuit et le jour, il souffle un vent glacial. J'avais le projet d'aller à Moscou, mais je me suis arrêtée à Serguiev Possad, où j'avais rendez-vous à la clinique des yeux pour commander un cristallin. J'ai passé la nuit chez la matouchka Alexandra, c'est-à-dire maintenant, chez sa fille Hélène. Cela m'a fait un drôle d'effet de ne pas la voir dans cette maison où elle tenait tant de place. Je devais continuer ma route le lendemain, mais j'ai compris que je n'étais pas assez habillée et que je risquais d'attraper la mort, j'ai tout remis au week-end prochain et j'ai fait demi-tour. Le lendemain, je suis allée à l’église du père Ioann. La liturgie commence très tard, il faut sortir de la ville, prendre la grand route encombrée. Le père Ioann ne demande qu’à parler. Je lui ai dit que tout me blessait, des nouvelles affreuses me sautent  aux yeux et me poursuivent ensuite toute la journée. il m’a recommandé de bénir tout ce que je pouvais, la journée qui commence, ce que je vois de bien, les gens que je croise, y compris ceux qui m’énervent. Pendant le reste des confessions, je suis sortie regarder l'espace, avec dans mon dos le fracas de la route, et devant, un énorme nuage qui déversait de la lumière dans le vide, où était le silence. 

Au retour, j'ai été prise dans une tourmente de grésil qui effaçait tout sur son passage. Je suis allée au café, avec ma petite Rita qui tousse, car pour elle, c'est la fête, plus encore que pour moi. J’ai vu Gilles, Lika et Maxime, c’est le petit club français. Puis j’ai jardiné, mais j’ai de plus en plus de mal à faire face, j’ai mal partout et beaucoup moins de forces. Ceux qui posent d’affreuses barrières métalliques d’usine autour de leur maison font généralement des portails qui ferment mal et claquent sinistrement quand le vent souffle, ce qui est très éprouvant pour les nerfs. Du mutant moderne ne proviennent que de la laideur et du bruit. Pourtant, des passants se sont extasiés sur mes fenêtres en losange, qui améliorent beaucoup ma façade et donnent plus de lumière à la mansarde. Je les aurais souhaitées un peu plus petites, mais on n'a pas trouvé.





Katia est passée me voir, nous sommes allées au « Hérisson repu ». Son Fédia n’a pas le moral et elle non plus.  « Nous tenons par nos seules prières, c’est nos prières qui le gardent en vie », me dit-elle. Mais au fond, elle avoue être optimiste, en ce qui concerne Fédia et en ce qui concerne la guerre, car « si nous la perdons, ce sera si affreux que je ne peux même pas l’imaginer ». Et en effet, moi non plus. « Notre guerre est sainte, me dit-elle, car ce qu’ils visent et détestent, c’est notre Eglise, c’est notre foi, c’est ce que nous sommes. Mais au communisme a succédé le consumérisme : tout ce que vous voulez, si vous me payez. L’argent justifie tout. C’est comme s’il y avait ici deux populations différentes. Un petit troupeau russe, et tout le reste.

- Oui, la différence c’est la foi. Sans la foi, beaucoup s'avilissent et se dégradent, sans la foi, je serais devenue folle.

- C’est aussi ce que disait saint Païssios. »

Nous avons bien consciencequ'il s'agit d'un combat métaphysique entre le bien et le mal, et nous croyons à la victoire de la Russie, qui ne sera pas celle de ses généraux, ni de ses fonctionnaires, mais celle de ses soldats harassés, et de tous ceux qui les soutiennent et qui prient, et celle de Dieu qui ne peut pas laisser de sinistres mafias détruire complètement l’humanité. Et je revoyais, en discutant avec elle, le regard épuisé et douloureux de Dmitri le cosaque, levant son poing serré : « Nous vaincrons, parce que Dieu est avec nous ».

En sortant du restau, nous sommes tombées dans les bras l’une de l'autre.                                                 Elle ne voit pas de fin à cette guerre avec l’Ukraine, qui, si elle ne capitule pas complètement, ne nous laissera jamais en paix. Mais j’ai depuis un moment l’intuition que Trump et ceux qui le soutiennent voudraient se débarrasser du problème pour se concentrer sur le moyen-orient. J’ai vu une vidéo qui va tout-à-fait dans ce sens. Je suis convaincue que si Macron et Zelenski font les caques avec tant d’arrogance, c’est qu’ils ont de gros parrains qui les y poussent, en espérant se débarrasser de Trump, et Slobodan a raison de considérer l’Europe comme la position de repli de l’état profond. Il y a certainement des divergences dans la mafia, ceux qui se cramponnent à l’Ukraine et ne veulent pas renoncer à démembrer la Russie, et ceux qui, plus pragmatiques, se rabattent sur le grand Israël et les ressources du moyen-orient, le gaz et le pétrole.

Il y a quelques jours, Kostia m'a emmenée voir les terrains sur lesquels il voudrait construire un lotissement pour les étrangers, enfin pas seulement pour eux, d'ailleurs. La route est très bonne, et il y aura le gaz, car une huile locale a son domaine dans le coin. Le paysage est magnifique, cela me serre même le coeur de penser qu'on y bâtira des maisons, et lesquelles? Kostia a cependant la bonne idée de garder un parc au milieu de son lotissement, où les gens pourront se promener et qui aboutira à la rivière et à une plage. C'est quand même à 26 km de Pereslavl; mais, dit-il, il y a une gare à 7 km. Il paraît qu'on pourrait y pratiquer l'agriculture. 

Près de cet endroit, se dresse une église que j'ai visitée il y a longtemps, et j'en connais le prêtre, le père Andreï, en revanche, je ne connaissais pas sa femme qui m'a paru une véritable fontaine d'amour et de modestie. C'était un vrai bonheur que de se trouver dans le périmètre de sa radieuse personne. Kostia nous a fait une photo.



mardi 22 avril 2025

Christ est ressuscité!

  




J’ai décidé d’aller fêter la nuit de Pâques à l’église du Signe.Je me suis souvenue que pour la Théophanie, il n’y avait pas trop de monde, le bâtiment est petit et un peu à l’écart. Bien m’en a pris, en effet, il n’avait pas foule, mon amie a pu se confesser, ce qu’elle n’avait pas eu le temps de faire, la procession autour de l’église a duré dix minutes, et je n’ai pas eu besoin de courir, ma veilleuse à la main, pour rattraper les prêtres. Je chantais «Le Christ est ressuscité des morts », sans m’arrêter, cela coulait de moi comme un flot. Je regardais, dans la nuit, les paroissiens et leurs lanternes de verre, les vêtements écarlates et blancs, avec un sentiment de paisible allégresse. Katia, en rouge et bleu marine, était ravissante.

L’église est contemporaine, mais très réussie, avec de très belles icônes, et il y règne une sorte de simplicité chaleureuse, de modestie. Je m’y sens bien.

J’ai discuté avec la femme de Dmitri le cosaque. Il prépare une thèse de théologie, et travaille à l’hôpital sur son téléphone... Il est bien courageux, et très secoué par son aventure.

Dans la journée, il y a eu une procession, à partir de l’église de la Transfiguration, sur les remparts, ou plutôt sur la butte qui les soutenait autrefois. Tout le clergé était là, dans des chasubles de Pâques rougeoyantes et resplendissantes, entouré par les cosaques en costumes, avec des bannières religieuses et le drapeau russe. Il faisait un temps estival, une légère brise. Nous avons tous escaladé le val, avec la rivière, le lac, l’arboretum, c’est la seule promenade encore pittoresque. Mais ce n’était pas une promenade, comme d’habitude, les prêtres couraient comme des lapins, et les vieilles avaient bien du mal à les suivre. J’ai assez vite lâché l’affaire, et un groupe de joyeuses grands-mères dans le même cas m’ont proposé d’aller boire le thé chez Marina Leskova, peintre illustrateur et créatrice de chats-centaures, qui tient table ouverte et salon dans son atelier, qu’elle a joliment décoré. Elle avait fait chauffer le samovar dans la cour, et nous voyions passer les gens sur le rempart qui nous criaient : « Christ est ressuscité !

- En vérité, Il est ressuscité ! »






Comme le froid a brusquement cédé la place à une chaleur quasi estivale, je n’ai pas le temps de faire tout ce que je projetais dans le jardin, et je travaille comme une brute. Pendant ce temps, deux artisans m’aménagent les combles. Le but est de me donner une pièce claire, atelier et bureau, de libérer celle que j’occupe pour faire une seconde entrée, et d’aménager un véritable appartement à louer dans l’autre partie de la maison, pour les touristes. Si je ne déménage pas, il faut rentabiliser ma maison trop grande et trop coûteuse.



Des fenêtres de ces combles, malheureusement, on ne peut pas dire que je découvre une vue sensationnelle, autour de moi le marécage est rongé par ce qui ressemble à des friches industrielles et des entrepôts. Mais c’est plus clair, ça c’est sûr. Rencontrant Katia dans notre restau favori, je lui dis : « Vous savez, Pereslavl, c’est un endroit étonnant, symbolique. On a défiguré cette ravissante petite ville historique dans une proportion inimaginable, mais elle garde une communauté religieuse d’un haut niveau spirituel, les églises et les monastères surnagent au sein de ce chaos affreux,  de cet univers de science-fiction post-industrielle, avec ces bâtisses contrefaites et ces rues défoncées, au bord de ce lac magnifique, et s’y retrouvent ou s’y réfugient, outre les moscovites et les Ukrainiens, des gens de tous les pays d’Europe. C’est étrange, c’est mystérieux. Eschatologique. »









J'ai trouvé sur Facebook cet article intéressant que j'ai traduit:


Cette nuit, à l'office du monastère de la Sainte Rencontre, il y avait beaucoup plus de jeunesse que d'habitude. Je n'en avais jamais vu autant. 
De plus, ce fut précisément la jeunesse qui resta debout jusqu'à la fin de l'office, jusqu'à trois heures du matin, et ensuite, des groupes de jeunes restèrent assis sur les marches de l'église des Nouveaux Martyrs, discutant gaiment sous les carillons. 
Du reste, ce ne fut pas seulement dans cette église que cela se produisit. Au mayin, j'en discutai avec des amis: c'est étonnant, mais dans toutes les églises de différentes villes, il y avait de la jeunesse. Beaucoup de jeunesse. 
Et là, oui, je suis d'accord avec mon collègue. Sur le fond de la situation migratoire, sur le fond du conflit civilisationnel entre le bled du XIX siècle et la ville du XXI, de la promotion agressive d'une culture étrangère, les églises deviennent les points de rassemblement de l'ethnos russe. D'un rassemblement sémantique, culturel, civilisationnel.
Mais c'est seulement une partie des causes qui attirent plus de gens à l'église, et pas seulement des jeunes. La deuxième cause n'est pas tant la guerre elle-même que l'atmosphère suscitée ç un certain moment par une situation de guerre. Je pense que le point de bascule fut l'automne 2022. Le retrait de Kharkov, la vidéo des institutrices russes fusillées à Izioum, l'abandon de Kherson. Autour, c'étaient les ténèbres. Nous avons compris qu'il était impossible de se rendre. Qu'il fallait de toutes façons se battre, aller de l'avant. Pas seulement sur le front. Le pays doit aller de l'avant. Mais le pays, est-ce quelque chose d'abstrait? C'est de nous, qu'il s'agit. Pour avancer dans ces jours sombres, la foi est particulièrement nécessaire. Sans la foi, nous n'aurions pas surmonté tout ce qui s'est passé depuis. 
En fin de compte, c'est précisément la foi, les traditions orthodoxes russes qui sont à la base de la résistance du soldat russe de la personne russe. Même si cette personne est athée.
Les prêtres au front, les bannières avec le Sauveur, les images de soldats russes relevant des croix profanées. Qui sait si tout cela serait arrivé sans la dure guerre? Aurions-nous été capables de surmonter ces épreuves, si l'Orthodoxie n'avait pas été tissée dans le code génétique national, comme le point qui nous rassemble tous?
Telles sont mes réflexions du premier jour de Pâques. Bonnes vacances à tous. Le Christ est ressuscité!  le journaliste Andreï Medvedev 
publication de la chaîne SPAS


«Этой ночью на службе в Сретенском монастыре было необычно много молодёжи. Никогда столько не видел.

Причём, именно молодёжь упорно стояла до конца службы, до трех утра, а потом группы молодых людей сидели на ступеньках Храма Новомученников и о чем-то весело болтали под звон колоколов.

Впрочем, не только в этом храме так вышло. Утром общались с друзьями: удивительно, но всех храмах, в разных городах была молодёжь. Много молодёжи.

И тут, да, соглашусь с коллегой. На фоне миграционной ситуации, на фоне явного цивилизационного конфликта кишлака 19 века с городом века 21, на фоне агрессивного продвижения инокультурной повести, храмы становятся точками сборки русского этноса. Смысловой сборки, культурной, цивилизационной.

Но это часть ситуации, лишь одна из причин, почему в храмах вообще стало больше людей, не только молодых. Вторая причина даже не столько сама война, сколько возникшая в какой-то момент атмосфера в военной ситуации. Я думаю, что поворотной точкой стала осень 2022-го.
Харьковское отступление, видео расстрелянных русских учительниц в Изюме, отход из Херсона. Кругом была тьма. Мы понимали, что сдаться невозможно. Что надо все равно сражаться, идти вперёд. Не только на фронте. А страна должна идти вперед. Но страна это разве что-то абстрактное? Это же мы. Чтобы идти, в те тёмные дни особенно нужна была вера. Без Веры мы не преодолели бы всё что было с тех пор.

В конечном счёте, именно Вера, русские православные традции лежат в основе стойкости русского солдата, русского человека. Даже если человек этот атеист.

Священники на фронте, стяги со Спасом, кадры, как русские солдаты поднимают поруганные кресты. Кто знает, было бы это все, если бы не тяжкая война? Но смогли бы мы преодолеть испытания, если бы в национальном генокоде не была бы зашито Православие, как точка сборки народа?

Такие вот размышления в первый день Пасхи. С праздником всех. Христос Воскресе!»

ЖУРНАЛИСТ АНДРЕЙ МЕДВЕДЕВ





samedi 19 avril 2025

Veille de Pâques

 Katia m’a envoyé une photo de son Fédia, avec le gros chat noir qu’il a adopté sur le front, on dirait un main coon, c’est le félin géant. Le pauvre garçon semble épuisé et je souhaite de tout coeur qu’on lui donne des vacances, c’est-à-dire un répit. Katia aussi a changé, d’ailleurs. Elle a grandi, dans un sens, 

Dmitri le cosaque a envoyé une vidéo pour remercier tous ceux qui ont prié pour lui et lui ont adressé des voeux de guérison. Elle m’a bouleversée. Il semble profondément marqué. Ce n’est plus le même homme. Je ne le connaissais pas très bien, mais je l’ai vu quelquefois, lorsque je portais des affaires pour les soldats ou les réfugiés. Il allait régulièrement là bas, mais y aller, ce n’est pas combattre, et j’ai senti une telle souffrance sur son visage, pendant qu’il nous parlait, quelque chose d’indicible, comme s'il nous regardait depuis l'autre monde, où il a failli passer et dont il n'est pas tout à fait revenu.

En dépit de tout, du climat et des maisons moches, je suis heureuse et soulagée d’être ici, parce que je suis solidaire de Fédia et Dmitri et de tous les braves gens que je vois à l’église, ceux que j’ai vus l'autre jour à Nagorié, et quand je lis ou j’entends les fourberies et les stupidités de la caste européenne, la veulerie et l’apathie des peuples qu’elle a anesthésiés et vidés de leur substance, j’ai envie de vomir. J’ai vu une espèce de corneille obèse nommée Elena Volochine déblatérer des mensonges plus gros qu’elle, ce qui n’est pas peu dire, à des journalistes hypocrites et complaisants, et puis il y a ce faux drapeau de Soumy, qui vient de sortir, pour essayer de contraindre Poutine et Trump à la guerre totale, ils y tiennent, à mettre l’Europe entière à feu et à sang. Il devient pour moi évident que Slobodan a raison, l'Etat profond s'est replié à Bruxelles...

Celui-ci m'a parlé d'un ami émigré en Russie qui a du mal à trouver une location, parce qu'il a trop d'enfants, ce qui va à l'encontre de la politique nataliste du gouvernement. C'est exact, mais la Russie est un pays de paradoxes. Poutine dit ceci, ou cela, ses députés, ministres ou simples administrés font l'inverse. C'est pourquoi d'ailleurs toutes les considérations imbéciles sur la tyrannie qui règne soi-disant ici me font bien rigoler.

Voici que s'annonce la Pâques, que je passe avec une amie française et sa fille. Quel contraste entre ce qui se déroule dans nos églises, ce qui se déroule au front, et ce que voit Dany dans les rues de la capitale, la jeunesse branchée, tatouée et avachie, ou ici, les motocyclistes pétaradants, ou les bagnoles qui nous dégueulent dessus à pleins décibels de la musique de merde. Cependant, je pense toujours à ce que m'avait dit la matouchka Alexandra, lorsque je comparais les beaux visages purs des soldats avec les tristes ados à motos-radios: "Mais voyons, ce sont les mêmes, avant, après..." Je retiendrai cela, pour rester dans l'humeur pascale. 

Et pour illustrer cette chronique, je mettrai un dessin de moi, quand j'avais cinq ans. Mon grand-père l'avait pieusement gardé: la cueillette des oeufs en chocolat dans ses plates-bandes, par les deux cousines, Laurence et Françoise, je reconnais les tulipes, la fenêtre, et la silhouette de ma mère, sur le pas de la porte, avec les plus belles jambes de la côte d'Azur.



dimanche 13 avril 2025

Rameaux

 


J’ai vu un merle, qui dans une trouée, essayait de picorer les orties naissantes, sans doute mon merle de l’année dernière qui est revenu... J’adore les merles, et je me suis précipitée pour lui donner des framboises que j’avais surgelées cet été, des morceaux de carotte, mais je n’ai pas l’impression qu’il en ait mangé, bien qu’on eût dit partout qu’il faut leur donner précisément ce genre de choses. Il me semble aussi que les bouvreuils ne sont pas venus aujourd’hui.

J’avais si peur que Moustachon ne mangeât mon pauvre merle épuisé que je lisais mes prières de communion en plein vent glacial, sur la terrasse, pour surveiller les morceaux de carottes. En veillissant, je deviens complètement solidaire de tout ce qui vit, sauf des créatures dont la seule fonction est justement de nuire à toutes les autres par leur bêtise, leur cupidité et leur brutalité. Je suis personnellement concernée par les chats et chiens perdus, les oiseaux affamés par ce temps de merde, la souris qui a échappé à Moustachon et vit depuis sous mon évier en se servant dans la poubelle, les élans, les loups, les ours, les renards, les arbres, je me vois passer l'éternité dans un paradis fleuri et peuplé de toutes les créatures que j’ai aimées, sauvées et même mangées, car il faut bien vivre, ou données à manger à mes chats et mes chiens. Je demande à Dieu non seulement de pardonner mais de réparer le mal que j’ai fait consciemment ou non ; généralement pas consciemment, je dois dire, à part quand j’étais dans une colère noire, je n’ai jamais délibérément essayé de faire du mal en parole ou en action. Cela ne m’intéresse pas du tout. Mais la négligence, la lâcheté, l’inconscience...

Mirali, l’artisan de Gilles, est arrivé pour réceptionner la livraison d’isolant. Il me fait les combles, et cela ne me coûtera pas très cher, en fin de compte. Il me dit que lorsque ce sera fait, je ne descendrai plus de là haut tellement ce sera agréable. J’espère avoir plus de vue et de lumière, quoique la vue ne soit pas mal de mon petit bureau, mais si je veux aménager le studio de façon à le louer vraiment de façon rentable, il me faut lui adjoindre mon entrée actuelle et y transporter la petite cuisine, pour libérer la grande pièce dans le prolongement, et faire une entrée particulière séparée pour les locataires, loin des caisses à chats. Et du coup, je dois faire une entrée pour moi, dans ce qui est actuellement mon atelier. J’aurais pu caser l’atelier dans ce qui me sert de salle à manger mais c’est sombre, et je manque dramatiquement de lumière. J’ai envie d’être en plein ciel. J’aurai un escalier à grimper, ma tante Mano dit que cela fait faire de l’exercice.

Pour le dimanche des Rameaux, je suis allée à l’église du Signe, où chante Katia. Nous devions aller ensuite au village de Nagorié, à une quarantaine de kilomètres de Pereslavl, car ma voiture ne peut faire le trajet en ce moment, elle a déjà ses pneus d’été. J’ai vu Tania de l’aide humanitaire, dont le mari Dmitri, ataman cosaque, est parti au front, considérant qu’ayant élevé ses cinq enfants dans l’amour de la patrie et le sens du sacrifice, il devait montrer l’exemple. Il a rencontré un tank ukrainien, et il est assez gravement blessé, son téléphone a d’ailleurs spontanément enregistré l’affaire, et ses « Seigneur aie pitié » au milieu des fracas de ferraille, ce qui m’a beaucoup impressionnée. Mais ses jours ne sont plus en danger, il a gardé ses bras et ses jambes, en revanche, il est devenu sourd d’une oreille, mais cela va peut-être s’arranger... « Eh bien, ai-je dit à Katia, maintenant que ses cinq enfants ont vu quel bon patriote il était, j’espère qu’on le renverra chez lui et qu’il ne repartira plus ! »

La route pour Nagorié est vraiment très jolie, les villages pas encore trop saccagés. Certaines isbas sont même bien réparées et pimpantes, et celles qu’on a transformées en jeu de Lego, semblent à côté  frappées par le rayon de la mort, des espèces d’OVNIs. Les amateurs de plastification trouvent que cela « fait propre ». Oui, en effet, la vie , c’est sale. Il faut plastifier les maisons, tondre les jardins, arracher toutes les « mauvaises herbes », attacher tous les chiens ou les euthanasier, massacrer tous les animaux sauvages, et après on pourra faire des chachliks sur le béton en lâchant les enfants dans un environnement stérile et tiré au cordeau, au son du tohu-bohu que difuse la radio, pour ne surtout pas entendre chanter un oiseau.

Arrivées à Nagorié, nous avons trouvé la jeune matouchka Xénia très inquiète, et pourtant, nous étions en avance de dix minutes, ce doit être une anxieuse. Son prêtre de mari est moldave.

J’ai chanté un répertoire de carême à une sympathique et chaleureuse assistance locale, répondu aux questions, vendu quelques livres. A l’issue de tout cela, une dame me demande de chanter « quelque chose de gai ». Le problème, c’est que le répertoire gai n’est pas toujours très convenable ! D’ailleurs je me demandais comment Iarilo et Parthène seraient pris par ceux qui l’ont acheté, bien que je connaisse des orthodoxes et mêmes des prêtres, qui ont aimé et compris ces romans.

Au retour, j’ai demandé à Katia des nouvelles du Chat. Il aura peut-être un congé en mai. « Bonne occasion pour vous épouser, dis-je.

- Il n’a pas le moral, il a peur de me laisser veuve, ou de revenir mutilé.

- Se marier, c’est un acte de foi en la vie ! »

Je prie pour qu’il revienne sain et sauf sur ses deux jambes, avec ses deux bras. J’ai l’impression de revivre la guerre de quatorze. Katia, tous les jours, lit avec lui l’Evangile sur Telegram pour l’accompagner dans cette épreuve, ce que je trouve très beau.

Le soleil, malgré la neige, était vif et printanier, et faisait étinceler les bourgeons diffus sur les branchages verts, jaunes et rouges. Tout à coup, sur le bas-côté de la jolie route, je vois une créature énorme que j’ai tout d’abord prise pour un cheval et qui a traversé devant nous : un élan ! Depuis huit ans que je suis ici, c’est la première fois que cela m’arrive. De tout le temps que j’ai passé en Russie, je n’avais encore jamais vu d’élan en chair et en os ! J’étais émerveillée. Il me reste à contempler une aurore boréale.

Revenue chez moi, je me suis assise sur la terrasse. Le soleil chauffait tellement que mon pantalon noir me brûlait. J’entendais ruisseler l’eau du toit, sonner des cloches lointaines, et pépier les mésanges. Dans cinq jours il fera vingt degrés...

Aux vigiles des Rameaux, la vieille Antonina m'a félicitée pour l'article que j'ai fait en soutien aux habitants du quartier des Pêcheurs, sur la berge de la rivière. "Pereslavl, c'était un village, et on nous le transforme Dieu sait en quoi". Cet article touche beaucoup de monde, et même il voyage. C'est une bonne surprise.

 


 



jeudi 10 avril 2025

Mépris



J’ai reçu un mot de Svetlana, qui gère une maison d’hôte sur la berge de la rivière Troubej. C’est une jolie isba qu’elle loue aux touristes, et sa propre maison, en harmonie de couleur et de style, elle l’a construite en arrière, au fond du terrain, ce que tout le monde pourrait faire, afin de gagner de l’argent tout en conservant le caractère du pays. Elle me dit qu’il faut se battre pour sauver la berge, qu’on veut « aménager ». Ici, quand j’entends le mot « aménager », je sais qu’il s’agit du coup de grâce donné par l’adminstration à ce qu’il reste encore de pittoresque, de vivant et de naturel dans un endroit donné. Et en effet, il s’agit d’asphalter et de bétonner tout, en ravageant les palissades fleuries, les petits potagers, les buissons, et en mettant des barrières métalliques côté rivière pour "servir de garde-fous aux voitures". Que faut-il en conclure, qu’ils vont faire là une voie sur berge, où des crétins hagards passeront à grande vitesse au bruit fracassant de leur radio en écrasant tout sur leur passage ? Finie la vie normale, les chiens et les chats qui font des siestes paresseuses parmi les hortensias et les flox, les grands-mères qui jardinent, les gosses qui jouent, les mouettes, les pêcheurs. On ménagera, il est vrai, un trottoir pour les touristes, le touriste c’est sacro-saint, mais je me demande toujours ce qu’on entend sous ce vocable. Est-ce le promeneur amateur de pittoresque et de couleur locale ? Celui-ci n’a déjà, sans qu’on saccage ce dernier endroit à peu près resté vivant, plus rien à faire à Pereslavl, où tout a été massacré, à part les églises, et encore. La fameuse berge, bordée autrefois de maisons poétiques, décorées de sculptures et de motifs en bois, qui présentaient une unité de style, a perdu tout son charme et tout son caractère, les maisons encore authentiques se comptent sur les doigts d’une seule main, tout le reste, ce sont d’horribles constructions prétentieuses de nouveaux riches, ou des isbas défigurées par des tumeurs cancéreuses, des étages supplémentaires bricolés n’importe comment, des sidings de plastique, de la fausse pierre, du faux bois, des toits énormes, plus aucune proportion, plus aucune harmonie entre les différents bâtiments. Et qu'on ne me dise pas que chacun ses goûts. L'harmonie a des lois et quand on ne les respecte pas, c'est forcément moche, irait-on dire qu'un visage sans nez est beau? Ou un corps avec une jambe plus courte que l'autre, ou dépourvu de bras? Or c'est à cela que ressemblent la plupart des maisons que l'on voit ici. Le paysan d'autrefois ne connaissait pas le nombre d'or, et pourtant, son isba s'inscrivait pile-poil dedans, parce qu'il était harmonieux à l'intérieur de lui-même, alors que son descendant produit du moche, parce qu'il l'a biberonné avec le lait de sa mère. 

Ce qui sauve encore les lieux, ce sont les petits jardins, les arbres, la verdure, une fois qu’on aura fait la voie sur berge avec un trottoir et des réverbères, des thuyas, parce que les saules, c’est trop simple et trop russe, nous aurons une parfaite réplique d’un centre commercial des banlieues européennes en pire. Quel touriste normal peut se déplacer pour voir ça, et j’ai encore dans l’oreille la réflexion de ma soeur découvrant Pereslavl : "je croyais voir une vieille ville russe et c’est une bourgade provinciale américaine". Mais les bourgades provinciales américaines ont un style, leur style américain, Pereslavl n’en a aucun et évoquerait plutôt, par son caractère chaotique, hasardeux et mal bâti, les favellas brésiliennes. Ces touristes éclairés iront plutôt à Iouriev-Polski ou Rostov, encore que Rostov subisse lui aussi la même sournoise et affreuse transformation, sous l’effet de la haine incompréhensible que nourrit une partie des Russes pour tout ce qui est vraiment russe. En tant que Française amoureuse de la Russie, j’ai du mal à comprendre, ou plutôt je comprends, et je ne développerai pas pour l’instant, mais il est évident à mes yeux que, tandis que les soldats russes se battent pour le « monde russe » et ses traditions, sa culture spécifique que j’ai tant aimée, les fonctionnaires russes ne songent, eux, qu’à détruire et profaner tout ce que cette culture a enfanté d’unique. Pour proférer ensuite que « les Russes n’ont jamais su rien faire de bien, tout ce qu’ils ont été capables de construire, ce sont les étrangers qui l’ont fait. » Eh bien moi, Française éprise de la Russie, je sais, s’ils ne le savent plus, qu’avant de se renier, les Russes étaient parfaitement capables de construire des merveilles sans les étrangers, et que les étrangers qui viennent ici veulent voir ce que les Russes faisaient de bien et pas les horreurs que bricolent leurs descendants pleins de mépris pour leurs ancêtres.

Si le touriste normal va plutôt à Rybinsk, ce que je lui conseille, ou à Kolomna, ou à Piatigorsk ou à Pskov, bref, dans des endroits où des édiles cultivés et intelligents ont fait du bon travail, que récolterons-nous en fait de touristes, dans notre banlieue bétonnée et nos favellas au bord du lac ? Les amateurs de chachliks, de fêtes bruyantes, de radios à tue-tête qui nous lâchent dessus leur progéniture mal élevée, avec leurs infectes motos et leurs épouvantables quads.

Cette berge ne semble pas laisser de repos à ceux qui administrent cette pauvre ville ni à ceux qui les soutiennent. Il y a quelques années, ce projet était déjà dans l’air, et comme je m’en indignais, une créature très intelligente m’avait répliquée qu’elle voulait marcher sur des escarpins à talons hauts et ne pas porter des laptis de paysanne. C’est-à-dire qu’il était très important pour elle de circuler sur des talons aiguilles dans une zone de promenade où les gens normaux vont en baskets, en tongs ou en bottes de pêche, mais elle n’était pas dérangée d’exposer ses escarpins aux trottoirs défoncés du centre-ville, là où sont les cafés et les restaurants. Pourquoi est-il si important de faire passer le bétonnage et le saccage de la rivière avant la réfection des rues de Pereslavl et de leurs trottoirs qui évoquent de plus en plus Marioupol avant la restauration des derniers mois ? Est-ce pour permettre aux gens qui se construisent sur cette berge des horreurs monumentales de circuler facilement dans leurs voitures rapides avec la radio à tue-tête ? Je pense que si le chemin qui longe la berge pourrait être aménagé, c’est de façon discrète, et économique, sans nuire à la vie de la rivière et de ses habitants, ni détruire son milieu naturel, sinon, vous n’aurez plus de vie là-dedans, plus de poissons, plus de canards, plus d’oiseaux, plus rien que vos bagnoles, vos motos, et vos trottoirs à escarpins. Et quand la rivière sera morte, vous assassinerez le lac et votre poule aux oeufs d’or, et vous resterez comme la vieille du conte, près de votre baquet cassé.

J’ai connu un tout autre Pereslavl, homogène, organique, vivant et ravissant. Et c’est à ce moment-là que j’avais choisi d’y acquérir une datcha et plus tard, de venir y vivre quand je décidai de revenir en Russie. J’ai vu avec horreur les rapides, monstrueuses et irrémédiables transformations. Je me suis fait insulter sur un site consacré à Pereslavl quand je m’en suis émue il y a déjà huit ans, et depuis, il y a eu tant de mal de fait que je n’ai même plus envie de réagir. Mais je le fais, pour ceux ici qui essaient de résister, et se font généralement insulter tout comme moi, à la différence qu’ils sont russes, et que je n’ai pas encore la nationalité, pour eux, c'est un peu plus confortable. Cependant, je le fais à nouveau, parce que ces gens-là, qui défendent ce qu’il reste de beauté, de vérité et de vie à Pereslavl, ce sont à mes yeux les Russes que j’ai aimés, et ceux que défendent les soldats sur le front. Ce sont eux, le monde russe. Tous les constructeurs d’horreurs et les bétonneurs de rivière sont des Russes qui se renient. Jamais on n'avait fait ça en Russie avant eux.On a mis un monument qui représente un peintre, sur la place centrale, comme on le fait pour tous les gens déjà morts. Où sont-ils les peintres ? Beaucoup s’en vont à Toutaiev, parce qu’ici, il n’y a plus rien à peindre, vous ne voudriez tout de même pas qu’on dessine ces maisons en plastique, avec leurs excroissances bizarres et leurs barrières d’usine ? Il n’y a plus rien à regarder, à part le lac et la rivière. Et pourtant, ce sont les oeuvres des peintres qui témoignent aujourd’hui encore de la beauté russe qu'on a anéantie, c'est grâce à eux que l'on retrouve ce qu'elle était.

Car on n'a pratiquement rien laissé. Cependant, même ce peu qu’il reste, si, au lieu de bétonner la rivière, on daignait s'en occupper, et inviter un véritable architecte, un véritable urbaniste, on pourrait encore en tirer quelque chose de décent et d’agréable. Restaurer la beauté enfuie, c’est déjà impossible, mais faire de Pereslavl un endroit agréable à vivre, on le peut encore. Je ne suis ni architecte ni urbaniste, mais je pourrais parfaitement donner quelques conseils de bon sens et de simple bon goût et en plus gratuitement. Des gens s’occupent comme ils peuvent de réparer les dégâts, quelques personnes ont joliment restauré des isbas locales ou construit du beau contemporain, l'association Tom Sawyer Feast a repeint des maisons, il suffirait d’harmoniser les couleurs des façades au lieu de barbouiller des violets et des jaunes psychédéliques sans souci du voisin. De réparer les vieux immeubles, pas seulement les isbas, mais les maisons du XIX siècle ou même certains immeubles soviétiques, par exemple ceux qui sont près de l’église de la Dormition, et qui pourraient être crépis, harmonisés entre eux, et là, les amateurs de trottoirs et d'asphalte pourraient légitimement se livrer à leur passion. De faire dans certains vieux bâtiments des locaux pour des boutiques ou des cafés ou des hôtels au lieu de bâtir du neuf kitsch et moche. 

J’ai lu des descriptions de Pereslavl avant la révolution, de ses maisons, toutes différentes dans leur détails et pourtant, toutes inscrites dans un style unique et harmonieux. J’ai lu le récit d’une visite que faisait faire un habitant de Pereslavl à une de ses connaissances, avec quelle fierté il montrait cette ville insvisible de Kitej que l’on ne retrouve plus du tout aujourd’hui, que dirait-il, le pauvre homme en voyant ce qu’en ont fait les générations suivantes ? J’ai vu les tableaux de peintres du XX siècle, quelle beauté c’était, c’était féérique, comment a-t-on pu en faire ce que nous voyons aujourd’hui ? Pourquoi haïssez-vous tellement la beauté qu’on vous avait laissée en héritage, pourquoi haïssez-vous en fin de compte, la vie ? La vie, la nature, ce qui  est spontané, vivant, véritable, pourquoi vous faut-il sans cesse défigurer, asphalter, bétonner précisément ce qu’on pourrait laisser tranquille et négliger les élémentaires services qu’une communauté urbaine réclame, soit des rues et des trottoirs praticables, et une politique cohérente qui conserve une harmonie générale à une agglomération ? Une ville n’est pas un amoncellement de bâtisses disparates, ou plutôt, c’est ce qu’elle est quand on a ravagé de façon complètement anarchique sa cristallisation organique séculaire. Pourquoi faut-il que ce soit une Française qui défende l'esprit russe contre des indigènes qui le méprisent ?


https://vk.com/video221441124_456239044






Я получила записку от Светланы, которая держит гостевой дом на берегу реки Трубеж. Это симпатичная изба, которую она сдает туристам, а свой собственный дом, гармоничный по цвету и стилю с избой, она построила сзади, в глубине участка, что мог бы сделать каждый, чтобы заработать деньги, сохранив характер этого края. Она говорит мне, что мы должны бороться за сохранение берега реки, который хотят «благоустроить». Когда я слышу слово «благоустройство», я понимаю, что это контрольный выстрел администрации в то, что осталось от живописного, живого и естественного в данном месте. И действительно, здесь речь идет об асфальтировании и бетонировании всего, уничтожении цветущих изгородей, маленьких огородов, кустарников и установке металлических барьеров на берегу реки, чтобы «служить ограждением для машин». Какой вывод мы должны сделать из этого - что они собираются сделать прибрежную полосу, по которой под громогласные звуки своих радиоприемников будут проноситься уморенные идиоты, круша все на своем пути? Исчезнет нормальная жизнь: собаки и кошки  лениво дремлющие среди гортензий и флоксов, бабушки занимающиеся садоводством, играющие дети, чайки и рыбаки. Правда, оставят тротуар для туристов - туристы священны, - но мне все же интересно, что подразумевается под этим термином. Это тот путишественник, кто любит живописность и местный колорит? Не разрушив его последнее, еще почти живое место, ему уже нечего делать в Переславле, где все, кроме церквей, подверглось массовому уничтожению. Знаменитый берег реки, вдоль которого когда-то стояли поэтичные дома, украшенные резьбой и деревянными мотивами в едином стиле, утратил весь свой шарм и характер, а дома, сохранившие подлинность, можно пересчитать по пальцам одной руки, Все остальное - это ужасные, претенциозные здания нуворишей или изуродованные раковыми опухолями избы, лишние этажи, прилепленные на скорую руку, пластиковая обшивка, искусственный камень, искусственное дерево, огромные крыши, никакой пропорции, никакой гармонии между различными зданиями. И не говорите мне, что у каждого свои вкусы. У гармонии есть законы, и если их не соблюдать, то это неизбежно будет уродливо. Разве мы скажем, что лицо без носа красиво? Или тело, у которого одна нога короче другой, или без рук? Но именно так выглядит большинство домов, которые вы видите здесь. Крестьянин прошлых лет не знал золотого сечения, и все же его изба вписывалась в нем, потому что он  был гармоничен душой, в то время как его потомки производят уродливые вещи, потому что вскормили их современным уродством с самого рождения. 

Что еще спасает это место, так это маленькие садики, деревья, зелень, но когда построят набережную с тротуаром, фонарными столбами и туями, потому что ивы - это слишком просто и слишком по-русски, получится точная копия европейского пригородного торгового центра, только хуже. Какой нормальный турист поедет сюда, чтобы увидеть такое, и я до сих пор слышу комментарий моей сестры, открывшей Переславль: «Я думала, что увижу старый русский город, а это американский провинциальный городок». Но у провинциальных американских городов есть свой стиль, свой собственный американский стиль, в то время как у Переславля его нет, и его хаотичный, бессистемный и плохо построенный характер больше напоминает бразильские фавеллы. Эти просвещенные туристы предпочтут поехать в Юрьев-Польский или Ростов, хотя и Ростов переживает ту же коварную и ужасную трансформацию, вызванную непонятной ненавистью, которую некоторые русские питают ко всему истинно русскому. Мне, как француженке, любящей Россию, трудно понять, вернее, я понимаю, и не буду сейчас уточнять, но для меня очевидно, что в то время как русские солдаты сражаются за «русский мир» и его традиции, его особую культуру, которую я так люблю, российские чиновники думают только о том, чтобы уничтожить и осквернить все то, что эта культура породила, чем является уникальной. И далее они говорят, что «русские никогда не могли сделать ничего хорошего; все, что они смогли построить, сделали иностранцы». Ну, как француженка, которая любит Россию, я знаю, если они уже не знают, что до того, как отрицать свою русскость, русские прекрасно умели строить чудеса без иностранцев, и что иностранцы, которые приезжают сюда, хотят видеть то, что русские сделали хорошо, а не те ужасы, которые лепят их потомки, полные презрения к своим предкам.

Если нормальный турист поедет в Рыбинск, что я ему и советую, или в Коломну, или в Пятигорск, или в Псков, словом, туда, где хорошо поработали культурные и умные советники, то что мы получим в виде туристов в наших бетонных пригородах и фавеллах на берегу озера? Любителей шашлыков, шумных вечеринок и вопящих радиоприемников, которые выплескивают на нас свое невоспитанное потомство на своих мерзких мотоциклах и ужасных квадроциклах.

Похоже, этот берег реки не дает ни минуты покоя ни тем, кто управляет этим бедным городом, ни тем, кто их поддерживает. Несколько лет назад этот проект уже витал в воздухе, и когда я возмущалась по этому поводу, одна очень остроумная особа ответила, что хочет ходить в туфлях на высоких каблуках, а не в крестьянских лаптях. То есть ей было очень важно ходить на шпильках в прогулочной зоне, где обычные люди ходят в кроссовках, шлепанцах или рыбацких сапогах, но при этом она не возражала, чтобы ее туфли стояли на выбоинах тротуаров в центре города, где находятся кафе и рестораны. Почему так важно бетонирование и изуродование реки поставить выше ремонта переславских улиц и их тротуаров, которые все больше напоминают Мариуполь до недавной реставрации русскими освободителями? Неужели для того, чтобы людям, которые строят на этом берегу монументальные ужасы, было удобнее разъезжать на своих быстрых машинах с радио, орущим во всю мощь?

Я думаю, что если бы дорожку вдоль берега можно было обустроить, то это следовало бы сделать незаметно и экономично, не нанося вреда жизни реки и ее обитателей, не разрушая ее естественную среду обитания. Иначе у вас там больше не будет жизни, не будет ни рыбы, ни уток, ни птиц, ничего, кроме ваших тачек, мотоциклов и тротуаров для туфель на каблуках. А когда река умрет, вы убьете озеро и свою курицу, несущую золотые яйца, и останетесь, как старуха из сказки, у своего разбитого корыта.

Я знала совсем другой Переславль. Он был однородным, органичным, живым и восхитительным. И именно тогда я решила приобрести там дачу, а позже, когда решила вернуться в Россию, приехать туда жить. Я с ужасом наблюдала за быстрыми, чудовищными и непоправимыми преобразованиями. Меня оскорбляли на сайте, посвященном Переславлю, когда я выразила свое беспокойство еще восемь лет назад, и с тех пор было сделано столько зла, что у меня даже нет больше желания реагировать. Но я делаю это для тех, кто здесь пытается сопротивляться, и кого обычно оскорбляют так же, как и меня, с той разницей, что они русские, а у меня еще нет гражданства, для них это немного удобнее. Однако я делаю это снова, потому что эти люди, которые защищают то, что осталось от красоты, правды и жизни в Переславле, - это, на мой взгляд, те русские, которых я любила, и те, кого защищают солдаты на фронте. Это они, русский мир. Все строители ужасов и бетонировщики рек - это русские, которые отрекаются от себя. 

На центральной площади поставили памятник, изображающий художника, как это делают для всех уже умерших людей. Где они, художники? Многие уезжают в Тутаев, потому что здесь больше нечего рисовать, вы же не хотите, чтобы мы рисовали эти пластиковые дома с их причудливыми наростами и заводскими заборами? Больше не на что смотреть, кроме озера и реки.  И тем не менее, именно произведения художников свидетельствуют сегодня о русской красоте, которую уничтожили, именно благодаря им мы находим то, чем она была.

Потому что практически ничего не оставили. Однако даже то немногое, что осталось, если бы вместо того, чтобы бетонировать реку, потрудились бы заняться ею и пригласить настоящего архитектора, настоящего градостроителя, можно было бы еще извлечь из этого что-то приличное и приятное. Восстановить утраченную красоту уже невозможно, но сделать Переславль приятным для жизни местом еще можно. Я не архитектор и не градостроитель, но я вполне могла бы дать несколько советов здравого смысла и простого хорошего вкуса, причем бесплатно. Некоторые люди как могут занимаются устранением ущерба, некоторые красиво отреставрировали местные избы или построили красивый современный дом, ассоциация "Том Сойер Фест" перекрасила дома, достаточно было бы гармонизировать цвета фасадов, вместо того чтобы мазать психоделические фиолетовые и желтые цвета, не заботясь о цвете соседних домах. Отремонтировать старые здания, не только избы, но и дома XIX века или даже некоторые советские здания, например, те, что находятся рядом с церковью Успения, которые можно было бы оштукатурить, гармонизировать между собой, и тогда любители тротуаров и асфальта могли бы законно предаться своей страсти. Сделать в некоторых старых зданиях помещения для магазинов, кафе или отелей, вместо того чтобы строить новое китчевое и уродливое.

Я читала описания Переславля до революции, его домов, все разные в деталях и тем не менее, все вписаны в единый и гармоничный стиль. Я читала рассказ о посещении, которое житель Переславля устраивал для одного из своих знакомых, с какой гордостью он показывал этот невидимый город Китеж, который больше совсем не найти, что бы он сказал, бедняга, увидев, что сделали с ним последующие поколения? Я видела картины художников XX века, какая это была красота, это было волшебно, как можно было сделать из этого то, что мы видим сегодня? Почему вы так ненавидите красоту, которую вам оставили в наследство, почему вы ненавидите в конечном итоге жизнь? Жизнь, природу, то, что спонтанно, живо, истинно, почему вам нужно постоянно уродовать, асфальтировать, бетонировать именно то, что можно было бы оставить в покое, и пренебрегать элементарными услугами, которые требует городское сообщество, то есть проходимыми улицами и тротуарами, и последовательной политикой, которая сохраняет общую гармонию агломерации? Город - это не нагромождение разрозненных построек, или, вернее, это то, чем он становится, когда совершенно анархично разрушают его вековую органическую кристаллизацию. Почему нужно, чтобы француженка защищала русский дух от туземцев, которые его презирают?



mercredi 9 avril 2025

Petits oiseaux

 


Il neige, il neige en tempête, tantôt de gros flocons, tantôt un truc mouillé et verglaçant, où sont passés les malheureux papillons et les pauvres abeilles qui butinaient mes crocus il y a encore quatre jours par grand soleil, seize degrés ? Les congères s’amassent, et des volées d’oiseaux transis  s’abattent sur la mangeoire, j’en ai même ajouté une pour faire face, car il en arrive de tous les côtés, il en vient des bois voisins, des bouvreuils et d’autres espèces ravissantes que je ne vois pas souvent, c’est la catastrophe, plus rien à manger, un froid de gueux, ils viennent en foule, portés par les rafales de vent et des tourbillons fantomatiques qui s’effilochent aux branches et aux toits. Et les oiseaux migrateurs sont arrivés, déjà, les merles, les grives, les freux, ils ne trouvent rien à manger à l'issue de leur long voyage, c’est un cauchemar. Je ne cesse de pester contre le climat de merde, les provençaux mettent sur facebook des photos de glycines en fleurs, et si j’avais acheté la maison qui me plaisait à Saint-Laurent-la-Vernède contre l’avis de ma soeur, je me prélasserais en ce moment sur la terrasse au soleil en contemplant le bel exemplaire de ces lianes somptueuses qui en escaladait la rambarde, car jamais je n’aurais eu le courage de partir si j’avais vécu à cet endroit, avec un petit jardin. Comme j’ai déjà les pneus d’été, je n’ose sortir faire des courses, j’ai peur de déraper et de m’enfoncer dans une congère. Et ça continue demain, ça continue toute la semaine, jamais je n’avais vu cela. La moitié du mois d’avril avec un temps de fin février.

Au matin, j'ai dû dégager une tranchée pour arriver au portillon et pour aller nourrir les oiseaux. Je ne voyais plus l'escalier, et j'enfonçais dans la neige jusqu'au genou. J'ai abandonné la voiture sous une épaisse croûte blanche, de toute façon, avec des pneus d'été, elle n'est pas opérationnelle. Je suis allée au café à pied, entre les congères et les flaques, et je suis tombée sur Maxime: "J'en ai marre de ce temps de merde! 

- Et moi aussi, j'en ai marre, je n'arrête pas de gueuler!"

Que font deux Français qui se rencontrent? Ils râlent...

Une femme m'a abordée, elle lit mon livre, le journal de l'année 17: "Vous comprenez si bien les Russes, vous les ressentez, c'est extraordinaire, j'en lis des extraits à mes enfants!" Cela m'arrive de plus en plus souvent, Vitalina m' dit que certaines personnes viennent exprès pour l'acheter parce que des amis leur en ont parlé.

Cette année, je ne jeûne pas, car je dois me reconstituer un sang normal, après l'hémorragie bizarre. Je m'étais donné comme restriction de me passer de sucre, de douceurs, et je me rends compte que cela m'est plus difficile que de jeûner, que c'est une véritable addiction et, à vrai dire, je n'y arrive pas. Si je n'avais des problèmes ORL, je recommencerais à fumer. 

En fait, je considère qu'en venant ici me geler dans les ténèbres six mois sur douze facile, dans un environnement où la belle saison m'est gâchée par les motos pétaradantes, toutes sortes d'engins bruyants et la radio à tue-tête, je me suis vouée à un carême permanent. Du reste, le père Valentin m'a dit une fois qu'être malade, c'est faire le carême. Eh bien être vieux, c'est être tout le temps plus ou moins malade. La vieillesse est une maladie mortelle à évolution lente. 

Une vidéo circule qui montre la Von der Layen proclamant que les valeurs européennes sont celles du Talmud. Je n'ai jamais vu, sur sa figure chafouine et glaciale, passer un pareil reflet de tendre ferveur : "Les valeurs européennes ce sont celles du Talmud, le sens juif de la responsabilité personnelle, de la justice et de la solidarité". 

https://www.facebook.com/AnonymousRebellion0.1Reborn/videos/673322968614737/?__cft__[0]=AZU6ETwr5tAygeWVxGv4ik1JMfvt3ZU4IGcRjmm6cTUKqr3g9K06u8VgcYf8NN1jUJtCeXZ3GrHjclJvWXtB-tGDCvjSEgogFAsXd_F_AwF3YZjSbVZJp4OE4w-WrG2SsjF__29aLtUB78N0Nloc6LPw-UUV2WsLH51CIsaevva2uvyf58s79ZP7KnX_Q-wH2y1soShxY7wzO8E1sxclzF-t&__tn__=%2CO%2CP-R

Apparemment, la civilisation judéo-chrétienne est destinée à devenir seulement judéo, en tous cas pour sa partie occidentale, car dans la partie orientale, on est hélléno-chrétien, c'est pourquoi on nous veut la peau. Tous les pires aspects des idéologies du XX° siècle sont en train de fusionner en un nouveau monstre inédit. Et si vous songez que la mégère est la fille d'un officier nazi, que le maïdan ukrainien était le fait de groupes banderistes néonazis soutenus par BHL, Glucksmann, Soros, Nulland and co, que ce pays est actuellement gouverné par un acteur juif, et que toute l'Europe est censée aller mourir pour tout ce petit monde, vous commencerez à voir se dessiner un tableau qui mérite un examen attentif.