Dimanche, prise d’une impulsion, je suis allée pour l’office à l’église Znamenié. Les vieilles présentes me faisaient toutes de grands sourires et me proposaient de m’asseoir, on eût dit qu’elles m’attendaient. Et à la fin de l'office, le prêtre a distribué des roses rouges aux femmes, parce que c'était le dimanche des Femmes myrrophores, que l'Eglise orthodoxe substitue au 8 mars, pour féliciter les mères, les épouses, les grands-mères... Au moment de la communion, j’ai vu une personne en face de moi, que j’ai mis un instant à reconnaître et qui ne me voyait pas, c’était Katia. A ma vue, elle s’est éclairée d’un sourire, mais elle n’avait pas bonne mine. Son Fédia est en congé, mais il ne supporte plus la vie civile, dans la mesure où il sait qu’il doit repartir dans son enfer. Depuis, il s'est poussé à aller à l'église, et il a été délivré de son désespoir, comme quoi, il est vraiment important d'y aller, le problème est que là où il a été affecté, il n'y a pas d'aumônier, la seule fois où il en est venu un, il était en mission et il ne l'a pas vu. Moi-même, je vais à l'église contre ma pesante inertie, et cependant, j'en reviens toujours réconfortée, et si je n'y vais pas, je tombe dans la déprime. J'imagine ce que cela doit donner d'être au front sans voir un prêtre ni une église pendant des mois.
Volodia et Mariana m’ont emmenée au monastère Borissoglebsk, que j’avais déjà vu. J’étais dans la voiture de leurs amis Dima et Svetlana, de Rybinsk. Ils m’invitent à venir me produire là bas, chanter, discuter, vendre mes livres et mes tableaux. Volodia veut m’y accompagner, le problème, c’est qu’il va me promener de tous les côtés, me montrer tout ce qu’il a fait en lien avec l’amiral Ouchakov, pour lequel il a une grande vénération, et cela m’épuise d’avance. Dima et Svetlana constatent la montée du mondialisme, les manoeuvres sournoises pour nous détruire, mais pensent que Poutine y est impliqué. Ils me disent qu’il emprisonne plus de gens que Staline, et là, outre que le mondialisme a pris un coup dans l'aile, c’est du délire complet. Avec ce que je raconte, sous Staline, j’aurais déjà été fusillée, et pas seulement moi. Et puis, j’ai vu comment se déroulaient les manifs de libéraux à Moscou, c’était loin d'etre aussi brutal que la répression des gilets jaunes par Macron. Ils ont la nostalgie de l'URSS, quand les gens vivaient modestement et sans soucis et avaient des principes moraux. Oui, pour cela, je comprends. D'ailleurs, je pense comme Panarine qu'il eût mieux valu, une fois apaisé l'anticléricalisme imbécile, ne pas toucher au truc, mais ce n'était pas le but recherché par les apparatchiks désireux de devenir oligarques et de ramasser le butin de 1917...
Le monastère est si beau, l’architecture russe ancienne est vraiment féerique, et si originale, je donne tout Pétersbourg pour ce genre de choses, ou les églises en bois du nord, mais les bâtiments demandent des réparations urgentes, en dépit de l’activité et des efforts de l’higoumène. Quand on pense à l’argent qu’engloutit Moscou pour faire de la troisième Rome une capitale mondialisée futuriste... Je n’aime vraiment pas ce que devient le monde.
Les moines ont malheureusement commencé à faire des petits massifs avec des thuyas serrés comme des sardines dans une boîte. Mais le territoire reste largement sauvage, avec des tilleuls et des sapins immenses, qui ont du connaître la Russie quand elle était encore normale. Le temps maussade et venteux donnait une sorte de magie nostalgique à cette atmosphère poétique et envoûtante. L’higoumène, très sympathique, s’implique dans toutes sortes d’activités pour la jeunesse. Il nous a donné, comme la première fois que je l’ai vu, un plein sac de livres et de tisane du monastère. Il se souvenait de moi et connaît le père Basile, qui est passé le voir. J’ai suscité son hilarité en lui disant : « Oui, je suis amie avec le père Basile, il est français et moi aussi ».
En réalité, je suis loin de nouer des amitiés avec tous les Français que je rencontre ! Il y en a de vraiment infréquentables. Par exemple l'actrice connue dont m'a parlé Dany, et qui met la photo de Zelenski sur son profil.
L'higoumène m'a fait, comme la première fois, la réclame de la procession de saint Irinarque, et je pourrais essayer, mais tout cela se passe au pas de charge sur soixante kilomètres...
Quand je me sens trop triste, je monte regarder mon grenier, ma tour d’ivoire. J’aurai vraiment de la lumière et de l’espace, à l’abri de l’extérieur. Cette pièce va me changer la vie. C’est-à-dire que ce qui me la changerait vraiment serait une maison en pleine campagne avec une vue merveilleuse, mais comme je ne l’aurai jamais, eh bien, ce sera la tour d’ivoire avec du ciel, des nuages, et je pense que je vais me remettre vraiment à peindre, et sortir des petits formats, car j’aurai la place pour cela. J’en ai tellement assez de tout ce qui se passe, que j’écoute sans arrêt de la musique balkanique, je suis une fan de Goran Bregovic, et même je danse. J’étais quelqu’un de dyonisiaque, et j’ai toujours vécu en sous-régime, l'époque, paradoxalement, ne se prêtant guère à l'extase de la vie. Je n’ai pu donner libre cours à ma nature, et maintenant, je crée, au bord de la tombe. Mais à chaque jour suffit sa peine, je suis en vie.
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