mercredi 12 septembre 2018

Bouton d'or



Anna Messerer m’a parlé d’un spitz, qu’on cherche à caser,. C’est un petit spitz, pas un miniature, très gai, très joueur, habitué à jouer avec d’autres chiens. Il ressemble beaucoup à Jules, d’après la photo, joyeux et sans complexes. Il a trois mois. Je me suis dit que peut-être, c’était justement le chien de la situation, celui qui jouera avec Rosie et la retiendra un peu à la maison, et qui atténuera mon chagrin d'avoir perdu Doggie, encore que je ne sais pas, ce chagrin est mêlé d’une grande culpabilité. J’espère qu’il  n’arrivera rien à ce petit chien et que je ne mourrai pas avant lui. La vendeuse m’a dit que c’était un petit brigand et qu’il épuisait ses autres chiens. J’espère que je ne vais pas introduire un emmerdeur de plus. Mais à y bien réfléchir, un chien doux et traumatisé, comme mon petit Doggie, en face d’une plaie comme Rosie ne ferait pas le poids et déclencherait sa jalousie sans avoir de chance de conquérir sa sympathie, alors qu’un chiot très joueur, peut-être. Il paraît qu’il est intelligent, et c’est important.
Dany, devant sa photo, s’est exclamée : «Oh, qu’est-ce que c’est que ce bouton d’or ? » En effet, c’est une boule de poils hilare et dorée. Du coup, j’ai pensé l’appeler Bouton, en russe Boutone ou Boutia.
Il  m’arrive souvent de penser aux Solovki, j’ai parfois l’impression (je ne veux pas dire l’intuition) que j’y finirai mes jours. Et je sens la présence tutélaire du métropolite auprès de moi. Et aussi du père Placide. Je ne me vois pas moniale, plutôt ermite. Je suis déjà une sorte d’ermite, d’ermite involontaire.
Je vois déjà des réactions stupides et basses sur les sites orthodoxes, de gens qui ne connaissent et ne veulent connaître rien d’autre que la propagande. Les serviteurs transnationaux de l’Ennemi du genre humain jouent sur les pires sentiments, usent des procédés les plus bas, achètent, corrompent, brouillent les esprits, pervertissent et endurcissent les cœurs. C’est un affreux spectacle. Le patriarche Cyrille invite à ne pas laisser l’espace d’internet à ces gens-là, même si cela trouble notre paix intérieure. Il faut être fort, spirituellement, pour faire face à cela. J’aurais parfois bien envie de couper le courant.
L’Eglise Orthodoxe Ukrainienne canonique, en revanche, a une attitude admirablement digne et mesurée, ferme mais pas haineuse.... J’ai encore vu une vidéo ce matin qui me rend pleinement solidaire de ces gens et de leur métropolite.
Je prie Dieu, et mes saints russes préférés, parce que cela devient trop affreux, trop répugnant, et j’ai souvent envie de pleurer, une tristesse au coeur pleine du pressentiment de lendemains imminents difficiles. Se mêlent en mon chagrin l’impuissance devant tant d’infamies et tant de souffrances encore à venir, et mes souvenirs des miens disparus, de la France trahie, vendue, avilie, où l’on assassine et viole maintenant à tous les coins de rue, où l’on massacre avec prédilection les jeunes gens beaux et sains, du genre pompier secourable, personnel médical, garçon chevaleresque qui s’interpose. Et l’on punit et agonit d’injures ceux qui tentent de se défendre ou de défendre les autres, c’est le règne de la canaille, du cynisme et de l’iniquité, des histrions et des pervers.
D’un autre côté, ces événements mettent les choses à leur place et opèrent un tri. Les tentations oecuménistes dans le haut clergé russe devraient en prendre un bon coup dans l’aile. Les commentaires des gens qui défendent le patriarche Bartholomée et braillent sur « les Russes » sont tellement stupides, bas, ignorants qu’ils dénoncent eux-mêmes leur propre ignominie. Les gens doués de discernement spirituel ne peuvent pas ne pas voir ce qui se trame, et de quel côté est le diable.
Est-ce que le père Placide se doutait qu’allaient arriver des choses de ce genre, quand il me disait qu’avec dix ans de moins, il aurait tout vendu pour aller fonder un monastère en Crimée pour la future émigration française ? L’Occident actuel est sous l’emprise de forces mortifères déchaînées qui gangrènent absolument tout. L’actualité n’est plus seulement manipulée, elle est entièrement falsifiée, de telle manière qu’on peut massacrer tout un peuple en le présentant aux foules hypnotisées comme l’agresseur, tandis qu’on déverse sur lui des armes atroces et théoriquement interdites, que l’on vise délibérément ses enfants, viole et torture ses femmes, spolie, ruine et empoisonne ses biens et son environnement.
Il vaut mieux s’apprêter à mourir en un tel monde que de venir d’y naître.
Il fait gris et pluvieux, j’ai branché le convecteur qui, pour l’instant, suffit à sécher la maison. Rosie s’ensauvage, le petit chien est mon dernier atout, j’espère que ce n’est pas elle qui l’entraînera à vagabonder… En principe, les spitz restent avec leur maître. 
J’ai appelé Cécile. Je pense souvent à elle, la mouette de fer forgé me rappelle Goudargues, le café, les platanes, le petit orchestre de tout jeunes gens qui jouaient des airs désuets, la douceur poignante de la France qui expire.
Elle m’a commandé une icône, j’ai des commandes en retard, il me faut m’en occuper, et trouver le moyen de les faire transiter.
Ce matin, c’était la fête de saint Alexandre Nevski, protecteur de la ville, où il est né. A l’église du même nom, celle du père Constantin, c’était encore une liturgie épiscopale, avec, cette fois, un très beau chœur d’hommes, et de beaux chants, sans rossignols énamourés. Le chant des Chérubins m’a paru soit byzantin, soit russe ancien, avec un isson. Mais l’église était bourrée, je ne pouvais pas m’asseoir, j’avais mal dormi. Malgré cela, j’ai prié avec ferveur, mais je ne suis pas restée aux festivités ultérieures.
J'espère que le prince Alexandre intercèdera avec succès pour sa ville, son pays, son peuple, et la chrétienté orthodoxe.


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