Pour mes étrennes, je me suis offert une boîte de pastels et des crayons de couleur. Dessiner dehors ou chez moi en écoutant de la musique me met hors du monde, ou plutôt dans ce que le monde a de plus vrai et de plus essentiel et hors de la société humaine extraterrestre postmoderne.
Hier soir, je suis allée vernir des icônes avec Tatiana et Katia, les deux iconographes du monastère Nikitski. Katia est arrivée pour vernir la sienne et leur donner des rudiments de balalaïka. Finalement, ma façon de m'y prendre n'était pas loin de la leur, mais elles ont une bonne huile cuite, alors que la mienne est merdique, et quelques trucs utiles que je ne connaissais pas.
Reste que je suis surchargée d'activités. Il me faudrait opérer des choix, ce n'est pas facile. Parfois ils s'imposent d'eux-mêmes, mais là je joue sur tous les tableaux.
Une de mes amies Facebook vient de mourir, Danielle. Nous nous étions rencontrées ici, où elle était venue me voir et aurait aimé déménager, et nous nous étions très bien entendues. C'était une personne vraie, droite, qui disait ce qu'elle pensait, qui avait du courage. Elle était croyante et si Dieu l'a prise maintenant, il faut croire que c'était mieux pour elle. Je l'aurais vue avec plaisir s'installer à Pereslavl....
Un correspondant russe facebook m'a dit qu'il adorait ma langue, qu'il notait mes expressions, comme le faisait la fille de mon père spirituel, Macha, et même qu'un professeur de français moscovite faisait travailler ses élèves sur mon blog! Quel honneur! J'ai l'impression de ne pas avoir vécu pour rien! Le français devient chez nous une langue morte, mais je contribue ici à sa gloire et à sa perpétuation!
La maison du voisin est le théâtre d'une activité fébrile, j'ai l'impression qu'il veut finir avant le nouvel an. Hier, il a fait déverser sur les tonnes de terre déjà importées, des tonnes de sable. J'ai compris que je n'aurais pas le gazon avec des nains de jardin, mais l'espace pour garer les bagnoles, juste devant la maison et sa véranda, car qu'y a-t-il de plus exaltant que de contempler des merveilles de la technique moderne posées sur la terre battue? Il a remonté de plus d'un mètre le niveau de son lopin par rapport au mien, et à moins de planter des abres et arbustes de minimum trois ou quatre mètres de haut, je serai complètement à la vue de ses locataires. J'aurai de mon côté sous les yeux en permanence leurs voitures garées qui dépasseront de la clôture, à moins d'en faire une de trois mètres, un mur de Berlin. Ils aiment bien les murs de Berlin, ici. La solution, pour lui, c'est de noyer pareillement mon terrain sous la terre, avec tout ce que j'ai planté, mais quelle importance pour lui, ce qu'on a planté? C'est facile à replanter, pour un gros rhinocéros avec un pois chiche dans la tête. Alors que moi, pendant quatre ans, j'ai tout calculé, par rapport au terrain, à la lumière, à l'harmonie générale, et je commençais à voir le résultat. A cause de lui, je vais devoir refaire une vraie clôture en bois, planter des arbres et buissons déjà suffisemment grands et donc chers. Si je balance autant de terre pour me mettre à son niveau, il ne restera plus rien de ce que j'avais fait et le soubassement de la maison sera enterré... Si je ne le fais pas, la terre de son côté viendra déstabiliser et faire pourrir ma clôture. A moins qu'il ne fasse un vrai fossé, et pas une petite tranchée qui ne sert à rien.
Derrière chez l'oncle Kolia, on commence à bâtir selon le même principe. Son terrain est également plus d'un mètre en contrebas de la semelle qu'on a balancée sur le marais. Je vois poindre une de ces baraques mal foutues, une carcasse de poutrelles, de l'isolant entre 2 couches de contreplaqué, un coup de plastique fausses briques, fausses pierres ou fausses planches par dessus et c'est marre.
La terre me gêne encore plus que sa baraque, qui est nulle, mais fort heureusement, marron, elle aurait pu être fluorescente, et trois fois plus grosse.
Ici, on voit le niveau de la terre par rapport à ma clôture qui doit faire dans les 1.60... La bagnole pourrait directement sauter chez moi un soir de beuverie.
La neige est arrivée le 25 décembre, tout est blanc. Des flocons tournent dans la lumière. Désormais, les jours très courts vont grandir, nous entrons dans le versant printanier de l'hiver.
Des députés venant décider du sort du lac, je suis allée participer à une action qui consistait à se poster seul sur leur passage, avec un tableau du lac, suffisamment loin des autres pour qu'on ne puisse nous accuser de rassemblement illégal. Avant de nous disperser à nos places, une des organisatrices a appelé ces députés au téléphone, elle s'est fait raccrocher au nez.
Le lac était pourtant protégé par un ukase présidentiel sur lequel tout le monde s'assoit. Et des propagandistes ivres de haine le présentent en France comme un despote. Comme si, entre parenthèses, la république de Macron était un modèle de démocratie...
Hier soir, j'ai eu une interminable conversation téléphonique avec une nouvelle amie facebook, une orthodoxe française, correctrice, Anne. Interminable parce que nous nous sommes entendues comme larrons en foire, et que cela fait du bien, dans le monde étrange où nous nous retrouvons, et qui ressemble de plus en plus à une secte Moon planétaire. Elle me disait qu'elle ne pouvait plus supporter la folie qui l'entourait, les concombres masqués fervents que l'on trouve jusque dans les églises, nos églises orthodoxes, et aussi, malheureusement, jusque dans nos familles.
Yarilo lui plaît beaucoup, elle m'a dit que c'était un livre qui ne ressemblait à aucun autre et qu'elle n'aurait jamais cru qu'on pût parler d'Ivan le Terrible avec humour. Nous avons discuté des libertés romanesques que je prends et que j'assume. Cependant, nous avons l'une et l'autre l'impression que publier un livre devient une gageure, plus les gens sont jeunes et moins ils lisent, moins ils ont les référents culturels pour comprendre même une langue claire et classique.
Elle pense que mon livre doit trouver néanmoins son public; le fait est que si on s'autoédite, les gens en concluent fatalement qu'on est trop nul pour être accepté par les éditeurs ayant pignon sur rue, de la même manière qu'on ne reconnaît pas les sites d'informations parallèles, alors que la presse officielle est complètement discréditée. Or j'ai eu un petit éditeur, cela ne faisait aucune différence avec l'autoédition pour la diffusion, je devais me charger de tout moi-même. En revanche, mes droits étaient bloqués. Et démarcher les gros, je l'ai fait autrefois, je n'ai plus envie. J'enverrai peut-être des exemplaires à droite et à gauche, à tout hasard. Enfin plutôt à droite qu'à gauche, à vrai dire.
fenêtre désormais barrée, il est temps de planter un sapin
Génia et Dania, les balalaïkers sont venus fêter Noël au café français. Il y avait peu de monde, à cause des mesures covid, et de l'exiguité des lieux, mais ce fut très chaleureux, et Dania est un génie de la balalaïka, qui joue aussi bien du contemporain et du jazz que de la musique traditionnelle, et il a subjugué tout le monde par sa grâce, son inspiration et sa virtuosité. Il a donné une leçon de balalaïka à toutes les personnes présentes, pour leur montrer qu'on pouvait vite et facilement commencer à jouer, et plusieurs d'entre elles sont décidées à poursuivre. L'une d'elles a même acheté un instrument.
Le lendemain, la leçon de balalaïka a eu lieu chez moi, dans la partie des invités, avec Katia et deux jeunes femmes que le folklore intéresse, qui veulent le développer avec des enfants, ou des jeunes, enfin notre mayonnaise commence à prendre. Ensuite nous sommes allés visiter les caves du café, voûtées, où éventuellement les balalaikers feraient une filiale du musée d'Oulianovsk. Cela arrangerait Gilles que ce local revînt à une entreprise de ce genre, Génia et lui ont longuement parlé affaires. Le local est très intéressant, avec plusieurs pièces voûtées, où il pourrait y avoir un musée proprement dit, une galerie où vendre tableaux et souvenirs, un lieu pour apprendre et partager, un lieu pour se rencontrer et jouer, et même un espace extérieur. Dans la perspective naturellement, où l'horrible dictature covidienne transhumaniste ne gagnerait pas complètement la Russie, avec sa persécution de la culture, de la tradition et de la convivialité, de l'humanité, en un mot... Pour l'instant, à Pereslavl, cela reste supportable, on fait semblant.
Des jeunes femmes m'ont remerciée d'avoir amené ici Génia et Dania. Je voyais leurs visages resplendir pendant le petit concert. La spontanéité et l'enthousiasme sont des qualités que les Russes n'ont, Dieu merci, pas perdues, et qui me les rend très proches et très chers.
Je suis tombée sur une vidéo qui m'a paru très juste, Il faut dire qu'en Russie, quand on commence à voir le fond du problème, on en a souvent une compréhension plus profonde qu'en occident, encore que le père Boboc ou Pierre Hillard soient tout aussi pénétrants, et comme par hasard, ils sont croyants l'un et l'autre. Ce qui ne veut pas dire, hélas, que tous les croyants soient lucides, malheureusement. Ce qui est intéressant, dans cette vidéo, c'est qu'après avoir analysé les causes et les effets économiques de l'opération Covid, ce philosophe en vient aux aspects idéologiques et même religieux ou plutôt antireligieux. C'est un aspect qui est généralement ignoré de tous ceux qui n'ont aucune idée d'une autre dimension possible. Or pour bien comprendre ce qui nous arrive, il faut avoir à l'esprit que les forces qui ont permis les totalitarismes du XX° siècle et leurs immenses massacres sont toujours à l'oeuvre, insatiables. Et que nous pouvons être victimes d'une autre expérience du type des précédentes, probablement pire, puisque d'envergure mondiale, et soutenue par des instruments d'oppression sans équivalents antérieurs. Je prie le ciel pour que les gens sortent enfin le nez de leur masque et sentent à quel point tout cela pue. La dernière expérience en date est beaucoup plus ambitieuse que les précédentes, quoique dans la même lignée. Car ce qu'il faut bien comprendre est qu'il ne sert à rien d'opposer indéfiniment communisme, capitalisme et nazisme, toutes ces têtes ayant le même corps appelé progressisme matérialiste, initié au moment de la renaissance par la rencontre entre le protestantisme anglosaxon et la cabale, donnant naissance à un capitalisme financier conquérant et implacable, antichrétien et antimonarchique. Ce dragon a séduit tous les pays d'Europe, leur donnant un dynamisme sans précédent, et tous les peuples qui ne s'efforçaient pas d'entrer en compétition avec les nôtres sur cette mauvaise voie ont été condamnés à être colonisés à plus ou moins brève échéance, c'est comme ça d'ailleurs que la Russie a dû s'aligner, bien que ne partageant pas du tout cette mentalité, et malgré les excès des occidentalistes, qui ne voyaient que le succès matériel des étrangers, elle l'avait fait plus ou moins avec mesure et équilibre, conservant la ruralité et sa tradition, des codes sociaux hérités du moyen âge, et respectant les us, coutumes et religions des peuples, plus assimilés que véritablement conquis, qu'elle avait avalés dans son immense expansion. Cela, évidemment, jusqu'à l'injection du virus bolchevique en 1917.
Maintenant, le mouvement infernal dans lequel nous avons été jetés prend le caractère vertigineux d'un maelström. Et encore une fois, même si la Russie compte un certain nombre de créatures des ténèbres qui soutiennent la dictature d'un gouvernement mondial transhumaniste, ainsi que l'explique Valeri Averianov, si elle emboîte le pas du délire covidien, des masques et des confinements terroristes, c'est principalement par mimétisme envers un occident toujours perçu comme à la pointe du progrès et de la puissance. Dans un sens, elle emboite, mais parce que c'est la Russie, qu'il y a des résistances,et en face des occidentalistes, tous les autres qui se méfient, tout cela donne l'impression d'être appliqué sans fanatisme, c'est pourquoi j'écris toujours qu'ils ont l'air de faire semblant.
Alexandre Douguine a lui aussi écrit un article remarquable, où il dit que Poutine passe son temps à ménager la chèvre et le chou, les souverainistes et les libéraux. Qu'il a fait beaucoup de bien, car il a tiré le pays du trou ou il était tombé et du complet asservissement qui le guettait, mais que maintenant, il n'allait pas plus loin.
Averianov remarque qu'entre l'Occident entièrement contrôlé par les mondialistes transhumanistes et les Chinois, la Russie est prise entre le marteau et l'enclume.
A ceux qui pensent que le transhumanisme est un délire complotiste, je répondrai que tous ces délires complotistes sont en train de devenir des réalités, et que si l'on prête l'oreille à ce que disent les promoteurs de cette idéologie qui sont dans la finance, la politique ou les médias, ils nous annoncent carrément et depuis longtemps le programme, que nous ne voulons pas entendre, parce que cela dépasse l'entendement du post-soixante-huitard et de sa progéniture, persuadés qu'on ne peut remettre en question les acquis des trente glorieuses et que reviendra obligatoirement le temps béni des barbecues à poil au bord des piscines en Provence.
Le transhumanisme est aussi réel que le communisme et le fascisme, et il est issu lui aussi du progressisme matérialiste, de l'esprit des "lumières", de la prise de pouvoir universelle d'une finance sans foi ni loi, ou pour faire simple, de diverses mafias.
Ce que développe Valéri Averianov, c'est que la troisième guerre mondiale actuellement en cours, se déroule entre une caste supranationale de gens richissimes, psychopathes et sociopathes, et le reste du monde, c'est-à-dire l'humanité, l'homme, ce n'est plus une guerre d'empires, ni une lutte des classes, c'est la lutte de gens qui ne sont plus humains, qui ne se veulent plus humains, mais surhumains, contre ceux qui ne sont pas de leur caste et n'ont aucune importance, ne servent à rien, représentent une gêne et une menace par leur grand nombre, et qu'il s'agit donc de restreindre drastiquement. Avant, il y a un siècle, ces gens-là envoyaient des pays et des empires les uns contre les autres, des classes les unes contre les autres, maintenant, le moment est venu de détruire la notion même de pays, d'empire, de peuple et de laisser survivre en quantité restreinte une biomasse dégénérée sous contrôle.
Pour obtenir cette biomasse, il faut casser toutes les appartenances affectives, culturelles, spirituelles; supprimer la morale, supprimer les liens familiaux, les corporations, les communautés, la création artistique et bien entendu, les religions, et avant tout la religion chrétienne, à laquelle on substituera peut-être, en un premier temps, la "religion du futur" dont parlait le père Séraphim Rose, et dont nous voyons le pape et le patriarche Bartholomée épouser les perspectives avec enthousiasme, tandis que le patriarche Cyrille reste relativement discret sur la question, du moins à ma connaissance. Le meilleur moyen de casser toutes ces appartenances est de lancer par exemple sur l'Europe des vagues migratoires sans précédent en promouvant le métissage. De détruire et de réécrire notre histoire. De nous abrutir et de nous dégrader. De dénigrer les liens familiaux, de dresser les générations les unes contre les autres, d'arracher les enfants aux parents et de les endoctriner. Il faut créer une société de poissons de bancs absolument séparés les uns des autres, avec des sexes indeterminés, sans famille, sans enfants, sans parents, sans amis, sans patrie, et sans religion, bien évidemment, la religion, ça unit; c'est même là l'étymologie du mot.
La Russie, dit Valeri Averianov, pourrait éviter de tomber dans ce piège et constituer une arche. "Et la Chine? lui demande le journaliste, elle a un communisme réussi, elle reste finalement traditionnelle."
Valéri Averianov ne tombe pas dans ce piège, au contraire, il fait valoir que la Chine a le genre de société dont le libéralisme occidental rêve pour tout le monde, contrôle absolu des individus, tyrannie sans précédent. Et que d'autre part, si elle a des traditions, elles nous sont tellement étrangères, à nous pays modelés par le christianisme, que nous avons l'impression d'avoir affaire à des extraterrestres. Et en effet, les Chinois font penser à des extraterrestres, et c'est précisément ce que le transhumanisme veut fabriquer: des extaterrestres. Malgré le dressage communiste, on ne peut pas dire que les Russes soient prêts à devenir des extraterrestres, et pour eux, la famille et la communauté restent des structures indispensables. Valeri Averianov rejoint ici Alexandre Douguine. La Russie a un rôle particulier à jouer, oui, elle pourrait devenir une arche. Si elle arrive à se débarrasser de certains puissants malfaiteurs, de fonctionnaires pourris de plus en plus arrogants, de journalistes vendus et russophobes, d'agents de l'étranger très actifs; bref de tout ce qui, dans tous les pays, actuellement, représente les troupes qui font une guerre anthropologique à l'Homme, dans la dignité que ce mot a pu avoir au long de notre histoire.
Je ne pense pas que ces créatures des ténèbres arriveront à leurs fins, mais plus nous les laisserons agir par notre passivité, notre aveuglement, notre lâcheté, plus les torts qu'elles causeront, non seulement à l'humanité mais à la vie, seront grands et irréparables.
Je suis allée à l'agence qui vendait une isba qui me plaisait beaucoup, à Koupanskoïé. Elle était ravissante, pas chère, grande, dans un coin préservé, le village où vit Gilles, et qui a l'essentiel sur place, une église et la rivière où j'aime me baigner. Le but de l'opération était de me trouver dans un endroit joli, et aussi de récupérer le fric qui dort dans ma maison, trop grande pour moi, qui en vaut pas mal maintenant que la demande est forte. En louer une partie est une issue, mais m'impose une cohabitation, alors que je pourrais faire la même chose avec un appartement. Je n'ai pas d'énormes réserves et ne sais si on continuera bien longtemps à nous verser des retraites en France.
Cette jolie isba a été vendue cet été. Le garçon qui m'a reçue m'en a montré une dans Pereslavl, elle a des avantages, l'endroit est plus intéressant que chez moi, malgré tout, parce qu'il y a le monastère saint Nicolas, juste à côté, c'est une impasse, c'est moins marécageux, mais, je ne récupèrerais pas beaucoup de fric, et en plus, je reste quand même à la merci des cottages. Alors faire tout ce chambardement n'aurait pas beaucoup de sens.
Le jeune homme était sympathique, il comprenait bien mon point de vue. Il m'a parlé d'un couple franco-russe qui avait magnifiquement restauré une isba ancienne, dont tous ceux qui les détruisent disent toujours qu'on ne peut rien tirer. Ils ont fait une seule grande pièce au rez de chaussée, autour du poêle de briques, et rétabli les murs de rondins équarris bruts et cirés. J'ai vu chez lui que tout mon quartier était loti de partout. Ils vont construire derrière les deux isbas en face, et aussi plus près, devant les saules du marais, ils vont construire là où je me promenais, et à mon avis, ils vont s'emparer de tout le pourtour du lac; à part le feu du ciel s'abattant sur Moscou, je ne vois pas ce qui pourrait arrêter des promoteurs mafieux qui ne respectent rien. Cela veut dire que le lac sera pollué, et par la même occasion la rivière Vioksa à Koupanskoïé, et que probablement, il se transformera assez vite en marécage, le processus est d'ailleurs déjà en cours. Nous serons alors tous privés d'eau potable, les promoteurs seront partis avec leur fric dans un paradis tropical, ils n'ont ni patrie ni conscience, ni mémoire, ce sont de gros pous suceurs qui se déplacent quand ils ont vidé leur hôte de sa substance et vont saccager quelque chose d'autre.
Le jeune homme m'a montré une vieille photo de Pereslavl, avec toutes les églises encore debout, ce devait être un enchantement. Maintenant, le travail est presque achevé. Plus rien ne rappelle la vieille ville historique, à part les églises du centre, les monastères, et ce qu'il reste du lac et de ses berges. Je regardais le petit film consacré à l'affaire par la chaine Spas. Les habitants conscients du problème, plus notre poignée de cosaques, des artistes-peintres.... Les représentants de cette humanité que l'on piétine à présent, que l'on masque et parque en attendant de la vacciner et de la marquer comme un troupeau de vaches, et en face, tous les orques dénaturés des différents Sauron mondialistes... Je me sentais très solidaire. C'est avec eux que je mourrai, ce sont eux les derniers Russes. Les autres sont devenus je ne sais quoi.
On voit dans cette courte vidéo beaucoup de visages familiers que j'aime bien, les cosaques, les petites Rimm, la jeune iconographe Tania, Benjamin, le suisse cosaque, et moi-même.
En somme, il reste comme option soit de partir de Pereslavl, soit de planter des arbres pour cacher l'extérieur et y attendre la fin, la mienne ou celle du monde, je ne sais laquelle des deux arrivera en premier. J'espère que j'aurai de quoi vivre, car l'essentiel de ce que j'avais est englouti dans ma maison. J'espère aussi qu'elle ne brûlera jamais...
...
J'ai lu et relu Epitaphe, mais j'y trouve encore des maladresses et des fautes qui m'avaient échappé... J'ai l'impression qu'il attirera plus les gens que Yarilo et sa suite, ce que je trouve complètement injuste. Sans doute pensent-ils qu'il s'agit d'un roman de cape et d'épée russe, ce n'est vraiment pas le cas, comme le savent ceux qui l'ont lu, il est beaucoup plus actuel qu'on ne pourrait le penser, plus profond et plus ambitieux qu'Epitaphe, mais bon, quand ma collaboratrice se sera un peu réveillée pour terminer la mise en forme de ma traduction, il trouvera peut-être un écho ici...
Epitaphe est paru, voici la couverture et les renseignements utiles.
Le langage pourra paraître parfois vert et choquant, mais c'est celui de notre époque.
En revanche, pas une scène de Q! Mais beaucoup de défoulement. Et aussi des larmes...
Les Éditions du Net vous présentent
Épitaphe
De Laurence Guillon
Résumé de l’ouvrage
Dans une France méridionale devenue méconnaissable et soumise à toutes
sortes d’expériences étranges, un vieux paysan à l’ancienne retrouve son amie
d’enfance, venue enterrer son père, qui vient de se suicider dans son château.
Tous deux sont entraînés par un enfant russe et une écolière française dans une
aventure rocambolesque et terrifiante qui les emmène jusque dans un village
perdu du nord de la Russie. Désormais complètement retirés du monde, ils font
le bilan de leurs souvenirs, de leur destin et du destin de leur pays, au sein d’une
communauté que son progressif retour en arrière soustrait définitivement aux
aléas du temps.
Fiche auteur
Laurence Guillon est née en 1952 à Valence. Après des études de russe, une
conversion à l’orthodoxie et une jeunesse chaotique, elle publie « le tsar Hérode »
au Mercure de France, en 1985, et reçoit le prix Fénéon. En dépit du prix, elle
ne peut pas en publier la suite, et regrette bientôt amèrement toute l’aventure.
Partie travailler et vivre en Russie à partir de 1994, après avoir publié quelques
albums pour enfants, elle écrit un court roman, « Lueurs à la dérive », un conte
sur le Goulag et les répressions qui sera publié plus tard par les éditions Rod.
Contrainte de rentrer en France en 2010 pour soigner sa mère, elle repart après sa
mort en Russie en 2016, où elle vit désormais et tient le blog les « Chroniques de
Pereslavl » https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com. Elle publie deux livres
inspirés par la Russie d’Ivan le Terrible, Yarilo et Parthène le Fou, aux éditions
Rod. Épitaphe est son quatrième roman.
Descriptif technique
Format : 120 x 190 cm
Pagination : 378 pages
ISBN : 978-2-312-07910-3
Publié le 18-12-2020 par Les Éditions du Net
GENCOD : 3019000006902
Prix de vente public : 19 € TTC
Pour commander
Auprès de l’éditeur : www.leseditionsdunet.com
Sur les sites Internet : Amazon.fr, Chapitre.com, Fnac.com, etc.
Auprès de votre libraire habituel
Les Éditions du Net
126, rue du Landy - 93400 St Ouen
Tel : 01 41 02 06 62 - Fax : 01 41 02 02 63
J'ai rencontré une dame, Olga, qui vient acheter une maison ici. Elle vit en Belgique avec un mari hollandais orthodoxe. Ils ont décidé de partir en Russie devant le tour invivable que prend l'existence dans la dictature sanitaire européenne, entre la tyrannie des masques et les exactions des migrants, tout aussi impunies en Belgique qu'en France. Olga est intelligente et sympathique, très croyante mais les pieds sur terre. Elle a du mal à trouver une maison qui lui convienne, tout est ici devenu très cher à cause de la demande moscovite. Beaucoup de maisons sont construites n'importe comment, à la va vite, un peu d'isolant entre deux feuilles de contreplaqué. C'est d'ailleurs ce que construit mon voisin. Nous en sommes à la pose de la fausse brique en plastique....
Chez nous, la vie reste normale, dans la mesure où tout le monde fait semblant. Mais on peut se demander combien de temps cela va durer. Car les pressions mafieuses supranationales se font sentir et ont des complices locaux.
J'ai trouvé cet article qui m'a ouvert des horizons:
Kenichi Ohmae, l'idéologue du globalisme, Japonais vivant aux États-Unis, a esquissé les bases d'un monde fondé sur les agglomérations dans son livre «La fin de l'Etat nation. Montée des économies régionales ». Dans le monde tel que le voit Kenichi Ohmae, il existe plusieurs dizaines de régions enclaves bien développées. Industrie, finance, science - tout y est concentré. Ces régions sont situées à des endroits complètement différents sur Terre et sont interconnectées par des télécommunications à haut débit, des flux de passagers et de marchandises. La connexion des «région-économies» les unes avec les autres au sein de l'économie mondiale est beaucoup plus forte qu'avec les territoires environnants, même au sein d'un même État. L'État devient une convention, les lois mondiales ont priorité sur les lois des États.
Le professeur Andrei Fursov explique comment le développement futur des «économies régionales» affectera les pays et leur population:
«Il s'avère que la population totale de cette économie mondiale très mondiale sera de l'ordre de deux milliards de personnes. Le chiffre que de nombreux représentants des mondialistes présentent comme celui de la population souhaitée de la Terre. "
Que deviendront les territoires qui ne sont pas inclus dans les «régions-économies», les globalistes s'en soucient très peu: sur 7 milliards de personnes habitant la Terre, dans les plans des globalistes, il n'y a de place que pour 1ou 2 milliards.
Les résidents des mégapoles se heurteront aux limites les plus inattendues, depuis les masques éternels et un environnement répugnant jusqu'au droit d'avoir un seul enfant ou d'acheter une seule voiture.
Je comprends pourquoi Poutine dit ce qu'il veut dans son coin, tandis que les tyranneaux locaux font ce qui leur plait, à commencer par Sobianine. Pourquoi les masques sévissent tout spécialement à Moscou, car le reste du pays, à part quelques grandes villes, la mafia s'en fout, et elle est moins hypocrite ici qu'en occident.
Dans cette perspective, les neuneus soixante-huitards ou descendants de soixante-huitards qui font encore l'erreur de penser qu'ils sont gouvernés par le père Noël vont avoir un drôle de réveil. Tous les indicateurs démontrant qu'ils se trompent sont au rouge, mais ils se cramponnent à l'idée que cela n'est pas possible, pas chez nous, pas à notre glorieuse époque des droits de l'homme et du citoyen, alors que nos diverses révolutions capitalistes ont ouvert un boulevard aux mafias de tous poils. Les mafias n'ont pas d'états d'âme, elles n'ont pas d'âme du tout, c'est de la sauvagerie avec un costar par dessus, et un brushing pour couronner l'ensemble, et même une sauvagerie vicieuse, ignoble que ne connaissaient ni Ivan le Terrible ni Gengis Khan. Mais tout plutôt que de l'admettre. Ils sont prêts à confier leur vie à un vil petit freluquet comme le docteur Blachier, qui nous fait du chantage et désigne les vieux à la vindicte publique, plutôt qu'à des professeurs de haut niveau, de bonne volonté et de renommée internationale. Ils citent pieusement leurs médias vendus, leur ministre pourri. Ils marchent à fond, comme ils ont finalement toujours marché, ils regardent les vieux de travers, sales vieux qui ne veulent pas laisser vivre les jeunes... Sous les bolcheviques, c'était à cause des paysans ou des "bourgeois" que l'avenir radieux était toujours à l'horizon, et donc faire de tous ces gêneurs qui ne voulaient pas comprendre des esclaves d'état au Goulag coulait de source. Et personne ne les plaignait, salauds de paysans, salauds de bourgeois, traîtres, saboteurs qui empêchaient les pères Noël rouges d'instaurer le paradis sur terre.
L'empressement, la propagande, l'astuce déployés pour nous mener tous au vaccin, le recours incessant au chantage, à la calomnie, à la culpabilisation, à la manipulation, les gueules de faux témoins des médias et de la politique, suffisent à me rendre extrêmement méfiante mais il est bien connu que j'ai mauvais esprit... C'est là que je suis soulagée d'être ici plutôt que là bas, car je crois que sur place, je ne le vivrais pas bien du tout.
En revanche, ici, si nous ne sommes pas trop persécutés par les concombres masqués, la mafia se manifeste autrement. Elle s'asseoit complètement sur l'opinion des gens et même celle des tribunaux, et même sur les ukases présidentiels. Elle a décidé de construire toute la rive du lac et de tout saccager, personne ne l'arrêtera. Je rêve naturellement d'une colère surnaturelle du lac qui balaierait tous les cottages et leurs promoteurs. Mais je suppose qu'il faudra attendre encore un peu que Dieu perde son immense patience...
A noter que d'après ce que j'ai entendu dire, quand on trouve des sites archéologiques sur un chantier, ici, on se dépêche de refermer sans rien dire à personne. La mafia se fout de l'histoire russe. Elle est dans la lignée de ceux qui passaient les cimetières au bull dozer pour y construire des jardins d'enfants, et qui lui ont bien préparé le terrain.
Aussi nous allons tous, sauf miracle, vers cet univers idéal où une mafia internationale se gobergera dans ses "villes-mondes" tandis que les esclaves et les parias, mélangés de force, privés de famille, d'histoire, de mémoire, de culture et de spiritualité, vivront soit dans ces mêmes villes, soit dans les territoires abandonnés.
Les territoires abandonnés, c'est peut-être l'avenir, pour nous, réfractaires. En attendant, je suis les indications du mont Athos, prier tous les soirs à dix heures, heure locale. Je lis le psautier, si magnifique, si inspiré. Olga vit dans une attente eschatologique, tout cela a été annoncé par les divers starets de la sainte Russie. Mais en attendant, autant fuir la Belgique, où les choses deviennent insupportables et les gens abrutis. Oui, autant essayer de vivre encore dix ans tranquille, surtout quand on a un enfant et qu'on ne veut pas le voir transformé en concombre masqué au cerveau rétréci et au sexe hypertrophié.
Dans la perspective de notre soirée de Noël, j'ai aidé le café français à installer guirlandes, boules et étoiles. Je vais aussi y accrocher des aquarelles. Tout irait assez bien pour cette petite entreprise, à savoir si les seigneurs mafieux le permettront longtemps. C'était la question que je me posais aussi devant la fabrique de balalaïkas de mes copains d'Oulianovsk. Je ne parle pas de celles de mes proches français... mais ceux-ci ont sans doute la naïveté de croire qu'une fois le vaccin injecté, ils pourront travailler normalement et sans masque? Les satrapes chargés de nous bousiller ont pourtant expréssement déclaré qu'il n'en serait rien, mais ils n'entendent pas ce qu'ils disent. Il est vrai que toutes leurs déclarations sont contradictoires. Je dirais que dans ces cas-là; ce sont les pires qui sont les plus vraisemblables.
Dans quelques jours, je vais sortir un troisième roman, Epitaphe, aux éditions du Net. Je ne l’ai pas proposé ailleurs, parce qu’il est tellement politiquement incorrect qu’il ne me reste que le samizdat. Et puis, depuis mon bref passage au Mercure de France, j’éprouve une espèce de phobie du milieu éditorial. D'autant plus qu'il faut attendre des mois et que nous ne savons quel sera notre sort à court terme. Un petit éditeur m'a dit qu'il était en stand by à cause des délires covidiens et de la fermeture des librairies...
Au reste, j’ai toujours été complètement marginalisée, je suppose qu’il faut assumer et continuer. Je créée dans la solitude, que ce soit quand j’écris ou quand je dessine. Qui plus est, il m’est très difficile de faire le commis-voyageur pour mes propres œuvres, qui devraient théoriquement être défendues et propagées par ceux qui les aiment et non pas par moi, qui les écris, d’autant plus que j’ai souvent l’impression de ne pas être pour grand-chose dans le processus qui s’effectue à travers moi, sinon que je m’y prête, et que je mets en forme aussi bien que possible ce que j’ai reçu.
Je suis une très mauvaise commerciale. J’ai vu récemment une artiste peintre sauter sur tous les clients du café où elle expose pour les traîner devant ses tableaux et les pousser à l’achat, c’est une chose dont je suis complètement incapable, à peu près comme de démarcher avec la bible pour convertir les gens de force.
Cependant, à notre époque de tohu-bohu médiatique permanent, il faut souvent crier plus fort que les autres si on veut être entendu. Je considère tout ce que je fais, même s’il faut payer quelque chose pour l’acquérir, comme un don à partager. En principe, c’est le cas de tout acte créatif, un pacte, un partage entre celui qui fait et celui qui lit, regarde ou écoute.
Le fait que je sois marginalisée m’exclus de la considération des intellectuels reconnus et diplômés, je l’ai observé bien des fois : “Qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là, d’où elle sort ?” Encore récemment, m’étant permis une réflexion innocente sur la page d’un écrivain respecté, je me suis fait remettre en place par un de ses admirateurs, dont la page Facebook regorge d’impeccables références artistico-littéraires, pas le moindre petit chat, pas le moindre écho complotiste, et cela simplement, à mon avis, parce que j’avais mentionné que j’avais été institutrice, que peut-il y avoir de plus méprisable pour un intellectuel de haut vol qu’une vieille instit ?
Dieu sait pourtant que j’étais aussi marginalisée chez les instits que chez les intellectuels, mais passons. Même quand j’ai été publiée, et primée, au Mercure de France pour ma première version de Yarilo, j’ai été traitée comme une moins que rien et une parvenue par la mère Gallimard, paix à sa petite âme mesquine; et j’ai gardé de toute l’affaire, l’impression de m’être égarée là où je n’avais que faire, mais en ce qui me concerne pour d’autres raisons. J’avais éprouvé un peu ce que le Maître du roman de Boulgakov éprouve quand il joue toute sa vie sur la publication de son roman, vilipendé par les intellectuels de la Maison des Ecrivains.
Donc, si je veux toucher quand même un certain public, il me faudra bien faire un peu de retape. J’avais compté que les lecteurs enthousiastes de mes chroniques se jetteraient sur mes romans, eh bien non, pas tellement. J’ai même fait une expérience étrange. Une lectrice de mon blog voulait m’acheter une aquarelle et m’en demandait le prix. Pour une fois prise d’une inspiration marketing, je lui répondis : “Je vends cela 60 euros, mais j’ai une proposition à vous faire : Yarilo coûte 30 euros, si vous le commandez, je vous offre l’aquarelle et faites-moi de la pub”. Eh bien cette proposition avantageuse n’a été suivie d’aucun écho, du coup, elle a renoncé à l’aquarelle, comme si le livre était potentiellement bourré de Novitchok.
30 euros, ce n’est pas donné par les temps qui courent ; étant donné son épaisseur, j’ai hésité à le publier dans le format le plus petit et le moins cher, je vais essayer, à tout hasard, mais je crains que le problème ne soit pas dans le prix. Je sais bien que tout le monde veut écrire son livre, de nos jours, et que bien sûr, les gens sont glacés d’horreur à l’idée d’avoir à se presser la cervelle pour dire quelque chose de relativement élogieux sur un truc nul à chier, mais je vous rassure: on peut ne pas être sensible à mon univers, au thème, ne pas aimer par exemple les romans historiques, bien qu’en l’occurrence, en ce qui concerne Yarilo et sa suite, ce ne soient pas à proprement parler des romans historiques, mais c’est correctement écrit et composé et, à tout le moins, ce n’est pas ennuyeux, je l’ai écrit avec passion et même par moment des torrents de larmes... Mais naturellement, les intellectuels distingués ne sont plus dans ce registre des émotions petites bourgeoises?
Dans les instructions données par les éditions du Net aux kamikazes de l’auto édition, on recommande de démarcher les librairies pour faire des signatures, elles sont fermées pour cause de Covid et moi en Russie. De faire une annonce sur Facebook, de créer un événement. J’avais ouvert une page Yarilo, donné des extraits, accumulé les photos, payé même des pubs. Cette page est montée jusqu’à 500 likes et j’ai compris que cela n’avait pas de sens, d’autant plus que dernière innovation FB, je n’arrive plus à partager depuis la page sur mon mur, les gens que je connais ne regardent que lui, et n’ont généralement pas le réflexe de mettre leurs commentaires sur la page du livre.
Du reste, si je publie des extraits, ou si quelqu’un me fait un petit compte rendu élogieux, c’est étonnant le nombre de gens qui se gardent bien de commenter, on dirait vraiment que je touche à un de ces sujets tabous qui vous valent 30 jours d’exclusion sur FB.
Adressez vos œuvres aux journalistes, continuent les éditions du Net. Les journalistes, en France, qui donc ? Des journalistes, j’en connais, plutôt alternatifs, et l’on pourrait s’attendre à leurs bonnes dispositions, mais non. Ou bien faut-il leur envoyer l’ouvrage? Je vous en prie, si cela vous intéresse, donnez-moi l’adresse en MP, je vous promets qu’aucun de mes livres ne vous explosera à la figure.
Donc ouvrir une page, j’ai déjà donné. Peut-être un groupe? Combien aurai-je de groupies?
J’ai même pensé à lire Yarilo chapitre par chapitre en vidéo, pour les flemmards et les fauchés, je n’attends pas après mes droits d’auteur pour vivre, comme vous pouvez bien le penser. Et le tour que prend le monde me laisse à supposer que je n’écris vraiment pas pour la postérité. J’écris par nécessité intérieure pour ceux à qui ces livres pourraient être sinon nécessaires, du moins utiles. J’écris dans une grande solitude, les seuls avis dont je dispose sont ceux d’amateurs éclairés, et ils ne sont pas nombreux. Je fais moi-même toutes les corrections, et malheureusement, je laisse toujours passer des choses ...
J’ai écrit Epitaphe pendant le premier confinement, car lorsqu'il a été décrété ici, même s’il n’était pas très sévère, j’avais quand même évité de sortir trop, étant donné mon âge. C’est à la fois une satire de la modernité et une réflexion sur ses causes. Une déploration, également. Comme Yarilo et sa suite, et presque tout ce que j’écris, le livre est influencé dans sa facture par le cinéma et la bande dessinée dont j’ai fait une grande consommation quand j’étais adolescente et étudiante.
Je me suis fait plaisir et n’ai pas pris de gants. Certaines choses pourront paraître choquantes, je dirais que j’en suis choquée la première, mais je n’ai pas voulu affadir le propos en l’édulcorant. Les dialogues reflètent le type d’expression d’un certain style de gens. En réalité, certaines scènes sont parfois des transpositions de ce que j’ai vu sur Internet, l’éducation sexuelle, par exemple, je n'ai pas changé grand chose, ou de ce que j’ai expérimenté moi-même, même si cela s'inscrit dans une sorte d'éxagération épique plutôt truculente.
Il commence en France et s’achève en Russie, ce qui me permet de mettre les deux pays en parallèle. Il ne coûte que 13 euros car ce n’est pas un gros roman, j’ai pu le publier économique.
J’en présente trois extraits, choisis parmi les plus innocents!
Isaure de Sainte-Bastide poussa la porte du café du Commerce, peut-être le seul endroit de la ville à ne pas avoir changé, il avait même conservé son rideau de capsules de bouteille, et les publicités Orangina accrochées derrière le comptoir. Elle alla s’asseoir à une table. Elle était un peu en avance, Robert n’était pas encore arrivé.
Il entra dix minutes plus tard, et alla s’asseoir en face d’elle. Elle avait commandé un chocolat. Il prit une bière.
« Qu’est-ce que tu deviens, Isaure ? Tu es toujours mariée avec… heu…
- Florenpierre ? L’ancien ministre de la culture ? Mon cher Robert, le divorce n’existe pas chez les Sainte-Bastide. Quand on a pris, par étourderie, un imbécile solennel et un salaud on le garde. On essaie même de lui trouver des qualités. Je porte donc dignement ma croix, mais le Seigneur est miséricordieux, c’est lui qui m’a quittée. Nous sommes séparés depuis quinze ans. Mais pas divorcés.
- Cela ne me semble pas raisonnable. Tu aurais pu refaire ta vie.
- Voyons Robert, tu plaisantes… Et avec qui ? J’ai vraiment passé l’âge.
- Pourquoi n’es-tu pas revenue vivre avec ton père ?
- Mon père m’en voulait d’avoir épousé Florenpierre, et puis j’ai mes enfants… Les deux premiers ont fait de brillantes carrières, mais le troisième est un bon-à-rien qui me reste sur les bras et attend l’héritage de son père. Il y en a toujours un comme ça, dans les bonnes familles. Mon fils Enguerran ressemble beaucoup à mon oncle Charles, celui qui s’est noyé en faisant la bringue à Saint-Tropez, dans la piscine de Sacha Bernstein, le producteur, en 90…
- Ah oui, je me souviens de cela. Ton père en était très affecté. Une mort bouffonne, répétait-il.
- Une mort bouffonne pour un bouffon, mais à part papa, nous sommes tous devenus des bouffons, et pas les bouffons du roi, tu peux me croire, le bouffon du roi, c’est le statut largement au-dessus… »
Robert soupira. Isaure valait mieux que sa vie, et c’était une chose qu’il pouvait dire de lui-même et de Gilou, et de presque tous les gens qu’il avait connus. Comme si on avait joué à tous une mauvaise farce, une farce déshonorante. Comme si la population s’était réveillée d’une cuite malencontreuse, dépossédée de tout par des malfaiteurs facétieux, les femmes de leur vertu et les hommes de leurs couilles. « Tu étais si jolie, dans les années 70, avec tes robes en liberty, tes grands chapeaux de paille et tes cheveux au vent…
- Tu n’étais pas mal non plus, chez nous, on t’appelait le beau Robert. Curieux que tu ne te sois pas marié…
- Le paysan n’était déjà plus un parti intéressant dans ces années-là. Peu de femmes avaient envie de travailler comme des brutes avec moi pour gagner des clopinettes. »
Un silence s’installa, que Rose brisa, sortant d’une indifférence de marbre, comme une statue brusquement animée par un miracle : « Qu’est-ce que vous allez faire du château, mademoiselle Isaure ?
- Je ne peux pas en faire grand-chose avec tous ces joyeux occupants. Et les mettre à la porte, il n’y faut pas songer, bien sûr…
- Et votre mari le ministre ?
- Je ne compte pas dessus. Vous comptez sur les ministres, vous, Rosie ? »
Le masque de Rosie s’anima d’un retroussement de la commissure droite et d’un éclair dans l’œil : « Vous me faites offense, et déjà pour commencer, jamais je n’en aurais épousé un !
- Erreur de jeunesse… » soupira Isaure.
Elle se leva pour payer, et Robert l’arrêta d’un geste : « Non, Isaure, je te l’offre…je peux t’aider en quelque chose ? Tu dois mettre ses affaires en ordre, là-bas ?
- Eh bien… oui, en effet. Je dois avouer que d’aller là-bas seule…
- Allons-y ensemble. Laisse-moi juste passer à la maison chercher mon fusil de chasse… »
...
Jenny rentrait de la boutique où elle travaillait à mi-temps, faute d’avoir trouvé autre chose. Heureusement que la maison lui appartenait et que Vanessa avait un travail stable de fonctionnaire, mais il fallait payer tous les impôts et les charges, et l’entretien de Maggy.
Lorsque Cédric s’était fait tuer au Mali, leur mariage battait de l’aile. Il était toujours au loin, mal payé, et puis à vrai dire, ils n’avaient pas du tout les mêmes idées. Son patriotisme primaire, vaguement raciste, et sa mentalité de mâle alpha lui cassaient les pieds. Sa rencontre avec Vanessa lui avait entièrement ouvert les yeux sur bien des choses. Ce n’était pas elle qui était nulle, mais la société capitaliste oppressive et patriarcale qui en avait fait une pauvre cloche obligée de compter ses sous pour s’offrir une culotte ou un crayon à paupières. Elle avait connu Cédric à dix-huit ans, elle était tout de suite tombée enceinte, et avec ses principes idiots, il l’avait épousée plutôt que de la laisser subir l’avortement dont elle avait déjà décidé la date, lui gâchant irrémédiablement la vie pour de longues années. Oh bien sûr, elle était attachée à sa fille, mais si elle ne l’avait pas eue, cela lui eût semblé aussi bien, celle-ci incarnant l’aliénation permanente de sa vie personnelle. Elle rêvait de bien vivre, de vivre pleinement, sans compter, librement, de faire ce qu’elle voulait, de s’offrir ce qu’elle voulait, des vacances exotiques, des fringues de luxe, des aventures avec des « peoples » sur le bord des piscines californiennes. Et il fallait s’appuyer des boulots chiants et s’occuper d’une gamine qui, de plus, ne pensait qu’à son père mort, refusait de comprendre qu’une femme pouvait le remplacer aussi bien qu’un homme, et la regardait comme une malade parce qu’elle avait enfin compris sa nature profonde grâce à Vanessa. Vivre avec une lesbienne était tellement plus simple, et de plus, valorisant, et l’on ne risquait pas de faire de gosses supplémentaires. Une femme maquée avec un homme ne pouvait être vraiment libre, ni se réaliser, surtout si en plus elle avait des gnards. C’était l’esclavage, la tyrannie des règles, des ovules et de l’utérus, des petits parasites qui attendaient l’occasion de s’y développer et d’empoisonner l’existence de leur génitrice avec leurs besoins matériels et affectifs.
Ce qui l’ennuyait, c’est que depuis quelques temps, Vanessa devenait autoritaire, et elle évoquait la possibilité pour l’une d’elles d’une insémination artificielle, partant du principe qu’il fallait obtenir pour leur couple les mêmes droits qu’un couple hétérosexuel. « Mais nous avons Maggy ! protestait Jenny, tu ne crois quand même pas que je vais repartir dans une grossesse, un accouchement, les biberons et les couches-culottes ?
- Maggy, c’est la fille de ton mari, le militaire, elle a génétiquement tout ce qu’il faut pour faire une femme de militaire, une femme objet avec plein de chiards, cela me consterne tous les jours de la voir minauder avec ses tenues de poupée Barbie ! Je voudrais pouvoir élever un enfant adapté aux défis de demain, un être libre, qui fera ce qu’il veut de son corps, au lieu d’être soumis à ce qui nous a toujours aliénés !
- Oui, mais c’est moi qui suis censée pondre l’androgyne libéré ! Tu t’en fous, toi, tu as un métier intéressant et stable, mais moi qui me suis tout de suite retrouvée mère de famille sans formation, je ne peux faire que la vendeuse ou la femme de ménage, tu crois que ça m’exalte ? Si c’est comme ça, autant faire le gosse avec un type riche qui m’emmènera aux Bahamas !
- Tu le trouveras où, ton type riche ? Dans ta boutique de fringues bas de gamme ? Tu ne pourrais pas passer un peu au-dessus de tes rêves de midinette consommatrice pour entrer dans le combat de titans qui fera de nous une humanité nouvelle délivrée des servitudes de la nature ? Tu restes vraiment une petite nana niveau caissière ou coiffeuse…
- Ca c’est la meilleure, tu ne cesses d’accuser les hommes de tous les maux, et tu me reproches d’être une femme !
- Être une femme, ça se mérite, ça se choisit, une femme et une nana ce n’est pas la même chose, la nana, c’est la caricature de la femme ratée, et la femme réussie, c’est celle qui n’est plus ni homme ni femme mais choisit d’être l’un ou l’autre ou les deux, celle qui est au-delà de ces concepts éculés et répressifs ! Tiens, j’ai vu aujourd’hui un gay qui comprend mon point de vue, et il est lui-même avec une espèce de nouille gluante, qui a adopté un petit Russe endoctriné et facho pour jouer à la femme au foyer ! Vous feriez bien la paire !
- Eh bien mais pourquoi tu te mets pas avec son chéri, alors ?
- Parce que je n’ai pas envie des hommes, et lui, il est velu comme un singe ! »
Jenny enfila ses pantoufles, alluma la télé et s’installa sur le canapé : « Et autrement, ça s’est bien passé, l’anniversaire ? »
Vanessa alluma un cigarillo. Brusquement, elle rappela presque à Jenny Clint Eastwood dans « pour une poignée de dollars » : « On aurait plutôt dit un mariage, les deux fiancés au bout de la table, derrière une forêt noire pleine de bougies, muets comme des carpes et cérémonieux… Comme par hasard, le blanc est allé vers le blanc, ta Marguerite ne copinerait pas avec un petit black ou un beur, c’est pourtant pas faute de les redresser dès la maternelle, mais chez certains, le racisme, c’est congénital, le sexisme aussi, d’ailleurs…
- Je suis quand même contente qu’elle soit moins seule.
- Eux aussi sont contents que leur Ruscof ait une copine ».
Jenny entrevit du coin de l’œil sa fille qui se faisait un sandwich à la cuisine : « Alors poussin, c’était bien ta journée ?
- Très bien maman.
- Je suis désolée, j’ai pas la force de te faire à manger…
- C’est pas grave, maman, je me débrouille.
- J’ai pris des mousses au chocolat…
- Oui, j’ai vu. »
Jenny regardait une émission où des petites filles, maquillées comme des voitures volées, interprétaient des chansons d’adultes, en se trémoussant dans des tenues sexy, et des animateurs impudents et pailletés leur attribuaient des notes, en les couvrant, avec des mines surfaites, de compliments d’ogres. « Tiens, je la verrais bien dans un truc comme ça, Maggy, dit Vanessa. Et au moins ça te rapporterait peut-être du fric… »
...
Lorsque Xioucha avait quitté la Russie, cette idée de communauté n’avait pas encore pris forme. Son père hésitait entre partir la faire en territoire cosaque, où depuis la révolution, il n’avait plus d’attaches, mais où il avait participé à des expéditions et des festivals, recueilli du matériel ethnographique, ou bien restaurer cette église et ce village du nord qui se mouraient, et dont sa femme était originaire. Après tout, il y avait des cosaques à Moscou et dans ses environs, ils vivaient et agissaient où ils pouvaient. Longtemps, l’isba des parents de sa femme avaitservi à sa famille de datcha d’été, et il s’était attaché à ce paysage, ces grandes maisons de bois violacé, cette église dont il avait de longues années redouté l’effondrement total, et que depuis qu’il avait pris sa décision, il restaurait avec amour.
Xioucha s’en réjouissait, car elle avait passé son enfance à son ombre, et le village était un endroit que n’avait pas touché la hideur contemporaine. Que son père s’attachât à le sauver lui paraissait une belle œuvre.
Elle s’en alla aider tante Galia à faire la vaisselle, puis à nourrir les poules. Ensuite, elle rencontra Sérioja qui emmenait les vaches au pré, et elle le suivit, par un chemin défoncé, bordé d’orties et de bardanes, où des flaques mettaient sous leurs pas de mouvantes lueurs bleues. « J’espère que le batia vous ramènera votre petit garçon, dit le jeune homme. Il a beaucoup de relations, et il est tenace. »
Sérioja semblait beaucoup admirer son père à qui il donnait ce nom respectueux de batia, père. « Oui, dit-elle, je lui fais confiance ».
Le jeune homme déplaça une barrière, faite de longues branches parallèles assemblées, et laissa les vaches se disperser dans un espace fleuri qui descendait en pente douce jusqu’au lac. Puis il la referma et se percha dessus. Xioucha fit de même. Si son fils avait été à son côté, elle se fût sentie profondément heureuse. Il faisait bon, le soleil chauffait, mais un vent frais soufflait depuis le lac, et ridait une surface d’un bleu nacré irréel où se miraient des nuages, pareils à d’énormes pivoines qui laissaient tomber sur l'horizon de blancs pétales. Le pré déployait ses ondes mordorées, ses riches amas de lupins, de carottes sauvages, on ne voyait plus beaucoup, en France, de prairies pareilles, avec tout ce que les derniers agriculteurs balançaient comme poisons dans la nature, ni de papillons s’en élever et tournoyer parmi les abeilles et les bourdons. Tout était beau, alentour, intact et d’une sérénité à la fois douce et grandiose. Les vaches meuglaient de temps à autre. Les mouettes criaient. Les feuillages bruissaient au vent. Et tout à coup la voix de Sérioja s’éleva et se perdit dans le ciel ; il chantait sans aucune retenue, et ce son puissant et modulé de son âme trouvait sa juste place au sein de tout le reste, il résonnait avec le vent, avec les herbes vibrantes, avec les appels et les rires des bénévoles, sur le clocher, l’aboi sporadique des chiens. Les pivoines célestes, s’épanouissant, se confondaient en un énorme tourbillon de lumière ascendante, au-dessus de la mystérieuse zone d’ombre qui s’approfondissait au ras des flots. « Il y aura peut-être un orage, dit Sérioja.
- En France, observa Xioucha, si quelqu’un chante, les autres lui disent qu’il va faire pleuvoir. »
Sérioja se mit à rire : « Et ça marche ?
- Je ne sais pas, parce qu’en général, quand on leur dit ça, les gens se taisent tout de suite !
- Quand les gens ne chantent plus, c’est grave, dit Sérioja. Et ils chantent de moins en moins. Quand je chante, peut-être que parfois je fais pleuvoir, et parfois venter, mais je sens que le monde est heureux et qu’il vit, et il me répond avec reconnaissance, nous chantons ensemble.
- Cela m’est arrivé une fois, là-bas, de chanter dans la campagne, répondit-elle, leur campagne est très belle mais terriblement silencieuse, quand elle ne résonne pas des bruits mécaniques, les tronçonneuses, les tracteurs, les camions… Son calme a quelque chose d’un peu mort, de peut-être secrètement menaçant. Et j’ai senti tout à coup le vent répondre, un oiseau chanter, tout ce magnifique paysage médiéval s’éveillait, se réenchantait autour de moi. Mais une moto est arrivée en pétaradant et a commencé à aller, venir, tourner, je suis sûre que le motard le faisait exprès, pour anéantir ce début de miracle, et j’ai même commencé à avoir peur.
- Bien sûr, consciemment ou non, il le faisait exprès. J’ai remarqué que les gens déchus détestaient le chant, quand il ne sort pas d’une boîte, avec beaucoup de bruit autour. Tu peux faire tout le bruit que tu veux, et assourdir tout un quartier avec ta radio, mais chanter, pas possible. Un jour, je revenais de concert avec votre père et les cosaques, et vous savez comment c’est, dans ces cas-là, ils ne peuvent plus s’arrêter, ils chantent dans la rue, dans le métro, le bus, eh bien nous avons eu un conducteur de bus écumant de haine, qui nous a insultés, comme s’il nous en voulait de posséder encore ce qu’il avait perdu. Ici, nous pouvons chanter autant que nous le voulons. Et petit à petit, tout le monde s’y met, même les bénévoles qui refont l’église. Nous avons banni la radio et la télé… D’ailleurs internet ne passe pas, tout ce que nous avons, c’est le téléphone. »
Un moment de silence s’installa entre les jeunes gens. Ils écoutaient le vent, et se lançaient des regards furtifs. « Avant de rencontrer votre père, j’aimais le bruit. J’aimais la musique bruyante et martelée qui fait exploser la tête. Après l’armée, je ne savais pas quoi faire de ma vie, j’ai conduit des camions, ça m’amusait ; je me sentais puissant, et je roulais en écoutant du heavymetall. Dès que je n’entendais plus de vacarme, je ressentais un vide angoissant. A part rouler comme un dingue et me saouler le samedi, je n’avais pas de perspectives. Je vivais dans les odeurs d’essence, le béton, et sur les routes que je parcourais sans les voir. J’avais l’impression que ma vie n’avait aucune importance pour personne et même pas pour moi, que si je mourais le lendemain, cela ne ferait aucune différence. Et j’avais beau aligner les conneries, je ne la trouvais jamais assez intense, dès que je redevenais sobre, elle m’apparaissait triste, banale, insensée. J’allais de cuites monstrueuses en paris dangereux, des filles de rencontre aux copains de débauche, avec de fréquentes bagarres, parfois de la drogue. Et rouler sur des kilomètres et des kilomètres, avec le bruit du camion, et le martèlement du rock, et la route béante. Parfois, je dois dire, devant moi se révélaient des visions, des nuages grandioses, des paysages, des lumières, et je me demandais pourquoi je fonçais, pourquoi je m’étourdissais, pourquoi je ne m’arrêtais pas pour regarder. Ce que je faisais parfois, juste cinq minutes. Sous prétexte de me dégourdir les jambes, de fumer une cigarette, de prendre un café. Le silence se faisait dans la cabine, ou plutôt, le bruit lui devenait extérieur, et intermittent. D’autres camions qui passaient et disparaissaient, des voitures. J’ouvrais la porte et le vent du matin me sautait à la figure, je voyais un croissant orange dans un ciel à peine décoloré, une étoile brillante. Ou bien encore une étourdissante colonne de nuages, pleine d’éclairs et de pluie. Je me disais : « C’est peut-être juste ça, la vie, et tu passes à côté ».
- Moi, j’ai toujours su que la vie, c’était ça et que tout le reste n’avait aucun intérêt, observa Xioucha, le reste ne sert justement qu’à nous faire oublier l’essentiel… Mais comment faire ? Il faut étudier, travailler, entrer de gré ou de force dans cette sarabande…
- Oui, oui, au fond, avec mon camion, je ne voulais pas entrer dans cette sarabande. Je cherchais une issue. Et j’ai fini par me retrouver en prison, pour avoir envoyé un type à l’hôpital, au cours d’une bagarre. Ça m’a donné le temps de la réflexion. Je ne l’avais jamais vraiment eu. Je suis un enfant de l’orphelinat. Avec des parents indignes. Jamais seul, toujours dans le bruit, et les querelles. En prison non plus je n’étais pas seul, et ce n’était pas le bruit qui manquait, mais j’avais le temps de penser. Et puis de lire, aussi. »
Sérioja émit un rire gêné et son regard glissa sur le côté : « Je ne devrais sans doute pas vous raconter ma vie… je ne la raconte pourtant pas si souvent.
- C’est sans doute que vous en éprouvez le besoin… et comment avez-vous rencontré mon père, là-dedans ?
- Je l’ai rencontré en sortant. En prison, j’ai trouvé la foi, je me suis fait baptiser. Et le prêtre, qui voulait m’aider, m’a présenté votre père, pour lui donner un coup de main, ici. Viatcheslav Ivanovitch m’a tout de suite plu, et réciproquement. Il m’a dit : « Je te prends si tu apprends à chanter et jouer de l’accordéon. » Je lui ai demandé : « Pourquoi ?
- Parce que je ne veux pas le faire tout seul. »
Mon beau-père, qui m'a inspiré le personnage de Robert