vol de mouettes au dessus du lac |
Cette année, j'ai fêté modestement mon anniversaire au café la Forêt. Très modestement, parce que beaucoup ne sont pas venus. L'un se croyait mercredi alors qu'on était jeudi, l'autre avait des enfants malades, d'autres encore étaient à Moscou. Je n'ai pas eu le courage d'organiser cela à Moscou, et puis cela me revient cher. Quand j'habitais sur place, c'était plus simple.
Du coup, c'était l'équipe du café plus quelques amis, des pizzas délicieuses et un gros gâteau.
On m'a envoyé beaucoup de messages extrêmement touchants, j'en suis même interloquée. Des Russes mais aussi de nombreux Français.
Je me sens dans un drôle d'état, disons qu'il se produit en moi des transformation, à la faveur de la situation extrême, ce qui arrive à des tas de gens dans le même cas. Toute ma vie a reculé derrière ces événements, comme si on avait refermé toute une série de tomes, dont les illustrations me reviennent en mémoire, feuilletées par une main invisible. Un monde désormais inaccessible et resté si familier m'envoie des signaux au travers d'une incompréhensible folie et de présages sinistres qui pourtant ne touchent pas encore mon refuge septentrional.
A voir ce qui se passe dans notre monde, il m'est venu à l'esprit que beaucoup de gens pourraient ne pas remarquer qu'ils se trouvent en enfer. Par exemple, si je devais vivre éternellement dans un univers de cages en béton, d'usines, de fermes industrielles, avec le vacarme puant de routes fréquentées, de la musique tonitruante et affreuse imposée partout, des objets et des vêtements hideux, des comportements indignes, agressifs et vulgaires, je serais dans un désespoir absolu, mais beaucoup de mes contemporains trouvent tout cela parfaitement normal, détestent le silence et la nature, et ne comprennent plus rien d'authentique, de beau, de bon et d'harmonieux, l'enfer, ils en ont déjà l'habitude, et le paradis les ennuie ou les fait ricaner. Dans Yarilo, à un moine qui lui dit qu'il aura du mal à éviter l'enfer, Maliouta Skouratov, homme de main et bourreau du tsar, répond que cela ne lui fait pas peur car il aura là bas toujours de l'ouvrage. En quelque sorte, il s'est préparé à sa destination finale, et elle lui convient. Bien sûr les gens comme lui passeront à côté de joies radieuses infiniment exponentielles, mais ils ne sont pas équipés pour les apprécier, ils n'ont pas ou n'ont plus les récepteurs: nous emporterons avec nous le trésor de notre coeur, à chacun le sien... Le diable de Boulgakov, le professeur Woland, qui n'a d'ailleurs pas grand chose à voir avec le vrai diable, boit, dans le crâne de l'intellectuel pourri Berlioz, au néant auquel celui-ci avait toujours cru et qu'il allait donc rejoindre.
Je vois avec horreur ce qui se passe dans l'Ukraine en guerre, mais ceux qui ont organisé tout ça et y participent avec enthousiasme, ou poussent les autres à le faire, s'y sentent comme des poissons dans l'eau. Ils ne sont arrêtés ni par les vols impressionnants d'innombrables corbeaux, ni par les larmes que versent de nombreuse icônes, ils ne respectent pas les hommes de Dieu qui firent parfois reculer Ivan le Terrible et ses opritchniks, ou même des nomades barbares, et mènent des bacchanales dans les églises dont ils ont chassé les héritiers légitimes. Ils sont insensibles à l'innocence et à la beauté, n'ont compassion de personne, ne respectent rien, ils s'affichent ouvertement satanistes, ils en sont fiers, ils jouissent du mal et de la profanation, du mensonge, du cynisme et de la fourberie, de la pleurniche manipulatrice, du sarcasme et du persiflage, ils égarent les simples et les enfants, et c'est là, disait le Christ, le péché le plus impardonnable, malheur à celui par qui le scandale arrive...
Il me semble que la seule issue, dans ce maelstrom où nous sommes tous entraînés est de prendre de la hauteur, de s'élever comme la mouette au dessus de la tempête, ce qui ne signifie pas l'ignorer, ou lui être indifférent, mais garder, entre les abîmes du ciel et les abysses inférieurs, la direction des courants ascendants, ne pas verser d'huile sur le feu ni de sel sur les plaies, ne pas tirer sur les ambulances, ne pas danser sur les tombes ni ajouter au bruit et à la fureur ambiants des appels au meurtre et des blasphèmes.
Cette distance de sécurité, cette hauteur de vue, je ne peux la trouver que dans la prière et la création. Je mets en ordre tout ce que j'ai fait, en quelque sorte, je fais mes bagages. Les chansons, je dois les enregistrer, car je ne connais pas le solfège. Ainsi je garde le texte et la mélodie. Une amie m'a demandé s'il n'y avait pas de moi dans ces oies sauvages. Si, bien sûr. Elles sont pour moi un modèle de vie. Je crois et je crée comme les oies migrent, par nécéssité de nature. J'ai finalement assez peu créé, mais le terreau de la fin du XX° siècle était peu propice à mon développement intérieur, j'ai donc poussé comme ces arbres qui manquent de terre, j'ai volé comme ces oiseaux à qui les ondes et la pollution font perdre la boussole, mais contre les vents et les marées, jusqu'à la dernière page...
les oies sauvages
Je recommande de regarder la vidéo dont je donne le lien, et que je n'arrive pas à partager directement sans doute parce qu'elle est trop véridique, et qu'on en limite la diffusion. Pour ceux qui veulent comprendre et savoir :
https://www.youtube.com/live/nRbIlGbGtuI?feature=share
Je recommande d'ailleurs toutes les vidéos de cette chaîne, qui réinforme avec intelligence. Je souscris à tout ce que dit Karine, y compris au sujet du groupe Wagner, et je partage les inquiétudes des invités concernant les armes biologiques. Le groupe Wagner est très efficace, et s'il ne touche pas aux civils, ni aux prisonniers de l'armée régulière, il adopte envers les tortionnaires d'en face une justice expéditive qui risque de le faire descendre au même niveau. Quelle que soit la nature de l'ennemi, on n'a jamais intérêt à le suivre en enfer. C'est aussi l'une des thématiques de Yarilo.
Objets en vente sur le site du Temple satanique, organisation "religieuse" américaine... |