C'était hier les vêpres du Pardon. L’évêque m’a
fait remettre son livre, dont il m’avait promis un exemplaire. Nous avons tous défilé devant lui, pour recevoir sa
bénédiction et demander pardon, après qu'il nous l'ait demandé lui-même, ainsi qu’à tous
ses prêtres alignés, et ce qui m’a sidérée et émue jusqu’aux tréfonds, c’est
que ces prêtres, plus ou moins spirituels ou exemplaires, ou possiblement en conflit les uns
avec les autres, comme tout le monde, et qui s’étaient mutuellement pardonné au
préalable, me bénissaient tous avec chaleur, comme s’ils ne connaissaient que
moi, même ceux que je n’avais jamais rencontrés, ou seulement croisés. Parmi
eux, j’ai reconnu le père Ioann, qui me plaisait beaucoup mais que je ne voyais
plus dans Pereslavl, il m’a dit qu’il était quelque part plus près de Moscou,
il m’a donné sa carte. Je l’ai trouvé vieilli, ou peut-être fatigué, et
beaucoup plus hirsute et barbu, mais avec une sorte de rayonnement qu’il n’avait
pas à ce point.
J’étais dans un grand état de ferveur. Il me
semblait porter avec moi tous les miens, et aussi le tsar et Fédia. Natacha est
persuadée que c’est Fédia qui m’a dicté Yarilo, que c’est plus ou moins sa
véritable histoire. Je ne crois pas, bien que je sois convaincue qu’en fait, dans
les grandes lignes, j’ai peut-être saisi quelque chose, dans ses relations avec
son père et le tsar, avec ses enfants, et peut-être que je lui ai donné l’occasion
de demander pardon au métropolite Philippe, en tous cas moi, je prie de plus en
plus ce dernier, pour moi, et pour Fédia.
Les défenseurs de Pereslavl et de son lac ont
remarqué aujourd’hui que tous les arbres de la rive, depuis la plage
municipalejusque vers le monastère
saint Nicolas, y compris l’embouchure de la rivière, vont être abattus pour « améliorer » :
piste cyclable, béton, asphalte, un pont juste en travers de l’église, des
bancs, réverbères et massifs idiots comme dans un centre commercial de banlieue
européenne, et le désastre écologique assuré. Ce programme est régional et concerne aussi Rostov et Ouglitch, les
ravageurs sont déchaînés. Je suis tellement consternée que je n’ai pas de mots.
Partir encore ? Je suis fatiguée, j’aime bien l’évêque et les orthodoxes
de Pereslavl, les cosaques, les peintres, mais ils ne font pas le poids devant
de gros fonctionnaires véreux complètement incultes et stupides. J'ai écrit à tout hasard une lettre à Nikita Mikhalkov, ce qui a provoqué certains sarcasmes dans les commentaires. On verra bien.
J’ai discuté le soir avec un ami de Génia qui
n’aime pas ce qui est russe. L’histoire russe n’est qu’un tissu d’horreurs
(celle des pays européens n’étant que pure idylle au travers des siècles, c’est
bien connu). « Quand donc la civilisation arrivera-t-elle dans ce pays ? »
soupire-t-il.
Elle était là avant que vous ne détruisiez
tout pour aller ensuite vous balader à Paris en méprisant le champ de ruines
que vous laissez s’installer.
Le problème, c’est qu’a présent, à Paris comme
partout dans le monde, on voit se déchaîner le même genre de nuisibles. On les dirait pressés de tout saccager. Ils obéissent au mot d'ordre universel des suppôts de satan..
Ce soir, je suis allée à la lecture du canon de saint André de Crète, après avoir passé l'après-midi à terminer une icône en souffrance, en écoutant les psaumes par le choeur de Valaam, et lu ensuite ce canon en français. J'avais fait un jeûne complet, et je me suis rendu compte que c'était efficace. Je me sentais en manque comme lorsque j'ai arrêté de fumer, mais en même temps, complètement transparente aux prières, peut-être parce que j'étais incapable de penser; ou peut-être parce que j'avais fait un effort. La mère Hypandia me disait que Dieu souvent répond au moindre de nos efforts avec un surprenant empressement. C'était monseigneur qui lisait. Je ne comprends rien quand il nous fait des homélies, je préfère les lire sur la page de l'éparchie, mais quand il psalmodie le canon, il me donne des ailes. Et puis j'ai le texte sous les yeux.
Nous avons hier matin notre flash mob maslenitsa autout du café français, mais je ne peux pas dire que le succès ait été franc et massif. Je pense que si Skountsev avait été à la manoeuvre avec un accordéon, le résultat aurait été un peu meilleur, car il a tellement de présence et de tempérament qu'il ferait réagir une souche. Génia s'est donné beaucoup de mal, cognant sur un tambour et interpellant les passants, mais je pense qu'il aurait fallu, pour mobiliser un peu les gens, jouer avec un effectif plus important des choses entraînantes qu'on entende, la balalaika, c'est trop confidentiel.
Nous sommes ensuite allés prendre un café à l'intérieur. Génia évoqua ce que devait être la maslenitsa ici il y a 200 ans; quand il n'y avait pas de voitures, mais des chevaux, et surtout des gens partout, des gens qui ne demandaient qu'à faire la fête ensemble, à chanter et danser ensemble, pendant que les tsiganes leur faisaient les poches... La disparition du folklore, dans tous les pays, qui se fait de façon insensible, car les élites depuis deux ou trois cents ans, le méprisent, et particulièrement les élites progressistes, qui momifient la culture pour mieux la neutraliser, est la plus grande catastrophe culturelle depuis le début de l'humanité, et la plus irrémédiable. Ce qui disparaît, c'est ce que nous avons mis des millénaires à élaborer, et qui servait de terreau à la seule culture qui avait droit de cité, celle des musées, des bibliothèques et des salles de concert. C'est notre âme et notre intelligence, ce sont ces codes communs qui nous permettaient de nous comprendre et de fonctionner ensemble, qui faisaient danser notre vie. C'est pourquoi notre monde devient si vertigineusement laid, contrefait et désespérant. Il est à l'image de l'humanité, telle qu'elle est devenue en se livrant au diable. Toute cette culture de musée, elle est remplaçable. Mais pas le terreau sur lequel elle poussait.
Je mets ici cet extrait inénarrable du "Barbier de Sibérie" de Nikita Mikhalkov, qui montre bien ce qu'était autrefois la maslenitsa en Russie. Et combien notre vie à tous est devenue terne et moche.
Il faisait un temps de mars, gris, venteux, et j'étais beaucoup plus gelée qu'il y a deux jours, quand je suis allée me promener au lac par moins vingt, avec un soleil qui chauffait déjà, dans un univers d'azur profond et de blancheur éblouissante. Un temps de maslenitsa; car quelle que soit le moment où elle tombe, elle est presque toujours accompagnée d'un temps humide qui glace jusqu'aux os, avec parfois de la gadoue.
De Moscou était venu, avec sa femme Paulina, "Fédia le Noir", un autre balalaiker de grand talent, et puis c'est un intellectuel complètement fou, adepte de René Guénon. Dans l'après-midi, il a joué une de ses compositions avec Génia, sur des balalaikas électriques, c'était complètement hypnotique, et j'aurais voulu qu'il jouât ceci au café, le soir, mais je crois qu'il avait déjà trop forcé sur mon vin de pomme. Cela dit, en faisant jouer au public, à qui on avait distribué des balalaïkas, seulement deux accords, ils ont réussi tous deux à monter une improvisation sensationnelle, tout le monde participait et se prenait au jeu. Les gens qui étaient là auront vu le folklore sous un autre jour, qui n'est pas celui, gnangnan et mensonger, qu'en donnent les médias, les écoles et les mairies. Ils étaient ravis, et peut-être y viendront-ils, pour certains d'entre eux. Il y avait le couple de cosaques, Romane et Olga. Olga m'a confié son bébé pour jouer avec les autres. Cette petite fille était déjà très attentive à ce qui se passait, et confiante, caressante. Olga s'est rendu compte que si elle avait du mal à s'endormir, jouer de la balalaïka résolvait tout de suite le problème; car la balalaïka, elle l'entendait dès le ventre de sa mère, qui s'en sert régulièrement. C'est toute la différence avec la plupart des enfants qui entendent, dès le ventre de la leur, de la musique de merde, fabriquée en série pour décerveler le consommateur, et les bruits mécaniques agressifs de notre environnement, auxquels personne ne peut vraiment se soustraire.
Ce matin, au réveil, il faisait frais dans la maison, et dehors un froid polaire. Dès la porte ouverte, le chat des balalaikers s'est précipité dans la maison, les moustaches givrées et l'air hagard. J'ai vu ensuite qu'il faisait - 30. Mais beau soleil, ciel d'azur. Hier, j'ai fait mes premiers pas sur des skis, dans un espace boisé destiné à cet effet, à la sortie de Pereslavl, sur une piste réservée aux "théières", soit aux nuls qui n'avancent pas, que ce soit sur des skis ou en voiture. Si j'arrive à m'y faire, cela me permettra de me promener et de faire de l'exercice en hiver, car le poids du corps est bien réparti sur les skis et les bâtons, les genoux ne souffrent pas, et cela fait travailler tous les muscles.
Ensuite, j'ai mangé des crêpes avec les balalaikers et préparé une vidéo pour inviter les gens à fêter la maslenitsa près du café français, samedi prochain. La maslenitsa se fête toute la semaine, son point culminant étant justement le samedi, quand on brûle le mannequin représentant l'hiver. Elle se fête aussi sur la place de la mairie, avec des attractions kitsch, bruyantes et le faux folklore qui discrédite le vrai.
la chanson des crêpes
Je n'ai pas trop le temps de voir tout ce qu'on écrit sur les divers groupes de défense de Pereslavl, mais ce dont je suis sûre, c'est que les projets "d'amélioration" sont monstrueux, et vont définitivement saloper ce qu'il reste de pittoresque dans cette malheureuse ville. Ils veulent faire un pont pour les touristes au niveau de l'embouchure de la rivière Troubej et de l'église des Quarante Martyrs. Quel que soit le pont, il fichera tout en l'air, mais ils y tiennent beaucoup; parce que "pour les touristes", supposés tous aussi cons qu'ils le sont, ce qui d'ailleurs est possible, ils prévoient une piste cyclable qui longera le lac, et pas question de lui faire faire un crochet pour éviter ce site, on va au plus direct. Il est évident que quel que soit le pont, cela ne ressemblera plus à rien, que d'autre part, le bétonnage de la berge, où poussent des roseaux, des plantes aquatiques, où nagent des canards, où volent des libellules et des mouettes, compromettra l'écosystème du coin en même temps que son charme et son esthétique. Mais beaucoup de post-soviétiques hagards élevés par des mères komsomoles, pensent que la nature, c'est sale, et que là où est la vie, il faut mettre de l'ordre. L'un de ces individus a d'ailleurs écrit qu'il en avait assez de vivre dans la boue et que lui aussi faisait partie de l'histoire, il veut du béton et de l'asphalte avec des bégonias dans des pots en ciment autour des réverbères et des thuyas.. Mais non, il n'en fait plus partie, justement. Lui, il est dans la post-histoire des dégénérés universels. L'histoire, ce sont ceux qui ont construit l'église, en respectant les berges, et les jolies maisons qui les bordaient autrefois, en un mot les Russes, qui ne sont aujourd'hui plus majoritaires chez eux et ne décident plus rien, submergés par les crétins du Mordor et leurs fonctionnaires rapaces et stupides.
Un prêtre sans barbe, mais avec masque de rigueur, si j'en crois ses convictions. J'aime bien sa formidable assurance, son ton de procureur. Heureusement que je ne suis pas dans sa paroisse. L'orthodoxie est salement infiltrée par les 666, surtout en occident, qui est maintenant 666 du haut en bas, ou plutôt du bas en haut, la tête complètement à l'envers. C'est sans doute ça, l'orthodoxie "intelligente et occidentale"....
N'étant pas scientifique, mais flairant de toutes mes fibres la fausseté fumeuse et ayant lu nombre d'articles de gens aussi scientifiques que lui, mais d'un avis radicalement opposé, je cède le soin de commenter au diacre Frédéric:
Salarié par l'état français (CEA), I.Bena se fait ici le porte-voix de son employeur sur la question des vaccins et balaye d'un revers de la main la complexité (et les risques soulevés par certains généticiens sérieux) de la vaccination génique à base d'ARN, qui pose vraiment question. Le terme "conspirationniste" (ou "complotiste") est le nouveau qualificatif paralysant censé disqualifier toute contre-pensée ou critique sérieuse: il s'agit là d'une forme de terrorisme intellectuel s'accompagnant souvent d'une rhétorique de servitude. Spécialiste reconnu de la théorie des cordes et des supercordes, monsieur Bena oublie au passage de mentionner que cette théorie est elle-même un "crackpot", pour laquelle on dépense des fortunes en recherche depuis 40 ans sans obtenir la moindre confirmation observationnelle (de même que sur la matière sombre).
C'est marrant comme tous ces contempteurs des "complotistes", ces partisans du masque, du confinement et des vaccins douteux, des mesures drastiques et totalitaires, des chantages cyniques et des milliardaires corrompus et psychopathes ont tous comme par hasard des "conflits d'intérêt"; comme on dit.
Skountsev m'a expliqué hier comment les jeunes veuves allaient parfois trouver des sorciers pour jeter un sort à un homme marié, qui alors quittait sa femme et ses enfants pour elle, sans pouvoir revenir, même s'il en avait envie, jusqu'à ce que sa femme fît la même démarche auprès d'un sorcier qui le délivrerait du sort. Il m'a dit lui-même qu'au retour de chaque concert, il s'aspergeait d'eau bénite, avec sa famille. Parce qu'il pouvait y avoir dans le public des gens qui ont le mauvais oeil. Je lui ai parlé de poupées talisman traditionnelles dont j'ai fait l'acquisition. "Marina sait très bien les faire". Arrive Marina: "Vos poupées, vous leur avez mis des croix?
- Non...
- Ah, il faut!"
Elle m'explique que ces poupées ont toutes sortes de fonctions, et que si on souffrait de quelque chose, il fallait accrocher la poupée correspondante à son lit, et la brûler le jour de la fête de l'Annonciation.
J'écoutais tout cela avec une sensation de plongée dans l'espace temps du genre de ma lecture du roman Lavr, les Quatre Vies d'Arsène. Volodia et Marina, Marina, encore, cela ne m'étonne pas trop, Volodia un peu plus. Un homme finalement assez près de la terre, malin, réaliste. Il y croit dur comme fer. En même temps, il déteste le néopaganisme de certains folkloristes. Il trouve que cela n'a pas de sens et que cela ne correspond pas à la réalité. La réalité, comme me le démontre ce couple de vieux-croyants, c'est que sur tout ce paganisme que revendiquent des blancs-becs avides de retrouver leurs racines, on a posé les croix que Marina me recommande d'accrocher sur ces talismans, Il existe toujours, mais digéré, sanctifié, et alors plus de problèmes. A quoi bon en confectionner une copie fantaisiste, quand il s'inscrit dans l'énorme mémoire de la tradition populaire, comme une série de couches géologiques inférieures? Et à quoi bon, d'un autre côté, lutter contre, quand tout cela souvent s'accompagne d'une foi vive qu'on assimile trop facilement à de la superstition? Comme si notre monde n'offrait pas de sortilèges bien pires, de pièges plus dangereux.
Sur un groupe russe consacré au christianisme dans le cadre politique, dont je constate que je fais partie sans me souvenir de l'avoir décidé, je vois tout à coup qu'un individu compare l'Eglise Orthodoxe Russe à une secte, et déploie tout l'agumentaire de l'anticlérical bas de plafond. Je lui ai volé dans les plumes, après avoir examiné sa page, où j'avais vu qu'il résidait au Etats-Unis, et qu'il enseignait dans je ne sais plus quelle structure gouvernementale. Aujourd'hui, je note qu'il exhibe dans le même groupe une citation du patriarche Cyrille comme quoi améliorer notre existence terrestre était une démarche pécheresse et satanique. Outre qu'à mon avis, la citation est modifiée, elle est dépourvue d'un contexte qui donnait un autre éclairage à cette question qui, d'ailleurs, mérite réflexion quand on voit le cul-de-sac où s'est fourvoyé la civilisation du Progrès exponentiel. C'est ce que j'ai répondu, et revenant à la page de ce type, je vois qu'il en avait effacé tout ce qui concernait sa résidence et ses activités aux Etats-Unis! Je lui ai demandé pourquoi il l'avait fait, est-ce que par hasard, il aurait honte? Ceci me confirme dans l'idée que beaucoup de dissidents professionnels, comme la mère Ackermann et l'abominable prix Nobel Alexievitch, sont des russophobes rabiques qui ont d'ailleurs gardé toutes les ficelles de l'agitprop communiste, étudiée dans leur passé de komsomols, à mon avis tout à fait zélés. Et ces gens-là servent maintenant la CIA et l'OTAN avec une méchanceté inlassable, mentant, déformant et calomniant avec ivresse, raison pour laquelle on les invite partout à répandre leur venin sur les ondes.
J'ai eu une explication avec ma locataire du moment qui semble investie de la mission de me convertir à la communauté à laquelle elle appartient et brûle de partager avec moi ses extases spirituelles sur internet. Je suis toujours sidérée par les gens qui pensent devoir infliger leur vérité révélée à tous ceux qui passent à leur portée. Lorsqu'il m'est arrivé d'avoir des révélations, elles s'accompagnaient du sentiment que d'abord elles étaient indicibles, et que si on pouvait essayer d'en témoigner de façon écrite, il était exclus d'en entretenir son entourage, à part quelques personnes choisies qui partagent la même quête. J'ai naturellement un sale caractère. Je m'en suis confessée à l'évêque: "Je n'aime pas qu'on se glisse dans mon âme." Rire de l'évêque: "Surtout si l'on a craché dedans au préalable !
- Oh mais non, elle n'a pas craché dedans !
- C'est une citation d'une chanson de Vissotski: je n'aime pas qu'on se glisse dans mon âme surtout quand on a crache dedans au préalable".
L'équivalent français de l'expression russe "cracher dans l'âme" serait "chier dans les bottes" qui est plus prosaïque, et ne concerne pas directement l'âme.
Le voisin que je n'avais pas vu quand je suis sortie balayer le perron m'a souhaité une bonne fête (du 8 mars) d'une voix sépulcrale. Ce gros couillon vert est tout à fait ennuyé que je ne déborde pas d'affection à son égard et ne me réjouisse pas de le voir s'affairer autour de sa bagnole des que je mets le nez dehors pour respirer et regarder ce qu'il me reste de ciel. Je devrai également être ravie cet été de voir sur sa terrasse de bruyantes familles me faire bénéficier de leurs soirées chachliks. Et il va falloir me résigner à lui parler pour obtenir au moins qu'il installe un drainage digne de ce nom et ne m'inflige pas d'inondations annuelles. J'attends avec impatience que le cosaque Romane me déplace le perron pour que le matin je puisse sortir sur le palier et prendre un petit dej en silence, sans avoir à échanger des banalités avec des gens dont je n'ai rien à foutre. J'aurai l'isba d'en face au travers du poirier, ce sera nettement plus supportable, longue vie au vieux qui en occupe la moitié car je risque fort de voir un monstre de plus quand il passera de l'autre côté.
Bon, je prie quand même pour que Dieu rende le voisin moins con, mais le mal est fait.
Car déménager est problématique. Il y a une maison qui me plaît beaucoup, dans Pereslavl, par sa situation, la façon dont elle est agencée, son jardin en L au fond d'une impasse, ses grands arbres, mais pour l'acquerir il faut impérativement vendre la mienne, et il y a des travaux assez importants, ce sera le déménagement en catastrophe et l'emménagement de même avec des mois de bordel, de joyeux ouvriers dans les murs, je me demande si j'ai encore les forces. Sinon, c'est l'option campagne, mais si cela me tente beaucoup, je commence à me faire vieille. Ou alors l'option Ferapontovo, loin des horreurs planifiées dans notre malheureux Pereslavl. J'ai vu en photo une maison au bord du lac, ce sont les derniers chapitres d'Epitaphe. Mais la aussi il faut beaucoup d'énergie, changer de région, avec toutes les démarches administratives que cela implique, partir à 450 km avec armes, bagages et chats innombrables… Et si ça se trouve dans cinq ans je suis morte.
Parce que les projets pour Pereslavl, et pour toutes les petites villes pittoresques de l'anneau d'or, censément pour attirer les touristes, c'est l'horreur absolue. L'inculture, la grossièrete, l'avidité et le mauvais goût déchaînés. On peut évidemment se dire que cela sera comme ça partout, et faire comme l'orchestre du Titanic qui joua jusqu'au bout.
projet de défiguration complète de la pittoresque embouchure de la rivière Troubej
Mon ami Henri s’est cassé le plateau du tibia en faisant l'ascension du Bugarach. Il est immobilisé pour au moins deux mois, et
je me demande si cela n’est pas providentiel, car cela va le mettre à l’écart
de l’hôpital pour un bon moment. J’ai même eu l’intuition que si Dieu avait permis qu’il se
cassât la jambe sur sa montagne préférée, c’était pour le mettre à l’abri et que peut-être dans trois mois, les choses auraient changé, et que l'opération Covid avec son vaccin suspect allaient foirer. Car Henri vit une grande aventure
spirituelle, il évolue énormément, dans sa solitude, et ce qui lui arrive n’est à mon avis pas un hasard, il est protégé, il est choisi. Le père Basile ne m'a-t-il pas dit que Dieu triait les siens, et les mettait en ce moment sous Sa protection? Henri me donne de l'espoir, et les ailes qui lui ont manqué quand il a fait le vol plané qui l'immobilise à présent.
Cet hiver est vraiment magnifique et se
termine bien. Ce matin, le croissant flottait dans une ombre déjà transparente
et bleue au dessus des toits enneigés et des arbres cristallisés par le givre.
Tout étincelait. Dans la journée, le soleil brillait à travers la neige, tressant
et défaisant tour à tour des nuées étincelantes, bouclées, légères, sur un azur
profond. Je me reproche de ne pas aller me promener. Et de ne même pas aller à
l’église pour les vêpres, mais j'ai lu ce matin l'acathiste aux défunts. J’ai la tête trop pleine de pensées diverses, la situation générale,
cet asile de fous planétaire qu'on nous fabrique et où gambadent de plus en plus nombreux les rhinocéros de Ionesco, masqués sous leur corne et leur petit cerveau.
Hier soir, j’ai reçu Benjamin le Suisse, et sa
femme Katia, j’ai invité aussi la mère de Génia, et sa copine du moment, j’avais
fait un gratin de courge et pour cela une béchamel, ce qui ne m’était pas arrivé
depuis un bon moment. Je préparais ce plat, et je me revoyais à Pierrelatte, avec
ma mère ; combien de gratin de courge, d’aubergines ou autres n’ai-je pas
faits à base de béchamel, à l’hôtel du Rocher, quand il y avait ma cousine
Françoise avec Patrick, son mari, qui est mort il y a deux ans, et puis mon
beau-père Pedro, oui, ce n’était pas la madeleine de Proust, mais ça y
ressemblait, à se demander tout à coup ce que je faisais là et où était maman,
et puis aussi tous les autres. Je voyais s'ouvrir un gouffre entre ce moment et mes encore récents déjeuners au Douglas de Pierrelatte, avec le père Gauthier et ce même Patrick, toujours si vivants dans mon esprit. J’ai alors pensé à mon oncle Henri, et à ses
ricounettes qu’il ne me servira plus et j’ai fondu en larmes au dessus de ma
casserole, comme si cela devenait tout à fait vrai ; plus quelque chose
que je redoutais, qui s'est produit et que je n’arrive pas pleinement à
réaliser, mais un fait accablant . Et puis il m’a semblé qu’ils étaient là,
tout proches, ce que je ne ressens pratiquement jamais, même si leur souvenir
ne me quitte pas, ils devenaient très présents, un peu comme la révélation d'une plaque photographique invisible. J’espère que cela ne signifie
pas que je n’en ai moi-même plus pour longtemps, car avec tous les chats que j’ai
sur le dos... Mais je ne crois pas, au fond, je crois que Dieu a encore des
plans à mon égard.
Je pensais que Robert avait disparu, mais non,
il est revenu bien sûr. Il est chassé par un autre chat qui est un matou
dominant et dont j’ai l’impression qu’il a plusieurs maisons. Je l’ai croisé
une fois où j’allais faire mes courses, assez loin de chez moi, il venait à la
rencontre de ma voiture d’un pas tranquille, comme s’il faisait le tour de son
domaine, comme s’il allait relever les compteurs. Robert est famélique et
trouillard, et c’est un petit format qui ne fait pas le poids. Mais il est très
confiant, je peux lui soigner les oreilles, il accepte tout. Pourvu qu’on lui
fasse une place... Et Dieu sait qu’elle est dure à faire cette place et que
personne n’a envie de le voir rester, à commencer par moi.
Les projets de Génia et de Gilles semblent se
concrétiser, et le musée de la balalaïka est à l’horizon. J’ai proposé à
Benjamin de partager de temps en temps mes cours de folklore on line avec
Skountsev. De tous les cosaques, c’est le Suisse vieux-croyant qui est le plus
intéressé par la question !
J’ai demandé dans un fil de discussion où l’on
évoquait la ville d’Orenburg, pourquoi Pierre le Grand donnait des noms
hollandais à des villes russes, alors que cela n’avait jamais été fait dans un
aucun autre pays. Une bonne femme m’a répondu que si, les Etats-Unis étaient
pleines de villes aux noms étrangers, j’ai donc répliqué que les USA étaient un
pays de colons d’origines diverses, ce qui n’était pas le cas de la Russie, ou
bien est-ce que Pierre le Grand avait ouvert la Russie à la colonisation
européenne ? Elle a fini par me déclarer : « Pierre le Grand n’aimait
pas la Russie ancienne qu’il trouvait attardée.
- En effet, alors que c’était une civilisation
unique et très originale, qu’il a totalement méprisée pour construire des imitations
de l’Europe, un faux Versailles à Peterhof, et leur donner des noms hollandais.
Cela ne rappelle-t-il pas les châteaux américains et les cottages en plastique
des nouveaux Russes ? »
Là j’ai commencé à emmerder tout le monde. On
m’a dit que Pierre le Grand se fichait de mon avis, ce qui n’est pas un
argument, car je me fiche bien autant du sien, et du leur,sauf d’un point de
vue scientifique ! Et de leurs réponses j’en ai conclu qu’ils avaient
profondément enfoncé dans la cervelle que jusqu’à leur fichu Pierre, c’était
les ténèbres, alors qu’il a fallu un siècle pour que les Russes retrouvassent leur
originalité et leur personnalité, après la réeducation subie, et nous donnassent
les chefs d’oeuvre du XIX° siècle, avant que d’autres olibrius occidentalistes
ne leur fissent encore subir un lavage de cerveau progressiste. Pas étonnant qu’ils
construisent des merdes et méprisent tout ce qu’il y avait avant 17, et souvent
même après d’ailleurs, cela fait trois cents ans que leurs autorités les
élèvent dans le mépris d’eux-mêmes, à part les derniers tsars, le dernier tout
particulièrement, que l’on a remercié de sa russification enthousiaste en le laissant
massacrer par des démons auxquels je n’aurais confié ni mon porte-monnaie ni
mon chien à garder. Un de ces adorateurs du tsar occidentaliste me parle de sa « propre
conception du beau », selon laquelle il a piétiné tout ce qui était russe
pour édifier des pâtisseries baroques parfaitement déplacées. Mais je suis
absolument persuadée qu’il n’avait aucune conception du beau, justement, sinon
il n’aurait pas fait cela. C’était un être pragmatique et brutal qui ne s’intéressait
qu’à la technique et tout son Saint Pétersbourg est un chant à la gloire de la
puissance, aussi vide que le modèle de Péterhof, Versailles, dont le luxe ne m’a
jamais éblouie.Et seules les
proportions grandioses du paysage russe, le climat du nord et sa lumière particulière
confèrent à cette ville, qui a coûté si cher en vies humaines, une originalité
fortuite et un charme ornirique qui la sauvent. Il y a des moments où je deviendrais vieille-croyante,
quand je vois tout cela, cette pente fatale, et son résultat actuel, et tant de
Russes qui continuent à se renier et à béer d’admiration devant l’occident, au
lieu de s’assumer comme ils sont. Il faut dire qu’à force, ils finissent
parfois par ne plus se ressembler.
La France devient une véritable dictature, une dictature sournoise et stupide, et
j’en voyais tous les germes dans les facs des années 70, tandis que mes
compatriotes se vautraient dans un hédonisme béat. C’est d’ailleurs cette
génération qui est la plus aveugle sur la nature des événements. L’aveuglement, l’hypnose, l’amnésie des Français,
leur ignorance sont absolument phénoménaux.
On en arrive au « passeport
vaccinal » qu’il était complotiste de redouter il y a six mois. J’ai vu
cela annoncer à la télé française par une bécasse radieuse, avec toute une
brochette de connards allègres qui approuvaient bruyemment. Maintenant qu’ils ne le cachent plus, ce qu’ils disent aux complotistes dans mon genre, c’est « et alors c’est
très bien, on va pouvoir vivre normalement ». Or nous ne vivrons pas
normalement, du moins pas avant des année, et après des événements que je
pressens bien horribles. Car le but n’est certainement pas de nous guérir, le
but de tous ces philanthropes n’est pas notre bien, c’est notre disparition.
J’en suis convaincue.
Pour ce qui est de la Russie, elle offre
plusieurs vaccins, et même un traitement, mais Sobianine va instaurer à Moscou
l’accès au métro par reconnaissance faciale, ce qui n'est pas bon signe. Isabelle me dit qu’en Thaïlande,
il n’y avait aucun cas de covid, mais on fait également mollement semblant d’observer
les « mesures internationales », sans doute à l’issue de pressions et
chantages divers, et l’on va vacciner les gens, dans un pays qui n’est pas
malade. En Russie, on faisait semblant avec plus ou moins de rigueur, on a sorti des vaccins nationaux, ce qui me semble depuis un moment le signe que
c’est une manière de ne pas plier devant les vaccins douteux de Big Pharma-Mafia ni les
mesures du fou furieux Bill Gates.
J’ai écouté une interview du dessinateur
Marsault, qui remplace pour moi Lauzier que je lisais dans les années 70, dans
sa critique au vitriol de la France contemporaine. C’est un jeune homme lucide,
courageux, et honnête intellectuellement, ce qui lui vaut la haine féroce de la
camarilla qui tient toute la « culture » déconstruite depuis ces
mêmes années maudites. J’avais même le coeur serré, en l’écoutant. Il s’est
fait tout seul, exclus de tous les cénacles qui lui auraient permis d’arriver
plus vite, d’avoir un large succès, et maintenant, étiqueté facho, on le traite de tous les noms, il sent le souffre. Il
a évoqué la tentation de se soumettre aux diktats de la caste pour se faciliter
la vie, mais il a observé qu’une fois marqué du sceau d’infamie, on ne pouvait
plus rien faire d’autre que d’assumer son rôle. Il se sent mieux, dit-il, avec
les gens simples, les petites gens, qu’avec les artistes ou les intellectuels,
et il a eu ce mot que j’ai trouvé si vrai : « avec les gens normaux,
en fin de compte ».
J’ai suivi la même trajectoire, sauf que je
n’ai pas réussi à me faire comme lui une petite niche écologique, il a
énormément travaillé, et moi, j’ai perdu toute ma jeunesse dans la recherche
anxieuse de l’homme de ma vie que je n’ai jamais trouvé.
Je travaille maintenant, avec mes
forces de vieille, en espérant que Dieu me prête vie...
Les gens qu’il décrits, j’en ai vu des
exemplaires russes dans une vidéo faite par un jeune comédien. Des acteurs et
actrices exaltées qui jouent aux cow-boys et aux indiens, évoquant les
« risques qu’ils prennent », en « bravant la
terreur ».Quels risques ?
demande le jeune acteur. Que risquez-vous ici ? De quoi vous
plaignez-vous ? Vous avez une vie en or et la possibilité de vous promener
dans le monde entier. Des gens l’invectivent dans les commentaires, je lui ai
apporté mon soutien. Un type écrit : « Nous ne voulons plus vivre
sans liberté, dans la terreur ». J’ai écrit en réponse : « Allez
en France pour savoir vraiment sans quoi et ou vous vivez ». J‘ai pensé à
ces gens de l’Ambassade, dans leur bunker, incapables d'aller voir ailleurs que dans le Monde, dans leur Monde de papier, ce qui se passe vraiment. Le pire est que si tout cela est
manipulé par des salopards qui savent ce qu’ils font, tous les
individus qui marchent là dedans, au fond par intérêt, contrairement
à Marsault, ou à moi-même, s'accommodent si bien du mensonge perpétuel qu'il leur devient une seconde nature, d'autant plus qu'il est le sésame de la réussite et de la vie sociale. Ils finissent par s’auto hypnotiser et croire à ce
qu’on leur raconte et au rôle qu’ils interprètent. Il fallait voir ces actrices
russes se délecter de jouer les héroïnes et les grandes consciences. Quand
j’étais petite et que je jouais aux indiens, moi aussi, je croyais presque que
j’étais une squaw courageuse qui bravait les méchants cow-boys. Presque, mais
eux, ils s’y voient tout à fait, d’autant plus que la police russe n’a pas pour
habitude, comme la nôtre, d’éborgner les opposants... Le politologue Mikheiev,
qui est très pénétrant, analyse cela comme une mentalité de secte. Oui, c’est
ainsi que je le ressens, toute l’intelligentsia française a une mentalité de
secte, et un certain nombre de Russes en sont victimes dans le même genre de
milieux, la différence, c’est que, pour l’instant, c'est juste un certain
nombre, et que des gens comme Mikheïev ou Mikhalkov peuvent encore s’exprimer, alors
que chez nous, ils seraient exclus de partout, et même emprisonnés comme Ryssen.
Mikheiev et Mikhalkov ont d’ailleurs un énorme soutien populaire.
Marsault prévoit un avenir très sombre pour la
France, et hélas, je crains qu’il n’ait raison. Je ne peux plus écouter
Debussy, ou Ferré, Brassens, Brel, et même Charles Trenet sans pleurer comme un
veau.
Il y a plusieurs mois que je me demande avec
Dany parfois ce que fait Poutine, et pourquoi on a laissé revenir Navalny. Une
Russe avait fait une réflexion qui m’avait paru très comique : « Les
juges vendus ont donné la parole à Navalny pour qu’il se discrédite ».
Mais en réalité, il est bien possible que ce soit vrai, que, sachant qu’il se
grillerait très bien lui-même, on l’ait laissé et revenir, et s’exprimer,
justement pour qu’il se discrédite. Car s’il est largement soutenu par les
bobos russes et les jeunes décervelés des villes élevés hors sol, j’ai
l’impression que le reste du pays en est complètement écoeuré, et le soutien
des diplomates étrangers n’arrange pas ses affaires.
Marsault disait dans son
interview qu’il faisait de la politique de comptoir, et je revendique moi-même le café du Commerce. Je ne suis
vraiment pas une politologue ni une économiste. Cependant, je réagis à un
ensemble de signaux, il m’arrive des pièces dont je ne sais pas trop quoi faire au début et qui finissent par former un puzzle.
Dany me dit que la pourriture de la télé russe
est absolument hallucinante. Les libéraux dans la presse se lâchent
complètement. Tous ces phénomènes jouent un rôle certain dans le dévoiement de
la jeunesse, élevée déjà par des parents coupés de leur passé russe à la suite de l’expérience
communiste, comme nous le fûmes du nôtre par la gauche républicaine qui, ainsi que me le
faisait remarquer Mano, en vilipendant toutes nos valeurs, nous mettait sans
anticorps spirituels ni culturels face à la colonisation consumériste des USA
et leur sous-culture déferlante. Mais pour l’instant, la société russe dans
son ensemble n’est pas prête à accepter sans réagir ces doses massives de
poison, d’autant plus que tout cela est fait sans aucune finesse, les gens sont
indignés, ricanent, et ce qui m’ennuie, trouvent dans ces démonstrations, dans
l’affection des libéraux pour tout ce qui est étranger, et dans le soutien des
étrangers à tout cela, une raison de justifier a posteriori les répressions
staliniennes : les traîtres, la cinquième colonne, l’occident pourri. L’occident ça
l’arrange bien, car il faut absolument faire de la Russie l’ennemi idéologique
idéal. Je pense qu’il a délibérément favorisé ce renouveau communiste et son
négationnisme, ce qui explique son soutien aux néonazis ukrainiens sous commandement d'oligarques à double ou triple passeports.
D’un autre côté, je me suis souvenue, à l’occasion
du vote Dzerjinski contre Alexandre Nevski, de ce que me disait Nazarov, que le
pouvoir cherche à légitimer la période communiste pour se légitimer lui-même.
Il me semble qu’on essaie d’opérer une synthèse entre le patriotisme russe, l’expérience
communiste et l’orthodoxie ; c’est ce que représentent à la fois le
régiment immortel, largement récupéré par les communistes, et l’église des
armées justement contestée pour son côté kitsch, lourdingue, et son mélange d’orthodoxie
et de figures politiques plus ou moins douteuses. C’est ce que représente
également Prilepine, me semble-t-il. Personnellement, je suis pour une union de
toutes les forces « patriotiques » mais contre la légende
négationniste qui est proposée et assortie de reproches à l’égard de l’Eglise
tels que : «Vous dites que vous avez la religion du pardon, et vous
ne pouvez pas oublier tout ça. » Précisément, on ne peut pas l’oublier, ni
décanoniser nos martyrs, on ne doit pas l’oublier, mais on peut le pardonner.
Le pardonner est possible, et même souhaitable, c'est aussi le message de mes romans sur Ivan le Terrible. Mais pas le nier. En dehors de ce détail, un
socialisme orthodoxe aurait mon adhésion.
Dans cette perspective, laisser les libéraux
batifoler dans leurs médias jusqu’à l’écoeurement du public, et leur Navalny se discréditer
lui-même est peut-être une stratégie.
Nous avons eu +5°, le lendemain - 11 et maintenant -1. Evidemment, tout ce qui avait commencé à fondre a gelé à mort. Aujourd'hui, c'est officiellement le printemps.Cela fait sept ans que maman est morte et que je ne l’ai pas revue, moi qui lui écrivais quasiment tous les jours, ou lui téléphonais...
Hier, Blackos avait chié dans le plat où je gardais des pommes, sur le coffre. Aujourd’hui, il a pissé sur le divan. Cela me met dans de telles fureurs qu’il a peur de moi, mais il n’a pas pour autant l’idée d’aller dehors, ou même à la rigueur dans la caisse que je mets à cette équipe d’imbéciles infoutus d’aller faire leurs besoins dans la nature. Je n’arrête pas de laver, la machine tourne sans arrêt, je fais sans arrêt le ménage. Ce chat disparaîtrait de la circulation, bien qu’il me regarde avec des yeux de merlan mort d’amour, je crois que je m’en remettrais assez vite.
Je suis ce matin dans un état de fatigue nerveuse confinant à la détresse, et hier, je pleurais comme un veau à l’église, cela m'est venu sans que je sache pourquoi, une espèce de tristesse cosmique insondable. La dégradation globale de l’humanité, et spécialement de sa partie européenne, me remplit de douleur et d’appréhension. Les gens perdent toute raison, toute dignité, toute compassion. Une bande de jeunes cons, en Russie, s’est amusée à poursuivre jusqu’à l’épuisement complet, avec des motoneiges, une femelle d’élan enceinte, pour l’étouffer finalement à mains nues, ce qui provoque une vague d’indignation bien justifiée. Les photos de ces individus montrent des faciès d’imbéciles ricanants, y compris une fille, avec cette expression qu’on voit à tous les rebuts de l’humanité, aux gardes rouges qui torturaient et éxécutaient des prêtres et leurs familles, aux banderistes ukrainiens poursuivant et terrorisant en meute une juive à moitié nue, aux "jeunes" des banlieues violant ou lynchant en bande. Et cela pendant qu’en France, un viandard dégénéré assassine à bout portant un jeune sanglier apprivoisé, échappé d’une propriété voisine, qui venait gentiment chercher des caresses en se frottant contre cette équipe d’abrutis armés qu’on appelle chez nous des chasseurs, ces grands écologistes, ces amoureux de la tradition. Le Mordor recrute des orques à temps plein. Le pire est ma conviction de notre solidarité profonde dans le péché, alors que je ne peux pas prier pour ces gens-là, c’est au dessus de mes forces. J’aimerais bien en parler avec Fiodor Mikhaïlovitch Dostoievski. Je pense que toute sa vie, il a souffert des péchés des autres, en plus des siens propres, c’est ce qui le rendait si nerveux et si irritable, comme moi d’ailleurs, car il ne trouvait, comme moi, de transcendance que dans l’écriture, qui nous met encore plus à la merci des bacchanales démoniaques.
Iakov, le Français d’origine cosaque, est venu de Rostov avec toute une équipe de gens, un Grec qui voudrait travailler au café, sa femme, un paysagiste et la sienne, et leurs enfants. J’ai invité Génia, qui a expliqué qu’il était réaliste, que la promotion du folklore, ce n’était pas son objectif, qu’il cherchait juste à vendre des balalaikas et des vielles à roue à des touristes qui ne s’en serviront que quinze jours pour la plupart d’entre eux. Moi, je suis réaliste aussi, je pense qu’il faut des gens comme lui pour soutenir des projets idéalistes auxquels eux-mêmes ne croient pas, et où ils trouvent leur intérêt.
Le paysagiste, un Arménien, Andreï, m’a dit qu’il fallait absolument obtenir de mon voisin qu’il fasse un mur maçonné à hauteur de sa butée, pour protéger mon terrain des infiltrations d’eau, et du déversement de sa terre aux premières pluies diluviennes. Balancer la même quantité de terre chez moi, comme le prévoyait cet imbécile, n’est pas pensable, car ma maison est située au dessous de la sienne, et de son terrain, et la cave serait complètement inondée. Il faut également qu’il prévoit un drainage, le long du mur, et qu’il mette un tuyau, là où il a bouché le canal qui longeait la route. Je suis persuadée que ce type ne fera pas ce mur, bien contente s’il met le tuyau, et même cela j’en doute. Il considère qu’il me fait la grâce du siècle en me proposant d’ensevelir mon terrain sous des tonnes de terre. Il me faudrait discuter de cela avec lui calmement et cela me rend malade.
Le paysagiste dit que la bande de terre entre nous est très étroite, et qu’y mettre de grands arbres est impossible, il propose des thuyas. Je me rends compte qu’il faudra des années pour régler ce problème et m’épargner la vue de sa terrasse pleine de crétins hurleurs potentiels, et du parking surélevé attenant, avec ses séries de bagnoles. Or je suis déjà vieille, je n’ai pas trente ans devant moi.
Dans tous les cas de figure, remédier à ce qu’il m’a fait va me coûter encore de l’argent et du temps. C’est pourquoi vendre est peut-être la seule issue, en fin de compte, faire des travaux ailleurs ou les faire ici, je n’aurai que le déménagement en plus, et la différence entre la maison vendue et la maison achetée paiera les travaux, au lieu que là, je taperai dans mes dernières réserves pour améliorer la situation.
Seulement je suis persuadée, en dépit du fait que ma maison est grande et bien aménagée, que l'exiguité du terrain et son caractère marécageux, avec ce que le voisin m’a infligé juste à côté, compromet la vente, et qu’a cause de cela, je n’en obtiendrai pas ce que j’aurais pu normalement escompter.
Voilà, j’ai bien fait le tour de la question.
Pour cacher ça, il faut des thuyas ou des buissons de 3 mètres....
J'ai vu une charmante jeune femme russe, Xénia, une amie des Asmus. Elle a plein d'amis qui étaient partis en Europe et reviennent à présent épouvantés. Elle m'a dit: "A la limite, je me fous de savoir si Poutine est ceci ou cela, pourvu que chez nous cela ne devienne pas comme là bas. Entre les masques, la justice juvénale, la théorie du genre, les migrants et la culture woke.
- Vous avez raison. Car en ce moment, la situation ne peut pas devenir meilleure. Mais elle peut devenir considérablement pire".
Cette jeune femme m'a parlé de penseurs et d'écrivains russes convaincus que la foi reste vivante ici alors qu'elle s'éteint complètement en Europe, et que pour cette raison, tout dépend maintenant du salut de la Russie. Et cela m'a rappelé les réflexions d'un Russe dont je découvre la page, Iouri Kabankov. Il cite Vladimir Kroupine: "Le monde a une âme et c'est la Russie. S'il lui arrive quelque chose, le reste du monde, vain et attaché à la pourriture, périra aussitôt". Il termine son message par:
Il serait tout à fait opportun de rapporter ici les paroles du très Saint Patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille, prononcées lors d'une rencontre avec les savants et les étudiants-physiciens après la consécration de l'église attachée à l'université de rechercher atomique nationale: "...l'humanité n'a jamais, par le passé, expliqué et justifié le péché aussi rationnellement... Le concept même de péché, c'est-à-dire le mal, est aujourd'hui par principe, iédologiquement et philosophiquement, placé au même niveau que le droit, la vérité, la sainteté. L'humanité,partantduprincipemalcomprisdelalibertéindividuelle, déclareaujourd'hui que c'est l'homme qui est un système indépendant de toute valeur; c'est lui qui fixe les crières du bien et du mal." Kroupine, parlantdufaitque «lasolidaritédelavulgaritéestencoreplusfortequesonopposition», semble sonner le glas: «C'estmaintenantl'heuredelaprière. Etc'estlachoselaplusimportante. " «Acquérezunespritpaisible, etdesmilliersd'âmesserontsauvéesprèsdevous» (saintSéraphindeSarov). "Nous sommes,- déploreVladimirKrupin,occupéspar une pesteétrangère depuisl'extérieuretl'intérieur». Il est ici tout aussi opportun et approprié de citer les vers pleins de relief du remarquable poète et traducteur Semione Lipkine
A propos de la façon dont il fut effacé de la terre
par l'épée et le feu des hordes féroces de l'Est
nous est parvenue un récit bref et expressif:
"Ils sont venus, ils ont pillé, brûlé
Tué, anéanti, ils sont partis".
A propos de ceux qui maintenant
plongent le monde dans le néant
nous pouvons dire aussi brièvement:
"Ils sont venus comme la peste et le mauvais oeil
mais ne sont pas partis, ils se sont dispersés au milieu de nous".
Dans le contexte de ce qui précède, il convient de savoir fermement et de se souvenir que la sainte Russie, depuis la chute de Byzance, a été le réceptacle sacré du christianisme orthodoxe, et le monde visible ne continuera à exister que dans la mesure où l'intégrité de ce réceptacle est préservée, puisqu' y brille et vacille encore (si elle n'est plus enflammée comme au temps des apôtres et des apologistes chrétiens), la sainte Foi Orthodoxe
J'ai rencontré aussi au café une jeune femme française, arrivée depuis peu à Moscou. Elle travaille à l'Ambassade. Elle trouve que j'ai un nom de famille breton, et une tête de Bretonne, ce n'est pas la première fois qu'on me le dit. Je sais peu de choses sur la famille de mon père, peut-être un breton est-il venu s'installer dans la Drôme, dans les temps anciens. Je l'ai emmenée à l'église des Quarante Martyrs, et subjuguée par le lac, elle m'a dit qu'elle allait partir droit devant elle pour le contempler.
Moscou lui plaît beaucoup, et elle se sent en Russie libre comme l'air, tout l'intéresse. Cependant, des collègues de l'Ambassade lui disent que oui, c'est un pays intéressant, "dommage qu'il y règne la terreur". Ce que c'est que l'autosuggestion, quand même... les occidentaux en général et les Français en particulier sont devenus complètement fous. J'ai même connu des gens qui, vivant depuis des années en Russie et incapables de se passer la grille de lecture de Libération et du Monde, passent leur temps à épier ce qui, dans le pays où ils vivent, pourra justifier les préjugés et les mensonges des journaux officiels du pays d'où ils viennent. Un mur peint à l'effigie d'Alexandre Nevski ou du maréchal Joukov? La bénédiction d'un régiment par un prêtre à l'occasion d'une fête? Preuves évidentes du bellicisme impérialiste des Russes et de leur régime oppressif. A noter que l'Ambassade est devenu un véritable bunker, comme si un terroriste guettait nos petits marquis derrière chaque réverbère...
A part ça Alexandre Nevsky a gagné les élections avec 55% des voix, mais Sobianine a décrété que pour ne pas diviser les gens, on arrêtait le vote et on ne mettrait personne au milieu de la place de la Loubianka, qui fut autrefois pittoresque, et qui n'est plus qu'un espace où se croisent des flots de bagnoles.