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lundi 15 mars 2021

Début de carême

 




C'était hier les vêpres du Pardon. L’évêque m’a fait remettre son livre, dont il m’avait promis un exemplaire. Nous avons tous défilé devant lui, pour recevoir sa bénédiction et demander pardon, après qu'il nous l'ait demandé lui-même, ainsi qu’à tous ses prêtres alignés, et ce qui m’a sidérée et émue jusqu’aux tréfonds, c’est que ces prêtres, plus ou moins spirituels ou exemplaires, ou possiblement en conflit les uns avec les autres, comme tout le monde, et qui s’étaient mutuellement pardonné au préalable, me bénissaient tous avec chaleur, comme s’ils ne connaissaient que moi, même ceux que je n’avais jamais rencontrés, ou seulement croisés. Parmi eux, j’ai reconnu le père Ioann, qui me plaisait beaucoup mais que je ne voyais plus dans Pereslavl, il m’a dit qu’il était quelque part plus près de Moscou, il m’a donné sa carte. Je l’ai trouvé vieilli, ou peut-être fatigué, et beaucoup plus hirsute et barbu, mais avec une sorte de rayonnement qu’il n’avait pas à ce point.

J’étais dans un grand état de ferveur. Il me semblait porter avec moi tous les miens, et aussi le tsar et Fédia. Natacha est persuadée que c’est Fédia qui m’a dicté Yarilo, que c’est plus ou moins sa véritable histoire. Je ne crois pas, bien que je sois convaincue qu’en fait, dans les grandes lignes, j’ai peut-être saisi quelque chose, dans ses relations avec son père et le tsar, avec ses enfants, et peut-être que je lui ai donné l’occasion de demander pardon au métropolite Philippe, en tous cas moi, je prie de plus en plus ce dernier, pour moi, et pour Fédia. 

Les défenseurs de Pereslavl et de son lac ont remarqué aujourd’hui que tous les arbres de la rive, depuis la plage municipale  jusque vers le monastère saint Nicolas, y compris l’embouchure de la rivière, vont être abattus pour « améliorer » : piste cyclable, béton, asphalte, un pont juste en travers de l’église, des bancs, réverbères et massifs idiots comme dans un centre commercial de banlieue européenne, et le désastre écologique assuré. Ce programme est régional et concerne aussi Rostov et Ouglitch, les ravageurs sont déchaînés. Je suis tellement consternée que je n’ai pas de mots. Partir encore ? Je suis fatiguée, j’aime bien l’évêque et les orthodoxes de Pereslavl, les cosaques, les peintres, mais ils ne font pas le poids devant de gros fonctionnaires véreux complètement incultes et stupides. J'ai écrit à tout hasard une lettre à Nikita Mikhalkov, ce qui a provoqué certains sarcasmes dans les commentaires. On verra bien.

J’ai discuté le soir avec un ami de Génia qui n’aime pas ce qui est russe. L’histoire russe n’est qu’un tissu d’horreurs (celle des pays européens n’étant que pure idylle au travers des siècles, c’est bien connu). « Quand donc la civilisation arrivera-t-elle dans ce pays ? » soupire-t-il.

Elle était là avant que vous ne détruisiez tout pour aller ensuite vous balader à Paris en méprisant le champ de ruines que vous laissez s’installer.

Le problème, c’est qu’a présent, à Paris comme partout dans le monde, on voit se déchaîner le même genre de nuisibles. On les dirait pressés de tout saccager. Ils obéissent au mot d'ordre universel des suppôts de satan..

Ce soir, je suis allée à la lecture du canon de saint André de Crète, après avoir passé l'après-midi à terminer une icône en souffrance, en écoutant les psaumes par le choeur de Valaam, et lu ensuite ce canon en français. J'avais fait un jeûne complet, et je me suis rendu compte que c'était efficace. Je me sentais en manque comme lorsque j'ai arrêté de fumer, mais en même temps, complètement transparente aux prières, peut-être parce que j'étais incapable de penser; ou peut-être parce que j'avais fait un effort. La mère Hypandia me disait que Dieu souvent répond au moindre de nos efforts avec un surprenant empressement. C'était monseigneur qui lisait. Je ne comprends rien quand il nous fait des homélies, je préfère les lire sur la page de l'éparchie, mais quand il psalmodie le canon, il me donne des ailes. Et puis j'ai le texte sous les yeux.




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