Berce du Caucase |
Après la pluie sur la neige, le gel et la neige, avec du vent, et panne de chauffage. SOS et débarquement de Kostia et de Rouslan le plombier. Déjà, le chauffage, il faut savoir s'en occuper, lui parler, tous les deux jours tripoter des robinets, et puis aussi régler celui de la cuisine, toute une histoire. On fait tout ça, mais ça recommence une demie heure plus tard, retour de Rouslan: "Laurence, si vous ne voulez plus avoir d'ennuis, il faut faire les choses autrement, il faut retourner au classicisme. Le chauffage au gaz classique, chez nous, c'est les tuyaux à l'intérieur de la maison, ce sera la solution économique et définitive. Je vous mets des radiateurs là où ils manquent, en fonte, on les récupère pour rien à la casse, et des tuyaux sous le plafond et au ras du sol, avec la pente nécessaire, vous êtes sûre qu'ils ne gèleront pas, vous n'avez plus besoin de pompe électrique et ça marchera au poil.
- Mais ça transformera ma maison en usine à gaz?"
Sourire impuissant et désarmant de Rouslan. Un peu plus tard, la femme du patron du café français me dit qu'ils ont dû eux aussi rentrer tous leurs tuyaux à l'intérieur de la maison. Dans un pays où il peut faire moins trente ou moins quarante l'hiver, on préfère l'usine à gaz, le style Beaubourg.
Le lot de consolation de l'aventure, c'est le charme et la conversation de Rouslan au physique eisensteinien! Debout devant ma chaudière, le voilà qui commence à m'expliquer que tous les mots russes techniques sont d'origine allemande, il adore la philologie et l'étymologie. Puis à l'une de mes remarques, il réplique que les Russes sont incompréhensibles aux occidentaux parce qu'ils sont non formatés et informatables. "Oui, lui dis-je, même 70 ans de communisme ne sont pas arrivés à les formater! Quelle résistance!
- Laurence, mais les 70 ans de communisme, remarquez bien, correspondent aux 70 ans d'esclavage des Hébreux en Egypte! Nous allions devenir cupides et matérialistes, à la fin du XIX° siècle, dans notre prospérité, alors Dieu qui nous aime nous a envoyé ce fléau pour nous purifier et nous protéger de la corruption capitaliste par l'isolement du rideau de fer. Il sait où il nous mène."
La conversation est venue, avec Kostia, sur l'hypocrisie occidentale, due d'après eux au catholicisme et au protestantisme qui en a dérivé, à leur conception juridique de la religion. "Nous n'avons pas cette conception-là, chez les orthodoxes, par exemple, saint Silouane l'Athonite parle d'un homme qui en avait presque tué un autre dans une rixe, et il le voit ensuite jouer de l'accordéon: "Comment peux-tu être aussi joyeux après avoir presque tué quelqu'un?
- C'est que je me suis confessé, Dieu m'a pardonné, alors mon péché n'existe plus!" C'est ça, le pardon, chez nous..."
J'ai repensé au commentaire d'hier, sur la Russie néolithique, très bien contredit en détail par Louis Julia, avec des exemples de réalisations grandioses, comme le pont reliant la Russie et la Crimée. Le type donnait la Suisse en exemple, ou la Norvège, pays éminemment chiants, à l'Europe dont il rêve. Mon grand-père, homme honnête, vertueux, réglé comme une horloge et dépourvu d'humour, lorsque quelqu'un dans la famille lui paraissait affligé d'un tempérament excentrique s'exclamait avec désapprobation: "Oh, c'est une Combe!" C'est-à-dire que la personne avait pour lui 'héritage génétique regrettable de ma délicieuse grand-mère sentimentale et farfelue. Les peuples d'Europe ont tendance à avoir le même réflexe en face du charme et du génie slave. Ca les énerve que ces branques de Russes, qui bricolent tout avec trois bouts de fil de fer, arrivent à faire des choses extraordinaires, héroïques, et cela sous l'impulsion de la foi, de l'idéal, de motivations tout à fait infantiles et déraisonnables. Ils ne comprennent pas cet esprit médiéval vivace et capricieux, qu'ils ont perdu, et qui a résisté chez les Russes aux inoculations violentes d'académisme et de pragmatisme opérées par Pierre le Grand et ses successeurs communistes.
Les mésanges prêtes pour le petit déjeuner |
C'est si vrai
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