J’ai assisté chez Dany et Iouri, dans leur théâtre domestique, à la représentation de la pièce en vers de Iouri, « Faust et Hélène ».
Faust y est davantage un poète qu’un savant maléfique, pris entre Méphisto et la belle Hélène de Troie que celui-ci invoque pour le séduire. Il m’a semblé voir une sorte de conversation entre le poète, sa muse, et donc tout ce qui l’inspire, et son génie, qui dans la pièce, est un personnage satanique, avec lequel il a conclu un pacte, le génie se révélant en l’occurrence, comme dans le docteur Faust de Thomas Mann, le résultat d’un pacte avec le diable.
Le génie est-il un pacte avec le diable ? Je me suis souvent posé la question, pourtant,on n’est pas responsable de son génie. On naît avec, et que faut-il en faire ? Des vers, des livres, des tableaux, de la musique… On n'a guère le choix.
Le diable de Iouri, cependant, est séduit par sa victime, de même que sa créature Hélène qui, de déesse coquette devient femme amoureuse et douloureuse, prête au sacrifice de son immortalité pour sauver son poète. De déesse grecque, elle devient vraie femme russe. Le diable de Iouri, flamboyant, sarcastique, se prend à son propre jeu, et avoue son amour pour la proie qu’il devait entraîner en enfer. Lorsqu’il offre à Faust le salut, lui propose de fuir, Faust se déclare obligé par son pacte d’aller honnêtement jusqu’au bout, et décrit toutes les belles choses de ce monde qu’il emportera en enfer, dont ses propres créations.
Mais l’enfer n’est pas pour l'honnêteté et les belles choses, là où entrent les belles choses, l’amour et l’abnégation, l’enfer perd son pouvoir, ainsi que le démontre la descente aux enfers du Christ avant sa Résurrection.
J’en conclus donc que le Faust de Iouri se sauve avec son génie et sa muse, rendant le pacte caduque.
Un des amis présent a déclaré que Iouri était de la classe des poètes classiques et qu’il devrait avoir beaucoup plus de notoriété, n’étaient les temps où nous vivons, et je suis pleinement d’accord avec cela, sa pièce a le souffle des créations d’autrefois, un souffle dont notre temps n'a plus l'habitude, il est difficile au souffle de passer dans l'immense prison banale et médiocre qu'on nous constitue petit à petit. Ses vers coulent de source et scintillent, évocateurs, incantatoires, le propos est profond, sous la fantaisie et l'humour, la grâce. Je ne comprenais malheureusement pas tout, mais j'entendais la musique et le rythme, d'autant plus que la pièce était en partie accompagnée à la guitare et que parfois, la diction des acteurs devenait quasiment du chant. Je regardais cet étrange phénomène du jeu théâtral, avec trois accessoires dans un lieu plein d’atmosphère : un jeu qui n’est pas sans rappeler le jeu des enfants, mais quand les enfants jouent ils répètent leur vie future : les adultes essaient d'en comprendre le sens et d’apprivoiser la mort. C'est la le sens de leur jeu, celui du théâtre ou du roman. Sans doute les créateurs n'ont-ils pas d'autre moyen que ce jeu pour entrer dans la vie spirituelle, parce qu'ils restent d'éternels enfants.
Iouri, en homme de cet orient scandinave qu’est la Russie, est fasciné par l’Europe et son berceau méditerranéen, son Hélène latinisée a quelque chose des personnages de Boticelli et se déplace dans un univers comparable, solaire, brillant et fleuri, tandis que moi, grandie au soleil et dans l’ambiance de la France méridionale, j’ai été captivée par un univers boréal qui m’a emmenée là où j’en suis.
A la fin de tout cela, quand les spectateurs se sont dispersés, une femme nous a fait la démonstration du salut des chevaliers européens du XVI° siècle et tout le monde s’est mis à répéter des révérences en lignes parallèles, spontanément : vraiment, c’est la Russie !
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L'envol des trois héros |
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