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samedi 13 juin 2020

Des patriotes

J'éprouve un certain surmenage, c'est la que je me rends compte que je vieillis. J'ai besoin de solitude et de jours où je n'ai rien de spécial à faire ni de gens à voir. Ce qui ne veut pas dire que je ne fais rien. Entre les leçons des filles, celles de Skountsev, la traduction de mon livre et le reste, les servitudes quotidiennes, le jardin, je ressens une certaine tension nerveuse. J'essaie de m'éloigner des réseaux sociaux sur les conseils du père Basile. Il a du s'effrayer d'une réflexion ou j'envisageais de passer chez les vieux-croyants. Je n'y pense pas vraiment, mais je crois qu'ils auraient beaucoup à nous apporter, et que les prélats diplomates qui tournent autour des catholiques feraient mieux de regarder dans cette direction.
Hier Katia est passée me voir, elle a rencontré une fille qui s'occupe de folklore, ici, avec la communauté cosaque, et lui a parlé de nos projets. Il s'agirait de créer un centre où se retrouveraient les gens que la sauvegarde et la pratique de tout cela intéressent pour échanger, pratiquer, inviter des spécialistes comme Skountsev et aussi des personnes locales qui ont conservé des savoir-faire, pour les transmettre.
Par rapport à la maison de fous que devient le monde, à la suite des expériences progressistes, des excès capitalistes et des idéologies matérialistes, nous en sommes venues à la conclusion qu'il fallait organiser une modeste résistance passive et se rendre invisibles, sous la protection de Dieu.
Katia doit passer au tribunal pour être entrée sans masque au café français. Le nombre de clients qui se massaient sur le trottoir a attiré l'attention du chef de la police qui a brusquement décidé de faire du zèle et envoyé un subordonné passablement gêné de le faire, contrôler les contrevenants. Cela alors que tout le monde en a ras le bol, et que le masque à été imposé tardivement par le gouverneur, qui ne voulait sans doute pas être en reste. J'ai donc mis ce truc étouffant et malsain pour faire mes courses au Magnit. Les courses m'arrachent une côte, mais avec le masque encore plus.
Après cette visite et cet exploit, je m'apprêtais à travailler sur le materiel des leçons de Skountsev que j'enregistre. Mais la même Katia m'appelle pour me convier au barbecue de la famille de cosaques, les Rimm, sur leur terrain, en face du monastère Danilov. Je n'avais aucune envie d'y aller, je l'ai fait par affection pour tout le monde. Mes hôtes avaient des complexes, car leur terrain est tout ce qu'il a y a de plus vague, pour l'instant, bien qu'il y ait une partie potager entretenue. Et cela leur paraissait susceptible de choquer une Française, créature raffinée venue d'un autre monde. Ce qui me choque, c'est surtout le massacre qu'on a fait des environs autrefois pittoresques de ce monastère magnifique, comme d'ailleurs de toute la ville, mais cela ne choque pas le cosaque d'adoption Alexandre Rimm, il estime que les gens doivent pouvoir construire n'importe où n'importe quoi. Il m'a cité l'interdiction faite par les autorités de la jolie ville préservée de Souzdal de détenir des chèvres, pour que le spectacle de ces animaux rustiques ne choque pas le touriste, ce qui est le signe chez ces fonctionnaires d'une profonde bêtise, car rien ne touche plus le touriste que de voir des chèvres, et d'autre part, ma visite à Souzdal avec ma soeur m'a permis de constater que si la ville était encore préservée dans sa structure générale, on y construisait bien aussi de véritables horreurs, et cela, les emmerdeurs officiels ne le voient même pas.

Dounia et les chèvres
Natacha à fait un discours très patriote à Denis, le voisin de Katia, lui aussi invité, afin qu'il vote prochainement pour les corrections de la constitution qui rendront à la Russie sa souveraineté. La confiance des Rimm en Poutine est inébranlable. J'ai appris d'ailleurs à cette occasion que l'idée d'un démembrement de la Russie, chère aux occidentaux et aux libéraux russes, était déjà dans la tête des fonctionnaires soviétiques locaux de la région d'Ekatetinbourg, alors renommée Sverdlovsk. Comme quoi, lorsque je vois la même origine à tous ces épiphénomènes, capitalisme, communisme etc., je ne suis pas loin du compte.
Denis ne comrpend pas pourquoi il faut absolument que les filles apprennent le français, l'anglais, fassent de longeus études. "S'occuper d'une famille, c'est un travail à plein temps, pourquoi le français, pourquoi la philosophie? Et celles qui, tellement occupées à tout cela, n'ont pas de famille, elles sont heureuses?" Cependant, j'ai remarqué qu'il était béat d'admiration devant sa femme et ne faisait rien sans la consulter. C'est aussi le cas du folkloriste, très pater familias, Alexandre Joukovski...
Un moine du monastère voisin est venu nous rendre visite, le père Alexis, et comme j'avais dû mal à me lever de mon fauteuil profond sur un terrain instable, s'est écrié:"je vous en prie, ma colombe, ne bougez pas !" Il m'a vanté les vertus des prosternations orthodoxes contre les ravages de l'arthrose du genou et tenu des discours sur la grâce que malheureusement je ne comprenais pas bien, car Alexandre était passé au chant collectif de chansons patriotiques, avec la famille et les invités, chants assez kitsch, je dois dire. Cependant, ces gens sont purs, et leurs enfants normaux, épanouis, avec un vrai père, une vraie mère et des exemples héroïques, la légende épique de la Russie. Et cela malgré une évidente pauvreté qui ne semble pas affecter ces gosses, élevés dans un esprit de dévouement, d'abnégation, d'idéal et de sacrifice. C'est pour moi la démonstration concrète de la dinguerie atroce, criminelle des sociétés qu'on nous fabrique, en opposition avec ce modèle traditionnel constemment tourné en dérision.
Le père Alexis s'est réjoui de l'émergence d'une véritable communauté orthodoxe, avec des reunions de croyants unis. Le voisin, comme c'était la fête de la Russie, a monté le drapeau correspondant au dessus de son toit et du terrain des Rimm, de leurs chants patriotiques, de leurs poules, de leur chèvre et de son chevreau, de leur maison en construction depuis six ans, selon l'absence de plan et de considérations esthétiques habituelle.

Alexandre et Natacha Rimm

deux cosaques...

Sonia et Katia

la femme de Denis, Katia, avec un de leurs fils

le monastère saint Daniel

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