Lundi soir, en arrivant à Moscou, je suis allée à un concert, pour faire plaisir à Macha Asmus. Et à la sortie du concert, elle et sa famille cavalaient tellement vite, que j’avais mal partout, et le souffle court, j’ai demandé à Kolia, qui restait plus ou moins à mon niveau, d’appeler un taxi. Je me sens diminuée, et d’autant plus que cela allait très bien, que la dernière fois, j’avais marché sans problème. C’est depuis que j’ai fait le jardin, et encore avec prudence. Mais cela ne semble plus à ma portée, or j’adore m’occuper du jardin, cela m’est moralement très nécessaire. C’est le contact avec la vie et sa beauté...
Le concert était donné par les Zaïtsev, un prêtre musicien et ses soeurs, j’ai été épatée par le niveau de la prestation. C’était très beau, j’ai particulièrement aimé des chansons arméniennes mélodieuses et archaïques, enchanteresses et interprétées de façon si juste et cristalline par deux membres de la famille. Et puis des morceaux de Schubert, Rachmaninov, Bach, je songeais qu’en fin de compte, les prêtres étaient souvent de précieux vecteurs en Russie de la culture classique, et parfois aussi populaire, comme le père Nikita, à Donetsk. J’ai fait quelques croquis, et le fils de Macha, Vassia, a voulu lui aussi dessiner, puis sa fille Théa, et je leur ai prêté mon carnet. Vassia est un enfant charmant, très espiègle, mais il faut l’avoir à l’oeil. Elle me l’a laissé cinq minutes, j’ai tout de suite compris qu’il envisageait de rouler la vieille dans la farine et de prendre le large dans la salle. Il m’a demandé si en fin de compte je m’appelais Laurence, Lolo ou bien Lorka ? Je n’étais pas au courant pour Lorka, Macha a répondu qu’on n’était jamais trahi que par ses enfants, et qu’en effet, à mon insu, elle m’appelait quelquefois ainsi. Elle était accompagnée par son amie Ania, avec laquelle elle était allée en France autrefois, et avait passé quelques jours chez ma tante Mano et mon oncle Henry, qui les avaient tellement aimées, qu’ils les évoquaient chaque fois qu’ils me voyaient : des jeunes filles fraîches comme autrefois, comme on en voyait au temps de leur propre jeunesse. Nous avons fait une photo, pour Mano.
J’ai vu aussi Xioucha qui vire communiste, comme sa défunte mère, il faut dire que l’Occident fait tout pour ressusciter l’ennemi soviétique fantasmatique bien utile pour justifier sa politique prédatrice, et c’est de cela que je lui en veux encore le plus, sachant que les propagandistes de tout cela, sont les mêmes que ceux qui, autrefois, après l’avoir inoculé en Russie, nous vendaient le communisme sous tous ses avatars. Je vois venir le moment où, sans aucune vergogne, ils vont nous expliquer qu’en fin de compte, Hitler était le rempart de la civilisation contre les hordes tataro-mongoles auxquelles ils assimilent les Russes.
J'avais imprimé mes souvenirs d'enfance et de jeunesse pour les envoyer à un éditeur en France, mais le père Valentin s'en est emparé, et il me faudra attendre de prochains voyageurs pour les faire parvenir! Au moins aurai-je son avis... Nous avons parlé, avec lui et avec Liéna, des événements. Il nous vient des bruits révoltants sur le comportement des officiers, Xioucha nous dit que cela a toujours été comme cela. Cela n'en est pas mieux pour autant.
Je suis allée, équipée d’une caisse de transport, aller chercher Vassia, la chatte du front. Une petite chatte très ordinaire. Dans le métro, elle était un peu inquiète, et frottait son museau contre mes doigts, à travers la grille. Une fois dans la voiture, elle s’est roulée en boule dans sa caisse, je ne l’ai pas entendue. Arrivée ici, elle s’est installée dans le bureau, et réfugiée dans le compartiment chat IKEA qu’affectionnait Georgette, et elle a dormi encore un bon moment. Elle a un peu peur de Rita qui fait la maline, pour une fois qu’elle impressionne quelqu’un... Les chats ont réagi d’une drôle de manière. Comme si elle avait toujours été là. Ils ont fait part d’un peu d’étonnement, et c’est tout. Je me demande s’ils ne la prennent pas pour Georgette, car c’est un peu le même style de chatte, tricolore, discrète, quoique Georgette avait beaucoup de personnalité, mais elle savait attendre son heure, elle ne faisait jamais de scandale. Dès qu’elle me voit, elle vient se faire caresser, elle semble très contente, elle n’en revient pas. D’un seul coup, après la catastrophe, les bombardements, puis les cages de l’association et d’incompréhensibles transports, la voilà dans une maison paisible, avec de l’espace, la bouffe régulière, des petits coins confortables où se cacher pour faire la sieste. Elle est timide, encore. Ce n’est pas une aventurière. C’est une petite mamie délicate, ravie d’avoir la paix. Son ancienne patronne sera contente de savoir qu’elle est casée et bien casée.
Alors que je m’apprêtais à me reposer de mon équipée, des artisans pressentis pour réparer la maison d’une amie me demandent de leur ouvrir les lieux. Ils ne cessaient de dire que construire une maison neuve était beaucoup moins cher que d’en rénover une vieille, et cela commençait à me taper sur les nerfs. Je leur ai répondu qu’en effet, mais que les maisons neuves étaient affreuses, que Pereslavl avait été transformé en une espèce de zone industrielle et commerciale, raison pour laquelle les étrangers voulaient tous des isbas. Dans le temps, les maisons en bois n’étant pas éternelles, ce n’était pas un problème d’en faire une neuve, harmonieuse comme la précédente, mais aujourd’hui, on se retrouve avec une merde en plastique sans proportions ni style, sans âme, sans charme.
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le printemps se fraie un chemin... |
Un journaliste pourri de BFM TV a fait une émission infâme sur les occidentaux partis en Russie et les blogueurs qui racontent leur expérience, glissant le soupçon qu'ils sont des "agents de Poutine". Je ne fais pas partie du lot, car cela concerne surtout les youtubeurs, les vidéos ayant beaucoup plus d’audience que les blogs littéraires. J’ai regardé la réponse d’Alexandre le Frussien, percutante et expéditive. Puis j’ai vu la jeune Gabrielle, qui prend la peine de disséquer tous les procédés pervers et la fourberie de l’individu, dont le seul souci est de jeter l’opprobre sur le pays et les gens qui ont choisi d’y vivre, en donnant toutes sortes de connotations négatives à ses questions et aux commentaires qu’il fait des réponses. Un triste petit salopard, et ils sont tous comme cela, et depuis longtemps. Gabrielle dit, à un moment, qu’on lui reporche de ne pas être objective, alors que tout en aimant la Russie, il lui arrive d’être critique, et c’est aussi mon cas. Mais il faudrait être non pas critique, lorsque cela a lieu d’être, mais systématiquement malveillant pour trouver grâce aux yeux de la secte qu’est devenue la classe politico-médiatique européenne. On lui reproche également de ne pas être restée pour « sauver la France », et elle répond que la France ne lui paraît pas sauvable, car elle n’a pas envie d’être sauvée, et que d’ailleurs, elle avait eu l’impression d’être poussée dehors. C’est aussi ce que j’ai ressenti, et depuis ma jeunesse, car lorsqu’on pense mal, on n’a pas sa place dans la société française, les gens normaux vont se planquer en Dordogne ou ne quittent pas Saint-Marcel-d’Ardèche, comme Gustave Thibon. Ce qui n’empêche pas les trolls de parler de la dictature russe et de la répression des opposants, avec des trémolos dans la voix, les voici même patriotes, tout d’un coup, patriotes de quoi ? D’un pays qu'ils ont contribué à détruire, qui n’a plus ni foi, ni lois normales, ni culture, un espace à conquérir où se ruent les damnés de la Terre, avec la bénédiction d’une caste financière apatride et mafieuse qui nous intoxique et nous déteste ? Des gay prides à plumes dans le cul ? De la laïcité intolérante, de la vulgarité souveraine, de la vilenie, de la perversion érigée en dogme, de la presse manipulatrice, de la fourberie, de la mauvaise foi, des incantations hallucinées et stupides, du mensonge permanent, des persécutions administratives vicieuses, de la justice inexistante et partiale? La France que nous aimons ou avons aimée n’est même pas défendue par ceux dont c’est théoriquement la fonction politique officielle. Elle devient complètement résiduelle, calomniée et muette, tandis que l’essentiel de la population dégénère à vue d’oeil. Dany me disait qu'en faisant disparaître la paysannerie et l'artisanat, nous avions assassiné la France, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Leur France, n'est pas la nôtre, leur France n'a de France que le nom.
Bonsoir Laurence. J'arrive même plus à écouter le Frussien, alors BFM, pensez ! Plus de TV, plus de radio évidemment.
RépondreSupprimerMais plein de gens ici, comme ça. C'est générationnel en fait. Rien à voir avec un (r)éveil suite à maturation... Ma petite внучка, 16 ans, ses amis... Connaissent que le smartphone.
C'est insuffler de la vie à ces merdias que les citer !
Drahi vend SFR... Ce n'est qu'un début. Ils sont déjà morts en fait.
Occupons-nous de nos chats, du jardin, allons à la messe.
Les gens font des maisons en plastique, dégueulassent le marais ? Normal ! Ils n'ont appris que на работе ces 30 dernières années. Il fallait bien bouffer.
C'est même par son travail et sa famille qu'on définit un homme ici, d'après ce que j'ai compris de mon séjour dernier. Le Beau, ça vient après, c'est l'étape suivante, après le Beauf, en sommes !
Gardons l'Espérance. La génération suivante peut étonner.
J'aime beaucoup lire vos chroniques Laurence car votre verve n'enlève rien à l'élégance de votre plume et témoigne de votre sincérité et de votre grand cœur. 😊
RépondreSupprimerBonjour Laurence! Bien de beaux moments à raconter: le concert avec vis amies, vos souvenirs d enfance à l impression, votre fatigue bien normale après le jardinage, l accueil de votre nouveau chat, vos réactions ulcerées de cette France (et pas que...) détruite, violée, rabaissée, défigurée, censurée,
RépondreSupprimerdénoncée ...ici c est pas mieux! Jusqu'à où iront ils...pour nous abattre d une manière ou d une autre!!?? Profitez bien des côtés encore préservés que vous offre votre Russie !