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samedi 2 décembre 2023

Emelia

 

Je devais aller à Moscou, présentation de livres chez Iouri et Dany demain, mais j’ai remis le départ à demain matin, j’irai même probablement directement chez eux avec mon barda, si j’arrive à faire fonctionner l’application de l’autre monde pour payer le parking dans cette ville « intelligente ».

Un jeune Français qui est en Russie depuis quinze ans, et y a fait ses études, m’a pris une petite interview par écrit et je suis sidérée par l’ampleur des réactions, sur son site, mais aussi sur ma page. C’est une interview assez courte, et j’ai répondu vite,  parce que je n’avais pas bien le temps, mais j’ai évoqué mon enfance, dans les années 50, et les gens l’ont pris comme un vrai conte de fées. J’ai parlé de mes jolies tantes élégantes, de l’hôtel de maman, avec les femmes de ménage qui chantaient et riaient dans les couloirs, en travaillant : Charles Trenet. Un type a dit que j’échangeais la libre France contre la Russie asservie, il ferait bien de réviser ses clichés, comme ses équivalents français, d’ailleurs, qui croient toujours la Russie gelée dans les années 30. Une autre m’a tracé avec amertume le tableau d’une enfance dure, avec une mère et une grand-mère pauvres et exténuées. Maman travaillait énormément, elle se levait à cinq heures, se réveillait la nuit pour ouvrir aux clients qui avaient oublié leurs clés, elle réparait tout elle-même, je la vois encore repeindre les volets des vingt-deux chambres de l’hôtel, la gauloise au coin des lèvres. Elle cousait pour elle et pour moi, et n’a pas pris de vacances pendant vingt ans. Mais nous ne vivions pas mal et gaiment. Comme beaucoup de gens alors. Jusqu’à la guerre sournoise contre les petits commerçants, les paysans, les artisans, les gens indépendants, la petite économie traditionnelle qui gênait les banquiers, les malfrats, toute l’affreuse caste qui nous tient maintenant à la gorge.

Dans l’ensemble, toutes ces réactions sont extrêmement gentilles et me témoignent beaucoup d’affection et de bienveillance.

Une amie dépressive à qui j’avais conseillé de prendre un petit spitz comme le mien pour l’aider à surmonter la mort de sa mère est à présent très malade. Elle m’a demandé de recueillir le chien, ou plutôt la chienne, encore plus miniature que Rita et nettement plus jeune. J’ai besoin de vieillir gaillarde. Car je ne peux pas refuser, cette femme est absolument seule, et c’est moi qui l’ai poussé à prendre un chien.

J’ai fait encore des changements chez moi, c’est-à-dire un peu de bricolage et de transports de meubles. On ne sait jamais dans quoi on s’embarque quand on commence ce genre de choses, et j’ai eu beaucoup plus de travail que prévu. Cela m’a mise dans un épuisement que je crois n’avoir jamais éprouvé de ma vie, sauf quand j’avais le Covid. J’ai pensé à ma mère, ce bourreau de travail, qui, à soixante-quatre ans, s’était lancée dans la réfection de sa salle-à-manger et m’avait dit : «Je crois bien que c’est la dernière fois que je fais quelque chose comme cela, car je n’ai jamais été aussi crevée ». Ma voisine Ania a soupiré aujourd’hui : « Enfin, Laurence... mon mari a votre âge, le médecin lui a dit de faire en trois jours ce qu’il faisait avant en un seul. »

Eh oui.






J’ai lié connaissance sur VK avec une femme qui est paysagiste et décoratrice et montre des choses magnifiques. J’ai vu sur sa page une maison à la fois très contemporaine et très russe que j’aurais pu mettre en réponse à la bonne femme qui m’écrivait le refrain habituel « nous voulons bien vivre, avec tout le confort », pour justifier le massacre des villes russes et leur transformation en chaos de bâtisses mal foutues. Cette mentalité et cette absence total de goût sont le résultat, comme l'explique une autre internaute, de décennies de rééducation soviétique qui ont amené ces malheureux à mépriser tout ce qui était russe, et antérieur à 1917, et à se donner pour but de surpasser un occident mal compris dans ce qu'il a conçu de pire. 

On nous a nourri pendant des décennies d'un narratif dans lequel nos contes poulaires nous présentent; vous et moi, comme un village mal lavé, une nation de branleurs et d'incapables. Nous savons en nous-mêmes que nous ne sommes pas du tout comme cela, que nos ancêtres ont survécu des siècles dans les conditions les plus pénibles, qu'ils travaillaient à la sueur de leur front, qu'au prix d'exploits infinis et de centaines de millions de vctimes, ils ont encore et encore repoussé les raids ennemeis et redressé l'économie, et créant, sans trêve entre l'épée et la charrue, une grande culture sans laquelle l'humanité en tant que telle est impensable. Mais on ne peut pas discuter avec les contes de fées, Emelia n'est pas un un calviniste hollandais obstiné, ni, mettons, un sage philosophe japonais. On nous dit qu'il est le dernier des fainéants et des idiots, mais quelque chose nous fait soupçonner que tout est là beaucoup plus intéressant. On ne nous permet simplement pas d'y penser, on le stigmatise, et on nous dit de le mépriser pour sa négligence. Lui, et avec lui tout le peuple qui a donné naissance à Emelia.

alors qui est-il, et pourquoi devrions-nous être fiers de nos héros de contes populaires? Qu'ont en commun son poêle automoteur et le char T-34? Emelya et Korolev? C'est de cela que parle cette vidéo. Cherchez par vous-mêmes, et montrez à vos plus jeunes que cela devrait être vu par le plus grand nombre - pour leur propre bien, pour un regard juste et argumenté sur les meilleurs côtés de notre peuple.

https://youtu.be/g7ADtDbXfhY?si=Z5aL1F8W_s6vJ5qY

 Arina Kourassovskaïa   

Les bolcheviques, qui détestaient tout ce qui était russe, ont élevé des générations de komsomols dans le déni de leurs ancêtres, et l'adoration du modèle européen, qui en fin de compte est toujours resté leur idole, mais dans ce qu'il avait de plus désespérant, son esprit bourgeois besogneux, envieux et totalement dépourvu de transcendance. Heureusement, cela n'a pas trop pris, ici, bien que cela ait fait beaucoup de ravages. C'est que pour inventer, créer, il faut avoir le temps de penser et de rêver, et que l'homme mécanique engendré par le capitalisme et son revers, le communisme, n'a en principe pas ce loisir. Le Russe était un rêveur et un mystique, un poète, dont des intellectuels au front bas ont voulu faire un prolétaire utilitariste et sinistre. Dans une certaine mesure, cependant, le système soviétique laissait encore passer beaucoup de Yemelya en donnant à tous un salaire pour faire semblant de travailler. Il n'est jamais venu à bout du bordel russe. 

Je place ici pour finir une vidéo de Thierry Messian qui explique beaucoup de choses sur notre situation actuelle, et établit des liens entre ses divers aspects, notemment ce qui n'a pas pu s'accomplir au Donbass, pour cause de puissant voisin, et se commet en Palestine sans que personne n'ouvre les yeux sur le problème ni n'ose y mettre fin. 

https://crowdbunker.com/v/8N5kzjJF


Всем нам десятилетиями вталкивали нарратив, в котором наши народные сказки характеризуют нас с вами как суть село неумытое, нацию лодырей и неумех. Внутри себя мы знаем, что вовсе не такие, что наши предки веками выживали в тяжелейших условиях, что они трудились в поте лица, что ценой бесконечного подвига и сотен миллионов жертв из раза в раз отражали вражеские набеги и восстанавливали хозяйство, без отрыва от меча и орала создавая великую культуру, без которой немыслимо человечество как таковое. Но со сказками не поспоришь — Емеля вам не упорный голландский работяга-кальвинист и не японский, допустим, мудрец-философ. Нам говорят, что он у нас распоследний бездельник и раздолбай, но что-то подсказывает нам, что всё там куда интереснее. Просто нам упорно не дают об этом задумываться, ставят на нем клеймо и велят презирать за нерадивость. Его — и заодно весь народ, Емелю породивший.

Так кто же он, и почему мы должны гордиться нашими героями народных сказок? Что общего у его самоходной печи и танка Т-34? А у Емели с Королёвым? Вот об этом видео. Посмотрите сами и покажите вашим младшим, это должно увидеть как можно больше людей — ради себя же самих, ради правильного и аргументированного взгляда на сильнейшие стороны нашего народа.
Арина Курасовская


lundi 27 novembre 2023

Aventures posthumes




Je suis arrivée à la fin de ma traduction des "Aventures posthumes" de Ioulia Voznessenskaïa. Ces aventures avec son ange gardien m'ont tellement captivée, que je traduisais sans pouvoir m'arrêter. C'est bien la première fois qu'une pareille chose m'arrive, depuis ma maîtrise de russe, avec la traduction de trois nouvelles géniales de Zinaïda Guippious. Ioulia Voznessenskaïa m'est extrêmement proche par le tempérament, cette écriture pleine de fantaisie et d'humour qui a quelque chose d'enfantin, et qui est pourtant si profonde, profonde avec simplicité,  avec innocence, et qui entraîne, au moyen du conte, le lecteur dans des zones inconnues dont il revient transformé. Je pourrais dire que je ne comprends pas qu'on ne l'ait pas traduite plus tôt, mais en fait si, je comprends très bien. Le propos est religieux, spirituel, l'expression poétique, fantastique, empreinte d'une fraîcheur et d'une simplicité, et aussi d'une humanité qui ne sont pas du tout bien perçues chez le snobinard intello de gauche qui grouille dans les hautes sphères "culturelles" françaises. Enfin françaises… de la France actuelle. Parce que les Français, jusqu'à mai 68, ce n'était pas ça.
D'après Liéna, la fille du père Valentin, qui aime beaucoup Voznessenskaïa, elle n'est pas mieux reçue par les libéraux moscovites. Sans doute parce qu'elle n'entre pas dans les cases, comme Soljénitsyne,et comme Boukovski.
Cette excursion dans l'au-delà m'a été proposée juste au moment où j'ai passé le cap des 70 ans, où le covid m'a donné un pressentiment du grand voyage, où ma vieille Chocha me quitte avec tout un pan de vie, où le monde dont je viens s'écroule dans un enfer déjà actuel. L'enfer de Voznessenskaïa, d'ailleurs, est une sorte de miroir qui réflechit et décuple celui où nous vivons déjà. D'une certaine façon, son livre l'apprivoise et nous ouvre des horizons paradisiaques dont nous avons bien besoin, et qui se manifestent aussi, par instants, dans le monde où nous sommes. Il est bénéfique.
.Je vois s'éloigner ma vie, comme le rivage disparaît depuis le pont d'un bateau qui prend le large vers un horizon inconnu. 

Je suis tombée sur deux vidéos qui m'ont paru complémentaires, celle d'Aldo Sterone qui commente avec une verve douloureuse et épouvantée l'effondrement de l'Europe, et un reportage de Vincent Lapierre sur l'assassinat d'encore un adolescent dans un paisible village de la Drôme, par une bande de voyous exotiques montés des quartiers de Romans. Aldo Sterone est un Algérien intelligent et ouvert qui a choisi de vivre autrement et qui voit l'occident qu'il a choisi s'autodétruire. Il prédit un tiers-monde nordique au climat malsain où les gens vont geler et crever de faim, quelque chose comme l'univers de Dickens, comme les bas-fonds de Londres décrits par Jack London qui y avait effectué un reportage, et montre des conditions vie qui peuvent rivaliser, pour la brutalité et l'indignité, avec ce que rapporte Soljénitsyne dans l'Archipel du Goulag. Aldo Sterone attire l'attention sur le fait qu'à la différence du tiers-monde, qui conserve des modèles de société traditionnels et solidaires, les européens ont largement perdu l'habitude de compter les uns sur les autres, et se hâtent souvent de seconder l'Etat dans ses manoeuvres oppressives: ils voient dans leur prochain un enquiquineur ou un contrevenant, qu'il faut dénoncer, car c'est à cause de lui que tout va mal. 
Le reportage de Vincent Lapierre m'a fendu le coeur, cette horreur s'est passée dans la Drôme, dont je suis en partie originaire, dans un petit village, et je n'arrive pas à me mettre dans la tête que les malfaiteurs qui ont chez nous confisqué le pouvoir, la culture, la presse et la justice depuis des décennies, ont finalement réussi à transformer un pays béni des dieux en coupe-gorge de plus en plus misérable, dangereux et totalitaire. Je regardais ces gens simples, ces braves gens bouleversés qui témoignaient de l'affaire et de leur désarroi, et je me sentais complètement solidaire. Comment est-ce arrivé, et comment en sortir? Comment c'est arrivé? Peu à peu, en dupant les gens et en les endormant. C'est contre ceux qui font profession de penser que je suis le plus en colère, je pense à leur mépris, à leur prétention, à leur conformisme, à leur total manque de coeur derrière les grands mots affichés. Et lorsqu'arrive cette imbécile qui accuse Lapierre d'être "d'extrême droite", je ne peux pas m'empêcher de regretter qu'elle n'ait pas pris le coup de couteau à la place du gentil petit joueur de rugby de seize ans. Un de plus sur la longue liste des enfants égorgés ou battus à mort.
Le plus désolant, c'est que lorsque des personnes d'origine arabe se solidarisent avec nos victimes contre leurs bourreaux, ils se font néanmoins traiter par certains de tous les noms. Quelqu'un m'a expliqué que gentils ou pas gentils, c'étaient des envahisseurs et qu'on ne voulait pas en entendre parler, ni avoir des relations avec eux. Malgré toute mon horreur de l'invasion, et ma tristesse, et ma colère, je n'arrive pas à raisonner de cette manière. Les gens qui se veulent français, qui choisissent notre camp, je ne peux pas les insulter ou les molester.  
Les Français que je préfère, à l'exception de quelques rares intellectuels qui nous font encore honneur par leur intelligence et leur courage, ce sont justement les gens que l'on voit sur cette vidéo, des gens simples et honnêtes qui ne comprennent pas qu'on les ait mis dans une situation pareille.
Comment en sortir? Je ne cesse de dire aux Russes de revenir à leur russité, à leur culture spécifique, à leur culture paysanne, à leur folklore et à leur foi orthodoxe, tant qu'ils peuvent encore le faire. A tout ce qui les unissait. Mais je me demande ce qu'il reste en France de culture spécifique, de culture paysanne, et surtout de foi, quand je vois le curé de cette église de Rouen profanée et saccagée affirmer qu'il "ne s'agit pas d'un acte antichrétien", ou quand je vois cette vidéo d'Eric Veraeghe où l'on explique comment le pape François entend modifier les conditions d'élections du conclave pour barrer le chemin à un successeur plus conservateur qui pourrait réparer tout le mal qu'il fait. En réalité, si j'ai de l'estime ou de l'affection pour certains catholiques, vivants ou morts, j'ai la certitude que l'Eglise de Rome s'est profondément fourvoyée, et que c'est la raison première de la dérive qui nous a amenés, en quelques siècles, là où nous en sommes. Cette dérive peut fort bien nous entraîner nous aussi, je veux dire nous, les orthodoxes. Certains s'emploient à nous miner de l'intérieur, tandis qu'ils persécutent l'Eglise d'Ukraine et cherchent à l'anéantir pour lui substituer le machin de Bartholomée. La Russie, depuis que Pierre le Grand l'a mise à la périphérie de l'Europe, se trouve aussi à la périphérie du maelström.




 



Le journaliste ukrainien Igor Drouz publie justement un article sur les dérives arc-en-ciel et woke  de la secte Doumenko, et je ne doute pas qu'en Russie aussi, nous ayons de fervents adeptes de ce genre de fantaisies: c'est occidental, c'est libéral, c'est cool, c'est ouvert, c'est tolérant, c'est in.

vendredi 24 novembre 2023

Enfin la neige

 


Enfin la neige.  Je dis "enfin la neige", parce que c’est plus gai, plus lumineux et plus vivifiant, quoiqu'à vrai dire, je verrais bien, en ce moment, chez nous, une aurore boréale pour faire plus festif. Mais d’un autre côté, c’est plus périlleux pour les vieilles qui ne tiennent plus bien sur leurs jambes. Mardi, je suis allée à la liturgie de la fête de l’Archange saint Michel et des milices célestes. Il y avait ensuite un office d’intercession dans la chapelle inférieure de l’église du saint métropolite Pierre de Moscou qui est consacrée à saint Michel. Nous avons demandé son aide pour réparer l’église. Un architecte important s’y intéresse. Il voudrait obtenir que la rue qui passe juste devant fût piétonne, car le trafic ébranle les murs. Cependant, on a construit un hôtel en face, d’après ce que j’ai compris en violation des lois, car tout le centre historique est protégé, mais les lois, n’est-ce pas... Je pense qu’une rue piétonne n’arrangera pas cet hôtel, et il faudra prévoir aussi un parking pour les autobus de touristes.

J’ai senti malgré tout un vent d’espoir. Cette très belle église du XVI° siècle  pourrait être sauvée. Et il ne serait pas mal d'aménager les abords de ces monuments, malheureusement, je crains le pire, à moins que l'architecte soit vraiment bon et ne parvienne à calmer les sectateurs, souvent d'ailleurs des sectatrices, du petit massif idiot, de l'allée rectiligne et des réverbères.

On a installé une iconostase, très simple, en bois, qui m’a beaucoup plu. Les icônes sont pour l’instant des reproductions photographiques. Malgré le froid, j'ai éprouvé de la joie à recevoir, de la part d'un père Vassili malicieux, une pluie d'eau bénite.

Le lendemain, je suis partie avec la voiture de la chaîne SPAS, pour Moscou, où je devais participer à une émission. Elle avait lieu dans la nouvelle église du monastère Sretenski, c'est un si bel endroit, l'ancienne église est ravissante, blanche, avec une coupole centrale dorée et des coupoles périphériques d'un vert émaillé. Elle est environnée d'un jardin plein de charme, avec des conifères de petite taille, des buissons de cierges devant des icônes extérieures, et tout cela sous la neige qui commençait, on aurait dit une carte de Noël. La grande église contemporaine est plus officielle, à l'intérieur, c'est très luxueux. Mais tout est fait assez joliment, avec des couleurs harmonieuses, un réfectoire accueillant, où l'on m'a nourrie à mon arrivée. Je devais rencontrer "par hasard" l'écrivain et journaliste ukrainien Ian Illitch Taxior, orthodoxe, monarchiste, arrêté par le SBU, mais libéré à l'occasion d'un échange de prisonniers, et maintenant réfugié à Moscou. Il dirige un programme pour SPAS, et m'a expliqué, dans la cour du monastère, qu'après avoir vu mon interview par la même chaine, il avait trouvé mes propos si profonds et si justes qu'il avait souhaité m'inviter, ce sont je suis extrêmement touchée. J'en étais même un peu intimidée, car il ne m'a pas posé toujours des questions faciles. Je devine que les réactions pourront être un peu mouvementées. Cela portait sur l'idée du père Basile que la Russie devenait l'arche du christianisme, la Russie serait-elle à la hauteur de cette mission? Quelles en étaient les conditions? J'ai répondu d'abord le repentir et la réconciliation nationale, et ensuite un soutien réel à la renaissance culturelle de la civilisation russe. Sur les racines de la russophobie, j'ai dit que cette russophobie était aujourd'hui artificiellement instrumentalisée et suscitée, mais que dans les siècles passés il y avait eu la solidarité catholique avec la Pologne, et puis aussi, l'esprit bourgeois s'étant développé en Europe aux dépens de la spiritualité médiévale en voie de disparition dès la Renaissance, une incompréhension profonde et une hostilité pour un pays qui avait gardé cette spiritualité et se présentait comme un reproche vivant, un énorme truc qui existait autrement, sans mettre les valeurs de réussite matérielle et de travail vertueux au premier plan, avec des habitants "excessifs" qui paraissaient aux besogneux occidentaux complètement fous. Déjà au XVI° siècle, des voyageurs étrangers s'indignaient qu'il n' y eût pas, dans les églises russes, de bancs et de chaises pour "rendre la piété plus agréable". Avant la parenthèse communiste, il n'y avait pratiquement pas d'esprit bourgeois en Russie. De plus, lui ai-je précisé, en ajoutant que je pouvais me tromper et que c'était là une impression personnelle, derrière les bolcheviques, il y avait des empires financiers qui s'attendaient à toucher un gros butin après 17, et Staline, quoiqu'on put penser de lui par ailleurs, leur avait claqué le rideau de fer au nez, permettant une russification progressive du communisme qui ne faisait l'affaire de personne. Puis au moment de la perestroïka, ces prédateurs ont commencé à se servir, mais d'une certaine manière, l'arrivée de Poutine au pouvoir a mis un frein à leur rapacité, d'où leur rancoeur. 

L'interview s'est déroulée dans le sanctuaire du premier étage, près du baptistère, avec des fresques et des mosaïques partout. Evidemment, j'avais oublié de prendre avec moi l'année 17 de mes chroniques qui intéresserait sûrement cet homme, mais je vais trouver moyen de la lui transmettre. 

Je n'ai pas profité de la voiture de SPAS pour rentrer parce que je voulais voir le père Valentin, Dany, et je devais rencontrer un autre journaliste ukrainien, Igor Drouz, mais ce sera pour la prochaine fois. J'ai réussi à rencontrer Dany dans un salon de thé soi-disant français, c'est une chaîne, il y en a dans tout Moscou, mais moi qui suis la critique gastronomique des pâtisseries, je dirais que c'est mou, crémeux et sucré mais qu'on n'y sent aucun goût par ailleurs. C'est meilleur chez Gilles. Bon, mais au moins nous avons pu bavarder en français, dans un silence d'église, les autres clients solitaires n'ayant personne à qui parler, on n'entendait que nous, et une jeune fille se marrait visiblement, peut-être qu'elle comprenait la langue de Molière. 

Puis j'ai vu la toujours jolie Alla, dans son appartement kitsch, et son adorable petite chienne Iana, avec laquelle Rita a même joué. J'habitais dans ce quartier autrefois, et pour venir du métro je mettais de dix à vingt minutes, maintenant, je mets une bonne demie heure, j'ai quinze ans de plus dans les pattes. Tout a tellement changé, c'est devenu chic, classe, avec des jeux pour enfants, des allées, des grilles, j'aimais mieux avant. Alla m'a raconté que pour "ennoblir", comme on dit ici, les cours, on avait arraché tout ce que les habitants avaient planté. Ils avaient, avec le temps, orné leur espace de flox et de pivoines, de clématites, les fonctionnaires de la mairie et leurs hordes d'ouvriers exotiques ont tout exterminé et replanté dans le style petit massif à la con que ce genre de personnages adore.

Je suis rentrée par l'autobus, que je n'avais pas pris depuis des années. On a entièrement refait la gare routière, et j'étais complètement perdue, mais je dois dire que tout le monde a été extrêmement serviable et gentil, depuis les flics qui vérifiaient mon sac jusqu'au chauffeur du bus en passant par la caissière. Ce qui m'ennuie, avec le bus, c'est de ne pas être indépendante, d'un autre côté, pas besoin de garer la voiture, et au lieu de conduire dans les intempéries, je dors.

Au retour, le taxi s'est extasié sur le blochaus des voisins, ah  oui, c'est gros, c'est neuf, ca en impose. Je lui ai dit que je préférais ma maison.

Je m’attends toujours à trouver Chocha dans mon bureau.

Par moments, il me semble qu’en fait, elle est là. Pas dans la terre gelée, derrière le thuya, où se trouve sa pauvre dépouille. Mais ici, avec moi, sa maîtresse, dans sa maison, peut-être même font-ils tous partie intégrante de notre âme à leur mort, et participent-ils ainsi à notre éternité future.

D’après ma traductrice Nina, le saint évêque Luc de Crimée a dit que les animaux allaient au paradis, où plus personne ne les tourmentait ni ne les exploitait. J’espère les retrouver et me faire pardonner de ne pas avoir été à la hauteur de leur attachement inconditionnel et de leur confiance.

Georgette, qui était supplantée par Chocha, que je privilégiais depuis qu'elle déclinait, prend toute la place, elle est tout le temps près de mon clavier, là où se tenait sa rivale aveugle et cacochyme. Après tout, c'est elle, maintenant la doyenne. Pour l'instant, elle est encore en pleine forme.




samedi 18 novembre 2023

Un peu de soleil

 


Toujours pas de neige, mais du soleil, un soleil pâle et transparent, au travers de brillantes guirlandes de nuages pour décorer des arbres de Noël célestes, et au réveil, du givre, sur ce qu'il restait encore de fleurs fanées et de verdure obstinée. Je n'ai pas pu m'empêcher de dégager mon seringat, qui dormira jusqu'au mois de mai, pour voir la dégaine qu'il avait, car il a beaucoup poussé, cet été, et l'année prochaine, il commencera à devenir joli. J'ai regardé la tombe de Chocha et son thuya. S'il subsiste quelque chose d'elle, c'est chez moi et en mon coeur, son petit corps se dissout dans le jardin, comme toutes choses qui y poussent et qui y meurent. Et tous mes chats qui, heureux de revoir la lumière, escaladaient le poirier où se poursuivaient sur la terrasse, finiront de la même manière, rangés dans ce microcosme, avant que je ne disparaisse moi-même, du moins je l'espère.

 Les mésanges s'intéressent beaucoup à moi, elles viennent me regarder par la fenêtre.

Ma présentation de livres s'est bien passée, mais j'ai mis cinq heures à faire le trajet. La voiture de Katia n'a pas voulu démarrer, c'est donc moi qui ai fait le chauffeur dans la mienne. Deux heures de bouchon sur le koltso avant de pouvoir entrer au monastère Donskoï, affamées, et aucun temps pour se remettre, pour laisser aussi ma vielle s'adapter, je l'ai accordée comme j'ai pu, mais elle n'était pas tellement au top, elle est climatodépendante, elle aussi. 

Tous les livres que j'avais apportés sont partis, mais c'est surtout parce qu'une amie businesswoman a raflé tout ce qu'elle pouvait pour ses cadeaux d'entreprise. Cependant, les gens présents se sont sincèrement interessés, avec bienveillance et émotion. Je n'ai vu aucun ami, à part mon futur élève Dima, la mère de Katia Lioudmila, c'étaient tous des inconnus. Pour les amis, il reste la présentation chez Iouri. 

J'étais et je suis encore si fatiguée, parce que la mort de Chocha m'a terriblement secouée, j'ai mal dormi toute la semaine. Je commence juste à revenir à moi, à retrouver mon calme.

J'ai dit au père Valentin que je faisais une dépression saisonnière. "Oui, moi aussi, me répond-il, je commence à me sentir mieux quand je vois arriver Noël, parce qu'après nous basculons de l'autre côté, celui des jours qui grandissent."

C'est exactement ce que je ressens. Quand vient d'abord la neige qui éclaire tout, puis les illuminations festives, les guirlandes, les bougies, les lanternes, les boules, les sapins décorés, tout ce qui est profané et saccagé en France au nom de toutes sortes de conneries viles, stupides et méchantes qui nous font de plus en plus ressembler à l'Ukraine, défigurée par les USA et ses séides.

Il m'a dit que "de l'autre côté", tout nous apparaîtrait dans une perspective bien différente. J'ai eu une pensée pour une amie catho qui s'était écriée devant moi en joignant les mains: "Il nous reste à connaître la mort, c'est passionnant, la mort!"

Il m'a montré trois livres de Céline récemment traduits en russe. Il trouve qu'il ressemble à Varlam Chalamov, de visage et de tempérament.

Le fils d'une amie russe a voulu partir au front bien qu'il ne fût pas mobilisable, pour raisons de santé. Ce jeune homme est une grande plante sensible, un poète, un mystique, avec une chevelure bouclée, sa mère était dans les transes, mais c'était pour lui une question de respect de soi. Il vient d'être démobilisé, la boule à zéro, après deux pneumonies très graves. Il a un air paisible, assuré, il est devenu viril. On ne l'envoyait pas directement se battre, il s'occupait de l'intendance et de l'aide aux blessés. Les autres soldats l'appelaient le samouraï. 

En rentrant, j'ai trouvé chez une amie russe la nouvelle que le petit-fils de De Gaulle voulait obtenir la nationalité russe, ce qui m'a fait un drôle d'effet. Mais tous les échos qui me viennent de France semblent démontrer que les indigènes franchouillards, catholiques ou apostats, n'y sont plus chez eux. 

lundi 13 novembre 2023

L'écho d'un coeur absent.

 

Psychopompe

 

 

Lasse d’attendre et d’espérer

J’espère en Dieu.

Michel archange au ciel arqué

Ailes de feu, glaive dressé,

De nous auras-tu donc pitié,

Quand  nous viendrons à trépasser ?

Parmi les astres écumeux

Sur nous poseras-tu les yeux

Quand nous menant auprès de Dieu

Tu nous découvriras les cieux ?

 

Nous n’avons pas su, de nos ans,

Tirer de l’or et de l’argent,

Nous avons tout dilapidé,

Nous voici vieux et fatigués

Il n’est plus temps.

 

Bel Archange prend donc pitié

De nous et puis de nos parents.

Conduis-nous comme des enfants,

Avec eux dans l’éternité,

Dans les grands champs illuminés

D’après le temps.

 

D’après le temps qui a passé

Sur nous, sans qu’au fond de nos cœurs,

S’éteigne le reflet sacré,

Sous le vent sombre des malheurs.

 

Un peu de vie dans la poussière

Qui fleurira dans la lumière,

Si Dieu le veut et nous reçoit

Aux champs dorés de l’au-delà.





dimanche 12 novembre 2023

Au petit matin

 


Pour Chocha ma décision d'hier n'a pas dû changer grand chose mais pour moi, ce n'était certainement pas la meilleure, elle commençait à s'étouffer, à ne pouvoir ni uriner ni manger, mais cela aurait peut-être pu attendre encore un peu et c’est comme si j’avais interrompu trop tôt quelque chose de mystérieux qui se passait entre nous.

Le père Antoni, à qui je me suis confiée, m’a écrit que pas du tout, que j’avais bien accompagné ma petite chatte.

C’est drôle, elle passait derrière Picasso, de son vivant, et  même derrière Georgette, qui avaient tendance à prendre toute la place. Ce qui me compliquait les relations, c’est qu’elle n’aimait pas qu’on la prît dans les bras ou sur les genoux. Mais pendant ces mois où elle a décliné et où je l’ai parfois engueulée tellement j’en avais assez d’éponger des pisses, j’ai développé avec elle ces liens particuliers dont elle avait toujours rêvé, et c’est cela que j’ai cherché à prolonger et non sa pauvre vie qui ne battait plus que pour moi. C’est pour cette raison que je n’allais pas chez le vétérinaire, et puis hier, j’ai paniqué. Peut-être au fond, parce qu’il était temps, que cela allait devenir affreux... mais j’ai un doute et j’aurais voulu ne pas en avoir. 

Je n’ai pas dormi de la nuit. Dès qu'il a fait jour, un jour gris, triste, froid et pluvieux, j’ai pris le panier rose de Chocha. Moustachon, qui était dehors, est venu le renifler, il était intrigué, je pense qu’il a reconnu son odeur et se demandait ce qu’il se passait. C’est un chat très intelligent, et débonnaire, bien qu’impudent. Ma pauvre princesse était raide, mais comme je l'avais gardée à l'intérieur, elle n'était pas froide, roulée en boule dans mon tee-shirt rose, je l’ai tenue longtemps contre mon coeur, et j’avais l’impression que quelque chose d’elle rayonnait directement dans ma poitrine, au son des gouttes de pluie et des petites notes clairsemées des mésanges. Je lui ai dit que je l’emmenais dans mon coeur, que son corps était dans le jardin et sa petite âme avec moi. J’ai posé deux grosses pierres sur sa tombe, il est difficile d’en trouver, ici, mais les anciens propriétaires avaient dû en apporter de Mourmansk. La neige ne va pas tarder à recouvrir tout cela. Et le temps...


Je m’en vais droit devant moi,

La pluie tombe sur mes pas.

Qu’il fait gris dans le grand nord

Qui sera mon dernier port...

 

Qu’il fait gris dans le grand âge,

Où le soleil ne luit plus

Sur tous les enfants perdus,

Dans les bois des ans sauvages...

 

Qu’il est lointain le jardin

Du printemps bref et doré,

Sa douceur et sa clarté,

Et ses rêves toujours vains.

 

C’est demain que je t’enterre,

Ma petite amie fidèle,

Que t’emporte à tire d’aile,

L’ange gardien qui m’éclaire.

 

Au grand jardin bleu des cieux

Où s’en vont fleurir les coeurs

Qui versèrent trop de pleurs,

Attends-moi près du bon Dieu.


Adieu, ma princesse...

 

Chocha dans le Gard

Heureusement que je ne suis pas allée à Rybinsk, Chocha était aujourd’hui  plus mal, et j’ai tardé à l’emmener chez le vétérinaire, car elle s’était finalement endormie dans son panier et je n’avais pas le coeur de l’arracher à son nid bien chaud. Tout commençait chez elle à se bloquer et à se dégrader, j’ai vu qu’entre deux sommes et deux câlins, elle rôdait et pleurait et n’arrivait pas à faire ses besoins.

Comme il va bientôt commencer à geler, je suis allée creuser un trou, entre le plus jeune thuya et la palissade, afin qu’elle puisse y reposer tranquille, et que cet arbre devienne le sien, l’ornement et le gardien de sa petite tombe.

J’ai déjà enterré plusieurs animaux, y compris mon cher Jules et mon cher Doggie, mais cette fois, j’ai beaucoup de mal, encore plus de mal. Curieusement, de faire ce trou m’a apaisée. Je ne la ferai pas incinérer, on me balancerait les cendres à la poubelle. Je serai plus tranquille de la savoir ici, dans mon jardin, où elle faisait la sieste, près de moi.

Je m’étais préparée à communier, mais au moment de partir à l’église, j’ai eu peur de la laisser. Je pense que l’on sent quand les choses deviennent sérieuses, c’est peut-être ce qui m’a retenue de partir à Rybinsk.

Ania est passée et m’a dit qu’il valait mieux aller chez le vétérinaire, elle m’a proposé de m’accompagner et il est arrivé ce que je prévoyais. Les bonnes femmes m’ont dit qu’elle n’allait pas durer longtemps, et dépérir de  faim, et s’empoisonner avec son urée, je me suis décidée pour l’euthanasie, mais j’ai un tel chagrin que je ne peux retrouver mon calme, je pleure et sanglote éperdument. Je la caressais, et elle miaulait plaintivement sur la table de la clinique, la seconde d’après, elle n’était plus , mes paroles et mes caresses ne l’atteignaient plus. Je n’ai pas pu me résoudre à la laisser dans le coffre de la voiture, je l’ai ramenée ici, à la maison, y passer sa dernière nuit. Je me dis par instants que j’aurais dû tenir plus longtemps, mais en même temps, pourquoi faire ? Elle aurait décliné encore plus, elle aurait souffert, elle ne pouvait pas guérir, à son âge avancé, ni reprendre une vie normale, c’était la fin. Alors tenir pourquoi et pour qui ? Pour elle ou pour moi ?

Jusqu’à présent, jusqu’à aujourd’hui, où j’ai vu qu’elle avait du mal à uriner, et qu’elle ne mangeait plus du tout, j’ai tenu pour lui dire adieu et la laisser me dire adieu, pour échanger avec elle, pour la privilégier, même si je l’ai parfois rabrouée, je l’ai quand même aussi beaucoup caressée, je lui ai beaucoup parlé. J’espère lui avoir donné ce qu’il fallait, j’espère qu’elle restera près de moi, dans mon coeur, j’espère que je les retrouverai tous d’une manière ou d’une autre, et que mon peu d’amour sera transfiguré par l’amour divin, et que nous en serons tous comblés. Tous…



Il pleut, il fait froid, gris et sombre. Chocha a passé dix-sept ans avec moi. Dix-sept-ans… Quand je l'ai recueillie, j'étais encore jeune, je travaillais encore au lycée français. Je l'ai emmenée avec moi en France, je l'ai ramenée en Russie, et je priais pour qu'elle mourût avant moi, eh bien voilà, c'est fait.

Je l'avais adoptée en 2006 parce qu'elle chassait les rats et que j'en avais dans mon appartement à Moscou. Elle était tolérée dans la cage d'escalier de l'immeuble où elle s'était réfugiée, en raison de son aptitude à débarrasser l'immeuble de ces rongeurs. Elle avait déjà eu une portée de chatons, puis des bénévoles l'ont fait stériliser et l'ont sortie de sa cage d'escalier, l'immeuble étant déserté et menacé de démolition. 

Effectivement, elle m'a tout de suite attrapé un rat, et fait fuir les autres. Mais mon vieux chat Picasso, que j'avais également recueilli depuis assez peu de temps lui-même, et qui ne chassait pas, a commencé à lui faire la vie impossible. Elle essayait de l'amadouer, mais cette carne ne voulait rien savoir. Un jour, je l'ai trouvée serrée contre la vitre, prête à s'enfuir à la première occasion, avec une expression complètement désespérée, et je l'ai prise dans mes bras pour la consoler. Picasso s'est ensuite résigné, sans jamais l'aimer, elle aurait pu, après sa mort, rester seule auprès de moi, mais j'ai recueilli Georgette, dont Chocha était très jalouse et réciproquement.  A un trop bref moment, quand elles étaient toutes les deux seules avec moi, elles arrivaient presque à s'entendre. Mais après est venu Rom... Puis le retour en Russie, et les intrus arrivés depuis. Cependant, elle avait sa place sur mon lit, jusqu'au moment où elle n'a plus pu y grimper, et où je lui ai installé son coussin sur mon bureau, pour que dans la journée, elle fût près de moi, et si elle n'y arrivait pas bien, je la soulevais. Pendant ces quelques mois où elle a décliné, nous avons été plus proches qu'à aucun moment de sa vie, et même si parfois, elle m'horripilait par sa  demande affective incessante, je tenais bon, il me semblait qu'il était très important de lui donner ma présence continuelle avant son départ. Et maintenant, je me sens vidée, amputée de ma princesse russe, qui fut si jolie et qui m'aima si passionnément.. 

Sur ma terrasse, à Cavillargues

à la datcha