Je suis allée voir
l’exposition Bilibine, l’illustrateur russe qui m’a fait rêver depuis mon
adolescence, au palais de Tsaritsyno, bâti par Catherine II. Je ne l’avais
jamais visité. J’ai débouché d’abord dans une de ces zones de barres en béton
périphériques bien moches, puis je suis arrivée dans un parc immense et
merveilleux, avec de grands arbres, des étendues d’eau, sous un ciel nuageux,
venteux et pluvieux, un temps que je n’aurais pas trouvé trop désagréable au
mois d’octobre. J’aurais bien supporté des gants, une doudoune et un bonnet.
J’ai emprunté un pont qui surplombait des jets d’eau, au son de Grieg puis
Tchaïkovski, et vu de tous côtés des mariées en robe blanche venues pour la
photo de circonstance. Le palais est d’une architecture originale et raffinée,
où l’influence européenne est transposée en quelque chose de très particulier
et d’assez féérique. On voyait déambuler des gens en costumes du XVIII° siècle
plus ou moins convaincants, dont dépassaient parfois de grosses chaussures de
sport.
L’exposition était
petite, je m’attendais à plus de volume, mais cela m’a quand même bien
intéressée. En fait, la Russie de Bilibine, celle des contes qui me faisait
rêver au point que j’avais envie de m’enfuir dans l’illustration, a existé
jusqu’en 1917. Car tout ce qu’il a dessiné lui était directement inspiré par
ses expéditions ethnologiques principalement dans le nord. Il en rapportait des
esquisses, des paysages mais aussi des objets d’art populaires. A la révolution,
il a émigré loin de l’assassinat systématique et acharné de tout ce monde
fantastique qu’il avait tant aimé, et il a fait en France des illustrations
pour les éditions du père Castor. Puis il a fini par revenir en URSS, incapable
de vivre sans la Russie, même défigurée.
Le raffinement de l’art
populaire russe et des dessins de son chantre, leur originalité, leur charme à
la fois oriental et scandinave me subjuguent toujours autant, et j’ai craqué
pour un livre très complet sur la question.
Je suis revenue dans
un état contemplatif profond, écoutant le son des cloches à travers les valses, et
voyant apparaître, à la lisière du parc, les incompréhensibles clapiers pas
fleuris de la Russie contemporaine qui cernent à Moscou les vestiges de sa
grande beauté d’autrefois.
Projet de décor pour Boris Godounov |
La femme de Bilibine en costume traditionnel |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire