Alexandrine et son ami Sacha font un film sur la Croix de Godenovo. Ils sont passés me chercher pour m'emmener au lieu de son apparition miraculeuse. L'église qui la gardait, comme il est raconté dans les chroniques des miracles d'Alexandrine, avait été fermée et peu à peu ruinée par les soviétiques, après avoir servi d'orphelinat dans les années 40. La Croix avait été alors recueillie par les paysans du village de Godenovo, où elle se trouve encore.
L'église initiale a été entièrement reconstruite par les moines du monastère qui s'est installé sur place, à l'initiative du père Boris, frère du père Dimitri, higoumène du monastère saint Nicétas à Pereslavl.
L'ensemble se dresse dans un paysage ouvert, vaste et désert, qu'il domine de ses coupoles élégantes, à l'éclat doré dans le ciel gris et neigeux. Là bas, tout est très pur, très propre, blanc, mystérieux, silencieux...
Le père Adrien, dont il est question dans une chronique précédente est venu à notre rencontre. C'est un ancien spécialiste des arts martiaux, envers lesquels il a maintenant une grande méfiance, et à ma question sur les arts martiaux slaves, il m'a répondu que c'était du paganisme et des forces impures.
Il n'y avait pas grand monde aux vigiles, dans l'église, il faut dire que le monastère est dans un endroit vraiment très retiré.
Les icônes ont été faites dans le style fin XVII°, début XVIII°, très précis et stylisé, avec quelque chose qui rappelle des illustrations ou des enluminures. J'ai eu une impression étrange: l'une d'elles, illuminée par le spot électrique du choeur, m'a soudain évoqué les apparitions du métropolite Philippe dans mon livre, c'était tellement ce que j'avais imaginé que cela me faisait presque peur, et pourtant, je savais que c'était là le résultat de cette vive lumière sur les rehauts d'or, et que ce métropolite n'était pas Philippe mais Alexis de Moscou...
Je me suis prosternée devant la copie de la Croix qui, dit-on, fait des miracles à l'instar de l'original.
A l'issue de l'office, mes compagnons m'ont présenté l'higoumène Gabriel, qui a l'air d'une icône, d'une icône russe, s'entend, une dignité humble, une bonté pleine d'humour. Ses yeux verdâtres me regardaient avec une douce curiosité, et quand il a réalisé que j'étais française, il s'est mis à rire, absolument enchanté: "Oh, française, vraiment? Vraiment? C'est incroyable, je vous aurais prise pour une babouchka russe!"
Il nous a montré un livre sur les événements liés à la Croix. Une pensionnaire de l'orphelinat vit encore et a témoigné sur tout ce qui s'y passait, et sur les maltraitances qui s'y déroulaient. Le directeur qui avait arraché les croix avec enthousiasme est mort de façon prématurée d'un cancer.
Le monastère a fondé un orphelinat dans la ville d'Ivanovo.
Alexandrina a demandé au père Gabriel d'aller porter la communion à un homme tombé dans une misère noire à la suite d'une maladie orpheline épouvantable. Dépouillé de tout ce qu'il avait par son frère, il se meurt dans une masure avec sa mère. Cette maladie semble se soigner à l'étranger mais cela exige des sommes énormes. Alexandrina essaie d'obtenir qu'on lui procure un logement décent et une aide médicale.
Les moines nous ont retenus à dîner au réfectoire. Ils ont apporté un lit de camp pour le cinéaste Sacha: depuis qu'il a entrepris de tourner ce film, il lui est impossible de dormir dans une cellule, il est en proie à des étouffements et à toutes sortes de phénomènes désagréables. Le diable, observe-t-on, ne veut pas lui laisser achever son oeuvre. "Qu'il fasse ce qu'il veut, je finirai quand même, répond Sacha.
- Tu as tort de narguer le démon..." remarque le père Adrien, le nez dans son assiette.
S'ensuit un grand silence... Rien à ajouter!
Ce monastère m'a fait très bonne impression, il y règne une atmosphère amicale et paisible. Comme on dit ici, tel pope, telle paroisse.
Nous sommes reparties, avec Alexandrina, au travers d'une tourmente de neige qui nous a rendu le retour difficile. On ne voyait pas où était la route.
A notre arrivée, j'ai vu, dans la lumière et la vapeur qui émanaient de la cabane de l'étuve, le fils de ma voisine en maillot de bain, avec un ami, dans les flocons tourbillonnants. Il est tombé beaucoup de neige.
L'église initiale a été entièrement reconstruite par les moines du monastère qui s'est installé sur place, à l'initiative du père Boris, frère du père Dimitri, higoumène du monastère saint Nicétas à Pereslavl.
L'ensemble se dresse dans un paysage ouvert, vaste et désert, qu'il domine de ses coupoles élégantes, à l'éclat doré dans le ciel gris et neigeux. Là bas, tout est très pur, très propre, blanc, mystérieux, silencieux...
Le père Adrien, dont il est question dans une chronique précédente est venu à notre rencontre. C'est un ancien spécialiste des arts martiaux, envers lesquels il a maintenant une grande méfiance, et à ma question sur les arts martiaux slaves, il m'a répondu que c'était du paganisme et des forces impures.
Il n'y avait pas grand monde aux vigiles, dans l'église, il faut dire que le monastère est dans un endroit vraiment très retiré.
Les icônes ont été faites dans le style fin XVII°, début XVIII°, très précis et stylisé, avec quelque chose qui rappelle des illustrations ou des enluminures. J'ai eu une impression étrange: l'une d'elles, illuminée par le spot électrique du choeur, m'a soudain évoqué les apparitions du métropolite Philippe dans mon livre, c'était tellement ce que j'avais imaginé que cela me faisait presque peur, et pourtant, je savais que c'était là le résultat de cette vive lumière sur les rehauts d'or, et que ce métropolite n'était pas Philippe mais Alexis de Moscou...
Je me suis prosternée devant la copie de la Croix qui, dit-on, fait des miracles à l'instar de l'original.
A l'issue de l'office, mes compagnons m'ont présenté l'higoumène Gabriel, qui a l'air d'une icône, d'une icône russe, s'entend, une dignité humble, une bonté pleine d'humour. Ses yeux verdâtres me regardaient avec une douce curiosité, et quand il a réalisé que j'étais française, il s'est mis à rire, absolument enchanté: "Oh, française, vraiment? Vraiment? C'est incroyable, je vous aurais prise pour une babouchka russe!"
Il nous a montré un livre sur les événements liés à la Croix. Une pensionnaire de l'orphelinat vit encore et a témoigné sur tout ce qui s'y passait, et sur les maltraitances qui s'y déroulaient. Le directeur qui avait arraché les croix avec enthousiasme est mort de façon prématurée d'un cancer.
Le monastère a fondé un orphelinat dans la ville d'Ivanovo.
Alexandrina a demandé au père Gabriel d'aller porter la communion à un homme tombé dans une misère noire à la suite d'une maladie orpheline épouvantable. Dépouillé de tout ce qu'il avait par son frère, il se meurt dans une masure avec sa mère. Cette maladie semble se soigner à l'étranger mais cela exige des sommes énormes. Alexandrina essaie d'obtenir qu'on lui procure un logement décent et une aide médicale.
Les moines nous ont retenus à dîner au réfectoire. Ils ont apporté un lit de camp pour le cinéaste Sacha: depuis qu'il a entrepris de tourner ce film, il lui est impossible de dormir dans une cellule, il est en proie à des étouffements et à toutes sortes de phénomènes désagréables. Le diable, observe-t-on, ne veut pas lui laisser achever son oeuvre. "Qu'il fasse ce qu'il veut, je finirai quand même, répond Sacha.
- Tu as tort de narguer le démon..." remarque le père Adrien, le nez dans son assiette.
S'ensuit un grand silence... Rien à ajouter!
Ce monastère m'a fait très bonne impression, il y règne une atmosphère amicale et paisible. Comme on dit ici, tel pope, telle paroisse.
Nous sommes reparties, avec Alexandrina, au travers d'une tourmente de neige qui nous a rendu le retour difficile. On ne voyait pas où était la route.
A notre arrivée, j'ai vu, dans la lumière et la vapeur qui émanaient de la cabane de l'étuve, le fils de ma voisine en maillot de bain, avec un ami, dans les flocons tourbillonnants. Il est tombé beaucoup de neige.
la route du monastère (photo Alexandrina) |
Le monastère (photo Alexandrina) |
L'higoumène Gabriel, photo Alexandre Matrossov. |
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