Poutine a fait à
Valaam des déclarations que, comme d’habitude, les gens interprètent à leur
manière, selon qu’ils sont libéraux ou communistes, moi qui ne suis ni l’une ni
l’autre, je ne les ressens pas ainsi, et j’ai écouté le passage incriminé, cité
par une Russe qui est de mon avis : si le communisme peut être
« semblable » au christianisme, et a essayé de se fabriquer des
« icônes » et des « reliques », c’est parce qu’il en est la
parodie, et la parodie du christianisme, c’est l’antéchrist. Le christianisme
social et politique du prêtre ouvrier ou de la théologie de la révolution n’est
qu’un épiphénomène de la religion de l’antéchrist qui se manifeste sous
diférentes formes. https://www.egaliteetreconciliation.fr/Poutine-L-ideologie-communiste-est-semblable-au-christianisme-49437.html
Pour un chrétien, qui plus est orthodoxe, il n’y a pas
trente six solutions : le diable est le singe de Dieu. Tout ce qui est
ajouté aux définitions chrétiennes des Pères, que ce soit par un
« Prophète » ou par un philosophe laïque, toute interprétation ou
adaptation à une situation politique ou sociale données ne vient pas de Dieu,
ce qui ne vient pas de Dieu appartient à l’antéchrist.
Le christianisme condamne le mauvais usage des richesses, la
richesse n’est oncevable que dans le partage, raison pour laquelle le marchand
chrétien russe (généralement vieux croyant) avait pour usage de construire
églises, orphelinats et hospices, seule
justification de sa réussite financière aux yeux des chrétiens orthodoxes. De
même, un paysan enrichi comme Poliachov faisait vivre toute sa région, organisait
des fêtes pour tout le monde, prêtait sans intérêt :
Tandis que le monde médiéval aussi bien occidental que russe
connaissait la communauté paysanne et la protection des corporations.
Mais il n’était pas question de spoliation autoritaire des
gens, justifiée ou non. Ni de dresser les chrétiens les uns contre les autres
au moyen d’une « lutte des classes » qui fut sanglante, atroce, car
dans cette logique, dès qu’on a une paire de chaussures devant celui qui a perdu
la sienne, on devient le riche de quelqu’un. Dès qu’on justifie la spoliation
systématique, dès qu’on présente une classe sociale, une partie vivante de la
société, comme l’ennemi à abattre sur le chemin du bonheur terrestre, on
obtient les horreurs qu’a vécues la Russie.
C’est bien d’ailleurs à cette promesse du bonheur terrestre qu’on
reconnaît immédiatement la fausse monnaie de l’idéologie, à ne pas confondre
avec la religion qu’elle parodie et qu’elle exècre. L’idéologie s’est
construite à mon avis davantage dans sa haine du christianisme, une haine
véritablement satanique, que dans le souci du bonheur du peuple qui fut
maltraité de la manière que l’on sait.
Car le diable se fout de notre bonheur, qu’il soit de ce
monde ou de l’autre, il utilise ce qu’il trouve pour organiser notre
avilissement et notre perdition. Maintenant que le communisme ne peut plus servir, il recourt à autre chose, et même aussi à des reconstructions artificielles, à tout ce qui peut semer la mort, la confusion, le désespoir, nous le voyons tous les jours, sous différents drapeaux qu'agitent les mêmes marionnettistes.
Que le sentiment religieux ait été détourné par les
idéologues communistes est naturellement une évidence, substituant l’héroïsme à
l’ascétisme, les portraits du réalisme socialiste aux icônes, la momie de
Lénine aux reliques des saints incorrompus. En conclure que le communisme et le
christianisme c’est la même chose est totalement abusif, et c’est une insulte aux
innombrables martyrs de l’Eglise orthodoxe. Parallèlement, on observe parfois aujourd’hui,
au sein de l’Eglise, des réflexes issus du communisme chez certains croyants
qui confondent l’acquisition du Saint Esprit avec l’obtention de la carte du
parti, l’ascétisme et l’héroïsme agressif, se rendant insupportables au
chrétien normal et à l’agnostique sincère qui généralement,
devant certains comportements, part en courant au lieu de pousser plus loin sa quête.
Qu’une réconciliation soit souhaitable, que beaucoup de
communistes soient de braves gens, parfois orthodoxes ou sans hostilité envers
l’othodoxie, ou prêts à reconnaître et déplorer les massacres, est un autre
débat. Que devant le péril libéral, avatar à mes yeux du péril bolchevique, et
plus particulièrement trotskiste, nous soyons amenés à nous unir et à trouver
une organisation sociale et politique qui le désamorce est un fait que je ne
réfute point. Mais il serait insupportable de sacrifier à cela une vérité qui
fâche et recouvre des milliers de morts innocents, insupportable également de
compromettre l’Orthodoxie dans l’affaire : les néomartyrs de Russie ont
leurs icônes partout, et ces icônes nous regardent. Derrière ces néomartyrs
reconnus, combien sont encore ignorés ? Et combien de simples paysans, de
petites gens ? Non, trop facile… Et
surtout, dans notre temps de confusion absolue, une confusion spirituellement
très néfaste et en correspondance avec les prédictions apocalyptiques, on ne
peut laisser mélanger les torchons et les serviettes ni prendre les vessies
pour des lanternes. Il faut rester ferme et clair.
Je ne pense pas que la complète main mise de l’Etat sur
l’économie et la population d’un pays soit une bonne chose, on en a vu les
effets pervers, on ne peut tout confier à des fonctionnaires qui ont
généralement sous tous les cieux une sale mentalité et une connerie
impitoyable. Le genre qui fait planter du maïs dans le grand nord ou détourner
les fleuves au risque de catsatrophes écologiques majeures. Ou importer la
berce du Caucase, une peste végétale dont on ne peut plus se débarrasser. Sans
parler des aberrations et destructions culturelles.
Cependant, s’il faut choisir entre main mise de l’état et
main mise de la mafia des lobbys transnationaux, au moyen de la corruption des
fonctionnaires susmentionnés, qui s’entendent souvent très bien avec le grand
capital, je pense que c’est l’état qui aura ma préférence, au moins son destin
sera-t-il lié, en ce cas, à celui de ses administrés, comme c’était le cas sous
la monarchie : plus de pays, plus d’état, plus de chef d’état. Alors qu’à
présent, le « chef d’état » occidental n’est que le satrape amovible
et déplaçable d’un gouvernement de l’ombre transnational, de puissances
financières qui ont tous les pouvoirs et pas de pays, et qui considèrent les
peuples comme des troupeaux de bovins à exploiter et à croiser selon leur bon
plaisir. Il est certain que l’on supporterait beaucoup pour s’éviter cela. Le
totalitarisme en germe nous fera peut-être en effet considérer bientôt Staline
comme un gentil papa gâteau, tout est relatif. On peut envisager aujourd’hui de
pardonner (sans oublier ni justifier) et de trouver une organisation sociale
éventuellement communautaire, et non collectiviste, car il y a une différence
entre le collectivisme du poisson de banc ou de la fourmilière et la communauté
de personnes humaines. En ce sens, Soljénitsine, vilipendé par des tas de gens
qui ne l’ont ni lu ni suivi, avait proposé quelque chose dans ce genre, inspiré
par la communauté (mir) paysanne dans « comment reconstruire notre Russie ».
La communauté agricole est aussi souvent incluse dans le projet agroécologique,
seule issue à la catastrophe où nous précipite le capitalisme depuis deux ou
trois siècles. Cependant, une organisation sociale n’est pas forcément le
résultat d’une idéologie totalitaire.
Mais commencer à nier ou justifier les crimes, salir les
martyrs, niveler les tombes, ça jamais. Confondre la religion du Christ et la
parodie sanglante de l’antéchrist, même si elle a pu séduire de braves gens,
non, pas possible.
Quand on a voulu installer la momie de Lénine dans son
mausolée, une canalisation d’égoût s’est rompue, répandant sa puanteur, et le
saint patriarche martyr Tikhon a déclaré à l’époque : « C’est
l’onguent qui convient à de telles reliques ». Car ainsi qu’on le sait,
les reliques des saints exhalent une odeur divine, une odeur de fleurs, une
« odeur de sainteté »…
A ce propos, je voulais sous-titrer une émission très
intéressante de la chaîne culturelle russe sur les reliques de saint Alexandre
de la Svir, mais sans doute pour des raisons de droit d’auteur, je n’ai pas pu
la basculer sur mon ordinateur pour la remettre sur youtube et procéder au
sous-titrage. Cette histoire complète à merveille le discours du président et
mes réflexions présentes. J’ai vu de mes propres yeux les reliques de saint
Alexandre, elles sot impressionnantes. Ce saint très vénéré en Russie est resté
incorrompu depuis le moyen âge. Il n’est même pas desséché, les tissus sont
souples, ils ont juste foncé avec le temps.
Au moment de la révolution, les bolcheviques ont profané
toutes les reliques de la religion détestée, reliques qui ont parfois, par la
suite, comme celle de saint Séraphim de Sarov, connu une destinée rocambolesque
avant d’être rendues à la vénération des fidèles. Trouvant saint Alexandre dans
ce parfait état de conservation, les profanateurs de service ont déclaré au
peuple scandalisé par leur action que le saint était en cire, mais l’ont
emporté à Moscou pour l’examiner, en vue de la momification du corps de Lénine.
L’examen du corps a prouvé l’authenticité absolue des
reliques, mais aucun secret qui pût être utilisé pour conférer artificiellement
au cadavre du démoniaque Lénine le statut souhaité : car saint Alexandre
était conservé par une sainteté qui manquait absolument à celui dont on voulait
substituer le culte aux reliques véritables éprouvées par des siècles de piété
populaire. Le corps de saint Alexandre est resté dans un tiroir de l’institut
où il a été étudié jusqu’à la perestroïka et a été rendu à l’Eglise, à son
monastère d’origine, où j’ai pu le voir.
Visiteur assidu de Valaam, haut lieu orthodoxe, Athos russe,
Poutine ne peut ignorer ce genre de détails, mais les libéraux, les staliniens,
les gens qui restent au niveau de la politique et veulent prendre leurs désirs
pour des réalités et interpréter les choses dans leur sens l’ignorent, ils
n’ont pas envie de le savoir. Les moines de Valaam ou de n’importe quel
monastère ne peuvent pas dire que le christianisme et le communisme, c’est la
même chose, parce que dans la plupart des monastères rendus au culte et réparés
par l’Eglise, on vous racontera les mêmes trouvailles de squelettes empilés
avec des traces de torture et de balles dans la nuque. On vous montrera généralement
la même fosse commune surmontée d’une croix où ces restes sont ensevelis après
l’office funèbre auquel ils n’avaient pas eu droit jusqu’alors.
Ce qu’on pourrait dire à la grande rigueur, c’est que le
communisme est une hérésie. Une hérésie non spirituelle, antispirituelle,
antichrétienne, issue de deux autres hérésies : la dérive du catholicisme romain
qui a engendré l’hérésie protestante, laquelle a permis l’émergence du
capitalisme, du progressisme, de l’humanisme, des « lumières »,
toutes choses nous ayant conduits à la veille de réaliser de nos propres mains
les prédictions apocalyptiques tant nous nous sommes rendus odieux à la terre
et à Celui qui l’a créée et dont la patience finira par trouver ses limites.
En l’état actuel des choses, en tant que chrétienne orthodoxe
et personnification assumée de l’âme médiévale restée en moi puissante, je ne
vois de salut que dans mon Eglise. C’est sur elle que je compte avant tout en
ce monde, quels qu’en soient parfois les défauts humains, les membres peu
reluisants, car nous ne demandons pas à tous les gens d’être des saints, comme
les communistes leur imposaient d’être tous des héros à la ganache crispée :
s’il est parmi nous des brebis galeuse, plus galeuses que d’autres ou mettons
que nous, nous les prenons sur nous comme des croix, car dans notre monde
chrétien médiéval, nous sommes tous responsables les uns des autres, tous liés,
tous unis, c’est pourquoi les chrétiens revenus du goulag pardonnent, alors que
les victimes des camps nazis ne pardonnent jamais. Certains n’ont pas la
culture du pardon. La culture du pardon, c’est chrétien. Les autres ne
connaissent que la vengeance. C’est encore une des grandes différences entre le
communisme et le christianisme, d’ailleurs.
Viendrait-il à l’idée de quiconque de confondre le Christ
avec les pharisiens ? Ils ont pourtant en commun les mêmes saintes
Ecritures. Mais l’Un est le Christ, l’autre les pharisiens. Si le nom du Christ
est martelé par des prédicateurs fous à des foules de zombies en transes, cela
fait-il d’eux des chrétiens ? Non, nous sommes là dans une dérive
antichristique, car Dieu se manifeste calmement, dans le souffle de la
brise, et non dans l’orage grondant. Si de petits gnomes haineux font miroiter
aux foules des idéaux dévoyés de fraternité, de partage et d’égalité sélectifs,
cela fait-il d’eux les disciples de Celui qui proclamait que son Royaume n’était
pas de ce monde, que celui qui tirerait le glaive périrait par le glaive et qu’il
fallait regarder la poutre dans son œil avent d’examiner celle du voisin ?
Tout cela le président Poutine, que je crois sincèrement
chrétien, et qui a un père spirituel, ne l’ignore naturellement pas, ce qu’il
voulait dire, c’est que dans le communisme se manifestait le désir de
transcendance inscrit dans l’histoire des Russes et dans leur âme collective,
sous une forme dévoyée, abusée par le recours à des leurres tels que les « reliques »
de Lénine, dont le seul encens restera à jamais la puanteur de la canalisation
rompue, tandis qu’Alexandre de la Svir, revenu dans son monastère y exsude à
nouveau un myrrhon odorant. Encore faut-il, pour faire la différence, connaître
le christianisme aussi bien que les idéologies politiques…
Pour les russophones, car malheureusement
je n'ai pu le sous-titrer...
Poutine, dans l'extrait que j'ai vu, rappelle l'histoire du monastère de Valaam, et remercie la Finlande de lui avoir épargné les persécutions religieuses et les destructions jusqu'à pratiquement la deuxième guerre mondiale. Il raconte qu'un officier soviétique a prévenu les moines pour leur laisser le temps de partir et d'emporter ce qu'ils avaient de plus saint. Il voit dans cette attitude la preuve qu'au delà des clivages de l'époque et de ceux d'aujourd'hui, il y a dans le peuple russe des semences d'unité profondes, ce qui me paraît vrai. Puis il évoque le communisme comme une "nouvelle religion" qui adopte les principes moraux généraux de la Bible et les dehors de la précédente, comme par exemple la momie de Lénine substituée aux reliques des saints orthodoxes: le pouvoir communiste utilise pour son idéologie les structures précédentes. Ce qui ne signifie en rien que le communisme et le christianisme soient interchangeables... Il parle ensuite de la renaissance du monastère.
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Excellent texte qui fait bien le tour de la question. Belle écriture. Merci
RépondreSupprimerMerci Maxime, il faut sans cesse "faire le tour de la question" et remettre les points sur les i, car la confusion est une terrible chose!
RépondreSupprimerce n'est pas parce que l'URSS et la révolution bolchévique de 1917, socialisme conçu pour un pays plutôt comme l'Allemagne était un raté qu'il faut discréditer le concept de socialisme, que je crois les plus proches des valeurs pronés par le christ.
RépondreSupprimerJe crois que vous n'avez pas compris ce que j'ai écrit parce que vous ne comprenez pas le christianisme, en tous cas le christianisme orthodoxe. J'ai dit que ce n'était pas la même chose, que ce n'était pas sur le même plan. Personnellement, je suis monarchiste, cela me paraît la moins mauvaise des sociétés, parce qu'organique et sacrée. Transformer des principes religieux, spirituels en doctrine politique, c'est à mes yeux les trahir et c'est en effet ce qui s'est produit partout où cela s'est pratiqué. J'insiste sur le fait que proche ou pas proche à vos yeux, tout ce qui brille n'est pas de l'or. Une contrefaçon Channel n'est pas un vrai sac Channel. Ce qui ne m'empêche pas de m'opposer au capitalisme, et de souhaiter la nationalisation de tout ce qui est d'intérêt public, ainsi que des formes de communauté solidaires, comme je l'explique dans mon article. Ce qui "ressemble au Christ" mais n'est pas le Christ, vient de l'antéchrist, quelle que soit la nature "généreuse" du discours et la sincérité de ceux qui le prêchent ou l'écoutent.
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