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lundi 17 mai 2021

Le Meilleur des Mondes




L'opération Tom Sawyer initialisée par Boris Akimov, et visiblement sponsorisée par Leroy Merlin, a abouti au rafraîchissement d'encore une isba à Pereslavl. Chaque fois que je passe devant la première isba restaurée, c'est une joie pour moi, car cela a suffi à rendre un peu d'harmonie et de pittoresque à tout le coin où elle s'inscrit. Ici, elle sera moins visible depuis la rue, elle est plus en retrait et il y a des arbres devant. Les peintres du dimanche ont eu l'idée d'harmoniser à l'ensemble la barrière en profnastyl hideuse. Benjamin me disait que de telles barrières étaient impensables en Europe, sauf dans les zones industrielles. Elles défigurent toute la Russie. Essayer de les dissimuler est une bonne oeuvre. J'ai eu un échange sur ce thème avec Boris Akimov. Dans la mesure où on ne peut éviter les toits de tuile métallique laquée, comme les barrières en profnastyl, il faudrait arriver à inspirer aux gens d'au moins essayer d'harmoniser les couleurs et de tenir compte pour cela aussi de celles des maisons voisines. J'avais vu un reportage sur des vieux-croyants de l'Altaï qui ont recours aux toits de tôle métallique, parce que c'est moins cher et solide, mais chose curieuse, parce que ces gens sont en soi traditionnels et harmonieux et forment une communauté, les toits s'harmonisent bien avec les maisons, et les maisons entre elles.

Cette totale absence de goût, qui n'était pas du tout le propre du peuple russe avant la révolution, et même plus tard, comme en témoigne le Pereslavl que j'ai connu, où les gens construisaient encore dans la tradition, est le résultat d'une vision absolument utilitaire de l'existence, inculquée à l'époque soviétique, qui fait ricaner à certains que l'Eglise ferait mieux de construire des hôpitaux plutôt que de dorer des coupoles. Les coupoles sont sans doute trop systématiquement dorées, mais l'un n'exclut pas l'autre, et du reste l'Eglise construit des hôpitaux, notre évêque s'en occupe ici, à l'emplacement de celui où a quelques années travaillé le saint évêque chirurgien Luc de Crimée, et à part au monastère saint Nicolas, qui a trouvé un sponsor, nos coupoles sont bien loin d'être dorées, je serais heureuse de les voir simplement peintes à nouveau d'un joli bleu mat plutôt que du vert caca hall de gare dont on les a recouvertes. Ainsi que l'a dit le Christ lui-même, l'homme ne vit pas seulement de pain. Le Christ avait béni l'initiative de la pécheresse venue verser sur lui un parfum de prix, et Judas, qui allait le trahir, lui avait précisément reproché de dépenser pour des futilités l'argent qu'on pouvait garder pour les pauvres. Les gens ont besoin de beauté et de poésie, dans une société normale, autant que de confort et de satiété physique. Cela n'est pas forcément incompatible. 


en combinaison de peintre, avec Rita












...

A Moscou continue allègrement le massacre des derniers quartiers anciens, homogènes et pittoresques, que visiblement Sobianine déteste. Je suis persuadée qu'il les déteste, que cela n'est pas seulement une question de business. Je me souviens d'avoir frémi devant un slogan du temps de Brejnev: "Nous ferons de Moscou une vraie ville communiste". En béton uniforme, sans plus aucune fantaisie, une caserne, une termitière. Aujourd'hui, c'est le libéralisme qui s'en occupe, mais l'impulsion est pour moi rigoureusement la même. Haine de la nature, de la beauté, de tout ce qui échappe au contrôle rationnel étroit, à la tyrannie, à cette passion de la mort qui est le propre du diable, quels que soient les discours idéologiques dont il se pare. Le problème est que dans tous les pays, une partie des populations reprogrammées, rééduquées, privées de tous les récepteurs que développait l'éducation d'antan, adhère avec enthousiasme, ou indifférence fataliste, à un programme atroce, qui nous enlève, à nous, toute envie de vivre. Ainsi, dans les commentaires à cette terrible photo d'un quartier neuf à Samara, un mutant s'écrie que c'est parfait, qu'il y aura de la place pour les voitures, et qu'avec un peu de verdure (où elle poussera, la verdure?) ça pourra le faire. Les mêmes apprécient énormément les fleurs en plastique, le bétonnage des rivières, la nature, c'est sale. Il faut éradiquer la nature.


  On pourrait penser que tout ce mauvais goût, cette hideur fantasmagorique sont quelque chose de fortuit, mais je me souviens toujours de cet échange de répliques sur une capture d'écran où deux officiels russes se félicitaient des destructions de quartiers anciens, ces "vieilleries tsaristes" qui "servaient de terreaux aux conservateurs", de sorte qu'entre les komsomols des années 70 et les hauts fonctionnaires libéraux d'aujourd'hui, je voyais une filiation directe. Dans le même temps, en France, on ravage le centre de Paris, on coupe partout des arbres avec frénésie, on installe dans les plus beaux endroits du pays ces abominables éoliennes à prétexte écologique. A Pereslavl, on saccage des tilleuls, on coupe une allée de sapins sans consulter personne, en mettant les habitants devant le fait accompli. Partout la même barbarie, la barbarie globale. 

Des artistes russes échangent sur les changements à Moscou. La ville leur est "devenue étrangère". Elle est factice, elle perd ses derniers jolis quartiers, les gens normaux n'y ont plus de place, et encore moins les vieux, les faibles, tout est fait pour leur compliquer la vie, comme à Paris, comme partout. Elle est faite pour les jeunes aux dents longues, qui vont vite, qui écrasent tout le monde,avec une grossière impudence,  et qui, incultes et brutaux, savent manier l'informatique et les diverses technologies à la perfection, ils ne savent même que cela, mais c'est tout ce qu'on leur demande, le reste on s'en fout. Une fois usés, on les balance comme des kleenex. a moins qu'on ne les recycle, comme dans Soleil Vert?

  Et voilà que je tombe sur une vidéo de la chaîne orthodoxe Tsargrad. L'intervenant y commente un document officiel de Koudrine et Khousnouline,  prévoyant d'exclure la majeure partie de la Russie des projets d'entretien et de développement, pour se concentrer sur une ceinture urbaine formant une énorme mégapolis constituée de plusieurs villes devenues des monstres futuristes, des termitières, où les gens, par manque de ressources en province seront contraints d'affluer pour survivre, et de se parquer dans le genre de cages  que je montre plus haut. Comme des porcs et des poulets de batterie, contents, en plus, d'avoir de la place pour leur bagnole, trois fleurs en plastique dans des bacs en béton, et la marque de la bête tamponnée sur le front. "Est-ce la Russie dont nous avons besoin?" s'écrie le journaliste.


   On peut imaginer, en Russie, où le phénomène n'a pas tout à fait le caractère idéologique qu'il prend en occident, que les seigneurs mafieux de cet horrible monde se foutront éperdument des sous-hommes qui resteront dans le reste du pays, et finalement, je le souhaite. Qu'ils nous oublient dans nos îlots. Je regrette juste de ne pas avoir poussé jusqu'à la région de Vologda, où les gens restent plus russes, et qui ne fait pas partie du projet futuriste de Koudrine, Sobianine et compagnie, mais peut-être que le village de Pertsevo échappera au cancer qui ravage Moscou et étend ses métastases jusqu'à Pereslavl. La solution est de vivre à l'écart et de retourner aux fondamentaux. Si bien sûr on ne surexploite pas tellement ce qu'il reste de nature qu'on ne pourra plus même en tirer sa maigre subsistance.

Quand je lisais Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, j'éprouvais une épouvante glacée et me consolais en me disant que ce n'était pas pour demain. Eh bien si, nous y sommes. Aldous Huxley lui-même s'étonnait de voir cela se réaliser si vite. Cet homme pénétrant avait tout compris et même le caractère hypnotique, incantatoire de la religion du Progrès, opposée à la "bonne religion", celle qui développe l'âme et unit les gens.




2 commentaires:

  1. В Кирове на перекрёстке улиц Володарского и Советской появилась скульптурная композиция Змею-искусителю. Арт-объект находится на площадке возле магазина «Пятёрочка». Он представляет собой фигуру дерева, в ветвях которого спрятался Змей, обвивающий запретный плод.

    Вот такое пришло время на Руси. Конечно, можно умничать и утверждать, что руководство города решило таким образом напомнить народу об эпизоде из Библии, о первородном грехе. Но, глядя на дьявола с запретным плодом, сердце сжимается и чувствует исходящую от этой композиции злой холод. Господи, помилуй!

    Iakov

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  2. ЭТО УТИЛИЗАТОРЫ РОССИИ.https://3rm.info/main/84947-jeto-ne-vlast-jeto-utilizatory-rossii-putin-s-pravitelstvom-risujut-novuju-kartu-strany-video.html

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