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dimanche 2 avril 2023

Dedans

 Les vidéos sur la confiscation de la Laure de Kiev par la filiale de Bartholomée, dirigée par le triste Epiphane, sont légion. J'en ai vu une où le contingent habituel de persifleurs se déchaînait sur ceux qui prient et qui chantent autour du monastère. Une jeune fille, seule à genoux, était entourée de ces gens qui la harcelaient. Ces gens, on les voit autour du Christ arrêté, sur les tableaux du Moyen Age et de la Renaissance, avec des visages devenus des trognes, des mufles ou des groins. Il y en avait certainement autour du bûcher de Jeanne d'Arc, il y en avait autour de celui d'Avvakum; il y en avait autour des prêtres molestés par les bolcheviques, les voilà maintenant à Kiev. Un joli jeune homme de peut-être dix-sept ans, au physique extrêmement russe, mais entre les Russes et la plupart des Ukrainiens, la différence est bien moindre qu'entre un breton et un provençal, ricanait avec des airs farauds: "Séparatistes! Séparatistes!"  Ce qui est, si l'on veut, amusant, l'Eglise Ukrainienne canonique remontant à saint Vladimir, et celle d'Epiphane à la CIA et son patriarche de service. Il n'avait pas l'air très méchant, un de ces benêts qui participent aux chahuts pour se faire bien voir des durs et des infâmes pour lesquels les bons petits garçons ont souvent une admiration sans bornes. J'ai vu cela au lycée, et même à la maternelle. S'il continue comme cela, il lui poussera un groin, à lui aussi. Et des sabots.

Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de monde en enfer, mais pour ceux qui trament ce genre de choses et ceux qui y participent avec enthousiasme, la place est certainement déjà bien chaude. Nos journalistes et nos politiciens sont déjà sur le tobboggan.

La question se pose du martyre, pour ce qu'il reste de chrétiens, violemment haïs par les démons qui sévissent là bas, et dans tout le monde occidental. Personnellement, je ne suis vraiment pas sûre que j'en aurais le courage, et aussi peut-être, l'amour. Il n'est vraiment pas facile de ne pas détester en retour, ou au moins mépriser, les pires de ces créatures fourbes, viles, perverses et méchantes qui dansent le sabbat partout où elles le peuvent, sur les ruines et les cadavres, et poussent des malheureux dénaturés vers les temples du fric et de la pornographie 

Le temps est gris, froid et sinistre, la neige est partie, mais la terre est toujours gelée. Comme toujours à cette période de l'année, aux endroits où, plus tard, on vendra des plants d'arbustes et de fleurs, on propose des bouquets artificiels. Je suis allée dans le quartier des immeubles soviétiques, où j'avais à faire, et dans la grisaille humide, au milieu des flaques, de la boue et des façades lugubres, hurlaient les couleurs violentes et vénéneuses de ces substituts en plastique. Il m'est tout à coup revenu à l'esprit le contraire de cette vision, un merveilleux tableau du début du XX° siècle, dans la salle-à-manger de mon oncle Henry, qui représente un marché aux chrysanthèmes dans une petite ville française. A cette période intermédiaire, le paysage est ici absolument désespérant, rien ne venant tempérer les disgrâces de la modernité, ni neige, ni verdure. C'est là qu'il faut de la ressource intérieure et un bon cercle d'amis. Et puis le souvenir des instants de grâce où d'incroyables nuages dérivent dans la lumière.

Ce matin, reveillée à l'aube, je me suis rendue à la première liturgie, célébrée par l'évêque, et je me suis sentie, comme dit le père Andreï dans son livre, "dedans". A l'intérieur de l'espace chaud et doré de la cathédrale chrétienne millénaire, avec ceux qui y prient depuis deux mille ans, en dépit de toutes les disgrâces, de toutes les horreurs, de toutes les persécutions, de toutes les calomnies, de tous les complots, de toutes les trahisons, de toutes les cruautés et de toutes les infâmies. Dedans... sans doute pour le meilleur et pour le pire.




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