Deux jours de grand soleil venteux, je me suis jetée sur le jardinage, et je le paie, j'ai très mal au genou, et au dos, pour la semaine Sainte, ce n'est pas terrible. Cet hiver, j'avais presque complètement récupéré mes jambes, et oublié que je n'étais pas en train de rajeunir...
J'ai sorti les meubles de jardin, le hamac, sur lequel j'ai dérivé au grand air, sous un ciel immaculé. Les chats se roulaient par terre de bonheur, Rita se balançait avec moi, les mésanges voletaient avec des bruits soyeux et des chants flûtés, pareilles à de petits fruits duveteux, sonores et agiles aux branches encore nues du poirier.
Je pensais à ce dessin de Gaston Lagaffe, sur un hamac, avec son chat dingue et sa mouette rieuse.
Andreï, qui m'avait emmenée à Iaroslavl chercher ma table Goldorak "transformer", est venu m'aider à tailler les fruitiers, pour essayer de les sauver. Il y en a qui sont vieux, et en fonction du terrain marécageux, je m'attends prochainement au pire. Et puis il y a toujours la question du voisin. Tant que les arbres n'auront pas poussé, j'aurai l'impression de vivre comme une ourse dans une fosse, à laquelle il se prépare, du haut de sa terrasse et de son remblai, à jeter des morceaux de pain... Andreï m'a dit que les saules étaient une peste végétale invasive, et en effet, mais ils poussent très vite, c'est le seul moyen pour moi de m'isoler en un temps record. Je pense que le voisin espérait peut-être que la petite vieille serait toute contente d'avoir de la compagnie, de faire coucou le matin en chemise de nuit du haut de son perron et de venir participer aux chachliks avec musique de merde et conversations mortelles...
Je lui laisserai en héritage une forêt de saules.
Andreï a lui-même un terrain dans un village infesté de moustiques. Ici, malgré le marécage, ce n'est pas le cas, les moustiques restent en quantité tolérable, grâce au vent.
Sveta Soutiaguina la vieille armoire |
Sveta Soutiaguina me disait que des gens lui reprochaient de publier des photos de ses tableaux alors que nous étions tous assis sur un volcan, c'est intéressant comme réaction. Le troll me reprochait, entre autres, de parler des cordes de mes gousli, donc si la situation est inquiétante, il faut arrêter de vivre. Ne plus créer, ne plus rire entre amis, ne plus marcher dans la campagne ni cultiver ses fleurs, mais mener sévèrement sa croisade contre les créatures des ténèbres: cependant les créatures des ténèbres, en l'occurrence, ce sont eux, et pas nous.
Il me semble au contraire que générer des égrégores positifs est un devoir sacré. On a tout fait pour nous en enlever la possibilité, pour nous couper tout accès au beau et au bien, à ce qui donnait à nos ancêtres la possibilité de transfigurer leurs épreuves. Mais c'est bien une guerre entre ces gens-là et l'humanité qui se déroule. Entre les trolls, les rhinocéros, les piranhas, les hyènes et les êtres humains.
J'ai eu diverses altercations avec des personnes péremptoires qui savent tout, et qui n'envisagent pas une minute qu'elles puissent être à côté de la plaque, il faut dire que voir les choses autrement leur compliquerait bien la vie. L'inutilité de la discussion me coupe bras et jambes. J'ai quitté la nef des fous pour la dernière arche et je les vois s'éloigner l'une de l'autre à grande vitesse. Pourtant, les Russes me disaient souvent que leur arche n'était pas très étanche. Peut-être, mais elle a quand même levé l'ancre, et la voilà qui prend le large. Et ça tangue, mais ça bouge, ça avance, des rafales iodées balaient le pont, la houle soulève tout ce qui n'est pas bien accroché.
Ce qui se passe là bas, c'est-à-dire en occident et dans ses divers fiefs, est si pervers, si satanique, qu'il est difficile d'y garder son bon sens. Je vois vaciller des gens qui me paraissaient en avoir pas mal. Ceux qui le gardent le mieux sont les gilets jaunes et les Gaulois réfractaires, les travailleurs, les petits. Ou certains anarchistes incurablement rebelles, du genre recours aux forêts. Je crois qu'il faut à un certain moment savoir s'éloigner sans se retourner, sous peine de se transformer en statue de sel. J'attends les esquifs de la dernière heure, il ne leur faudrait pas trop tarder, nous leur jetterons des câbles, des bouées et des gilets de sauvetage...
En parlant de Gaulois réfractaires, ou plutôt de Bretons en l'occurrence : https://www.youtube.com/watch?v=awF1PzZGngM
RépondreSupprimerJ'ai regardé Lancaster les habitants accusent... ça fait mal au coeur et à l'âme. Prières pour les civils.
RépondreSupprimer"Je crois qu'il faut à un certain moment savoir s'éloigner sans se retourner, sous peine de se transformer en statue de sel. J'attends les esquifs de la dernière heure, il ne leur faudrait pas trop tarder, nous leur jetterons des câbles, des bouées et des gilets de sauvetage..."
RépondreSupprimerBonjour Laurence, j'avoue que je me pose de plus en plus la question de quitter la France...
Merci pour votre lucidité. Il est de plus en plus difficile de vivre dans cette nef de fous pilotée par le mensonge, l'hypocrisie, la malhonnêteté, la perversité et j'en passe... Nous avions envisagé il y a quelques années de mettre le cap à l'est... Est-il trop tard? Est-ce encore possible? Votre avis nous intéresse.
RépondreSupprimerCe n'est peut-être pas trop tard, mais il faudrait se dépêcher. Avez-vous des contacts en Russie, des idées sur ce que vous pourriez y faire, et où vous installer?
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