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mardi 21 avril 2020

Témoignage

J'ai participé hier à un dîner, ou plutôt une beuverie, d'intellectuels orthodoxes locaux. Je me suis plutôt ennuyée, car moi, je n'étais pas bourrée, je me bourre très rarement la gueule, je n'ai pas envie d'être malade. L'alcool rendant leurs propos confus, j'avais du mal à les comprendre, et leurs plaisanteries de même, car le russe n'est quand même pas ma langue maternelle, et d'ailleurs, j'étais très fatiguée, après Pâques et deux nuits trop courtes. Et puis les propos concernaient surtout leur vie personnelle. Je suis repartie plutôt déprimée.
Après huit heures de sommeil, je me suis levée face à une belle journée, du soleil et un vent nettement plus doux. On dit que souvent le temps change après Pâques. Eh bien cela semble vouloir être le cas. J'ai donc jardiné, puis je me suis fait un brunch sur le perron, avec des oeufs durs, de la paskha, la mienne, plus légère, moins sucrée, et un koulitch du pâtissier Didier, qui n'est pas la version traditionnelle russe de la chose, ni non plus un panetone italien, mais une tuerie française à point de départ russe.
Je regardais mon terrain qui a encore l'air d'un paillasson, les emplacements où bientôt resplendiront lupins, roses trémières, iris, oignons décoratifs, pivoines, et puis les saules et les roseaux du marécage, au loin, et par dessus le toit rouillé de l'isba d'en face, de gros nuages véloces, bondissants dans l'azur et la lumière, et je ressentais, avec mes animaux couchés autour de moi, un bonheur d'une plénitude extraordinaire. J'ai conscience de ne plus avoir d'avenir, et cela à pusieurs titres. D'abord, comme nous le rappelle partout la merveilleuse société mondialiste que nous ont bâtie deux siècles de progressisme implacable et de stupidité matérialiste arrogante, je fais partie des has been en sursis qui n'ont plus qu'une ou deux décennies devant eux, dans la mesure où on voudra bien les leur laisser. Ensuite, je suis notoirement dissidente, et notoirement orthodoxe, ce qui me place dans la catégorie des persécutés imminents. Hier, mes intellectuels évoquaient la fin du monde, et en effet, c'est bien de cela qu'il s'agit, car si quelque chose survit, ce sera la Babylone de Moloch et Mammon, où moi-même je n'aurai pas plus de place que Notre Dame de Paris, l'église du métropolite Pierre à Pereslavl Zalesski, toute la littérature classique, la tradition paysanne, et en général toutes les valeurs que je reconnais et que je défends. Si je reste dans ma maison ici, c'est parce qu'on aura oublié la vieille et qu'on la tiendra pour quantité négligeable. On peut parfaitement me réexpédier en France, si la Russie ne résiste pas à la vaccination obligatoire et surtout à la puce électronique qui va l'accompagner, et qu'un chrétien orthodoxe ne peut accepter, car c'est la marque de la Bête, celle qui fera de nous le bétail de son immonde troupeau. A voir les mufles divers que revêt depuis deux cents ans, ou même un peu plus, son corps unique, je n'ai aucune envie de lui appartenir pour l'éternité, et même si dans la somme de textes qui constituent le testament du christianisme, il y a des choses qui vraiment m'échappent, me dépassent, ou me paraissent, comme disait le père Placide, "des indurations dans le tissu souple de l'Eglise", une chose est claire pour moi, à la façon de Dostoïevski, si on me prouvait que le Christ n'était pas la Vérité; je préfèrerais être avec le Christ qu'avec la Vérité. Car avec EUX, je ne serai jamais.
Donc, n'ayant plus tellement d'avenir, je n'ai plus tellement de soucis non plus. Mes genoux, le fric, tout ça, le virus, bof... quelle importance? La seule chose qui me tracasse, c'est ce qu'il adviendra de mes animaux, mes chers amis, casez-les si vous le pouvez, si vous ne le pouvez pas, ne les livrez pas à une existence de misère, faites-moi la charité de les euthanasier chez un bon vétérinaire. Pour ce qui est de mes affaires, tableaux et manuscrits, que se les partagent ceux qui m'aiment. Mais eux-mêmes n'auront certainement pas le loisir d'en faire grand chose, eux-mêmes feront partie des proscrits.
Bon, évidemment, je ne suis pas pressée à la minute, mais disons qu'il faut tout envisager. Et envisageant tout, j'éprouvais tout à coup sur mon perron un bonheur et une sérénité immenses. Je comprenais la valeur de chacun de ces instants de joie d'exister qu'il me restait à vivre, une joie d'exister sensuelle, celle de ces oeufs qui m'ont tant manqué pendant le carême, du koulitch du pâtissier Didier, de la brise printanière, du ciel et de ses nuages, mais tout cela n'était pas en contradiction avec une plénitude plus vaste, c'en étaient juste les prémices acceptés avec reconnaissance, et je sentais sur moi la protection du Seigneur, au delà de tous mes doutes, de toutes mes petites faiblesses, et je m'en remettais à lui. Je me sentais libérée, profondément libérée, et calme.
Car si le virus me prend, dans ce cas de figure, cela m'évitera peut-être des choses qui me feraient regretter de ne pas y avoir succombé; et si j'y survis, cela sera peut-être pour périr avec les orthodoxes, ici, comme la grande duchesse Elizabeth, j'espère alors être à la hauteur, avec l'aide de Dieu, et le nez dessus, il se peut que je sois malade de trouille, mais j'aurai au moins la consolation de ne pas finir ma vie à quatre pattes dans un EPHAD russe ou français, achevée au rivotryl, une couche sale au cul, entre deux maritornes sous-payées. Mourir en martyr a certainement plus de gueule et plus de sens.
Alors profite de la première brise printanière au soleil, avant que ne bourdonnent les drones dans le beau ciel de Pereslavl, avant qu'il ne t'advienne Dieu sait quoi dans la tourmente, me disais-je. Dieu, tu l'as choisi et gardé, il ne te lâchera pas.
"N'ayez pas peur, j'ai vaincu le monde".

Je mets en annexe l'homélie de monseigneur Théoctyste au monastère saint Daniel, car en la lisant, j'ai compris que toute ma vie, en dépit de tout, et c'est tout ce qu'elle a été capable d'être, sur le plan spirituel, avait été un témoignage, que le fait d'écrire était pour moi un témoignage; le fait même de mettre de la beauté autour de moi est un témoignage, car la beauté vient de Dieu, et là où elle n'est plus, les gens ont beaucoup de mal à Le reconnaître encore.

   Je voudrais réflechir sur un thème qui a été évoqué dans la lecture apostolique pascale, et qui se poursuit dans la lecture évangélique d'aujourd'hui des vigiles de Pâques. Il s'agit de l'envoi dans le monde et de la mission. C'est malheureusement ce que beaucoup d'entre nous sont enclins soit à oublier, soit à exclure tout à fait du champ de leur attention.
Après la résurrection du Christ, les apôtres se posaient toutes sortes de questions, sur ce qu'il advient du monde, le Seigneur ne va-t-il pas venir maintenant, n'est-ce pas maintenant qu'arrive le temps eschatologique du Royaume messianique, que tous, étant des Israélites, attendaient et espéraient? Le Seigneur leur répond que leur affaire n'est pas de connaître le jour et l'heure, mais qu'ils doivent prendre la force du Saint Esprit pour être des témoins de la Résurrection du Christ sur toute la terre. Aujourd'hui, nous avons entendu quelque chose de semblable, en plus bref. Le Seigneur dit qu'il envoie aussi les apôtres, comme le Père l'a envoyé lui-même dans le monde: "comme le Père m'a envoyé, je vous envoie" (Jean 20, 21). 

Il s'ensuit que la mission d'envoyé, la mission de témoignage sur le Christ Ressuscité, c'est ce qu'il est indispensable de se rappeler. Dieu en donne la force à chacun de nous à travers les sacrements de l'Eglise. Mais nous avons la grande tentation de nous dire que cette force nous est donnée pour nous-mêmes, pour notre apaisement, pour que nous nous sentions bien ici et maintenant. Mais ce n'est absolument pas ça. 
Après ma chirotonie épiscopale, on me demandait souvent: "Dis-nous, monseigneur, qu'est-ce que tu ressentais pendant ta chirotonie et après?" Cette question m'amuse beaucoup, et je me représente le tableau, après que le Saint-Esprit soit descendu sur les apôtres sur la colline de Sion, sous forme de langues de feu, et qu'ils soient sortis de là, une foule de journalistes leur demande: "Et qu'est-ce que vous avez ressenti?" Je ne sais pas ce qu'auraient répondu les apôtres, parce que cette force, que nous donne le Seigneur Dieu dans les sacrements, se révèle seulement dans les actes. Et seulement dans ceux, dont le Seigneur parle dans ces extraits pascaux, où nous nous révélons les témoins de la Résurrection du Christ. 
Si nous ne faisons pas cela, si le sens de la vie est dans quelque chose d'autre, alors cette force ne se révèle jamais. Elle ne nous est pas donnée pour arranger notre vie. Si nous ne témoignons pas de la Résurrection du Christ, alors il s'ensuit que les sacrements "ne marchent pas". Et si nous nous trouvons ici, dans l'eglise, pour autre chose que témoigner de la Résurrection du Christ devant le monde extérieur, alors notre participation à la vie de l'Eglise est également vide. si c'est pour être paisible, pour ne pas être malade, pour que tout aille bien dans la famille, et même pour un but élevé, pour son salut personnel, c'est en vain que nous y demeurons. Le salut personnel n'est possible que lorsque nous remplissons ce que nous a ordonné le Seigneur, et il nous a ordonné d'être ses témoins. Chaque seconde, toujours et devant tous. Si nous comprenons ces textes ainsi, si nous recevons ainsi le christianisme, alors nous n'aurons aucune crainte. 
La crainte vient quand nous cherchons quelque chose d'autre. L'absence de crainte n'est pas l'absence de raison, elle n'est pas semblable à la tentation du Seigneur ou à je ne sais quelles actions insensées. Non, ce n'est pas la même chose. L'absence de crainte est quelque chose d'autre, cela veut dire que les pensées et es aspirations sont orientées autrement, par exemple par la recherche en premier lieu de la réponse active à la question: "Comment puis-je être le témoin du Christ à l'endroit où je me trouve, dans l'entourage où je me trouve, dans la situation dans laquelle Dieu m'a mis?" Et c'est la question, à laquelle nous devons constamment répondre, constamment penser, qu'est-ce qui sera le mieux pour la mission du Christ sur cette terre. 
Je voudrais vous souhaiter, chers pères, frères et soeurs, d'approcher le christianisme précisément de cette façon, et de le vivre de cette façon. Que les mots que nous entendons, disons et répétons aujourd'hui de nombreuses fois, "Christ est ressuscité!" ne soient pas seulement des mots, ou un tribut à la tradition, mais qu'ils soient une confession de notre coeur, qui se reflèterait sur toute notre apparence, sur tous nos actes, nos paroles, nos pensées. Absolument tous. Et alors, il n'y aura pas de crainte, alors on saura comment agir dans telle ou telle situation. Alors Dieu lui-même sera avec nous, et la force dont il parlait aux apôtres, apparaîtra dans nos actes, et en nous-mêmes. Dieu fasse que cela arrive".






dimanche 19 avril 2020

Christ est ressuscité!












Au dernier moment, j'ai été avertie qu'il valait mieux aller avec Natacha et le père Constantin dans l'église de la sainte Rencontre, qui est perchée sur une colline abrupte, à côté de l'endroit où vivait saint Luc de Crimée quand il travaillait à Pereslavl. C'est une église en cours de restauration sans doute depuis des années, pauvre, avec peu de mobilier. Des fresques iconographiques qui sont anciennes mais je ne saurais dire de quelle époque, peut-être "néo iconographiques" du XIX° ou XX° siècle, ou alors une survivance du style traditionnel post Pierre le Grand, elles ne me paraissent pas du XVI° ou même du XVII° car l'église ne remonte pas à cette époque.
Deux flics à l'entrée, à l'intérieur peu de monde, et un cosaque, les cosaques se répartissent la protection des églises et des monastères de Pereslavl, voici pourquoi j'en vois dans toutes les églises où je vais, au moment des fêtes, en uniforme.
J'y ai retrouvé mon amie Katia Kalininskaïa, l'écrivain pour enfants qui est en train de s'installer définitivement à Pereslavl et chez qui j'éditerai peut-être mon livre en russe. Elle est aussi une spécialiste de  saint Luc de Crimée, sur lequel elle a écrit plusieurs livres. Cette église est sa paroisse de référence.
Nous avions tous nos muselières, mais peu à peu, elles ont deserté les visages, le visage est une chose importante, pour les orthodoxes. Le choeur faisait ce qu'il pouvait. Au moment de la procession, il y a eu une longue pause. Allait-elle avoir lieu? Le prêtre a décidé qu'étant donné notre nombre restreint, on allait se lancer. Et nous voilà partis dans la nuit glaciale - il gelait. Une procession rapide, furtive, mais nous chantions fermement: "Le Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a vaincu la mort..." Le défilé des chasubles rouges, des bannières, icônes et lanternes surplombait tout Pereslavl et ses lumières nocturnes, froides, clairsemées. Quand les prêtres sont retournés dans l'église, je suis restée un moment coincée dehors, avec une partie des fidèles. Je n'entendais rien de ce qui se passait à l'intérieur, mais tout à coup, le carillon de Pâques nous a dégringolé dessus du haut du clocher, un carillon qui y allait vraiment de bon coeur, un déluge de séraphins et chérubins sonores, et quand je dis séraphins et chérubins, je ne pense pas aux angelots joufflus de la décadence baroque, mais aux esprits de feu des visions prophétiques. Cela me semblait à la fois sublime et alarmant, alarmant parce que nous défions quelque chose de particulièrement noir. Je sentais, tout au long de cette fête arrachée in extremis à la gueule de la bête qui soufflait sur nos talons, ce que tout cela avait de maléfique, de dirigé en premier lieu contre l'Eglise, et combien m'était cher ce peuple orthodoxe de Pereslavl, ses prêtres, ses moines, et son évêque. Ce n'est pas en vain que nous avons eu ce petit miracle de la Pâque, Pereslavl est vraiment un lieu particulier, en dépit des ravages commis sur cette belle ville, ou peut-être grâce à eux, car la gangrène de la laideur est aussi un assaut du diable, et il y a ici quelque chose de très lumineux qui l'irrite, comme à Moscou, tellement profanée. De sorte que j'ai parfois bien peur, mais pas du virus. De la Bête... Si la Bête l'emporte, si l'on fait de la terre entière une Babylone dédiée à Mammon et Moloch, alors nous regretterons que le virus ne nous ait pas charitablement emportés. Bien sûr, sa victoire sera passagère, mais le moment à passer ne sera pas drôle.
J'ai vu ce matin un post du père Athanase, de Iouriev Polski, dans la région de Vladimir, dont les églises ont été bouclées depuis longtemps: Et voilà, quand, me redressant près des portes, je me retournai vers l'Autel, et commençai à chanter le tropaire de Pâques, avec les versets selon la Règle, de façon pour moi tout à fait inattendue, mon coeur s'emplit d'un tel bonheur et d'une telle joie que moi, moine déjà vieux, je me mis à sourire comme un gamin, comme on dit "d'une oreille à l'autre". 
Je regardais cette poignée de fidèles et je comprenais que je n'avais pas sur terre de gens qui me fussent plus proches!"
J'avais une révélation du même ordre, mon appartenance spirituelle profonde, génétique, paysanne-chrétienne, médiévale, à l'univers incarné par la communauté orthodoxe de Pereslavl en particulier, et de la Russie en général. Sans eux, je n'aurais plus de place nulle part sur cette terre. Car lorsque je regarde les maîtres du monde et leurs théoriciens, je n'ai pas envie de vivre dans la société qu'ils nous préparent, et je ne regrette pas de ne pas y laisser d'enfants ni de petits-enfants.
Quand aux gens qui s'indignent que des croyants persistent à aller à l'église, malgré l'ordre du patriarche... D'abord, jusqu'à présent, nous avions la permission du gouverneur, qui, c'est net, commence à paniquer sous les pressions. Et ensuite, j'espère que Poutine, le Patriarche, le métropolite Hilarion, le métropolite Tikhon, que je m'abstiens prudemment de critiquer ou de juger, savent ce qu'ils font, et des choses que nous ne savons pas. Si ce n'est pas le cas, je ne saurais alors comment qualifier ce qui est commis.
Car ce qui se passe est une persécution sournoise et vile auxquels certains prennent un évident plaisir, ils ont senti l'odeur du sang, comme en Ukraine, et trépignent de se ruer à la curée. Fatalement, il est très difficile aux croyants d'accepter de se prosterner devant ces gens-là, et encore plus difficile de leur faire confiance, et si le père Athanase a eu cet afflux de grâce, et moi ce déluge de séraphins nous témoignant leur protection et nous délivrant leur mise en garde, c'est que nous ne sommes pas dans la situation où le gouvernement honorable d'un peuple uni prend des décisions pour le bien général.
Nous sommes probablement dans celle où une partie du gouvernement n'est pas au service de son peuple et s'efforce de circonvenir ceux qui le sont encore. Cela dans le meilleur des cas.

samedi 18 avril 2020

Epitaphios

Hier, office du vendredi saint, ensevelissement du Christ. J'avais emporté un livre en slavon, mais il est difficile de suivre, les gens lisent et chantent vite, de façon peu claire, et au fur et à mesure de l'office, il fait de plus en plus sombre dans l'église. Je vais lire le canon de Pâques en français avant d'aller à la cathédrale. Je pensais ne pas y aller du tout, mais le père Andreï m'a inscrite sur la liste officielle des paroissiens de base, qui ont le droit de venir, munis de la muselière de rigueur, se mettre, comme des pions sur un jeu d'échecs, aux places indiquées par un adhésif blanc sur le sol. Néanmoins, ne nous plaignons pas, c'est un miracle que nous assistions ici à la Pâque et à mon avis, cela ne durera pas, mais c'est quand même pour moi un signe quasiment métaphysique. Quand nous avons fait la procession derrière le linceul du Christ porté par l'évêque, les bannières et les lanternes, notre assemblée clairsemée chantait à pleine voix: "Saint Dieu, saint Fort, saint Immortel, aie pitié de nous". Le glas sonnait. Je voyais se détacher sur le ciel vespéral turquoise, brusquement dégagé, la belle église du métropolite Pierre, construite par Ivan le Terrible, et l'étincelante étoile du berger.
Les dernières déclarations de Poutine me laissent perplexe . Contrairement aux occidentaux qui clament que les chiffres russes sont minimisés, je pense qu'ici, on fait monter la mayonnaise, les mondialistes y sont à l'oeuvre comme partout ailleurs. En ce qui concerne Poutine, je me refèrerai désormais au conseil qui m'a été donné de ne pas paniquer, d'être patiente et vigilante. Car je suis persuadée qu'il est soumis à des pressions gigantesques, le pouvoir exorbitant, même en Russie, ce n'est pas lui qui le détient. C'est vrai que depuis le début de l'affaire, il a pris l'allure d'une momie en cire, un peu comme Lénine dans son mausolée. Mais peut-être qu'il ruse, c'est mon dernier espoir.
Je vois des représentants de la conscience inférieure trouver inévitable et normal qu'on nous passe une camisole de force électronique et que la planète entière s'en remette àveuglément à une bande de milliardaires sataniques et mafieux. C'est le progrès, messieurs dames, et l'on n'est pas encore descendus assez bas, ou plutôt quand on est de la conscience inférieure, on ne remarque même pas où nous en sommes, on est adapté à la modernité comme le rat à la décharge publique. Ces gens-là trouvent également normal de se fier aveuglément à une presse toute entière entre les mains de la caste qui détient l'argent et le pouvoir universel, et se gaussent des méfiants de café du Commerce dans mon genre. Ils ne reconnaîtront jamais qu'on nous a fait un monde hideux et infernal et continueront à suivre le fatal mouvement. D'abord, il n'est jamais agréable de s'apercevoir qu'on a été le complice et le dupe d'un tel état de fait. Et d'autre part, il est plus confortable de continuer à se leurrer sur les lendemains progressistes qui chantent inévitablement.
Poutine a annoncé qu'il pourrait y avoir des poursuites à l'encontre des gens qui refuseraient le vaccin. Comment refuser un vaccin? demandent tous ceux de la conscience inférieure. Parce qu'il sera accompagné du puçage général ou de nanoparticules invisibles, répond le café du Commerce. c'est pourquoi le transhumaniste Bill Gates trépigne de nous injecter sa merde de force sur toute la planète. Et pourquoi un vaccin, alors que ce genre de virus change sans arrêt et qu'on a des traitements qui marchent avec la chloroquine? Mais, soulagement, d'après une correspondante au courant, le vaccin obligatoire de Poutine sera de production russe, cela ne sera pas celui de Bill Gates. Ce qui,permettra quand même de répliquer à la pression supranationale que nous sommes vaccinés comme les copains.
Je ne suis pas contre les vaccins de façon systématique, je suis contre l'usage qu'on en fait et qu'on peut en faire. Ce qui est parfaitement réel, compter sur la conscience des nababs qui dirigent la planète de façon plus ou moins occulte relève de la nunucherie complète.


Semaine sainte
Et voici que déjà l’on porte vendredi
Au son voilé des cloches notre Christ au tombeau
Et qu’aux mains des fidèles chaque flammèche luit,
Tremblante étoile d’or aux tréfonds d’un caveau,
Sombre abyssal enfer, béant et désolé,
Comme l’espace ouvert du néant incréé.

Voici que surgissant la lumière de la Croix
Traverse verticale la mer de nos destins
La nuit de nos temps durs et la chair de nos cœurs,
Depuis le fond lointain percé de haut en bas,
Du soleil à la lune ouvrant tout grand les bras,
En un moment de feu brûle tous nos chagrins.

Voici que dans le soir, violet, doux et sonore,
Sous le brocart d’argent des nuées de velours
L’on devine les ors et la pourpre du jour,
De la très sainte Pâques qui nous revient encore,
Si grave et flamboyante, nous rappeler toujours,
L’inconcevable instant qui vit mourir la mort.

photos éparchie de Pereslavl


jeudi 16 avril 2020

Messie

Ce matin, je suis allée à l'office de la Cène. J'avais lu des commentaires haineux de Russes abrutis par la propagande, pour qui les orthodoxes sont des ennemis semeurs de virus. Comme dans le reste du monde, on leur balance à longueur de médias des récits terrifiants et des incantations destinés à les pousser chez eux, une muselière sur le nez, en proie à une peur abjecte et à une haine irrationnelle de tous ceux qui ne partagent pas ce genre de sentiments, ce qui est le mécanisme totalitaire par excellence.
Que Poutine laisse Sobianine à Moscou, et les médias en général; installer ce genre de réflexes me laisse à penser que lui-même est soit circonvenu, soit partie prenante, auquel cas, il est bien meilleur comédien que Macron, car il a su garder un extérieur et un discours qui paraissaient encore humains... A moins qu'il ne prépare un coup de Trafalgar, c'est peut-être notre dernier espoir. Sinon, il faudra compter sur le réveil des peuples, et ce n'est pas gagné, tant ils sont formatés et poussés à la veulerie complète et la soumission.
Pour ceux qui préfèrent la vérité qui fait peur au mensonge qui rassure (mais nous mène au cachot ou à la boucherie, ou les deux) voici une vidéo qui m'a paru très sérieuse, l'exposé brillant d'une spécialiste compétente et pas du tout illuminée du pourquoi du comment de ce qui nous arrive et de ce qui va nous arriver si nous n'en prenons pas conscience:


L'évêque nous a demandé d'éviter l'office nocturne de Pâques à la cathédrale, de préferer d'autres églises ou de venir à l'office matinal, sans doute pour ne pas exciter contre nous le dragon de l'imbécilité et de la veulerie universelles, chevauché par les maîtres sataniques que le monde s'est laissé donner (ce qu'il n'a pas dit explicitement, ce sont là mes déductions personnelles). Car le fragile miracle de la région de Iaroslavl et de sa Pâque reste en travers du gosier de tous les suppôts de l'enfer conscients ou non de l'être, d'après les commentaires que je vois ça et là.
 Je n'ai pas envie de mourir, surtout avec ma smala d'animaux, mais il vient un moment où l'on entrevoit que continuer à vivre, si rien ne vient enrayer la machine infernale, pourrait devenir pire que mourir. C'est pourquoi si cette Pâque doit être la dernière, je veux la traverser avec reconnaissance, jusqu'au bout. Pour le salut de mon âme et par solidarité avec ces croyants russes qui persistent à se retrouver ensemble dans les ténèbres montantes.
Je lirai chez moi le canon de Pâques et j'irai à l'office du dimanche matin. Dans un sens, à mon âge, l'office nocturne devient dur à supporter, et j'envisageais de partir après le canon et la procession et de revenir le lendemain.
Katia m'a dit que Nadia, dont la paroisse-mère est à Moscou, était revenue en larmes. L'église était encerclée par la police, et elle s'est fait brutaliser par les gardiens même de sa paroisse dont elle est la secrétaire! Dans le même temps, le métro était bondé de gens à la suite d'une bourde du maire de Moscou Sobianine. Les quarantaines s'exercent partout dans le monde avec une rigueur sélective, ce qui me convainc plus que jamais de leur caractère suspect. Elle pense que Poutine a été mis sur la touche, ou qu'il s'en lave les mains.
L'évêque a consolé Katia, hier soir, en la voyant affligée et effrayée, comme le père Andreï l'a fait avec moi l'autre jour. Quand va-t-on nous interdire de nous rencontrer? Quand va-t-on commencer à arracher de leurs familles les vieux pour les parquer et les faire sournoisement mourir, les enfants pour les rééduquer ou les livrer à Dieu sait qui? Et Dieu sait pourquoi? Et cela dans le monde entier? Partout où l'on laissera faire, avec son masque bricolé maison qui ne sert pas à grand chose, et sa télé allumée, en pistant ce que font les voisins pour les dénoncer à la police...

Katia reçoit la bénédiction de l'évêque, photo éparchie de Pereslavl
Ce soir, j'ai suivi la lecture des douze évangiles de la Passion. Parfois, dans l'ancien Testament, je trouve des aspects mythiques au sens Mircea Eliade du terme, c'est-à-dire symboliquement, spirituellement vrais mais qui ne sont pas à prendre au pied de la lettre, enfin je crois. En revanche, les évangiles sont d'une vérité tellement criante...Le Testament du Christ, tel que saint Jean nous l'a rapporté est d'une telle altitude, d'une telle lumière, et par contraste, les événements qui suivent sont d'une telle ignominie, je ne croirais pas une minute que tout cela ait pu être inventé, c'est une vraie tranche de vie, avec des types humains que l'on retrouve à chaque fois que des combines ignobles provoquent la perte d'un être infiniment supérieur à ceux qui l'écharpent. Et même les plus proches amis ne sont pas à la hauteur, car il faut dire qu'être à la hauteur n'est pas toujours facile, heureusement que nous avons des sessions de rattrapage... Comment ne pas aimer quelqu'un comme le Christ? J'ai parfois du mal à me le représenter comme quelqu'un de réel, les douze évangiles de la Passion me mettent à chaque fois au pied de sa croix.
Et maintenant, représentez-vous quel genre de messie attendent les banquiers fous qui s'emparent du pouvoir mondial, en ce moment, quel genre de messie peuvent attendre des gens comme Rothschild, Soros, Bill Gates, Rockefeller, Marc Zuckerberg?

mercredi 15 avril 2020

La conscience inférieure


photo Natalia Kaplenko Razouvakina
 Entrée du Seigneur à Jérusalem. Et journée de la cosmonautique. «Science et religion» est une antithèse purement soviétique. Comme si même Gagarine, devenu la première personne au monde à atteindre des sommets sans précédent pour l'humanité, avait déclaré, soi-disant,  qu'étant allé dans l'espace, il n'y avait pas vu Dieu. Mais ce n'est pas le cas. Iouri Alexeïevich n'a rien dit de tel le 12 avril 1961. Non, et plus tard non plus. C'est l'infatigable Nikita Sergueïevich (Kroutchev) qui a  ratissé tout ce qui pouvait lui tomber sous la main dans sa minable grange  athéiste. Or Gagarine a dit, en fait, quelque chose de très important!
Voyant notre planète par le hublot de son Vostok-1, il s'est exclamé: «Je vois la Terre. Comme c'est beau! " Et c'est important. L'homme qui fut le premier parmi les hommes à tomber dans cette sphère de l'univers où  Dieu l'avait seul précédé, a répété en substance les paroles du Créateur, lorsqu'il acheva la création du monde matériel: «Et Dieu vit tout ce qu'Il avait créé, et que cela était très bon ... »(Genèse 1, 31) Et l'homme était avec Dieu ...

 Dans ma jeunesse, j'écoutais souvent Voice of America. Tous ces dissidents de cette époque soviétique - Siniavsky, Charansky, Daniel - étaient pour moi obsessionnels et primitifs, comme des informations politiques avant une leçon d'histoire. Mais Seva Novgorodtseva, les histoires de Dovlatov, j’écoutais cela avec plaisir. C'est avec encore plus de plaisir, que j'écoutais les sermons et les discours de l'archevêque de San-Francisco, Jean (Chakhovskoï). Il avait un brillant talent littéraire et polémiquait magnifiquement avec les écrits de propagande soviétique sur le thème "science et religion". Même maintenant, cela ne me dérange pas de revenir au  livre de Monseigneur. Et voilà ce que j'ai trouvé dans son article «Pâques et matière»: «En modifiant la formule verbale du marxisme, il faut dire:« C'est l'Existence divine qui détermine la conscience humaine la meilleure ». Et la conscience inférieure (dite "matérialiste"), bien sûr, est déterminée par une conscience et une existence complètement différentes (égoïstes, démoniaques). Si nous n'investissons pas consciemment et rationnellement dans un concept dont le contenu est une Existence supérieure: Dieu, nous y investissons un autre contenu, nous diabolisons l'être, c'est-à-dire nous calomnions la Genèse, la privons de sens divin ... » Et pour quelque raison, il me vint à l'esprit: l'Existence divine est très bonne. Elle est très belle. Et c'est précisément cette beauté qui, selon Dostoïevski,sauvera le monde. Une personne qui voit la beauté de ce monde ne dira jamais rien de mal à propos de Dieu. Car elle a connu Sa beauté. Alors que celui qui s'est amputé de Dieu  en lui-même, dans son cœur,  ne sera jamais beau. Et surtout, ses actes non plus.
Dimanche dernier, je ne sais quelle force inconnue me poussa à regarder le vieux film soviétique (1938) "Pierre I". Et dès le début de la séance, la nature de cette attirance me devint compréhensible. Pierre, après la défaite devant les suédois à Narva, se rue dans le monastère (près de Novgorod?) où est enfermé son héritier, le tsarévitch Alexis (génialement inerprété par Nikolaï Tchekassov), et jette à son fils la réplique furieuse: "Je pensais que tu avais déjà préparé des tranchées et des palissades, et tu continues à brûler des cierges?!" Et plus loin, encore plus fort! S'adressant aux moines et à tous les autres croyants, Pierre dit: "Et tant que les tranchées ne seront pas creusées, il n'y aura pas d'offices à l'église! Je prierai seul pour tout le monde! Pour ce cas, j'ai la bénédiction du patriarche de Constantinople. Et toi (Pierre s'adresse à son fidèle gouverneur, mis à la place, doit-on supposer, du tsarévitch Alexis) tu surveilles.  Et celui que tu trouveras sans rien à faire, tu lui arraches sa soutane et cinquante coups de baguette! Et ce péché, je le prends aussi!" Et c'est là que devient compréhensible le plus terrible malheur de Pierre le Grand: il voyait l'Eglise par les yeux de la conscience inférieure matérialiste, il voyait en elle un avantage privé immédiat, comme celui d'une allumette enflammée par mauvais temps. On dit que les cloches de cuivre enlevées sur ses ordres, dans certaines églises et monastères, n'avaient pas la qualité nécessaire à la fonte des canons. La belle affaire! Cela n'a pas empêché, dans toute la Russie des  années 30 (au moment où le film a été tourné) d'abattre  les cloches de toutes les églises. Et quelle horrible troupe (orthodoxe) de gueules tordues et édentées, rampe vers le tsarévitch Alexis à genoux, pour demander son intercession!
Et ce cadre suffisait à justifier l'arrestation et l'assassinat de milliers et de milliers de hiérarques orthodoxes, de prêtres, de moines, de croyants ordinaires, qui dans leur simplicité ne comprenaient pas pourquoi garder un Evangile, la lumière du Christ, à la maison était un crime. Ou bien juste une Croix de baptême autour du cou? Et regardez, dans les trois tomes ("Nous appartenons tous au Christ") édités sous la rédaction de monseigneur Benjamin (Likhomanov), les visages de ceux qui allaient mourir: ravagés, poussés aux limites de l'existence physique, illuminés, purs, magnifiques! Non, ils ne provenaient clairement pas de la foule montrée dans le film. Et cette foule autocritique n'assiégeait pas le tsarévitch Alexis, mais la Russie, sa foi orthodoxe. Comment ne pas se souvenir ici de l'épigraphe du "Revizor" de Gogol: "On ne peut rien reprocher à son miroir quand on a la gueule de travers!"
Et cette foule aurait rampé, rampé "jusqu'au fond", sans la terrible guerre qui redressa tous les "tordus"!
Or on nous attribue encore maintenant ce qu'on craint de reconnaître en soi-même: "l'obscurantisme", "l'ignorance", "la cupidité"!
Aujourd'hui, au cours de nos entretiens, sans doute chaque paroissienne m'a avoué qu'avant de venir à l'église au grand service de fête, elle s'était littéralement arrachée aux attaques de ses proches: "Idiote! Suicidaire! Fanatique!"
Mais que se passe-t-il? Notre situation n'est pas critique. Il n'y a pas de confinement total. Vous vous déplacez à travers la ville? Vous allez au magasin? Quel est le problème? Dans l'église, cela ne sent plus l'encens, mais l'eau de javel. On passe toutes les icônes à l'antiseptique. Si tu le veux, viens avec un masque. Si tu as peur de communier, personne ne te traînera de force jusqu'au Calice! Qu'est-ce qui vous tracasse tellement, à l'église? On a pourtant tout fait comme indiqué! Peut-être simplement que vous n'avez pas la foi? Alors il vaut mieux pas. Ne venez pas...
Seulement nous ne nous traînons aux pieds de personne pour demander quelque chose.Nous n'avons besoin de rien. Nous avons tout: Dieu. Et la beauté de cette Existence Divine. Et je suis content de l'avoir un jour reconnue. 
S'il le faut, nous nous confinerons. J'ai connu ça pendant cinq ans, quand j'étais instituteur de village. Je ne crains pas le calme. Dans le calme, Dieu arrive.  
 «La séparation des sages est tout aussi précieuse que leur unité. Les sages jusque dans leur séparation servent la vérité et ne font de mal à personne ... »
"Philosophie de la communauté." Archevêque Jean de San-Francisco (Chakhovskoï)


J'ai traduit ce poste du père Andreï qui rejoint tellement mes propres préoccupations, je me suis souvenue d'une remarque de Kundera dans un de ses livres, il disait qu'en Tchécoslovaquie, les églises étaient le dernier lieu où l'on trouvait de la beauté. La marque du diable, c'est la laideur et la contrefaçon, le faux, le toc, le clinquant, le tonitruant, le tape-à-l'oeil. Vous reconnaîtrez l'arbre à ses fruits. Les fruits de cette conscience matérialiste inférieure sont tous absolument affreux, elle a fabriqué un monde hideux, une hideur qui n'était pas propre à l'homme, quelle que fussent ses défauts ou ses cruautés antérieures. Elle nous a fait un mondecauchemardesque et invivable, et à présent, déchaînée, ivre d'orgueil et d'impatience, elle voudrait achever le boulot, en éliminant les dernières traces de beauté, de grandeur et de noblesse de notre malheureuse espèce, pour la transformer en bétail pucé, vautré dans une triste débauche et assujetti à des tâches dégradantes et insensées. Les réflexions du père Andreï sur le film soviétique et Pierre I sont d'une grande justesse. Pierre I était bien un des premiers représentants russes de cette conscience inférieure, de cet esprit technique brutal, arrogant et infiniment vaniteux qui écrase tout sur son passage. Acharné à copier l'Europe qu'il connaissait par les aventuriers et les prostituées du quartier allemand de Moscou. Je l'ai toujours instinctivement abominé, comme les acteurs de la révolution française et les intellectuels qui l'ont générée, et bien entendu, ceux de la révolution russe. Que les bolcheviques se soient reconnus dans cet être grossier et tyrannique qui méprisait son propre peuple n'est pas pour m'étonner. Il a pris en marche le train maudit de la civilisation européenne qui déraillait déjà dans les fantasmes prométhéens de la domination et de l'exploitation matérielle d'un cosmos avec lequel elle n'était plus reliée. Cette civilisation européenne en train de devenir folle laissait-elle le choix à la Russie? En tous cas, Pierre est allé sans doute bien au delà de la nécessaire adaptation de survie au phénomène, il l'a implanté chez lui avec un enthousiasme implacable. 
Nous arrivons maintenant sans doute au dernier acte de notre dérive, de notre adoration du veau d'or, de Mammon, de Moloch, de la puissance, de la technique. Celui où une caste de malades mentaux sataniste s'apprête à faire ce qu'elle veut d'une humanité majoritairement hynotisée, sidérée et privée depuis plusieurs décennies de tout ce qui lui servait de repères, d'orientation, de colonne vertébrale, d'anticorps. Sans l'aide de Dieu, on n'arrêtera plus le processus. Les lendemains du Progrès, quel que soit le nom idéologique dont il se pare, ne chantent vraiment pas. Lui aussi, d'ailleurs, je l'ai instinctivement détesté dès mon enfance. Les gènes peuvent avoir une forte mémoire.

 


dimanche 12 avril 2020

Les Rameaux

Pas à pas, nous allons vers Pâques, le samedi de Lazare, puis aujourd'hui les Rameaux. Il y avait déjà plus de monde. Le père Andreï m'a dit que les églises ne fermeraient pas. L'évêque a prévu de répartir les gens le plus possible. Nous avançons, émerveillés, comme si le voile de la Mère de Dieu s'était étendu sur nous. J'ai appris aujourd'hui que les églises, à Moscou, seraient autoritairement fermées le mercredi saint, soit à trois jours de Pâques... Ce même mercredi seront établis des laissez-passer électroniques, pour sortir de la ville et même passer d'un quartier à l'autre. Du coup, les moscovites quittent massivement la capitale quand ils le peuvent. Nadia et Katia cherchent partout des logements pour des connaissances, j'ai hérité d'un jeune homme genre Pierrot lunaire, neveu d'une femme qui a séjourné chez moi pendant l'une de mes absences, garanti sans coronavirus. Son plan est d'aller faire l'ermite dans les forêts du nord, pour échapper à la dictature électronique, et parce qu'il a la civilisation en horreur.
Nadia et Katia avaient acheté du poisson fumé, nous avons fêté les rameaux ensemble, elles m'ont même fait le ménage. A cette occasion, elles m'ont posé la question qui leur brûlait les lèvres, que fait le triode de carême sur le lave-linge, dans ma salle de bains? Eh bien non, je ne le lis pas sur les toilettes, mais sur mon vélo d'appartement, ce qui m'a permis de le parcourir intégralement!
Elles pensent qu'à la fin du confinement, beaucoup de moscovites quitteront la ville et qu'on assistera, si les maîtres du monde le permettent, à un retour à la terre spectaculaire. C'est en effet à mes yeux la seule solution, et pas seulement pour les Russes. Toute la civilisation capitaliste technologique et technocratique est maudite, on peut la juger à ses fruits. Notre confinement est un véritable soulagement pour la nature, on voit plus que jamais à quel point notre façon de vivre lui est nuisible, nous est nuisible, et ce soulagement est à la fois merveilleux et pathétique, car l'après confinement risque d'être pire que l'avant, si Dieu ne vient pas en aide aux forces saines de la vie. La grande leçon pour moi de tout cela est notre énorme fausse route d'au moins deux siècles. Mais les maîtres du monde qui nous enferment et refusent de nous soigner, qui méditent de nous marquer et parquer comme du bétail, ne laisseront pas tomber facilement le pouvoir et les profits qu'ils retirent de leur abominable système.
Cependant, ce qui se passe dans les églises de Pereslavl me donne de l'espoir. J'observe avec émerveillement ce cheminement discret, lumineux et allègre vers la Pâques. Chaque fois que les gens se retrouvent sur un des jalons qui nous y conduisent, ils échangent des sourires, des regards de connivence heureuse: ça y est, nous avons passé les Rameaux, plus que la semaine sainte, plus que quelques jours, pourvu qu'on ne nous claque pas la porte au nez au dernier moment, comme à Moscou, pauvre ville de Moscou, qui fut le coeur spirituel de la Russie et que l'on a tellement profanée, défigurée, comme à présent Paris, qu'elle se retrouve de nouveau à la merci des pires démons.


samedi 11 avril 2020

Merci, Lioudmila

 Dernièrement, ma soeur m'a dit que notre cousine d'Annonay, qui veille sur toutes les tombes familiales, était dans une profonde perplexité: quelqu'un avait fleuri celle de mon père, et ce n'était évidemment pas moi. Je me suis souvenue d'une chronique que j'avais publiée à l'automne:
 https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com/2019/11/monument-aux-morts.html
Une Russe installée à Annonay, nommée Lioudmila, m'avait proposé de s'occuper de cette tombe, que je suis la seule à honorer encore, et elle l'a fait généreusement:

Je ne peux dire à quel point cette attention me touche.

Nous sommes toujours au temps des giboulées, le chaud soleil disparaît derrière des bourrasques neigeuses et des nuages spectaculaires font oublier les maisons disgracieuses que nulle verdure ne vient encore parer.
C'était ce matin le samedi de Lazare, l'évêque m'a demandé comment le fêtaient les catholiques, je ne m'en souviens plus, et d'ailleurs, tout a tellement changé, seuls les orthodoxes ne changent pas, grâce à Dieu. "Bon, me dit-il en riant, en somme, tout cela ne vous concerne plus!"
Nous étions peu nombreux, la famille cosaque, Nadia et Katia, quelques autres personnes. Tout le monde espère que nous arriverons à fêter Paques ensemble. "Chaque office devient un miracle, me dit le cosaque, et plus nous irons vers Pâques, et plus ce sera joyeux! N'est-ce pas merveilleux, aujourd'hui, d'être ici?" Tout le monde a cet air incrédule et heureux, de se retrouver une fois encore, à l'ombre de l'énorme orage approchant des intentions sataniques universelles, grimpées sur la pandémie comme des diables sur un dragon. La rédactrice de la revue Pravmir s'en est même offusquée auprès de l'évêque, dans son fil de commentaires: " Qu'est-ce que vous croyez, dans votre éparchie? Que nous sommes à Stalingrad et vous à l'arrière?" Il lui a répondu que pour l'instant, nous étions épargnés, qu'il suivait les instructions du gouverneur . Ce qui m'effraie autant que le virus, c'est cette acrimonie de ceux qui obéissent et se couchent envers ceux qui font trois pas de plus que le permet le règlement, et les morigènent ou les dénoncent, tous ceux qui se précipitent pour enfiler leur muselière, et font aveuglément confiance à des gens qui ne le méritent certainement pas.
L'évêque a prévu de répartir les gens dans toutes les églises, même celles qui sont en réparation, en multipliant les offices, de manière à éviter la promiscuité. Pour le reste, nous baignons dans l'amour, l'espoir et la foi, ce qui en soi, est déjà bien, dans l'atmosphère de plus en plus délétère de cette affaire effrayante et ténébreuse.
Hier, j'ai planté un prunier nain, une pivoine, des asters blancs, bleus et roses. J'ai pris mon premier coup de soleil. Une amie m'a donné un masque fait maison, il me reste à lui coudre des ficelles, mais d'après ce que je lis partout, seuls les masques médicaux homologués partout introuvables sont efficaces, celui-ci n'est qu'une muselière symbolique, la marque de l'esclavage qu'on nous prépare.