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vendredi 31 juillet 2020

Lapin rose

J'ai ramené Skountsev et sa femme à Podolsk, près de Moscou, et passé autant de temps sur le périphérique que dans le voyage depuis Pereslavl jusqu'à Moscou. En chemin, Marina m'a expliqué qu'après la maladie de Volodia, la famille, confinée pendant des temps, avait fait, avec l'aide d'un ami, provision de Plaquenil, l'équivalent russe de l'hydrochloroquine du professeur Raoult. Eux, ils ont confiance dans ce traitement et c'est sûrement celui qu'a pris Skountsev, mais comme partout ailleurs, les commis voyageurs de la mafia des laboratoires ont commencé à le dénigrer. Les deux fils de Skountsev sont très beaux garçons. L'aîné a une petite amie tatare ravissante.
Puis le soir, j'ai diné chez Xioucha avec le père Valentin. Elle semble prête à venir chez moi après le départ de mes deux locataires. Je l'en supplie depuis que j'ai cette maison, et que j'ai fait un appartement indépendant de la moitié que je n'occupe pas. Mon idée était, entre autres, de lui constituer une datcha, et aussi au besoin à ses soeurs, mais ses soeurs en ont une. C'est la justification d'une si grande maison pour moi toute seule.
Nous sommes allés à pied chez Xioucha. Au pied de l'immeuble du père Valentin, je vois une nouvelle boutique: le lapin rose, avec un animal stylisé de cette couleur sur toute la vitrine. "Qu'est-ce que cela, père Valentin?
- Ca? ça? Ah ne m'en parlez pas, c'est ce qu'il faudrait brûler, plutôt que les orgues françaises!"
C'est un sex-shop... On peut dire que rien n'aura été épargné à mon père Valentin!
Nous avons beaucoup discuté, de ce qui se passe en France, et ici aussi. Il m'a dit: "Notre exil n'est pas géographique, il est historique". Je lui ai expliqué que ma vie devenait parfois compliquée parce qu'on ne peut plus rien dire. Si je critique la France, on me reproche de cracher sur mon pays d'origine, si je critique la Russie de cracher sur mon pays d'accueil, et le problème, c'est que souvent, je me retiens de dire tout ce que je pense, non par rapport à Facebook ou autres censeurs de la pensée unique, mais pour ne pas blesser des gens que j'aime bien, et avec lesquels je n'ai pas envie d'avoir de polémiques. Je n'aime généralement pas les communistes, je les trouve agressifs, butés et de mauvaise foi, mais j'en connais de très gentils, qui ne comprennent pas que renier Charybde pour Scylla ou le contraire ne fait pas avancer les choses, ce qui dans ma conception, consiste en partie à les faire reculer. Je considère le mouvement LGBT comme un outil de destruction de la famille traditionnelle entre les mains de satanistes internationaux, mais j'ai peur de faire de la peine à tel ou tel homosexuel par ailleurs adorable qui ne voit pas où cela nous conduit. L'histoire du message de Fatima me fait grimper aux rideaux, mais je ne voudrais pas scandaliser des amis catholiques. Je suis persuadée que le covid et les masques constituent une escroquerie et un outil d'asservissement à la civilisation horrible que nous prépare la Caste, sur le modèle chinois de la fourmillière prédatrice dont on ne peut plus s'évader ni physiquement ni moralement, mais si j'en parle trop, j'ai peur de paniquer des personnes fragiles qui se cramponnent à la certitude que Big Brother est certes, incompétent, mais qu'il n'a pas les mauvaises intentions que je lui porte dans mon délire complotiste.
Le père Valentin s'est beaucoup intéressé au thème du roman que j'écris en ce moment: "Vous ne pourrez pas publier cela en France, me dit-il cependant.
- C'est que me dit ma tante Mano!
- Non seulement vous ne pourrez pas le publier, mais vous ne pourrez plus y remettre les pieds sans vous faire arrêter!
- Eh bien, c'est un peu étrange pour moi de l'admettre, mais tout semble indiquer que c'est probable. Cependant, même sans cela, je me demande si nous pourrons encore jamais circuler librement de l'un à l'autre pays.
- C'est une idée très intéressante. C'est "la ville invisible de Kitej".
- En effet, c'est là toute la direction de l'ouvrage.
- Et les précédents, la traduction avance?
- Petit à petit..."
J'ai remis à plus tard une démarche que je voulais faire, car je redoutais de tomber dans les embouteillages du week-end, et je pourrai la faire dans quelques jours, car je vais revenir pour l'anniversaire de mon père spirituel bien aimé, et cela, après avoir pris conseil d'une personne compétente. Mais pas moyen de m'en aller car je n'avais pas les clés de l'appartement, et le père Valentin n'émergeait résolument pas de son antre. Voyant l'heure avancer, j'ai fini par appeler Xioucha. "Mon père est revéillé depuis longtemps, mais il attend pour se manifester que j'arrive avec le petit-déjeuner, car il a honte de ne rien avoir à vous offrir!
- Mais Xioucha, c'est complètement idiot, je ne déjeune plus jamais le matin, je comptais le faire à mon arrivée, et je vais tomber dans des embouteillages épouvantables!"
Xioucha m'a répondu en hurlant de rire qu'elle allait en aviser son père, et j'ai pu prendre la route qui, à ma grande surprise, est restée libre tout le long.
                                                     
                                           Skountsev chez moi avec les chats

Skountsev chez moi avec les chats





lundi 27 juillet 2020

Le sourire à quarante huit dents

Je ne sais plus dans quel livre de Milan Kundera, j'avais lu d'intéressantes considérations sur les sourires des photos. Il disait qu'on n'imaginait pas une minute de grands personnages du passé, comme Jules César,  Alexandre le Grand, les rois de France en train de se bidonner, bien qu'ils le fissent sans doute comme tout le monde à l'occasion, mais leurs portraits, qu'il soit peints ou sculptés, ne les montraient jamais hilares. Au moment de l'invention de la photographie, au XIX° siècle, quand les temps de pose étaient très longs, il n'était pas pensable non plus de sourire au petit oiseau qui va sortir. On avait donc de magnifiques portraits photographiques qui sont parfois presque iconographiques, et où l'on voit transparaître l'âme du modèle. Les gens du XIX° nous paraissent d'une grande dignité. Même ceux du début du XX°. Même les premières stars d'Hollywood. Puis, expliquait Kundera, on vit apparaître tous ces portraits grimaçants de présidents ou de célébrités américaines, avec le sourire obligatoire à quarante huit dents. Cela lui paraissait un signe des temps.
Cela m'est revenu à l'esprit, parce que j'ai publié la photo d'un prêtre russe avec sa famille qui illustrait l'étymologie du mot russe semia, famille, sem ia, soit " 7 moi", le père, le mère, 5 enfants. Et j'ai eu des réactions étonnantes.
Une amie me produit l'image d'une famille occidentale cool et décontractée, genre instantané de promenade, pour l'opposer à celle de la famille russe, sans voir qu'elles ne sont pas, pour commencer, dans la même situation. La famille impériale de Russie avait aussi des instantanés quotidiens où elle faisait parfois le clown, mais les photos la représentant au complet sont sérieuses. Justement, un intervenant ricane dans la foulée que la famille du prêtre fait une photo officielle de princes du sang et "bonjour la spontanéité". Mais un prêtre, ce n'est pas n'importe qui, il a une fonction sacrée, comme le tsar, comme le prince du sang. Celui-ci, avec sa femme et ses enfants, se tient dans son église, devant l'iconostase, il ne sont pas en train de faire une randonnée pédestre ou un pic-nic. Ils sont tous vêtus de rouge, ce qui me laisse penser que c'était pour la Pâques, qu'ils s'étaient fait beaux à cette occasion. Personne ne rigole ni ne se tortille, parce que ce n'est pas le moment, seules la mère et la petite fille sourient. Mais que les hommes ne sourient pas, c'est normal, chez les Russes, pour ce genre de photos. Hier, quand j'étais chez les cosaques, qui sont pourtant beaucoup plus spontanés que pas mal de Français, le petit Gricha était très sérieux, parce que pour lui, un homme, un cosaque, c'est sérieux. Les enfants qui font les enfants de choeur à l'église ne rigolent pas. Les types qui jouent de la musique dans les fêtes sont souvent aussi très sévères, ils n'affichent pas le sourire figé des ensembles folkloriques bidon, ils sont concentrés.
Je  me souviens d'une bande dessinée satirique de Lauzier où un publicitaire convié à rénover l'image de marque du PC français des années 70 ricanait devant le couple ringard, papa et maman et l'enfant bien sage (il n'y en avait déjà plus qu'un seul, à l'époque, dans la représentation familiale française, pas de "7 moi"...) et les remplaçait sur les photos par un couple cool et décontracté de jeunes fauves souples, habillés mode, avec un gamin chahuteur, c'était plus moderne et plus vendeur,
J'ai une autre réaction concernant la condition de la femme, peut-être à cause du nombre d'enfants et des foulards de la mère et de la fille, qui sont de rigueur dans une église: "mieux vaut être un homme". Oui, sans doute, moi aussi, j'ai toujours pensé qu'il valait mieux être un homme, ne fût-ce que d'un point de vue physiologique. Ce qui ne veut pas dire que la femme du prêtre soit forcément opprimée ou n'ai pas voulu ses cinq enfants autant que lui. Mon amie dit que le prêtre fait peur. Je ne le connais pas, c'est peut-être un tyran domestique, une Américaine, habituée au modèle photographique souriant, trouve que les garçons ont l'air effrayé. Or je sais que des enfants de prêtre vont rester aussi dignes que leur père, en une telle occasion, et que ce prêtre a forcément à leurs yeux du prestige, comme en a l'ataman des cosaques de Pereslavl ou son propre père aux yeux du petit Gricha. Leur père n'est pas un copain, c'est un modèle, et c'est le chef de famille.
Je livre ces quelques notations, avec les photos. Car devant ces réactions, et le besoin que j'ai ressenti de les analyser, j'ai tout à coup réalisé le fossé qui existait entre ma mentalité et celle du pays que j'ai quitté, du moins dans sa forme actuelle, et pratiquement l'impossibilité d'expliquer ce qui me paraît évident à des gens qui n'ont pas fait mon chemin ou qui n'avaient peut-être pas la même mémoire génétique. C'est pourtant cette différence de vision qui fait que la Russie s'en sortira peut-être, si elle résiste encore, alors que l'occident s'effondre, il s'effondre avec cette fausse spontanéité de rigueur qui n'est pas naturelle.cette "décontraction" qui devient si facilement débraillée et laxiste, cette confusion des valeurs complète qui ne permet plus de comprendre tout ce qui nous a précédés, et qui était notre ossature.
En réalité, ce n'est pas une découverte, c'est une confirmation, et je me souviens de ma fascination pour l'univers des films russes pleins de héros, de maris, d'amoureux et de pères exemplaires, où les sentiments étaient nobles, profonds, intenses, où la vie n'était pas une plaisanterie. J'ai toujours bien aimé rigoler, j'ai toujours été plus naturelle et plus spontanée que la plupart des gens que je rencontrais en dehors de ma famille, mais la vie n'était pas pour moi une plaisanterie. Cela m'a posé d'énormes problèmes relationnels, d'ailleurs, et quand j'avais dix-neuf ans, les seuls hommes qui avaient apprécié ma personnalité archaïque étaient deux cinéastes soviétiques dont le départ au bout de trois nuits blanches de promenades et de discussions dans un Paris beaucoup plus sûr que de nos jours, m'avait laissée inconsolable, avec le sentiment que je ne trouverais jamais dans la France des années 70 la qualité humaine que j'avais entrevue. On la trouvait encore sans doute à la campagne, mais j'étais déjà orthodoxe et la campagne française ne l'était pas.


"deux mondes contraires"


dimanche 26 juillet 2020

Les cosaques de Pereslavl

Les cosaques de Pereslavl attendaient aujourd'hui Volodia et Marina dans le "parc russe" où ils ont leur quartier général. Ce parc russe, à l'entrée de Pereslavl, est une sorte de complexe touristique à thème patriotique, avec une architecture pseudo-typique du mauvais goût fantasmagorique habituel. Mais il faisait un temps délicieux, à vrai dire déjà un peu automnal, tiède, venté, et nous avons été reçus avec une chaleur touchante. Volodia est une célébrité dans le domaine du folklore cosaque. Avec Marina, ils ont chanté, et expliqué toutes sortes de traditions, donné des conseils. Les cosaques et leur progéniture ont montré ce qu'ils savaient faire, la danse du sabre et autres jeux guerriers, les chants. Je les trouvais tous gentils, purs, et pleins de bonne volonté. Le petit Gricha Rimm prenait son air sévère et viril, et restait collé contre l'ataman qui dirige tout cela, mais il est quand même allé danser avec les hommes!
J'ai rencontré un Français dont j'entendais parler depuis longtemps et qui habite Rostov, Iakov. En réalité, ce Français a des origines russes, ses grands-parents étaient cosaques du Don, et ont quitté la Russie au moment de la révolution. Sa mère venait de Suisse allemande et il a grandi à Nancy. Il y a 20 ans, il a opéré son retour en Russie, où il est marié avec plein d'enfants. C'est un ferronnier d'art. Nous avons commenté le mauvais goût qui nous consterne autant l'un que l'autre. "Je me retiens de plus en plus souvent de le souligner, bien que ce soit la chose qui m'indispose le plus, ici, cela me rend malade de les voir saccager ce que le pouvoir soviétique avait encore épargné. Mais j'ai peur de les agacer en  insistant trop.
- C'est vrai, moi aussi, mais quand même je ne me gêne pas trop pour le dire. Vous savez, il me semble que le plus souvent, les Russes ne savent plus qui ils sont, ils se cherchent, ils cherchent à se retrouver, comme nos cosaques, ici. Le pays a été terriblement abîmé culturellement, ils sont en quête de leur savoir-faire et de leurs traditions perdues. Ils sont en train d'essayer de sortir du processus dans lequel les Français sautent à pieds joints. Quand ils se rendent compte des pertes subies, évidemment. Ce que je ne supporte pas, ce sont ceux qui sont obnubilés par l'occident et méprisent leur propre pays...
- En France, les gens qui contestent le système et veulent effectuer un retour à la terre, ce qui est en soi une saine démarche, n'ont pas le désir de retrouver leurs racines culturelles et spirituelles, comme ici, au contraire, ils se lancent dans le shamanisme, le bouddhisme, l'hindouisme, l'islam, ils font de la musique exotique, africaine, indienne, iranienne, et s'ils font de la musique traditionnelle, ils ne manquent pas de souligner qu'ils ne revendiquent pas un tel adjectif pour eux-mêmes. A vrai dire, contrairement à l'orthodoxie, l'Eglise romaine me parait elle-même déracinée et déconnectée et je ne vois pas comment la France pourrait y puiser la force de se rétablir, alors que j'ai encore de l'espoir pour la Russie."
Cette impression d'avoir affaire à un peuple d'amnésiques à la recherche de leur passé, je l'avais eue fortement quand j'étais revenue la première fois en Russie, en 1990. et j'avais aussi découvert qu'avec des approches un peu différentes, nous avions subi ou subissions tous le même lavage de cerveau.
Skountsev pense que la pieuvre mondialiste est infiltrée partout, quand on cherche à l'expluser d'un côté, elle revient de l'autre, sous un autre label, une autre apparence. Et en effet, c'est ce que me disait déjà il y a 20 ans un ancien officier du KGB que j'avais rencontré lors d'une croisière sur les fleuves et les lacs du nord.
J'ai vu aussi le Suisse Benjamin, ou Veniamine, je ne sais même pas si on peut encore dire qu'il est suisse d'ailleurs, tellement il est naturalisé. Il était avec son bébé Savva. Il est heureux comme un roi, au milieu de son équipe de cosaques, dont l'aumônier est le père Andreï, ancien vieux-croyant, et ami du père Andreï de notre cathédrale..








Des cosaques de passage ont laissé derrière eux quelques cadavres


samedi 25 juillet 2020

Concert à la rivière Troubej

Skountsev est arrivé avec Marina à Pereslavl pour tourner dans un film, ce qui mettra du beurre dans leurs épinards. Nous avons fêté cela en prenant une cuite jeudi soir, mais au vin rouge, on n'a plus l'âge de la vodka. Je ne bois jamais, de sorte que je suis vite pompette, Skountsev a une plus grande capacité d'absorption, mais sa femme veille au grain. Nous avons répété ensemble, ce qui est bien nécessaire, Skype c'est un pis-aller.
Vendredi, nous avions un petit concert sur la berge de la rivière Troubej, devenue la promenade de la ville, avec la café la Forêt à côté. J'avais organisé cela, grâce à la conseillère culturelle de la mairie, Svetlana, que j'avais rencontrée quelques jours auparavant. Je n'ai chanté que deux chansons, car je suis l'humble élève, mais le maître et sa femme ont comme d'habitude bien dépoté! Des représentants de la communauté cosaque étaient venus, dont l'apiculteur Suisse Benjamin qui est devenu vieux-croyant, comme Skountsev lui-même. Porté par l'enthousiasme, notre cosaque suisse a même fait la danse du sabre, un grand moment... "Cela devient international, notre histoire, m'a glissé Marina, une Française qui chante "sur la montagne Iatchmin" et un cosaque suisse!"
Une fillette a spontanément dansé à la russe sur une ronde de l'Oural. Mon amie l'écrivain pour enfant Katia Kalikinskaïa voudrait inviter Skountsev à chanter dans sa paroisse moscovite, ce serait également très bien pour lui, les affaires reprennent...

La danse du sabre du cosaque suisse

la Française et la chanson du Kouban

J'étais contente, et Svetlana aussi, car la prestation était réussie, et même s'il n'y avait pas une quantité énorme de spectateurs, tous ont participé avec entrain, et puis la communauté cosaque a fait connaissance de Volodia! Or je rêvais depuis longtemps d'opérer la jonction.
Ensuite, après un tour au café français, j'ai emmené mon couple de folkloristes voir le lac près de l'église des Quarante Martyrs. Là, j'ai rencontré Valia, qui travaillait auparavant au café et qui est maintenant à la pizzeria. Elle m'a dit qu'y opérait maintenant un cuisinier italien. La communauté européenne se monte ici maintenant à cinq Français, un Suisse cosaque, un Anglais et une Allemande qui est quelque part dans un village.
Je voulais voir depuis le lac les beaux nuages qui se promenaient sur la ville, mais comme la dernière fois, les plus spectaculaires étaient à l'est. Au dessus du lac n'en flottait qu'un seul, mais il me paraissait profondément mystérieux, un peu comme un personnage couché monumental, et si Valia ne m'avait pas parlé, je serais tombée en contemplation profonde. Une flottille de montgolfières arrivait lentement sur nous en soufflant du feu, comme les dragons. Beaucoup de gens admiraient paisiblement le spectacle, depuis l'espèce de quai qui entoure l'église. La sereine nonchalance de Pereslavl sous son ciel mystique. Cela m'apparaissait comme une sorte de miracle. Le nuage, au moment où je l'ai quitté, était devenu un masque de feu. Les mongolfières flottaient à la rencontre d'une formidable muraille lumineuse.






dimanche 19 juillet 2020

La mort des coquillages


Photo Thierry Legault
C’est avec consternation, et une sorte de terreur sacrée, que j’ai appris l’incendie de la cathédrale de Nantes et la disparition de son orgue vieux de 400 ans. Quand Notre Dame a brûlé, j’ai su que c’était le début de la fin, que tout l’héritage de la France encore miraculeusement conservé allait subir le sort de celui de la sainte Russie, qui n’existe plus qu’à l’état résiduel, et que risquent d'achever l’incurie, l’ignorance, la cupidité et la stupidité. La différence est que ce qu’il reste de Russes se mobilise avec l’Eglise orthodoxe pour tenter d’en sauver les vestiges, car ils sont considérés par ce petit troupeau comme quelque chose de sacré, il arrive même que des incroyants y tiennent encore par patriotisme.  Alors qu’en France, il serait plus difficile, me semble-t-il, de regrouper la résistance autour des merveilles léguées par nos ancêtres, et qui  sont non seulement belles, mais pleines de sens, car tout ce qu’on faisait au moyen âge était avant tout porteur de sens. Chaque sanctuaire était en soi un livre saint et un reliquaire, chaque sanctuaire est un message qui nous est adressé à travers les siècles, et je ne parle pas de la dimension mystérieuse qui, en Russie, fait même des icônes ou églises décadentes, qui ont perdu ce sens, et ne le transmettent pas, lorsqu'elles sont « imprégnées de prières », comme on dit ici, des objets chargés. Ainsi en est-il de l’icône sentimentale, académique et opaque devant laquelle priait saint Séraphin de Sarov. Dans cette perspective, le père Placide, par exemple, se souciait peu de l’authenticité des reliques car, disait-il, à partir du moment où des générations de gens avaient prié devant elles et les avaient honorées pendant des siècles, elles avaient quasiment la même vertu que des reliques authentiques. On voit même ici des copies d’icônes miraculeuses disparues prendre les vertus des originaux.
Même quand on ne comprend pas, faute d’avoir été élevé dans cet esprit, l’importance et le sens de ce langage visuel de l’architecture sacrée et de l’iconographie, il arrive qu’on le reconnaisse, c’était ce qui m’était arrivé dans ma jeunesse. On devine à l’harmonie générale de ce qu’on voit, qu’il s’agit d’un langage cohérent qui parle à l’âme sans passer par les mots, mais que les mots ou plus simplement le Verbe et l’Ecriture sous-tendent. Les instits et les profs laïcards nous disaient que c’était pour instruire de l’histoire sainte les analphabètes médiévaux, comme les affiches de propagande soviétique cherchant à persuader le paysan russe de l’importance de la mécanisation, ce qui prouve à quel point cet art leur passait déjà loin au dessus du bonnet, alors qu’il touchait n’importe quelle personne des siècles passés, en cela qu’il ne suppléait pas à l’écrit pour les ignares, mais apportait un complément spirituel indicible à ce qui était exprimé par la lettre.
La disparition programmée de tout cela depuis deux cents ans est une catastrophe, car tous les témoignages permettant aux âmes perdues de s’orienter seront bientôt éliminés, chaque église qui brûle est un phare qui disparaît dans les ténèbres montantes.  Mais les misérables antifas s’en réjouissent, dans leur vilenie sans remède, en clamant que les « seules églises qui éclairent sont celles qui brûlent ».
Pour un esprit médiéval, tout est signe sur le grand livre de la vie, ce que reflètent les sanctuaires anciens, et je trouve personnellement troublante la coïncidence de l’apparition de cette comète exceptionnellement belle avec les craquements sinistres qui annoncent de toutes parts le naufrage de notre Titanic. La France se meurt, la civilisation chrétienne se meurt. Le Français de base sent obscurément que cela va très mal, mais lorsqu’il revendique sa qualité de Français, il exhibe généralement le saucisson-pinard, une pinup dépoitraillée, la minijupe tricolore au ras des fesses et la cigarette au bec. Des gilets jaunes s’indignaient que l’on envisageât de restaurer Notre Dame, plutôt que de consacrer cet argent à « quelque chose d’utile », et malheureusement, plein d’homo soviéticus ont le même réflexe ici, et avec une haine écumante. En cela, on peut dire que la mutation a été réussie, du Russe obstinément médiéval de l’avant 17, en petit-bourgeois européen mesquin, comme nous en ont fabriqué par millions l’alliance satanique de la révolution et du capital, auquel la première a permis de prendre son essor, sans être plus gêné par un roi ou un tsar, une Eglise et des structures organiques millénaires qui limitaient les appétits des crocodiles.
Au moment où l’on apprend qu’un « réfugié » rwandais, employé par le diocèse, serait l’auteur de l’attentat, la main qui a craqué l’allumette, au moment où les gros abrutis de la LDNA se réjouissent bruyamment de voir incendier une cathédrale médiévale construite selon eux, avec l’argent de la traite des noirs qui n’existait pas en ce temps-là, je tombe sur cet échange de commentaires à propos de l’évènement :

   - V. Z. Ce n’est pas grave. Il suffit que tous les chrétiens se mettent dans la prière et s’en remettent à notre Sainte Mère Marie ! Les édifices ne sont pas aussi importants que les âmes !

-  R. R. Un chrétien endormi c'est le triomphe du diable

-  V. Z. Exactement et il fait tout pour ça à travers la lucarne «magique » !

- R. R.  Les Soldats Du Christ on pour but de sauver notre patrie, notre foi et non pas comme des cathos fragiles, mais bien solides campés sur leurs deux pieds. Nos églises nous allons les défendre, notre foi aussi.

    Un pour tous, tous pour DIEU.

- V.Z. Notre Foi, notre Croix certainement car ce n’est pas du matériel. Le reste n’a que valeur vénale. Soyons logiques. Ils veulent que nous réagissions, que nous prenions les armes ? Prenons le contrepied de ces inversés du bocal. Chantons, louons Celui qui nous a permis de venir et d’expérimenter ici-bas. La colère est œuvre des ténèbres, la Joie, la Louange, la vraie Foi est œuvre Divine. Restons ou mettons-nous dans cette démarche et cette énergie, vibrons haut et fort l’Amour Inconditionnel, l’Amour Universel et ces forces obscures n’auront aucune prise sur nous. Restons soudés et solidaires, comme tu dis les deux pieds bien ancrés et rien ne pourra nous ébranler !

Dieu veille sur tous ses enfants, sans jugement, faisons-en autant !

 Ne jugeons pas, n’ayons comme seule «arme » notre Foi !

 Je ne parle pas de religions qui ne font qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien de Foi en l’Energie Divine qui est en toute chose et en tout être vivant du virus à l’humain en passant par les plantes et tous les animaux.

 Nous ne sommes que ondes, fréquences, vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.

    La seule chose que nous devons défendre est notre âme. Ne la souillons pas avec la violence !

- R. R. Croire en Dieu sans l'adorer dans son église, c'est comme aimer sa femme sans jamais lui faire l'amour.

- E. S. Il faut lire l'évangile en grec. Le Christ n'a pas fondée une "église" mais une assemblée. L'église est la récupération et la création par l'état romain d'une idéologie à son service.


Je salue tout d’abord la santé psychologique et spirituelle de R.R. Un chrétien chevaleresque, un vrai Français. Sur ce qu’il dit, je n’ai pas de commentaires à faire, c’est V.Z. qui m’atterre. « Ce n’est pas grave », dit-elle « les édifices ne sont pas aussi importants que les âmes ». Oui, en effet, c’est théoriquement vrai. Le père Basile trouve que j’attache trop d’importance au sort de sainte Sophie, et me prédit que tout sera détruit, certes, certes, je reconnais que j’ai du mal à passer par-dessus la disparition de tout ce qui nous a été légué, pour les raisons que j’expose au début de l’article. Mais « Ce n’est pas grave » ? En tant qu’orthodoxe, je ne peux pas dire que la destruction d’une église, d’une icône, d’une relique n’est pas grave, et cela pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. L’iconoclasme qui a suivi Vatican II a donc produit des hordes de « cathos fragiles », comme les appelle R.R,, pour lesquels l’incendie de Notre Dame, celui de la cathédrale de Nantes, ce n’est pas grave, et qui ne lèveront pas le petit doigt pour défendre ce patrimoine qui leur est devenu complètement étranger. J’insiste : ce ne sont pas des petits gauchistes élevés par le trotskisme soixante-huitard, mais des catholiques. V.Z. enfonce le clou de notre cercueil : tout ça c’est du matériel, donc cela n’a aucun intérêt, elle vit dans l’abstraction pure. La cathédrale est même quelque chose de « vénal », elle n’a plus aucune idée de ce qui présidait à l’édification d’un tel monument, et n’est pas pourvue des récepteurs permettant de comprendre ce qu’il a à nous dire. C’est-à-dire que pour être idéologiquement clean, un bâtiment religieux doit être pauvre, utilitaire, minimaliste et moche, comme les églises en béton des années 50, avec des slogans neuneus du genre «Dieu vous aime » et des photos de petits enfants du tiers-monde, beaucoup plus intéressants que les nôtres dans le rôle du prochain à chérir, bien que beaucoup plus lointains sur le plan géographique et culturel. Nous en arrivons logiquement à l’assertion suivante :  

Je ne parle pas de religions qui ne font qu’enfermer dans des dogmes et des rituels mais bien de Foi en l’Energie Divine qui est en toute chose et en tout être vivant du virus à l’humain en passant par les plantes et tous les animaux.

 Nous ne sommes qu’ondes, fréquences, vibration, intensité, amplitude et notre «enveloppe » n’a que peu d’intérêt en définitive donc nous n’avons même pas à la défendre.

Elle conteste l’idée même de religion, et bien sûr de dogme et de rituel, c’est-à-dire l’Eglise, cette Eglise qui met en communion transversale tous ceux qui en font partie, dans le plan du présent, et dans le plan du passé, et qui les relie justement avec les bâtisseurs de la cathédrale de Nantes et l’artisan de son orgue. Elle vibre, petit atome solitaire, avec l’énergie divine, voilà ! Toute cette expérience, toutes ces révélations antérieures, elle n’en a pas besoin. Entre parenthèses, les plantes et tous les animaux sont pourtant bien aussi matériels que la cathédrale, ou bien celle-ci n’est-elle pas investie de cette vibration salvatrice ? En tous cas, elle n’est pas branchée dessus, ça c’est clair. Que l’idée même de l’Eglise soit réduite dans la tête de ces gens à des dogmes et des rituels dont  ils ne comprennent absolument pas le sens est attesté ensuite par un troisième personnage : Le Christ n'a pas fondé une "église" mais une assemblée. L'église est la récupération et la création par l'état romain d'une idéologie à son service. En grec, justement, église veut dire assemblée. En réalité, le mot russe qui concrétise cette notion dépasse largement le sens d’assemblée, il s’agit d’une mise en communion dans le corps du Christ, et ce mot a la même racine que celui qui signifie cathédrale, de sorte que pour un esprit médiéval comme le mien, la cathédrale est la concrétion de cet esprit de la communion en Christ, comme le coquillage est le produit de l’animal qui l’habite. Le rituel qui s’y déroule est la manifestation de l’existence de cette communauté trans temporelle et trans spatiale, le dogme est la loi interne qui garantit le legs de l’Esprit, un peu comme le code ADN permet de répliquer le vivant sans engendrer n’importe quoi. Apparemment, pour beaucoup de gens, ce code de l’Eglise est complètement brouillé, et l’on voit surgir ce genre de moutons spirituels à cinq pattes ou à trois têtes qui vont chacune nous raconter quelque bêtise paradoxale, mais compatible avec la confusion politiquement correcte ambiante, et la religion du futur vibrante et new age.

R.R. a raison de parler de cathos fragiles. Il n’y a pas grand-chose de ferme et de centré dans de telles âmes qui flottent comme des algues déracinées sur l’océan des vibrations énergétiques. D’une certaine façon, je ne nie pas que tout soit traversé par les énergies divines, et pour moi, la matière même est spirituelle, elle est émanation de l’Esprit, perpétuellement engendrée par son Souffle. Mais c’est précisément ce que me disent les somptueuses coquilles laissées sur les tristes rives de nos derniers temps par le travail et la prière commune de nos ancêtres. Si ces bâtiments sont si profondément harmonieux et si mystérieusement chargés, c’est qu’ils ne sont pas le produit d’un unique architecte qui fait tout exécuter par des corps de métier, sur ordre d’un riche et puissant commanditaire, mais celui d’un effort et d’une prière collective qui avait cristallisé de cette manière, unissant tous les acteurs de l’affaire, depuis le seigneur et les marchands jusqu’au tailleur de pierres, et le paysan qui les nourrissait. Même l’orgue, plus tardif, que de travail, que de savoir-faire, que d’amour, que de sens de la musique universelle n’y avaient pas mis ceux qui l’avaient fait et qui nous l’avaient légué… Mais les cathos fragiles se foutent eux-mêmes de la cathédrale et de son orgue, tout cela est trop matériel et trop vénal pour eux, et c’est sans doute parce qu’ils ne m’offraient pas de m’inscrire dans le puissant et vital Esprit qui avait engendré tout cela que j’ai préféré devenir orthodoxe et que j’ai fini par partir en Russie. Toutes nos magnifiques cathédrales, nos cloitres et églises romans, sont trop souvent devenus des coquilles vides pour ceux-là même qui prétendent encore venir y prier, et qui préfèrent un hangar en béton démocratique, avec les photos des « réfugiés » qui ne rêvent que de leur faire la peau.

C’est très difficile à vivre, mais le  père Basile a raison, tout sera détruit par les gnomes. Si Dieu permet que le feu des impies consume nos cathédrales, c’est qu’il y a trop de V.Z. et plus assez de R.R., sans parler des légions infernales et de leurs gardes rouges noirs. A quoi bon laisser tout ceci à des gens qui n’y comprennent plus rien ? Moi-même je sentais dans ma jeunesse à ce point le hiatus entre ces merveilles sacrées et ceux qui y allaient le dimanche que j’ai fini par me convertir dans une église émigrée installée dans le garage d’un pavillon de banlieue, parce que si pauvre fût-elle, elle m’offrait la splendeur vivante de ses icônes pleines de sens, de son rituel plein de noblesse. 

Je regardais les gisants du duc de Bretagne et de sa femme, encore cette fois épargnés par l’incendie de la bêtise haineuse et de la vilenie déchaînée : ils nous parlent d’un autre peuple qui était nous. Beaux et nobles, couchés dans leurs draperies, bien loin des gnomes, des orques, et des immondes satrapes en costars du Mordor, des empereurs  usuriers de la modernité hideuse, ils nous attendent déjà dans les profondeurs de l’océan éternel, là où la  rouille n’attaque pas et où le ver ne ronge pas, dans la lumière sans déclin, dans la Jérusalem céleste. Et la comète posée sur l’archange saint Michel, tout au sommet du mont du même nom, vient me le confirmer de son éclatant paraphe.

    vendredi 17 juillet 2020

    Retour à Moscou

    Je me suis lancée dans un séjour à Moscou, le premier depuis début février. Je devais faire réviser ma voiture au garage Renault. J'ai donc revu le père Valentin, Xioucha et Dany, j'ai fait des courses. Je suis allée travailler les gousli avec Skountsev. Malgré les cours sur Skype, j'aurai besoin de rencontres périodiques, parce que lorsque nous sommes face à face, il prend la guitare ou la balalaïka pour jouer avec moi, et me donner le rythme, je dois m'adapter à lui et le suivre, et c'est un moment très important.
    Nous avons bu le thé et bavardé. En traversant des cours d'immeubles, sur le chemin du métro, il me dit: "Regarde toutes ces voitures, les gens en ont souvent deux par famille.
    - En effet, mais ce qui m'étonne, c'est qu'on ne cesse de nous dire que les Russes sont tellement fauchés, alors qu'en Europe, c'est l'abondance..."
    Il a rigolé: "C'est juste, et puis nous, au moins, on n'a pas de guerre.
    - Et pas d'invasion! A part l'Asie centrale...
    - Oui, mais ils sont quand même calmes, la dernière fois que j'ai été en France, il y a des endroits où je n'en menais pas très large..."
    Il m'a donné du miel de Lipetsk, il connaît par là bas un businessman cosaque qui consacre son fric à entretenir une réserve naturelle, avec des troupeaux de chevaux, de chèvres sauvages, et il restaure aussi une église. Cela m'a amusée, car dans le roman que je termine, il y a le même type de personnage qui restaure un village du nord et y crée une communauté à laquelle s'agrègent des Français exilés par la force des choses...
    Autre détail curieux, voyant sur mon téléphone un dessin que j'ai fait de l'opritchnik adolescent Fedia Basmanov, héros de mon roman précédent, il a pensé que c'était un autoportrait, comme du reste ma cousine Françoise, qui avait cru voir un dessin de moi dans ma jeunesse. Or comme Flaubert proclamait que madame Bovary, c'était lui, j'ai moi-même l'impression que  Fedia, c'est moi. Ou mon double. J'avais l'impression d'avoir un air rêveur, doux et inoffensif, et deux personnes me reconnaissent dans l'opritchnik Fedka Basmanov!
    Le père Valentin semble avoir eu le Covid. La faculté lui avait prédit qu'avec son âge et son asthme, s'il tombait malade, il mourrait. Or il n'est pas mort et n'a même pas eu de fièvre ni de toux, mais il a perdu le goût et l'odorat pendant un certain temps. En revanche le père Valeri a été hospitalisé et semble avoir des complications cardiaques, c'est ce qu'il nous a dit quand nous l'avons rencontré dans un magasin.
    Le père Valentin pense que le Covid est largement utilisé par les "élites" pour nous contrôler, et n'exclut pas l'idée, que je lui ai proposée, d'un virus lâché sciemment sur le pauvre monde, dans le cadre d'une troisième guerre mondiale de la mafia contre les populations. C'est une idée très répandue en Russie et que je partage, avec des nuances possibles. Car tout est si complexe et si tordu que les gens normaux comme vous et moi peuvent se tromper facilement. Cependant l'instinct de conservation, l'expérience des canulars qu'on nous a déjà montés, les avertissements de gens au jugement desquels on se fie et le discernement créent une sourde impression d'ensemble fort inquiétante.
    Le père Valentin croit que le vaccin  russe, par la vertu de Poutine, ne sera pas suspect comme le vaccin Gates globaliste, ce sera un vaccin souverainiste, mais on m'a envoyé la photo et le pedigree de celui qui le négocie, et je ne le sens pas vraiment, allez savoir pourquoi. Il est russe, lui, ou c'est un mutant?.
    https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%94%D0%BC%D0%B8%D1%82%D1%80%D0%B8%D0%B5%D0%B2,_%D0%9A%D0%B8%D1%80%D0%B8%D0%BB%D0%BB_%D0%90%D0%BB%D0%B5%D0%BA%D1%81%D0%B0%D0%BD%D0%B4%D1%80%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87?fbclid=IwAR0ykF5c8R7UpkUL2Gd14enYF075Z3JQtr9udzQgj74U4WjLMGMoCTqkr2A
    En 1996, il est diplômé de l'Université de Stanford avec les plus grandes distinctions avec un BA en économie. En 2000, il a obtenu son MBA de la Harvard Business School avec la plus haute distinction (Baker Scholar).

    En 1996-1999, il a travaillé à la banque d'investissement Goldman Sachs à New York et à la société de conseil McKinsey & Company à Los Angeles, Moscou et Prague [1].

    En 2000-2002 - chez IBS, jusqu'au 8 novembre 2001 - Directeur général adjoint, puis jusqu'au 29 mai 2002 - Directeur général du département Conseil en gestion [2] [3]. En 2002-2007, il a été premier directeur de investissements dans le fonds Delta Private Equity, puis - le directeur général et partenaire [4] [5] En 2005-2006 - le président de l'Association russe du capital-investissement et du capital-risque (RAVI) [6].

    2007-2011 - Managing Partner et président du fonds Icon Private Equity Private Equity. Conduit un certain nombre de transactions importantes pour le marché de l'investissement russe: la vente de Delta Bank à General Electric, de Delta Credit à Société Générale, des actions de CTC Media à Fidelity Investments, et d'autres.

    En 2010, il a été inclus dans la liste des jeunes leaders mondiaux [ru] du Forum économique mondial de Davos [7].

    Depuis avril 2011 - Directeur général de la société de gestion du Fonds d'investissement direct russe. Sous sa direction, le RDIF a mis en œuvre plus de 70 projets d'un volume total de plus de 1,4 billion de roubles, couvrant 95% des régions de la Fédération de Russie, et a conclu des partenariats stratégiques avec des co-investisseurs internationaux de premier plan de plus de 15 pays pour un montant total de plus de 40 milliards de dollars [8].

    En 2011, il est devenu le seul Russe dans la notation des «100 professionnels les plus influents du secteur du private equity au cours de la dernière décennie» par le magazine Private Equity International [1]. Dans le cadre de l'année de la présidence russe du G20 (G20), il a dirigé le groupe de travail Business 20 (B20) sur l'investissement et les infrastructures.

    Par décret du président de la Fédération de Russie, Kirill Dmitriev a été nommé l'un des cinq membres du Conseil des entreprises du BRICS, ainsi que l'un des trois membres du Conseil consultatif des entreprises de l'APEC.

    Il a été élu vice-président de l'Union russe des industriels et entrepreneurs.

    Membre des conseils d'administration de Rostelecom [9], Gazprombank [10], Mother and Child [11], Russian Railways [12], Transneft [13], Rosseti [14] et du conseil de surveillance de l'entreprise Alrosa [15]. Il est membre du conseil d'administration de l'Université d'État de Moscou et du théâtre Mariinsky.
    KA Dmitriev prononce un discours après avoir reçu l'Ordre de la Légion d'honneur. Gauche - Ambassadeur de France en Russie A.-S. Bermann. 19 novembre 2018

    Le 16 janvier 2017, Dmitriev est devenu le premier représentant russe à rencontrer à Davos Anthony Scaramucci, conseiller du président élu américain Donald Trump, au Forum économique mondial de Davos, en Suisse. [16] Le 22 juin, CNN.com a publié un article reliant Anthony Scaramucci et ce réunion avec des enquêtes sur le Fonds d'investissement direct russe, mais le lendemain, l'article a été supprimé parce qu'il «ne répondait pas aux normes éditoriales de CNN» [17].

    Le 30 novembre 2017, le fondateur de la société militaire privée américaine Blackwater, Eric Prince, a annoncé lors d'une audience du Congrès que le 11 janvier 2017, il avait rencontré Kirill Dmitriev aux Seychelles. Cette information provenait du témoignage de Prince devant des membres de la commission du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis lors de l'enquête sur une éventuelle ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016. Selon des sources anonymes du Washington Post, le but de la réunion, qui a été médiatisée par les Émirats arabes unis, était censé établir un canal de communication secret entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Au cours des auditions, Prince a nié cette information, déclarant qu'il n'avait discuté avec le chef du Fonds d'investissement direct russe Kirill Dmitriev d'aucun "canal de communication" entre les États-Unis et la Russie [18] [19].

    En février 2019, Dmitriev a été l'un des premiers hauts dirigeants et hommes d'affaires russes à se prononcer en faveur et à se déclarer prêts à se porter garant du chef arrêté du fonds Baring Vostok Capital Partners, Michael Calvey, et d'autres employés du fonds [20]. Quelques jours après son arrestation, Dmitriev a envoyé des pétitions au tribunal de la ville de Moscou, au tribunal de Basmanny et au comité d'enquête pour changer la mesure de contrainte pour les personnes arrêtées impliquées dans l'affaire Baring Vostok en assignation à résidence [21]. Par la suite, le tribunal Basmanny de Moscou a libéré Michael Calvey, le fondateur du fonds d'investissement Baring Vostok, assigné à résidence [22].Parle couramment l'anglais, négocie avec des partenaires étrangers sans interprète.
     


    Dans le métro et partout, le masque et la distance sociale sont prêchés par des slogans et des affiches et tous les gens qui ont une position officielle se promènent muselés. Les autres font semblant, ou ne portent rien. C'est vrai qu'au bout d'un certain temps, le doute s'installe... En tous cas chez les Russes. Les Serbes se soulevent carrément contre une deuxième tournée de muselage. Il faut dire qu'ils se soulevaient déjà quand tout cela a commencé, fort opportunément pour leur gouvernement de satrapes pourris. Alors maintenant, on ne la leur fait plus, peut-être même qu'ils se fichent d'être malades, la liberté ou la mort. Et c'est de cela qu'il s'agira sans doute bientôt pour tout le monde. La liberté, la dignité et même l'intégrité physique, en un mot notre humanité, ou la mort. Peut-on envisager de vivre masqué jusqu'à la fin des temps, de faire l'amour comme les chiens pour ne pas échanger nos souffles, de ne pas aller voir ses vieux parents, de ne pas voyager? Ah mais le vaccin est là pour vous sauver, bonnes gens, sauf  que d'après ce que j'ai vu, il faudra en refaire un tous les ans, parce que les virus ça mute. Nous serons accro au vaccin, comme on l'est à l'héroine. Pas de vaccin, pas de vie, pas d'autonomie. Comme c'est pratique pour installer une tyrannie mondiale et tondre les moutons à intervalle régulier. On comprend que les solutions alternatives de savants gêneurs soient immédiatement traînées dans la boue et la dérision.
    Quand on pensait aux armes biologiques, on imaginait qu'elles seraient employées par un pays contre un autre pays, mais je pressens qu'on est arrivé à quelque chose de plus original, les salauds de tous les pays contre la population universelle. La caste des surhommes contre la "populace", le populo, le bétail qu'on peut faire disparaître, diriger et croiser à volonté, l'avenir c'est la ferme des mille vaches pour tout le vivant, y compris les humains surnuméraires, la biomasse que des vampires en costar comptent saigner à leur guise.
    Évidemment, des peuples comme le peuple serbe ne font pas du tout l'affaire des extraterrestres qui nous gouvernent. En revanche, les Français qui se mettent à quatre pattes devant ceux qu'on amène pour les exterminer et croient à toutes les calembredaines qu'on leur raconte, pourvu qu'on ne les réveille pas du songe progressiste, hédoniste et politiquement correct des trente glorieuses, on peut dire qu'ils ont été bien dressés...
    C'est du reste une des raisons qui m'ont poussée vers la Russie, avec toutes les cicatrices que lui ont laissée l'expérience communiste, j'avais l'impression d'y voir la modernité telle qu'elle était, sans fards. J'avais l'impression d'y être plus éveillée et environnée de gens plus lucides. Ce qui d'ailleurs n'est pas toujours vrai.
    Au fait, je ne sais pas si vous avez remarqué, tous les Charlie charlots, mais depuis qu'on nous a sorti le Covid du chapeau, plus de terrorisme, c'est un hasard?
    Et chose curieuse, le Covid ne frappe jamais les manifestants des Black Live Matters, il est raciste, lui aussi, il n'aime pas les noirs.

    lundi 13 juillet 2020

    Formalisme

    La veille de la  fête  des saints Pierre et Paul, je suis allée aux vigiles à l'église des Quarante Martyrs. J'aime bien cette église, et on peut en profiter pour regarder le lac, qui, le soir, avait presque un air automnal, par ses couleurs assourdies et nordiques, ses eaux verdâtres où dérivaient des mouettes et des canards. Le recteur semble très fervent. Je voulais voir le père Ioann, qui était avant chez nous à la cathédrale, mais il n'était pas là.  Je vais aller à Moscou, demain, pour la première fois depuis quatre mois.
    Juste en face de l'église, une isba est en vente, elle semble en bon état, elle est petite, et son jardin aussi. Mais il n'y a que la rue à traverser pour aller prier, ou nager, ou regarder le soleil se coucher sur le lac, ou les barques glisser sur la rivière. Et ce n'est pas une hideuse baraque en plastique, c'est une isba en bois. 
    J'avais un pneu crevé, car les routes sont telles que ce genre de choses arrive, et pendant qu'on me le réparait, je vois un barbu s'approcher de Rita avec un air amène. Cet air amène, assorti d'un discours sur les grandes vertus de la fréquentation des animaux pour l'attendrissement des coeurs, m'a fait soupçonner un ecclésiastique. Comme il me parlait de son village, je lui ai adroitement demandé s'il comportait une église, et il m'a répondu qu'il y officiait. Il m'a dit qu'il y avait un Français, dans son village, un certain Jean-Pierre, qu'il travaillait à Moscou mais s'était replié dans sa datcha avec sa famille pour cause de Covid. Ce Français est orthodoxe, marié avec une Russe, installé pour de bon. Tout cela me disait vraiment quelque chose, et quand le prêtre m'a donné son nom et son numéro de téléphone, après m'avoir parlé de l'évêque, pour lequel il a la plus grande affection, et de sa page facebook, où il avait vu certaines de mes interventions, j'ai eu une illumination: le père André! Il m'avait fait visiter son église de campagne qui n'avait jamais fermé et qui était pleine d'antiquités dont on lui avait déjà volé un certain nombre. J'avais escaladé son clocher, et il m'avait aidée à redescendre avec beaucoup d'obligeance. C'est peu de dire qu'il a l'air gentil, on dirait la bonté incarnée.
    Jean-Pierre le Français dit au père André qu'en Russie, il y a de la spiritualité dans l'air, même après des décennies de persécutions et d'antithéisme, alors qu'en France, il avait l'impression que Dieu était complètement absent. C'est ce que m'a dit à son tour le père Vadim, de Moscou, passé inopinément chez moi avec sa femme, à propos de l'Amérique, où ils ont vécu des années.
    Comme je parlais des vieux-croyants restés si authentiques, quelqu'un m'a répliqué qu'ils étaient haineux et hérétiques. Pour ce qui est de l'hérésie, avec tous les emprunts malheureux faits aux catholiques et même aux protestants par l'Eglise russe depuis le XVII¨siècle, sans compter les dérives oecuménistes actuelles de certains clercs, je prefère penser, comme mon père spirituel, qu'ils sont schismatiques. et pour ce qui est de l'amabilité, Skountsev est tout ce qu'il y a de plus cordial, ses cosaques Nekrassovtsi aussi. En réalité, j'ai vu parfois des bigotes et bigots orthodoxes réfrigérants et raides comme la justice. Et Skountsev me dit qu'une femme de prêtre dans une paroisse où il enseigne fait la chasse aux contenus "immoraux" des chants cosaques, du genre "buvons un coup", ou certaines chansons un peu lestes, ou satiriques. La bigoterie et la pudibonderie sont deux défauts qui me révulsent et momifient la religion, la dévitalisent. J'ai peur d'ailleurs de m'y heurter si mon livre sort en russe.
    On dit que les vieux-croyants sont formalistes, mais j'ai vu des orthodoxes qui l'étaient tout autant. Il me semble surtout qu'ils ont gardé le sens du symbole, que depuis la renaissance et pour les Russes le XVII° siècle, nous avons perdu. Or je suis tellement imprégnée de cela, de cette appréhension cosmique, symbolique, médiévale de la vie, que je me demande parfois si mes contemporains ne sont pas des extraterrestres. Il y en a qui ne comprennent pas du tout la portée de l'incendie de Notre Dame, par exemple, et maintenant, il en est d'autres, qui ne comprennent pareillement pas celle de l'attentat commis par Erdogan sur sainte Sophie de Constantinople. Sainte Sophie, pour eux, c'est du décorum inutile, ils ne font pas la différence entre la beauté d'un sanctuaire, avec tout le sens qu'il recèle, et la salle de bains en or massif d'un émir arabe.
    Quand j'avais lu pour mon roman les récits de voyageurs étrangers en Russie ancienne, j'avais vu que les somptueux vêtements d'apparat des boïars et du tsar étaient liés à leur fonction, de la même manière que ceux des métropolites, des évêques et des prêtres, et que la cérémonie achevée, tous ces gens étaient habillés simplement, les moines d'autant plus. Mais tout étant ritualisé et sacré, les offices à l'église comme les réceptions du tsar ou des grands-princes se devaient d'être magnifiques, et de correspondre aux descriptions de la Jérusalem céleste. Ces vêtements étaient même prêtés aux dignitaires et ambassadeurs, qui devaient les rendre dans leur état initial. Quand les bolcheviques ont spolié l'église de ses biens, le saint patriarche Tikhon leur dit que ce n'était pas lui et son clergé qu'ils spoliaient, mais toute la Russie, toutes les générations de Russes qui avaient au cours des siècles constitué cet héritage. Car le patriarche Tikhon, comme toute la Russie jusque là et moi-même, était dans cette communion mystique trans temporelle et trans spatiale que l'homme moderne, si appauvri, ne comprend plus. Pour lui, Notre Dame ou Sainte Sophie ne sont plus son héritage, il n'a plus d'héritage, et n'ayant plus d'héritage, il n'a plus non plus de patrie.
    On m'a apporté du sable, pour rehausser certains endroits du jardin qui baignent dans l'eau, en unifier d'autres, et c'est un ouzbek  qui s'est chargé de répartir tout cela, bien que je me sois tapée moi-même une dizaine de brouettes. Il m'a pris cher, mais j'étais pressée. A la fin, il a voulu se rafraîchir, et je l'ai fait entrer, lui ai donné une serviette: "Paix à cette maison", a-t-il proféré.
    C'est beau, c'est évangélique. C'est traditionnel.




    samedi 11 juillet 2020

    La cabane au fond du jardin



    Mes locataires sont arrivées, mais je ne sais pas pourquoi je m'impose cela, finalement, pour rentabiliser ma grande maison, pour en prendre l'habitude, au cas où cela deviendrait indispensable? Je planifiais de transporter la cuisine que j'ai installée dans une seule petite pièce avec le coin douche dans la pièce à côté, ce qui ferait une cuisine-salle à manger décente, séparée du reste, et me permettrait de faire une entrée complètement indépendante, mais à ce moment-là, je perdrai une chambre, je n'aurais plus qu'un grand studio. J'avais enlevé le lit pour arranger les deux poètes, qui voulaient installer le leur, orthopédique. Il est maintenant démonté dans un coin. Or voilà que mes deux arrivantes veulent deux chambres séparées. Et en plus, cela ne va pas que ce qu'il me reste de lit dans la grande pièce, un lit superposé double, soit trop près de la porte de l'autre chambre, il faut le transporter à un autre endroit, dont je devrai enlever tous les tableaux. Et puis le drap housse cela ne va pas non plus, il faut un vrai drap, une taie d'oreiller en vrai coton, et enfin, on n'arrive pas à installer la Wifi, j'ai dû faire appel à un spécialiste d'urgence, il n'arrive toujours pas, toute ma journée est passée dans ce genre de détails. Le spécialiste va me bloquer l'ordi pendant une heure. Hier, c'était le plombier qui me faisait un cours de physique-chimie, quand je lui demandais simplement de faire en sorte que l'eau ne passe pas dans la douche de l'état bouillant à l'état glacial de façon inopinée et incontrôlable...
    Après quelques locataires, et leurs diverses exigences, cela ne ressemble plus à rien, là bas. Mais quand j'aurai terminé ces aménagements, ce sera en l'état ou rien, et qu'on me rende l'endroit tel qu'il était à l'arrivée.
    Jusqu'à présent, j'en avais qui du moins n'étaient pas difficiles, celles-ci vont je crois bien m'emmerder. Je vais réserver cela à des copains ou pour les réfugiés français qu'attend l'higoumène Dmitri!
    J'ai dit à Skountsev que je ne pourrais pas travailler avec lui aujourd'hui. Il est venu hier, mais comme il était soumis aux desiderata de l'équipe de tournage, il était difficile de planifier quelque chose. Marina et lui ont passé chez moi deux heures, le temps de bouffer et de répéter un peu, car il voulait voir mes instruments, et me montrer sur pièce comment m'en servir pour des gestes que je ne peux saisir à distance.
    Sa femme m'a confié avoir trouvé une lettre enflammée de sa bru dans de vieilles partitions de son fils qu'elle allait jeter à la poubelle: "Elle lui mettait toute son âme dans cette lettre, et lui l'a laissée n'importe où.
    - Oui, mais cela ne l'a pas laissé indifférent, il l'a quand même épousée...
    - D'accord, mais c'est pour dire qu'ils ne sont vraiment pas comme nous, ils ne peuvent pas nous comprendre, et réciproquement, et s'ils nous comprennent, ce ne sont pas des hommes, et d'après le prêtre, ils ne nous servent alors à rien. Si nous voulons être comprises, il nous faut aller trouver des femmes."
    Cela m'a plongé dans des abimes de réflexions. Je ne pense pas que ce soit absolument vrai, j'ai entendu une fois une interview du père Vladimir Viguilianski, qui a une grande complicité avec Olessia, et il disait que la condition d'un bon mariage était un sentiment d'amitié entre époux qui survit à l'engouement sensuel et unit dans les circonstances diverses de la vie. Ce sentiment d'amitié existait entre ma mère et mon beau-père. Je pense que dans un certaine mesure, il existait aussi entre le père Valentin et sa matouchka. Je pense qu'il existe entre le père Antoni et sa femme Myriam. Personnellement, c'est ce que j'ai vainement cherché, car les hommes qui avaient des points communs avec moi ne me considéraient plus comme une femme, mais comme un copain, tandis que des "vraies femmes", ils se plaignaient abondemment, avec toutes sortes de sarcasmes. L'amitié implique le respect et exclut le mépris, l'exaspération et la rancoeur. Je n'ai pas le réflexe d'aller chercher de la compréhension chez les femmes, à l'exception de ma mère autrefois, ou de mes tantes, et de celles qui n'ont pas ce qu'en russe on appelle "babstvo", ce côté femelle, possessif, hystérique, tyrannique, cette tendance à être dans la rivalité permanente, tout cela assorti d'un prosaïsme profondément emmerdant, à des degrés plus ou moins marqués. En l'occurrence, je m'entends malgré tout mieux avec Skountsev qu'avec sa femme, je me sentais beaucoup plus à l'aise aux répétitions où j'étais seule avec dix cosaques que dans une compagnie de nanas, si j'aime Xioucha et Dany, c'est que ni l'une ni l'autre ne sont dans le registre "babstvo". Et bien que je sois traditionnaliste, et que je conçoive très bien que les hommes aient besoin d'être entre eux par moments, me trouver tout le temps dans une compagnie féminine me déprimerait plutôt. Au point que je n'entrerais pas au monastère, je préfère les monastères d'hommes!
    J'ai vu une série de photos sur des vieux-croyants de Sibérie, en république bouriate, et ce qui me saute aux yeux, c'est que leurs petites maisons sont solides et très bien entretenues, certaines ont des toits de tuile métallique, car de nos jours, il est difficile de l'éviter, mais ils ne jurent pas du tout avec les façades ni les autres maisons, ce qu'on voit de décoration intérieure est très joli; les costumes sont très colorés, sans doute même trop, le costume russe traditionnel tel que j'ai pu le voir dans les musées, les livres et les ensembles folkloriques qui récupèrent des vêtements authentiques, a des teintes riches mais moins criardes, plutôt dans les rouges, blanc et noir. Cependant, il règne dans ce village une harmonie qui a complètement disparu de Pereslavl, par exemple, et de quartiers entiers de villes russes autrefois pittoresques. Le respect de la tradition empêche naturellement de faire n'importe quoi, autant avec ses vêtements qu'avec ses maisons, mais au delà de cela, je pense qu'il donne une harmonie intérieure qui se reflète dans une harmonie extérieure et si notre civilisation est si laide, c'est qu'elle fait les âmes tordues, et des âmes tordues ne produisent que de la contrefaçon, du mauvais goût, voire de la monstruosité. Le mauvais goût qui atteint à présent une dimension fantasmagorique, métaphysique, est la marque de la chute, de la dégénerescence de la société moderne antitraditionnelle. Qui plus est, alors qu'on nous parle sans arrêt de la misère des campagnes, ces vieux-croyants semblent bien vivre, sans tous les excès de la société de consommation, simplement et dignement.
    Parallèlement, j'ai vu la photo d'un tableau de Polenov que j'aime beaucoup, "une cour de Moscou", mise en regard du même endroit de nos jours, avec la même église, et autour un décor urbain banal. La plupart des commentaires déplorent la transformation. Le tableau est idyllique, paisible, féérique. On y sent l'atmosphère que j'avais trouvée à Pereslavl la première fois que j'y étais venue; une sorte de nonchalance, de simplicité détendue dans un décor organique, naturel et pittoresque. Quelque chose d'assez proche de ce village de vieux-croyants, mais en plus délabré, car les vieux-croyants ont gardé toute la vertu des anciens, ils sont travailleurs, honnêtes, cela se sent dans leur maintien, dans la propreté de leurs maisons.
    C'est alors qu'intervient une bonne femme qui n'échangerait pas le paysage urbain contre celui de Polenov, car on faisait alors la lessive à la rivière et on avait les cabinets au fond du jardin. Donc vive les cages en béton, et quand j'ai protesté, elle m'a répondu que je ne ferais pas ma lessive dans la rivière et mes besoins au fond du jardin. Elle rejoint en cela tous ceux qui se scandalisent qu'on répare une église ancienne plutôt que de "construire un hôpital ou un jardin d'enfants", c'est-à-dire la mentalité communiste ou capitaliste utilitaire qui vend son âme pour un plat de lentilles.
    Il est évident que vivant seule, ayant grandi à notre époque et ayant un certain âge et des rhumatismes, je n'irai pas laver à la rivière ni recourir à la cabane au fond du jardin, encore que de ce côté-là, on trouve des arrangements. Mais ce raisonnement me paraît profondément faux, et du reste, même si, dans une certaine mesure il est vrai, si la vie était plus inconfortable, plus dure, cela ne veut pas dire que nous ayons gagné à nous la simplifier, ou que nous n'ayons pas compliqué d'un côté ce que nous avons simplifié de l'autre, et surtout humainement et spirituellement terriblement appauvri notre existence. Mais il y a des gens, produits de la modernité, qui, voyant le tableau de Polenov, et tout ce qu'il nous dit sur ce que nous avons perdu, restent au niveau des chiottes et du linge sale, c'est comme cela. Ce qui est triste, c'est que cette mentalité n'était pas du tout russe, elle était petite-bourgeoise et occidentale. Mais c'est celle qu'ont imposée les révolutions politiques et industrielles, en éliminant et rééduquant tous ceux qui y étaient réfractaires.
    Le raisonnement est faux, parce que ce que ne faisaient pas les robots ménagers, les gens le faisaient en commun ou à tour de rôle, et souvent en se racontant des histoires, ou en chantant, la fonction créative de l'être humain, qui est en réalité communicative, qui ne devrait pas être individuelle, je dirais même qu'elle ne peut pas être limitée à l'individu sous peine de le faire sombrer dans la folie, faisait partie intégrante de la plupart des activités. Le sacré et le symbolique également. De sorte que la vie était probablement physiquement plus dure, mais psychologiquement plus simple, et humainement, spirituellement plus enrichissante et plus digne. De plus, d'accord, la machine à laver, l'aspirateur, mais la plupart des gens passent leur vie à accomplir des tâches qui ne les concernent pas, ne les enrichissent pas mais au contraire les aliènent, pour ensuite perdre quatre heures dans les transports afin de rallier leur cage en béton et s'écrouler devant les conneries de la télévision, sans plus rien supporter, ni leur moitié, ni les gosses ni le chien, mais ils sont persuadés qu'en les arrachant à cette vie campagnarde communautaire et transfigurée par une humble, ancestrale et quotidienne création collective, et par le sens sacré de l'appartenance au cosmos et à Celui qui l'inspire, on les a libérés et qu'ils sont considérablement plus intelligents que leurs ancêtres ploucs pour lesquels ils ont un mépris apitoyé. Moi, dépendante de la machine à laver et des commodités, après avoir passé ma vie seule, sans mari et sans enfants, j'ai conscience d'être une erreur de la nature, un peu comme un lion ou un ours qui a passé la sienne dans une cage au zoo. Les talents que j'ai ne m'ont pas donné de chaleur et ne m'ont pas délivrée de mon égoïsme. Dans le chagrin de ne pouvoir vivre en famille, et la profonde aversion du système de vie où j'étais née, l'obligation d'aller travailler pour remplir un compte en banque et ne pas me retrouver sous les ponts, qui m'emplissait de stress et d'angoisse, je n'arrivais pas à créer spontanément, je n'avais ni les bonheurs de la femme épanouie, ni ceux du créateur absorbé. Et j'étais obligée de vivre dans ce milieu artificiel immonde qu'on appelle une ville, ou plutôt une agglomération, une ville, c'est encore trop organique, et qui nous coupe de la terre et du ciel, des forêts, des fleuves, des nuages, des étoiles, des autres créatures que nous ne savons plus comment offenser et persécuter au lieu de les admirer avec ravissement. Oui, j'ai poussé comme un arbre tordu, comme un bonzaï dans son pot. Mais j'ai poussé quand même et je ne me suis pas désséchée; alors que tant d'autres, comme la femme du commentaire, préfèrent le béton soviétique avec un chiotte et une machine à laver au quartier organique et vivant de Polenov, plein de ciel, de soleil, et de coupoles dorées qui se dressent avec une douceur recueillie, prière séculaire reconnaissante et centrale. De cela je peux rendre grâce à Dieu qui ne me laisse pas tomber...








    photos Alexeï Romanov
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