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vendredi 29 mars 2019

Correspondances mystérieuses

Ce matin, j'ai vu publier quelque chose de très intéressant, des photos de restes de vêtements brodés anglais datés entre le X° et le XIV° siècle. La légende disait que ces broderies rappelaient des motifs islamiques et asiatiques, ce qui ne me frappe vraiment pas. Ce qu'ils me rappellent en revanche fortement, ce sont les motifs traditionnels russes, slaves, le reste est géométrique, et les motifs géométriques sont les mêmes à peu près partout, les enfants en tracent spontanément à l'école maternelle. Les motifs ressemblent beaucoup aux motifs slaves et apparemment, ce qu'on peut imaginer de la coupe des vêtements.
Ceci me confirme dans mon impression qu'en Russie, j'ai retrouvé un moyen âge encore proche et vivant, que la Renaissance a effacé d'Europe en des temps plus anciens. Et au delà du moyen âge, quelque chose de plus fondamental, d'encore plus archaïque. Quand je pratique le chant traditionnel russe, une source se libère au fond de moi, je retrouve une eau vive indispensable au bonheur et à l'épanouissement de mon âme. Comment chantaient les Anglais de l'époque de ces broderies, que chantaient-ils? Je me dis souvent que les Français du Moyen Age étaient beaucoup plus proches des Russes que les Français actuels, et en effet, ils s'étaient moins éloignés, sans doute du fond commun européen que je retrouve à travers le folklore russe comme un paradis perdu. Quand je dis que j'aime la Russie avec mon inconscient, il est probable que je retrouve en elle l'âme collective.
Avec l'Orthodoxie, du reste, je retrouve aussi un profond enracinement, mais dans l'antiquité méditerranéenne. Ce qui du reste est complémentaire.
Un ami orthodoxe m'écrit qu'il a eu une expérience "chamanique" dans la nature, et il évoque un ermite orthodoxe de sa connaissance lui déclarant tout à coup après une longue période de contemplation silencieuse: "Quand le Christ dit: "Je suis la Vie", il veut dire: "Je suis la Vie"!
Et en effet, certaines attitudes religieuses, ou dérives, pourraient nous le faire oublier. Je suis venue à la foi, personnellement, par amour de la vie, par trop plein de vie, et je comprends qu'un chrétien comme cet ami puisse tout à coup confondre son existence avec celle d'un aigle, parce qu'en retrouvant la Source de tout, ne nous unissons-nous pas avec tout ce qui en dérive, avec tout ce qu'elle irrigue? C'est naturellement le propre des tempéraments poétiques. Mais l'ancien Porphyre ne disait-il pas: "Pour être chrétien, il faut être un peu poète?" Poète, en grec, cela veut dire créateur.
A travers cette façon de vivre la foi, et la tradition retrouvée, je rencontre un lieu de pure existence qui n'est pas pollué par les discours, et dont les mots ressortent lessivés et brillants, avec des ailes, et un sens mystérieux.





  
Les broderies anglaises du musée Ashmolean à Oxford

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Le printemps fait deux pas en avant, trois pas en arrière. sur mon vélo d'appartement, je regarde des vidéos de permaculture. Je médite toujours de me lancer là dedans, mais je vois des tas de méthodes différentes et parfois contradictoires. Un Anglais fait des buttes avec des troncs d'arbre, recouverts de terre, puis de débris végétaux et de déchets organiques. Cela ne cadre pas avec ce que je m'apprêtais à faire, un potager en carrés. Mais cela présente bien des avantages, une sorte d'autonomie biologique. Dire que j'avais des poutres et des planches en pagaille, et je me disais qu'il fallait les garder, mais elles gênaient la suite des travaux d'aménagement et j'ai laissé les ouvriers les évacuer. Au vu de ces vidéos, ce n'est pas encore cette année que j'aurai des récoltes, il me faudrait préparer le terrain. Je voudrais au moins arriver à planter des herbes culinaires genre persil, aneth etc. car je crois que cela pousse facilement partout.
Si j'étais plus jeune, je me lancerais hardiment... J'irais même jusqu'aux poules et aux chèvres.

dimanche 24 mars 2019

Les voix intérieures


Au réveil, de la neige partout. Très joli, avec un ciel bleu et rose, et la lune, des arbres fantomatiques, mais les féeries hivernales un 25 mars ça commence à bien faire. Et encore bon, il y a de la lumière, hier, sur la route de Rostov, c’était le mois de novembre…
Après la liturgie du dimanche, le père Andreï  et le père Constantin ont invité les gens à prendre le thé dans un local voisin. Ils veulent restaurer une tradition qu’avait abolie l’évêque précédent. Mais peu répondent à leur appel, et il faut dire que la chose nécessiterait une autre organisation, et en particulier, l’apport collectif généreux de plats et de victuailles pour nourrir les paroissiens affamés, même en carême, car là c’était un peu de thé avec trois biscuits et quatre bonbons. Ils envisagent des manifestations culturelles, ce qui serait aussi une très bonne chose.
Une jeune femme m’a abordée : encore une moscovite venue se replier ici, où elle est assez seule. Elle s’appelle Anastassia. Je vais lui faire rencontrer Katia et Nadia, bien esseulées également.  J’observe une tendance, chez les gens de 25 à 40 ans, à fuir Moscou, même sans conjoints, pour l’instant, surtout des filles. Et le développement des communautés à la fois agricoles et orthodoxes.  Quand on commence à retrouver ses racines spirituelles et culturelles, on trouve insupportable la vie de cyborgs qu’on nous impose de tous les côtés… cela n’est pas compatible.
Je suis retournée chanter avec Katia chez Liéna. Elle avait convoqué deux autres personnes, qui chantent habituellement à l’église du chant znamenié, le chant liturgique ancien, un jeune homme et une jeune femme. Comme c’est le carême, nous avons travaillé des « vers spirituels », si méditatifs et si profonds qu’on oublie tout le reste, et il y a ces moments, où les voix s’unissent, résonnent ensemble, dégagent à l’intérieur de chacun un être beau et immémorial qui est sa quintessence. Pas besoin de drogue pour oublier la laideur et la vulgarité du monde où la modernité nous impose de vivre.
Pour nous rendre à l’endroit où Liéna enseignait, nous avons traversé d’autres quartiers de Rostov : que cette ville pourrait être jolie, que de choses encore à sauver, il y a plein d’églises, souvent fort anciennes, de belles constructions du XVIII ou du XIX° siècle, de charmantes isbas, beaucoup trop d’affreuses cliches récentes également, mais quand même, si se trouvaient dans les administrations des gens normalement cultivés et sensibles à la beauté, on pourrait faire de Rostov un bijou et ce serait, en plus, rentable, cela attirerait les gens, non pas ces hordes hagardes qu’on débarque d’un car, qu’on promène à travers le kremlin et auxquelles ont fait acheter des merdouilles « typiques » dans des cabanes qui défigurent les sites, mais des gens qui viendraient passer leurs vacances, ouvriraient des galeries de tableaux, de jolis restaurants, donneraient des concerts, vendraient de belles choses, feraient vivre cet endroit. Mais non, les gros crétins qui décident n’ont jamais pensé à cela, j’imagine d’ailleurs leur goût, leurs maisons, leurs meubles et leurs fringues…
"C'est vraiment une honte, soupirait Katia, la ville est dans un tel délabrement qu'on se croirait juste après la guerre"...
Pour Pereslavl, c’est quasiment trop tard, mais Rostov pourrait être sauvé. Enfin même Pereslavl pourrait encore l’être en partie mais la lèpre de la hideur moderne le dévore à toute vitesse.
Mais il y a le chant, le « patrimoine immatériel », au retour, et ce matin en me levant, j’avais le chant d’hier qui résonnait toujours en moi, il me suit, il vit. Liéna a dit hier en riant : «Laissons Laurence commencer la chanson, c’est drôle à dire, mais elle a une voix si authentique ! On se croirait dans un village perdu ! »
En effet, cela peut paraître bizarre, mais je me suis rendu compte que, contrairement à ce que j’avais cru toute ma vie, j’étais une sorte de medium, je ne vois pas de fantômes, ni ne les fais apparaître, mais trouvant au fond de moi la porte ouverte, ils s’y précipitent, et ils vivent là, en ma compagnie, c’est même comme cela que j’ai écrit mon livre, et c’est comme cela que je chante, je dirais même que c’est comme cela que je prie.
Je suis un peu comme le petit tsarévich Féodor de mon livre :
Fédia glissa prosterné et cacha son visage sur les genoux de l’enfant, qui lui caressa doucement les cheveux. « Je sais tout, murmura-t-il, je sais tout. Je sais tout de naissance. Toutes les portes sont au fond de moi, il suffit d’avoir les clés… Je sais, Fédia, je sais tout… Les gousli, le cheval noir ! » Il avait presque hurlé, henni le dernier mot, et Fédia avait gémi en écho, réfugié dans les reflets chatoyants de sa robe angélique. « Le cheval noir… répéta l’enfant, d’une voix brisée par les larmes. Et le loup des forêts…. Fédia, mon frère, mon frère ! Que fais-tu de toi ?»
C’est comme cela que lorsque je prétends que le tsar Ivan m’accompagne, je ne le vois pas hanter ma maison, mais il hante le tréfonds de mon âme, et il n’est pas le seul. Quand je chante avec trois Russes qui chantent vraiment, qui ne braillent pas de la culture de kolkhoze mais font de leur être un canal qui laisse passer l’eau vive, c’est tout le peuple russe, depuis la nuit des temps et sans doute même les ancêtres du mien, qui se met à chanter dans mon cœur.


Rostov, photo de la page facebook "малые русские города"





vendredi 22 mars 2019

La quête de Sacha

Présentation du film, photo Vadim

Retour de Moscou à travers une tempête de neige fondue. Cela ne tient pas trop, mais tout ce qui n’est pas neigeux est boueux. Les oiseaux m’ont accueillie par de joyeux appels : ils avaient faim. J’ai éprouvé un serrement de cœur à me retrouver dans ma maison déserte, souillée par les pattes de chats, et empreinte d’une odeur de fauve caractéristique.
J’ai retrouvé mon coiffeur Albert, je n’en pouvais plus de lutter le matin avec ma trop longue et trop lourde tignasse, et je suis allée lui confier ma tête. Je ne l’avais pas vu depuis huit ans. Le jeune homme excentrique et gracile, qui aurait pu passer pour un homosexuel, est devenu un homme fait, qui m’a parlé de la datcha et de l’appartement qu’il a réussi à s’acheter, comme quoi on peut encore gagner sa vie en Russie sans être oligarque. Il a deux enfants, l’aînée s’appelle Amélia en l’honneur d’Amélie Poulain…
En revanche, je ne suis pas enthousiasmée par la coupe qu’il m’a faite, je trouve qu’en effet, ça me banalise, et pourtant, Albert est un excellent coiffeur. Je pense que je laisserai  repousser mais pas au point où j’en étais arrivée, Sissi impératrice avec beaucoup d’heures de vol en plus.
J’étais venue pour assister à la présentation, à la maison des écrivains, du film sur Sacha Viguilianskaïa « Le visible invisible » qui retrace la quête de ses ancêtres, déjà décrite dans ses articles et dans un livre du même nom. Le film est très bien, très émouvant, il faut dire que Sacha elle-même est très émouvante, très belle, avec quelque chose de féérique, un véritable charisme. Nous avons travaillé deux ans ensemble au lycée français, où elle travaille encore, et pendant ses vacances, mène sa quête, son enquête, écrit articles et livres. Elle avait trouvé comme antidote à la déprime qui la guettait, outre la pratique religieuse et le soutien spirituel du métropolite Zinovi, qu’elle aime et connaît depuis son enfance, de faire des voyages à travers la Russie, et de cette manière, dans la région de Vladimir, elle est tombée sur la tombe d’un diacre, fusillé au cours des répressions de 1937, qui portait le même nom de famille qu’elle. Et de fil en aiguille, elle a reconstitué toute l’histoire de ses ancêtres, pratiquement depuis le XVIII° siècle et saint Alexis de Bortousrmani,  qui lui est apparentée, comme elle l’a découvert, puis elle a trouvé de la façon la plus simple du monde, dans une bibliothèque provinciale, le journal de saint Alexis, qui est évidemment un précieux document spirituel, dont on avait perdu la trace. Elle expliquait tout au long du film à quel point, en tout ce périple, elle s’était sentie guidée, les liens qu’elle se découvrait avec des inconnus qui lui étaient également apparentés, et cette mystérieuse toile mystique spatio-temporelle qui finissait par tisser les fils de son destin actuel avec ceux de toute la Russie pré et post révolutionnaire. « La mort n’existe pas, et le passé vit toujours » dit-elle. En effet, j’ai par d’autres canaux réalisé moi-même que la coupure complète entre le passé et le présent était une idée absolument moderne, qui aplatissait nos vies et les coupait de tout en les projetant  dans un futur illusoire, au nom duquel, en détruisant le passé, nous annihilons le présent et le vidons de tout sens et de toute substance.
Sacha parlait, au cours du film, de son expérience, avec tant de sensibilité, de poésie, qu’on la suivait sans difficultés dans son périple et que d’ailleurs, toutes les portes s’ouvraient devant elles, dans ses recherches, et ses tentatives pour restaurer l’église de son arrière-arrière-grand-père, qui avait été transformée en discothèque et qu’on a rendue au culte.
Le mari de Sacha a dit quelque chose d’intéressant sur la Russie, dans le film, mais je n’ai pas tout compris. Il dit, ce que j’ai pensé aussi moi-même, que c’est un océan ignoré, un océan scythe, et qu’elle génère une forme particulière de patriotisme, car il s’y passe des choses qui n’arrivent nulle part ailleurs et que seuls ses habitants comprennent vraiment. Sacha a parlé, après le film, de l'abandon des campagnes, des destructions qu’elle a constatées au cours de ses voyages, la ville de Kourmych, par exemple, troisième ville la plus ancienne du gouvernement de Nijni-Novgorod, et qui était prospère, avant la révolution : il y avait des marchands, des marchés, des cosaques, deux monastères, toute une vie locale, et aujourd’hui, des deux monastères, il ne reste même pas les fondations, les isbas disparaissent les unes après les autres, la ville fond à vue d’œil. Elle a évoqué l’importance pour la Russie de retrouver sa mémoire, sentiment que j’ai rencontré chez beaucoup de Russes, d’ailleurs. Sa démarche de récupération du passé russe à travers celui de ses ancêtres pour régénérer un présent sinistré est symptomatique d’une partie de la population, d’un renouveau peut-être limité mais profond, et dont je vois l'expression dans divers phénomènes, la résistance des croyants ukrainiens du métropolite Onuphre, l'intérêt renaissant pour le folklore.
Puis, au cours des mondanités qui ont suivi la séance, j’ai revu un vieux copain, Vadim, qui vit maintenant en Crimée. Nous formions avec Sérioja et Micha un ensemble folklorique farfelu qui n'a pas vécu longtemps mais nous a laissé de bons souvenirs. Quand je vois la neige tomber encore dans la grisaille, je regrette parfois de ne pas avoir choisi la Crimée. Mais il me dit qu'au point de vue folklore, là bas, il n'y a rien: juste les chansons soviétiques d'après-guerre. 

Pour mémoire, l'article de Sacha que j'avais publié sur son expérience: https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com/2018/02/je-nai-rien-cherche-cest-moi-quon.html#comment-form

Image du film, Sacha dans l'église de son ancêtre.

Avec Vadim



jeudi 21 mars 2019

L’AUTOCEPHALIE UKRAINIENNE

Je publie ici un ouvrage, lui-même traduit du grec, que j'ai traduit sur commande. Bien sûr, il aurait mieux valu une traduction directe depuis sa langue d'origine, mais il est quand même très instructif, et, sur le plan historique, correspond à ce que j'avais toujours vu et appris, avant réécriture politique du passé, comme cela se fait couramment aujourd'hui. 




L’AUTOCEPHALIE UKRAINIENNE
 dissimulation et fausse interprétation des documents

Protopresbytère Théodoros Zissis,
Professeur honoraire de la faculté de théologie de
l’université Aristote à Salonique




Préface

Dans toute l’Orthodoxie, et le reste du monde chrétien, on observe, certains avec inquiétude et angoisse, d'autres avec une joie secrète, le conflit entre deux églises, celle de Constantinople et celle de Moscou, qui a surgi à cause de la juridiction contestée sur l’Ukraine, ou plus exactement, à cause de l’ingérence arbitraire du Patriarcat Œcuménique dans les limites canoniques de l’Eglise Russe, à laquelle a toujours appartenu Kiev de façon stable, à l’exception de quelques brèves périodes de conquêtes étrangères, qui avaient provoqué sa séparation. Notre article « l’Ukraine est le territoire canonique de la Russie. Il n’y a pas de documents qui témoignent en faveur de Constantinople » a reçu le large soutien de centaines de milliers d’utilisateurs d’Internet. En une semaine, le nombre des lecteurs a dépassé trois cent milles (300 000) et continue à grandir. Dans l’article, nous avions promis de préparer un article plus approfondi, où nous présenterions de façon plus exhaustive la « vérité historique » qui est cachée et déformée par le Patriarcat Œcuménique, dans le but du maintien du schisme et d’une possible guerre civile en Ukraine.
Le Patriarcat Œcuménique, pour asseoir son ingérence anticanonique dans une autre juridiction, a publié, en particulier, une enquête juridique sous le titre  « le trône Œcuménique et l’Eglise Ukrainienne – que disent les textes », dans laquelle sont présentés et commentés les documents patriarcaux d’après lesquels, soi-disant, il apparaît qu’en 1686, le Patriarcat Œcuménique aurait provisoirement transmis Kiev à l’Eglise Russe et aurait maintenant le droit de supprimer ce transfert et de restaurer sa juridiction précédente, il aurait également celui de délivrer unilatéralement l’autocéphalie à l’Ukraine, sans l’autorisation de l’Eglise Russe, à laquelle appartenait l’Ukraine depuis des siècles. Constantinople s’est déjà élancée dans cette direction à marche redoublée, en conséquence de quoi Moscou a déjà rompu la communion eucharistique avec Constantinople et accuse le patriarche Bartholomée de schisme, parce qu’il a restauré la communion avec deux groupes schismatiques en Ukraine, que l’Eglise orthodoxe russe considère à juste titre comme se trouvant toujours en situation de schisme.
Ainsi, dans l'article promis plus exhaustif, nous présentons nombre de documents du Patriarcat Œcuménique dont il découle que Kiev appartient historiquement, nationalement et religieusement à la Russie, et après en avoir été séparée par quelques périodes historiques difficiles, elle fut réunie à nouveau à l’église orthodoxe Russe en 1686, par une décision patriarcale et synodale de Constantinople. Les deux documents auxquels se réfère le patriarcat Œcuménique, témoignent en faveur de cette position, mais sont faussement interprétés par ceux qui se sont mis à soutenir les prétentions anticanoniques de Constantinople. Notre article se divise selon les points suivants :

1. Dans la question ukrainienne, c’est l’Eglise Russe qui a raison. Le danger de l’ethnoracisme pour les églises hellénophones.
2. L’histoire de l’Eglise Russe est unique et indivisible. Kiev en fait partie de la même manière.
3. Les tentatives infructueuses pour briser l’unité de la métropole de Kiev et de la Russie :
a) La complaisance du patriarche barlaamite Jean Kalekas divise l’Eglise Russe ;
b) L’unité est restaurée par le patriarche hésychaste Isidore I ;
c) L’empereur Jean IV Cantacuzène défend l’unité de l’Eglise Russe ;
e) Le patriarche Calliste I et Philothée Kokkinos défendent l’unité de l’Eglise russe ;
4. la division de l’unique métropole de Kiev et de toutes les Russie est l’œuvre des uniates et des catholiques.
5. la réunion de Kiev et Moscou en 1686 et l'interprétation tendancieuse des documents correspondants :
a) les deux documents auxquels Constantinople fait référence sont faussement interprété par ceux qui les ont étudiés ;
b) le deuxième document éclaire mieux la situation des choses.
Conclusions.
1. Dans la question ukrainienne, c’est l’Eglise Russe qui a raison. Le danger du pouvoir des Eglises hellénophones est dans l’ethnoracisme.
Partisan et soutien du Patriarcat Œcuménique en ce qui concerne les tendances à l’hégémonisme de Moscou au sein de l’Eglise Orthodoxe, et en particulier la théorie de la « Troisième Rome », qui, bien sûr, ne fut pas publiquement présentée ou démontrée, et en raison de mes intérêts scientifiques dans le domaine des relations inter orthodoxes et de leur développement, je me suis occupé des relations diachroniques des deux églises et j’ai participé à deux conférences internationales. Le thème de ces relations a pris son actualité en 1988, à l’occasion du grandiose millénaire du baptême de saint Vladimir et du peuple russe à Kiev (988-1988). Ma première enquête, «le Patriarcat Œcuménique et l’Eglise Russe », fut présentée en qualité de conférence au séminaire international qui eut lieu au Centre Orthodoxe de Genève du Patriarcat Œcuménique (mai 1988) sur le thème : « La Russie. Mille ans de vie chrétienne ». Ma deuxième enquête sur le thème : « l’Eglise de Constantinople comme facteur de l’unité des Russes convertis par elle au christianisme » fut prononcée au symposium historique international organisé par l’Eglise Russe à Kiev (juillet 1988), également dans le cadre des festivités du millénaire. Ces deux travaux ont été publiés dans mon livre « Constantinople et Moscou»[1], où sont également publiés en annexe des dizaines de documents concernant les relations des deux églises au cours de ces mille ans, sur la base desquels on peut tirer des conclusions certaines sur le problème débattu aujourd’hui de l’autocéphalie des orthodoxes d’Ukraine. C’est pourquoi on peut s’étonner que Constantinople, en guise de confirmation, se réfère seulement à deux documents, qui de plus, ne sont pas correctement interprétés, pour établir que l’Ukraine est le territoire canonique de l’Eglise de Constantinople, et, par conséquent, justifier son initiative et son action d’accorder l’autocéphalie aux orthodoxes d’Ukraine, ignorant l’Eglise Russe et le métropolite canonique de Kiev qui sont en justement indignés.
Il est utile de remarquer également que mon épouse Christina Boulaki-Zisi (maintenant la moniale Nectaria), docteur de la chaire d’histoire des églises slaves de la faculté de théologie de l’université Aristote de Salonique, a écrit une monographie, à nouveau dans le cadre des festivités du millénaire, sous le titre « la conversion des Russes au christianisme »[2] qui réfute les vues scientifiques de ceux qui s’efforcèrent et s’efforcent de rejeter le fait bien établi que Constantinople a converti les Russes au christianisme, et d’attribuer la conversion de la Russie à d’autres centres religieux, en particulier Rome. Ce livre fut utilisé de nombreuses années en qualité de ressource d’étude pour les étudiants de la faculté de théologie, même après que l’auteur en fut parti à la retraite.
En tant que prêtre et savant grec je serais infiniment heureux si dans la question ukrainienne, l’histoire et les saintes règles étaient du côté du patriarcat grec de Constantinople, et j’aurais le stimulus pour soutenir historiquement et théologiquement ses exigences. Malheureusement, le droit est du côté de Moscou, et pour cette raison, doit être soutenu le côté injustement offensé et ouvertement proclamée la vérité historique, bien que, incontestablement, beaucoup de ceux qui jugent depuis le point de vue nationaliste, nous accuseront de positions antipatriotiques et anti hellènes. Je ne pécherai ni contre l’antique expression grecque « Platon est mon ami, mais la vérité m’est plus chère », ni contre les paroles de notre poète national Dionysos Solomos « Nous devons considérer comme national ce qui est vrai »[3] .
La position qui m’est la plus proche est celle selon laquelle les chrétiens doivent placer, plus haut que les patries terrestres, notre patrie céleste et sa présence sur terre, l’Eglise, dont nous sommes les membres et les citoyens, indépendamment de notre origine raciale ou nationale : les Grecs comme les Russes, les Serbes comme les Bulgares, les Géorgiens comme les Roumains et les Arabes. Nous sommes tous les membres du seul corps du Christ, qui est l’Eglise; en Christ, « il n’y a plus ni Juif ni païen, ni esclave ni homme libre ; ni femme ni homme : car vous êtes tous unis en le Christ Jésus »[4]. Celui qui met le patriotisme en premier, et l’estime plus que son identité ecclésiale, introduit dans l’Eglise l’ethnoracisme qui, comme cela est indiqué dans les décisions du concile local de Constantinople de 1872, viole la communion de l’Eglise, sa dimension supra-raciale et supranationale. Malheureusement, tombent dans l’erreur de l’ethnoracisme ceux qui critiquent ou condamnent les décisions et les actes des leaders de l’Eglise selon leur identité nationale, et non selon le point de vue de la vérité. Maintenant nous, Grecs, églises locales hellénophones, en soutenant les actions erronées du patriarcat Œcuménique, nous nous exposons au risque de tomber dans l’erreur de l’ethnoracisme, défiant la communion et l’universalité de l’Eglise.
Nous allons présenter les relations entre Constantinople et Moscou en accord avec les données historiques et les documents des conciles ecclésiaux.
2. L’histoire de l’Eglise Russe est une et indivisible. Kiev (Ukraine) en fait partie de la même manière.
Il ne faut pas avoir de connaissances historiques très profondes pour savoir que Kiev fut la mère, le berceau d’où naquit l’Eglise Russe, après le baptême du prince de Kiev Vladimir, et du peuple russe en 988. Les festivités internationales du millénaire de ce baptême, qui eurent lieu en 1988, témoignèrent de la reconnaissance générale et commune de l’origine kiévienne de l’Eglise Russe. Et cela n’était pas une origine fortuite et éphémère, cela dura près de trois siècles : jusqu’à l’invasion tataro-mongole de 1240, Kiev était la capitale de la Russie, le centre politique, ecclésial et culturel des Russes, la base de leur état. La division constante de l’histoire ecclésiale de la Russie commence avec la période kiévienne, ce qui ne veut pas dire qu’à des périodes plus tardives, Kiev se trouvait en dehors de la juridiction de l’Eglise Russe, ni que l’Eglise Russe avait donné Kiev à une autre juridiction, non russe. Les conquêtes étrangères des territoires kiéviens ont obligé les dirigeants à transférer leur centre politique et ecclésial plus au nord, d’abord à Vladimir, et plus tard à Moscou, sans renoncer à la juridiction de l’Eglise sur Kiev et les territoires de l’Ukraine. Même quand les capitales devinrent Vladimir et Moscou, il existait une seule et unique métropole de l’Eglise Russe, qui alors, était soumise à Constantinople, comme l’une de ses métropoles, et s’appelait « Métropole de Kiev et de toute la Russie ».
L’intérêt particulier de cette affaire réside en ceci que malgré les efforts des états occidentaux et catholiques, qui s’efforçaient de détruire et de diviser l’unique métropole « de Kiev et de toute la Russie » et de créer une seconde métropole, comme ils le font aujourd’hui, par le moyen de la création d’une église autocéphale ukrainienne, Constantinople, comprenant que cela ferait tort à l’unité de l’Eglise Russe et du peuple russe, n’avait pas permis de créer encore une métropole. Quand, sous une oppression étouffante qui portait tort à Constantinople elle-même, certains patriarches permirent la création d’une nouvelle métropole, leurs successeurs la supprimèrent très vite et restaurèrent l’unité de l’Eglise Russe, condamnant sévèrement les actions destructrices et, comme nous le verrons, schismatiques, de leurs prédécesseurs. Ces tentatives de Constantinople pour garder les Russes en communion sous un seul principe ecclésial, nous les avons décrites dans notre enquête évoquée plus haut, « L’Eglise de Constantinople comme facteur de l’unité des Russes ». Y a-t-il maintenant une raison pour laquelle le Patriarcat de Constantinople s’est transformé en facteur de division et de schisme, s’attirant des qualificatifs humiliants de la part de ses héritiers même ? Est-elle dure et insurmontable à ce point, la pression de l’Occident, qui a cultivé la russophobie  au cours des siècles ?
Nous introduirons la périodisation historique de l’Eglise Russe, écrite par les historiens de l’Eglise : a) depuis le baptême de la Russie jusqu’à l’invasion tataro-mongole (988-1240), qui se classifie comme la « période kiévienne » ; b) depuis l’invasion tataro-mongole de la Russie jusqu’à la division de la métropole Russe (1240-1462) ; c) depuis la division de la Métropole Russe jusqu’à la fondation du patriarcat (1589-1700) ; d) l’organisation synodale de l’Eglise Russe (1700-1917) ; la restauration du patriarcat et le régime soviétique (1971-1990)[5][6]; e) on peut encore ajouter une période : après la chute du régime soviétique jusqu’à la période actuelle (1990-2018), période de l’arrêt des persécutions, de la renaissance et de la prospérité.
3. Les tentatives infructueuses de division de la Métropole de Kiev et de toutes les Russie
La conquête de la Russie par les tataro-mongols (1240) eut des conséquences regrettables et destructrices pour presque tous les dirigeants russes, et en particulier pour le sud de la Russie, où la ville principale et la capitale des Russes, Kiev, fut presque complètement détruite. La majeure partie de la population émigra vers les régions du nord-est, c’est pourquoi le siège du trône métropolitain fut d’abord transféré à Vladimir (1299), et plus tard à Moscou (1328). Bien qu’après les conquêtes tataro-mongoles le métropolite ne vécût plus à Kiev, il conserva son titre traditionnel de « Métropolite de Kiev et de toute la Russie » et continua d’être évêque de Kiev. Sous la domination mongole, Rome essaya d’utiliser une situation historique difficile pour catholiciser les Russes et les soumettre au papisme par l’intermédiaire de la Pologne et de la Lituanie, organisant contre eux des croisades. On connaît les batailles du saint prince Alexandre Nevski contre les chevaliers suédois et l’Ordre des chevaliers-porte-glaive, dont il triompha et qu’il chassa (1240-1242) ; ayant fait, de la sorte,  obstacle à la pénétration et à la diffusion du papisme dans les régions nord-ouest. Cependant, il n’en fut pas de même dans les régions sud-est qui appartiennent maintenant à l’Ukraine. Là, la Pologne et la Lituanie, au moyen de la conquête de quelques territoires, et aussi de leur influence sur des dirigeants russes locaux qui avaient souffert du joug mongol, réussirent à pénétrer dans les affaires de l’Eglise, en vue naturellement d’une catholicisation. Pour atteindre ce but, ils devaient obtenir l’indépendance des régions sud-est de la Russie par rapport au gouvernement ecclésial centralisé de l’unique «Métropole de Kiev et de toute la Russie » par le biais de la création d’une deuxième et d’une troisième métropoles.
C’est ce même but que l’on poursuit aujourd’hui, l’occidentalisation de l’Ukraine avec la collaboration des citoyens du pays qui confessent le catholicisme et l’uniatisme, et de deux groupuscules schismatiques pro-occidentaux et enclins au catholicisme, agissant contre la métropole canonique de Kiev, dirigée par le métropolite Onuphre, laquelle est soumise sans conteste à l’unique Eglise Russe. Tout le monde sait que le président de l’Ukraine, Porochenko, qui pousse à l’autocéphalie, est un uniate, et à travers lui, tout l’occident, l’Europe et l’Amérique, visent l’indépendance ecclésiale de l’Ukraine par rapport à Moscou.
Le Patriarcat Œcuménique, même affaibli après la conquête latine de Constantinople en 1204 et le long exil des dirigeants politiques et ecclésiaux à Nicée jusqu’en 1261, ne se prêta pas aux tentatives de division de l’unité de la direction ecclésiale des Russes, et lorsque par manque de conscience et de hauteur de vues, tel ou tel patriarche permit de créer une autre métropole selon les standards des sujets du pape, le patriarcat restaura aussitôt l’unité ecclésiale des Russes. En qualité d’exemple, nous rappellerons quelques cas et les textes qui leur sont associés.
a) La complaisance du patriarche barlaamite Jean Kalekas divise l’Eglise Russe.
Au milieu du XIV° siècle, l’Eglise fut secouée par des conflits hésychastes provoqués par Barlaam de Calabre, venu d’occident, suspect de plans destinés à diviser l’unité des orthodoxes, contre lequel saint Grégoire Palamas mena avec succès une contre-attaque théologique. Malheureusement, le Patriarche de Constantinople était alors Jean Kalekas (1334-1347) qui soutenait Barlaam de Calabre, après avoir envoyé saint Grégoire Palamas en prison. Ces menées de division dans le domaine des dogmes de la foi ne lui suffisant pas, il alla encore provoquer une division dans l’Eglise Russe par le biais de la création d’une deuxième métropole, indépendante de l’unique Métropole de Kiev et de toutes les Russie, de la même manière que le fait aujourd’hui le patriarche Bartholomée ; il ne lui suffisait pas d’être enclin au papisme et d’amnistier les hérésies au pseudo-concile de Crète, il lui fallait aussi, comme un « pape oriental », diviser et briser l’unité de l’Eglise Russe par le moyen de l’attribution de l’autocéphalie indépendante à l’Ukraine, et de plus, pas à l’Eglise canonique, sous la direction du métropolite Onuphre, qui n’avait pas demandé d’autocéphalie, mais à deux groupes schismatiques sous la direction des hiérarques déchus Philarète et Macaire, ignorant le châtiment que leur avait infligé l’Eglise Russe, et méprisant les décisions des tribunaux ecclésiaux canoniques de l’Eglise Russe. Pour cette raison, l’arbitraire du patriarche Bartholomée est même pire que celui de Jean Kalekas, dans la mesure où, par ses actions pour diviser l’Eglise, il se met en relations avec des schismatiques, et en cela se prive de relations avec les autres, selon le principe « celui qui entre en relations avec des excommuniés se prive lui-même de relations avec les chrétiens », car l’Eglise Russe, qui a anathématisé les schismatiques ukrainiens, continue à les considérer comme des schismatiques, déchus et excommuniés.[7]
Quand en 1347, à Constantinople, se produisirent des changements politiques et ecclésiaux, après la proclamation de l’empereur Jean IV Cantacuzène (1347-1354), partisan des hésychastes, Jean Kalekas fut destitué et le trône patriarcal passa à Isidore (1347-1349). En même temps que la paix de l’Eglise, après la condamnation de Barlaam et de ses partisans, fut restaurée l’unité de l’Eglise Russe et liquidée la métropole de Galicie, qu’avait fondée Jean Kalekas, et tous les orthodoxes russes s’unirent sous le principe d’une seule métropole de Kiev et de toutes les Russie. On a conservé un grand nombre de documents, dont l'intérêt exclusif est la confirmation que le territoire de l’actuelle Ukraine avait toujours été soumis à l’unique Eglise Russe, et n’en fut séparée provisoirement que dans des périodes de troubles, ce qui fut favorisé aussi par «la complaisance du patriarche cupide de Constantinople qui n’a pensé à rien d’autre qu’à la satisfaction de ses appétits », comme l’écrit l’empereur Jean Cantacuzène, ayant en vue Jean Kalekas, au grand-prince russe Syméon. Nous allons présenter quelques documents sous forme d’extraits particulièrement importants, certains documents seront, pour avoir un tableau complet, présentés en entier.
b) L’unité est restaurée par le Patriarche hésychaste Isidore I
Dans la décision synodale qui, sous le patriarche Isidore, restaura l’unité de la Métropole de Kiev et de toutes les Russie (1347), sont évoqués les troubles et le désordre provoqués par les persécutions et les conflits entre princes russes, et aussi les quatre cents ans d’unité sans partage de la Métropole de Kiev. Les petits désaccords sont vite dissipés par le métropolite. « Le peuple russe pendant longtemps déjà, pendant presque quatre cents ans, en reconnaissant un seul métropolite, le métropolite de Kiev toujours à leur tête, a joui d’une paix profonde, et si par nécessité il l’a quelquefois renié ou trahi, il l’a lui-même recréé et facilement corrigé ».  Plus loin, on produit un extrait du document associé à une bulle d’or (chrysobulle) de l’empereur Jean Cantacuzène au grand-prince Syméon et autres princes, dans lequel il est dit que tous les évêques de Petite-Russie, l’actuelle Ukraine, qu’il appelle « sujets, parce que le peuple russe, par la grâce du Christ, a reçu la grâce de Dieu dans la sainte Métropole de Kiev » sont soumis aux évêchés de la grande Russie. Cependant, les troubles et les émotions consécutifs aux conquêtes tataro-mongoles avaient ouvert une possibilité qu’avaient utilisée des fonctionnaires politiques et ecclésiastiques à Constantinople, parmi lesquels, malheureusement, « le chef apparent de l’église », c’est-à-dire le patriarche Kalekas, qui ne se souciaient de rien d’autre que de la satisfaction de leurs appétits, et provoquèrent un grand désordre dans les affaires politiques et religieuses, imaginant de séparer de la métropole de Kiev, dont le centre est maintenant Moscou, les évêchés de Petite-Russie et de les soumettre à l’archevêque de Galicie, qu’on avait pris parmi les évêques pour en faire un métropolite, ce que maintenant essaie de renouveler Bartholomée, faire du schismatique Philarète le patriarche de Kiev. Cela viole pourtant les usages légitimes dans toute la Russie, c’est pénible et désagréable  pour tous les chrétiens qui ne veulent pas se trouver sous la direction pastorale de deux métropolites, mais désirent que reste ininterrompu et inchangé le vieil usage d’un seul pouvoir ecclésial sans partage, et pour cette raison, ils font tout ce qu’ils peuvent pour contrarier cette innovation, comme cela s’est produit à chaque fois par le passé. Ce document semble une photographie de la situation actuelle ; du côté de Constantinople ne manque que le catalyseur de l’innovation. Le document impérial proclame ceci :
« Pendant ce temps, un peu avant cette période de désordre, non seulement ceux qui dirigeaient les affaires de l’état mais aussi le primat de l’Eglise, au mépris de son devoir, profitèrent de cette époque, ne se soucièrent de rien d’autre que de l’accomplissement de leurs propres désirs et, ayant plongé les affaires de la société et de l’Eglise dans le désordre, mirent presque tout sens dessus dessous, et préparèrent aux âmes chrétiennes toute sorte de maux et de fléaux, et aussi introduirent cette innovation, dont nous avons parlé, de séparer de la sainte métropole de Kiev les évêchés de Petite-Russie et les soumirent au pouvoir de l’archevêque de Galicie, l’ordonnant métropolite d’évêque qu’il était. Cela favorisa la violation des usages devenu loi pour toute la Russie depuis la nuit des temps et eut une action pénible et triste pour tous les chrétiens qui s’y trouvaient et n’avaient pas envie d’avoir deux métropolites, mais désiraient que fut conservé, sans être enfreint, l’usage qui existe chez eux depuis très longtemps, comme on l’a dit, et cherchaient toutes les mesures pour supprimer une telle innovation, comme pour les tentatives analogues précédentes des temps anciens, qui furent détruites et rejetées aussitôt qu’elles surgirent ».
Sur la base, entre autres, du document impérial, le synode patriarcal liquida la métropole galicienne et rendit tous les évêques à la direction de la métropole de Kiev et de toutes les Russie. Ce format, selon l’avis du synode de Constantinople, devait rester inchangé dans l’avenir, ayant été confirmé depuis des temps immémoriaux et étant juste du point de vue des intérêts d’un aussi grand peuple et de la paix entre ses membres : « C’est pourquoi ils doivent se soumettre à elle pour l’éternité… et cette décision, antique, juste et tout à fait fondée, et conçue dans l’intérêt de ce peuple nombreux, véritablement indispensable pour sa paix et son unité, sera prise sans changements par les saints patriarches qui nous succéderont ». Nous produisons le texte entier de la décision synodale :
Décision synodale prise sous le patriarche Isidore (1347-1350) sur l’unité de la Métropole de Kiev et de toutes les Russie de 1347.
« Comme pour les marins une mer calme et des vents favorables, ainsi, pour les affaires politiques, sont les bonnes lois, la paix, et l’unité. Сomme pour les marins les endroits salutaires, sûrs, à l’abri des tempêtes et des remous, où le vaisseau s’ancre facilement à la berge, ainsi,  pour ceux qui vivent en société, apparaît l’existence salutaire sous de bonnes lois, la plus éloignée possible des dangers du désordre. Le désordre est le plus grand des dangers de la vie ; sa propriété est de tout mettre sens dessus dessous et de mélanger les affaires de Dieu et celles des hommes. Chacun  peut s’en convaincre grâce à ce qui suit. Le peuple russe qui vivait depuis déjà longtemps, déjà presque quatre cents ans, en ne reconnaissant qu’un seul métropolite, lequel avait toujours gouverné la métropole de Kiev, jouissait d’une paix profonde, et si par nécessité il l’avait quelquefois renié ou trahi, il l’avait facilement rétabli lui-même. Mais avec la permission de Dieu, à cause des nombreux péchés commis peu de temps avant ce temps de troubles, cette situation du peuple russe a été renversée et il fut conduit à une telle folie que cela a presque provoqué des querelles et une guerre intestine. Dans le même temps, mon souverain suprême et saint, qui a reçu de Dieu le droit sacré de régner en vertu de sa vérité, de son humilité et de  sa justice, par lesquelles il a surpassé tous les rois qui l’ont précédé, dès qu’il apprit l’état des choses, en partie de nous-mêmes et de ceux qui se trouvaient à notre divin et saint concile, et en partie par les lettres du très saint métropolite de Kiev, primat et exarque de toutes les Russie, notre frère aimé dans le Saint Esprit et le serviteur de notre humilité, ainsi que le prince le plus noble de toutes les Russie, et le frère le plus aimable de mon très digne et saint autocrate, le seigneur Syméon et autres princes, dont les lettres nous ont été produites en concile à l’attention de tous, il a trouvé bon d’éditer une bulle d’or, qui se lit ainsi : « saints évêques qui vous trouvez dans le pays de la Petite Russie, appelée Volhynie, soit : la Galicie, le pays de Vladimir, Kholm, Peremychl, Loutsk et Tourov, qui depuis cette même époque, en tant que peuple russe par la bénédiction du Christ, avez reconnu Dieu, vous êtes entrés dans la composition de la métropole de Kiev, que dirige maintenant légitimement le très saint métropolite, primat et exarque de toute la Russie seigneur Théognoste, au même titre que tous les saints évêques de l’évêché de la Grande Russie. Pendant ce temps, juste avant cette période de désordre, non seulement ceux qui gouvernaient les affaires de l’état mais le primat de l’Eglise, en dépit de son devoir, utilisèrent ce moment, ne pensèrent à rien d’autre qu’à la réalisation de leurs désirs, et, introduisant le désordre dans les affaires de la société et de l’Eglise, mirent tout sens dessus dessous, et préparèrent aux âmes chrétiennes toute sortes de maux et de fléaux, et aussi firent cette innovation qu’ils détachèrent de la sainte métropole de Kiev les évêques déjà évoqués de la Petite Russie et les soumirent au pouvoir de l’archevêque de Galicie, l’ayant fait passer du statut d’évêque à celui de métropolite. Cela favorisa la violation d’usages qui avaient pris depuis des temps très anciens force de loi pour toute la Russie, et eut un effet pénible et triste pour tous les chrétiens qui s’y trouvaient et qui ne désiraient pas avoir deux métropolites, mais que restât conservé et intact l’usage qui existe chez eux depuis la nuit des temps, comme on l’a dit, et cherchaient par tous les moyens à éviter cette innovation, comme ce fut le cas quand auparavant on fit de telles tentatives, qui furent anéanties et rejetées aussitôt qu’elles apparurent. Car les chrétiens locaux ne supportèrent pas que leur ancien usage fut supprimé. Cela fut rapporté à mon altesse impériale par le très noble prince de Russie et notre très aimable frère le seigneur Syméon et on exprima le désir avec sa requête et celle des autres princes locaux, que fut confirmé par une bulle d’or de mon altesse la réintégration des evêques sous le pouvoir du très saint métropolite de Kiev, comme c’était le cas auparavant. Reconnaissant cette exigence comme juste et fondée, en vertu de l’usage ecclésial établi depuis longtemps jusqu’à nos jours, et au nom de la vertu et du genre de vie agréable à Dieu du très saint métropolite de Kiev actuel, primat et exarque de toute la Russie, mon altesse a bien voulu, a établi et a décidé d’éditer une véritable bulle d’or, et que soient à nouveau soumis au très saint métropolite de Kiev les saints évêques de Galitch, de Volodimir, de Kholm, Peremychl, Loutsk et Tourov, qui, à l’encontre de la justice, avaient été remis à l’évêque de Galicie, au temps de désordre évoqué, et que le très saint méropolite de Kiev,archevêque primat, fasse dans ces évêchés tout ce qu’il est prescrit aux métropolites de faire par les saints et divins canons dans les évêchés soumis à leur pouvoir, et qu’accomplissent les métropolites qui se trouvaient déjà là auparavant et le très saint métropolite de Kiev lui-même, administrant des chirotonies, y établissant des évêques et les soumettant à des tribunaux et à des enquêtes, et faisant tout ce qui est indiqué par les divins et saints canons. Les évêques très aimables à Dieu qui se trouvent dans ces évêchés doivent avoir pour le très saint métropolite de Kiev, primat et exarque de toute la Russie le seigneur Théognoste, et qui que ce soit qui servira comme archevêque auprès de lui, un respect convenable et l’écouter en tout ce qu’il dira et proposera, en relation avec l’établissement des chrétiens locaux et autres gouvernances et doyennés ecclésiaux et canoniques. De plus, en vertu de la véritable bulle d’or de mon altesse, les très saints évêques sus-mentionnés de Petite Russie devront à l’avenir se soumettre à la très sainte  métropole de Kiev et à l’archevêque qui la gouverne maintenant, le très saint métropolite, primat et exarque de toute la Russie, le seigneur Théognoste, et rendre sa justice selon les règles de l’Eglise, ainsi que remplir tout ce qui est dû et légitime, et après lui se soumettre à ses futurs successeurs, et ce décret doit être observé à jamais, comme il était d’usage depuis la nuit des temps, afin que les très saints évêques dépendent d’un seul  métropolite. C’est en confirmation de cela que prit place la véritable bulle d’or de mon altesse et qu’elle fut destinée à la très sainte métropole de Kiev susmentionnée. Cette indiction[8] est donnée le quinze du mois d’août courant de l’année six mille huit cents cinquante cinq, pendant laquelle commença par la grâce de Dieu notre pieux règne.
En fonction de cela, comme il se doit, notre grandeur, de l’avis général des très saints archevêques d’Héracle, de Thessalonique, de Kizikia, de Philadelphie, de Sébaste, de Pontocrate, de Prusse, de Mytilène, de Ain, de Sougdaï, de Gothie, de Visie, de Callioupolis et de Garellie, a établi que les évêques nommés ici : de Galicie, de Volodimir, de Kholm, de Peremychl, de Loutsk et de Tourov, doivent entrer à nouveau dans la composition de la très sainte métropole de Kiev et lui être soumis, comme auparavant, et pour tout le reste du temps à venir, et tous les évêques aimables à Dieu doivent considérer comme leur métropolite et premier parmi eux celui de Kiev, et doivent lui être soumis, comme c’était au début. La décision synodale prise au cours des récents désordres par l’ancien patriarche au sujet de la Galicie, nous l’annulons, et l’épithémye lancée par lui contre les évêques de Galicie insoumis et autres, nous l’annulons comme illégale d’un commun accord. C’est pourquoi les très saints évêques susnommés doivent à nouveau se soumettre à la très sainte métropole de Kiev, et comme le plus ancien, cet édit est juste et tout à fait fondé, et orienté vers le bien de ce peuple si nombreux, et vraiment indispensable pour la paix et l’unité, sera adopté sans changements par les très saints patriarches qui nous succéderont. Et ce n’est pas seulement l’actuel très saint métropolite de Kiev, primat et exarque de toute la Russie, frère bien aimé dans le Saint-Esprit de notre grandeur et concélébrant, mais après lui les très saints archipasteurs de cette Eglise  obéiront à ce décret dans les évêchés susnommés sans contestation, comme il leur est prescrit par les canons. En ce sens fut accomplie notre décision conciliaire actuelle et transmise à la région susnommée de la très sainte métropole de Kiev pour être conservée éternellement. Mois de septembre, de l'indiction.1[9]»
Le synode envoie aussi au métropolite de Galicie une lettre, dans laquelle on déclare que les évêchés de Petite-Russie (Ukraine) reviennent à la Métropole de Kiev et de toute la Russie, à laquelle ils étaient rattachés auparavant, et qu’en conséquence, sa métropole est liquidée. De même, il l’invite à Constantinople dans le but d’un examen synodal des accusations produites contre lui. Nous présentons un texte laconique :
Invitation du métropolite de Galicie à Constantinople à se présenter devant le patriarche Isidore. 1347.
« Votre très haute éminence de Galicie, honorable frère aimé dans le Seigneur de notre humilité, ipertime et concélébrant. Votre sainteté par la grâce et la paix de Dieu.
De la sainte chrysobulle dûment envoyée que vous avez reçue de notre saint et puissant empereur, et de nos actes synodaux, votre sainteté a dû apprendre tout ce qui s’est passé, et ce qui a été rétabli, et que tout est de nouveau soumis à la très sainte métropole de Kiev, comme autrefois.
En ce qui concerne votre sainteté, vous devez savoir qu’ainsi qu’il est dit plus haut, nous avons reçue de nombreuses plaintes à votre égard qui, naturellement, exigent un examen synodal, nous promettons que, comme vous l’avez compris, ces plaintes seront examinées collégialement à notre synode sacré et divin, après quoi elles devront être satisfaites, reconnues comme justifiées. Venez obligatoirement, sans fautes.
Que la grâce de Dieu demeure avec votre sainteté.
Mois de septembre, le premier de l’indiction[10] »
c) L’empereur Jean VI Cantacuzène soutient l’unité de l’Eglise Russe.
D’autres documents de la période du patriarcat d’Isidore I appartiennent à l’empereur Jean VI Cantacuzène. L’un d’eux est adressé au métropolite de Kiev (1347) qui avait protesté contre la division de sa métropole. Cette innovation s’était produite, selon l’empereur, à la suite des temps troublés, auxquels il y avait beaucoup de causes, mais la principale d’entre elles était la complaisance du patriarche Jean Kalekas : « Parmi cette multitude d’événements indignes et d’innovations pour différentes raisons, dont la principale est la complaisance du patriarche de Constantinople, s’est produite chez vous une telle nouveauté ». Il est incontestable que Cantacuzène met au rang des nombreuses incohérences et innovations les persécutions contre les hésychastes, de la même manière que Bartholomée maintenant, avec ceux qui combattent la pan-hérésie de l’œcuménisme et le pseudo-concile de Crète. L’empereur signale au métropolite que les évêchés confisqués de Petite-Russie retournent à la métropole de Kiev et que le métropolite de Galicie est appelé à Constantinople pour l’examen des accusations portées contre lui[11].
Par une seconde lettre, adressée au grand-prince russe Syméon, l’empereur déclare la restauration de l’unicité de la Métropole de Kiev et de toute la Russie (1347). Il dit à nouveau que parmi la multitude d’absurdités et d’innovations du patriarche Jean Kalekas, figure la création de la métropole de Galicie, car le patriarche ne s’intéressait à rien d’autre qu’à la satisfaction de ses appétits. Maintenant l’ordre est rétabli, le patriarche indigne est renversé de son trône, et à sa place a été choisi un nouveau digne patriarche parmi les membres du synode qui a, de même, pris la décision que tous les évêchés de la Grande et de la Petite Russie fussent soumis à la métropole de Kiev. Nous produirons l’extrait correspondant :
« Dans la mesure où, avec la permission de Dieu, s’est produite auparavant une confusion que vous devez connaître, et que furent introduites de nombreuses autres innovations et, pour différentes raisons, dont la principale était la complaisance du patriarche de Constantinople, qui ne pensait à rien d’autre qu’à la satisfaction de ses appétits personnels, s’est produite alors cette innovation qui vous concerne, et l’introduction d’une métropole galicienne.
Mais cependant, Dieu a fait preuve de sa miséricorde, et en dépit des désordres de ce temps troublé, tout fut rétabli dans son juste état précédent, le patriarche de Constantinople, à cause de ses actions déraisonnables commises contre les saints et divins canons, a été déposé, et je porte maintenant à ta connaissance que fut élu par mon règne, vérifié par le saint et divin synode, et élevé sur le trône (de mon royaume) en tant que patriarche œcuménique dans la ville salutaire et glorifiée par Dieu de Constantinople, reconnu digne et convenable pour ce trône patriarcal, en vue de créer un état pieux et utile à beaucoup d’âmes, et dans la mesure où vous avez demandé la restauration immédiate des saints évêchés de Petite-Russie, ce qui veut dire celles de Galicie et autres, sous la métropole de Kiev, comme c’était autrefois, mon seigneur très saint, le patriarche œcuménique, avec le saint et divin synode, s’est prononcé pour l’intégration de ces saints évêchés dans la métropole de Kiev, pour que leur pasteur devînt le seul métropolite de toute la Russie, la Grande et la Petite, comme d’une façon ou d’une autre tu l’apprendras de notre bulle d’or impériale  et de l’honnête décision synodale et patriarcale »[12].
La troisième lettre de l’empereur était adressée au prince de Vladimir Dmitri Lumbart, dans laquelle il déclarait également la restauration de l’unité de la métropole de Kiev et de toute la Russie (1347). Il lui écrit que, depuis le temps où les Russes ont choisi le christianisme, s’était conservée la soumission de tous les sujets de la Grande comme de la Petite Russie à l’unique métropole russe, il y avait toujours eu un seul métropolite, qui ordonnait les évêques de toutes les régions. Ceux qui essayèrent de profiter de cette situation n’y parvinrent pas. Il est dit plus loin que l’archevêque de Galicie, bien qu’il eût du donner au  métropolite de Kiev les titres de « ipertime et exarque de toute la Russie, le seigneur Théognoste », avait poussé le patriarche Jean Kalekas, qui par complaisance avait commis beaucoup d’autres absurdités contre les divins et saints canons, et les dirigeants politiques de Constantinople, qui ne prenaient pas en compte l’intérêt général, mais se laissaient gouverner par leurs seuls appétits, à le promouvoir métropolite de Galicie. Maintenant donc, après le rétablissement de l’ordre, il demande au prince de revenir, avec la même obéissance et le même respect avec lesquels il avait reçu le métropolite de Galicie, sous la juridiction du métropolite de Kiev et de toutes les Russie. Nous produirons le document entier :
Lettre de l’empereur Jean Cantacuzène au prince de Vladimir Dmitri Lumbart sur la réunification de la métropole de Kiev et de toutes les Russie. 1347.
« Très noble prince de Vladimir, Dmitri Lumbart. Etant donné que depuis le moment où le peuple russe reçut la connaissance de Dieu et fut illuminé par le saint baptême, un seul et même usage et une même tradition régnaient en Grande et Petite Russie, le métropolite de Kiev fut ordonné a été ordonné évêque de tous les saints évêchés et si quelqu’un, un jour, a essayé de changer cette situation, il ne put mener son dessein à bien ». Du moment même où ce changement eut lieu, tout fut aussitôt rétabli dans l’état et l’usage précédents, comme vous le savez. L’archevêque de Galicie, arrivé ici récemment, et contre lequel on avait exprimé des plaintes dont il devait répondre auprès du très saint métropolite de Kiev, l’ipertime et exarque de toute la Russie, le seigneur Théognoste, ayant de son côté subi les événements de ces temps troublés et étant soumis au patriarche de Constantinople qui avait des intérêts dans l’affaire et fut accusé de complaisance et d’avoir commis nombre d’absurdités illégales, qui sortaient du cadre des canons divins et sacrés, et, de surcroît, d’avoir géré des questions de règne et des problèmes généraux d’une façon douteuse, problèmes qui sont devenus les causes de ces troubles, quand on ne respectait pas l’intérêt général mais seulement ses appétits personnels,avait été élevé du rang des évêques à celui de métropolite, s’étant emparé aussi d’autres saints évêchés, situés en Petite Russie.
Du moins, après que Dieu nous ait entendus et ait tout restauré en un état parfait, ce patriarche de Constantinople profiteur a été aussi chassé pour ses excès et pour ce qu’il a fait contre les divins canons sacrés, il arriva que fut choisi par élection synodale un patriarche jugé digne et compétent pour une gestion vertueuse et divine.  Beaucoup de choses furent supprimées parmi celles qui furent créées par ce malheureux patriarche contre les saints et divins canons, sur ordre de mon gouvernement et sur examen du synode il fut établi que la soumission à la très sainte métropole de Kiev  des saintes éparchies, parmi lesquelles la Galicie et autres,  qui se trouvaient là est rétablie, comme c’était auparavant. En outre, il fut décidé d’arrêter ici le métropolite de Galicie et de l’interroger, dans la mesure, évidemment, où cela correspond à notre juridiction et notre logique. Voici pourquoi mon gouvernement te met au courant des questions liées à cela, afin que tu nous accordes ton aide et examines la question de la destitution de cet archevêque de Galicie, pour que nous puissions l’arrêter ici. En outre, il a été décidé que de votre côté vous recevrez le très saint métropolite de Kiev, ipertime et exarque de toute la Russie en qualité de métropolite véritable et légitime qui exercera le gouvernement métropolitain, comme autrefois, dans ces saintes éparchies et sur les évêques aimés de Dieu, autant que cela est possible et raisonnable. Ainsi, ayant le christianisme pour religion officielle et faisant preuve de piété devant Dieu, vous vous trouvez dans son église, dans l’obéissance et la soumission. Pour cette raison, vous avez désiré voir des lettres ecclésiales antérieures qui témoignent de ce que l’évêque de Galicie fut nommé par le métropolite. Et nous voyons maintenant que cette affaire a été à nouveau résolue, comme auparavant, dans la mesure où la sainte Eglise divine elle-même l’a annoncé,  mais aussi selon l’indication de mon gouvernement. Ainsi, adoptez avec reconnaissance l’issue de cette affaire, car c’est ainsi que cela doit être et que c’est utile à vos âmes. Qu’il en soit exactement comme vous le déclare mon pouvoir.
La lettre contient des caractères rouges de la main divine impériale, mois de septembre de la première indiction »
d) Les patriarches Calliste I et Philothée Kokkinos défendent l’unité de l’Eglise russe.
Le patriarche Isidore I fut remplacé sur le trône par le patriarche Calliste I (1350-1353, 1355-1363), qui suivait la même ligne et les mêmes traditions hésychastes. Comme il apparaît dans ces textes, le transfert inévitable de la chaire métropolitaine de Kiev à Vladimir, puis à Moscou suscita des querelles intestines et des plaintes parmi les dirigeants locaux, qui exigeaient de Constantinople de créer d’autres métropoles, pour que les autres Orthodoxes ne fussent pas privés de pasteur. Pour cette raison, le patriarche Calliste fit une réprimande au métropolite de Kiev Théognoste, Grec d’origine, au sujet du fait qu’il avait laissé sans pasteur quelques régions, parmi lesquelles Kiev, bien qu’il eût toute la Russie sous sa juridiction. Il lui écrit que deux dirigeants, le prince de Lituanie et le prince Michel de Tver, se plaignent de lui, il ne témoigne pas, disent-ils, le même amour à tous les dirigeants et ne les traite pas tous de la même manière, mais donne sa préférence à certains. Cependant, il doit savoir qu’il fut ordonné métropolite de Kiev et de toute la Russie, pas d’une seule partie, mais de toute la Russie, et que malgré cela, arrivent des informations comme quoi il ne va ni à Kiev, ni en Lituanie, mais vit en un seul endroit, laissant les autres sans tutelle, sans visites ni conseils paternels et cela est une faute grave et une conduite étrangère aux traditions des saints canons. Il serait juste d’être attentif à toute la Russie et de témoigner son amour pastoral et sa bienveillance à tous les princes. Nous présentons le texte intégral :
« Très saint Métropolite de Kiev et de toute la Russie, ipertime, cher frère de notre humilité et concélébrant dans le Saint Esprit, que descendent sur ta sainteté la grâce et la paix de Dieu. J’ai reçu tes lettres, envoyées avec un homme à toi appelé Avvakoum et[13] conclu de ce que tu écris et rappelles ce que tu désirais me faire savoir. Sache que c’est pour cette raison que j’ai recruté un homme de confiance et l’ai envoyé à ta Sainteté, puisque le grand-prince lituanien m’a envoyé une lettre, dans laquelle il m’a écrit beaucoup de choses. C’est pourquoi j’ai jugé selon la justice et envoyé mon homme, afin qu’il te remette les lettres de notre humilité qui te transmettront ce qu’écrit le grand-prince de Lituanie. Et après que mon homme fut parti, est arrivé de la part du grand prince de Tver un moine qui a transmis sa lettre. Ayant reçu ces envois, j’ai compris de qu’il m’avait écrit, il a écrit aussi beaucoup de choses, et parallèlement à cela, il a aussi demandé ton jugement, que soit organisé un procès, en ta présence au synode, et aussi avec la participation des princes envoyés par lui. Et m’était-il possible de ne pas lui exprimer de même mon jugement ? Ainsi qu’il l’a écrit par l’intermédiaire de l’homme susnommé à ta Sainteté, tu comprendras pourquoi tu dois venir ici, bien sûr, si tu le peux, ou autrement envoyer tes émissaires, de même lui (Michel, note du trad.) enverra ses gens et ainsi sera fait le jugement de l’affaire.  Et maintenant qu’est arrivé ton homme Avvakum, j’ai compris de ta lettre et de ce qu’il m’a dit, tout ce que tu m’as écrit et me demande. Or donc, à l’exemple du Christ pacificateur, je t’écris et te demande de faire en sorte qu’il n’y ait pas de querelle ni de trouble entre toi et le prince Michel de Tver, transmettez l’affaire au tribunal, car la situation ne me paraît pas du tout juste. Cependant traite-le comme un père et un directeur spirituel, pour te réconcilier avec lui, et s’il est coupable de quelque chose devant toi, pardonne-lui comme un père et appelle-le de nouveau ton fils, afin de rester en paix avec lui, comme avec tous les autres princes. Lui,  à son tour, se repentira et te demandera pardon, comme je le lui écris et le conseille. Ce que je vous conseille de faire, je le suppose juste et utile, et pour cela, que ce soit fait sans discussion. Si vous ne l’acceptez pas, vous demanderez une décision du tribunal, ce qui ne m’offense absolument pas, mais veillez à ce que cela ne vous apparaisse pas comme un reproche. Notre humilité, comme je l’ai déjà rappelé, a écrit une lettre au prince de Tver Michel, et l’a envoyée avec ton homme, Avvakoum. Quand cette lettre sera remise entre tes mains, transmets-la à mon homme que je t’ai envoyé, et ensuite, donne-lui un homme de confiance afin qu’il l’accompagne chez le prince, qu’il lui montre ma première lettre et celle-ci, dans laquelle je t’écris qu’il doit être en paix avec toi, et, enfin il lui donnera quelques conseils afin de l’amener au repentir et à la réconciliation avec toi. Je crois qu’ainsi, il n’agira pas autrement que je le lui écris précisément. Toi, de ton côté, tu sais très bien que lorsque nous t’avons ordonné au rang que tu occupes, nous avons ordonné un métropolite de toute la Russie, non de l’une de ses parties, mais de toute la Russie. Maintenant j’entends dire que tu n’es ni à Kiev, ni en Lituanie, mais seulement dans une partie, et tu laisses l’autre partie sans pasteur, sans surveillance paternelle et sans direction spirituelle, ce qui est un grave péché, et une conduite étrangère aux traditions des saints canons. Sera-il juste, si tu as toute la Russie en garde, et que tous les princes t’aiment et se conduisent avec toi comme avec un père, que tu les aimes tous d’une façon inégale et leur témoignes à tous divers degrés de sentiments, de bienveillance amicale et d’amour ? Bien sûr, c’est raisonnable, si tu aimes et considères les uns comme tes fils, alors que tu n’aimes pas du tout les autres. Cependant, tu dois aussi les aimer et les tenir pour tes fils de façon équitable, de même qu’eux, à leur tour, seront bien disposés envers toi, ils t’aimeront, ils te seront dévoués, et en même temps, tu auras l’aide de Dieu. Sache que j’ai écrit au grand prince de Lituanie, et aux autres princes, afin qu’ils t’aiment et te respectent selon l’ancienne tradition. En outre, je lui ai aussi écrit que sa région se trouve sous ta responsabilité, cependant toi, de ton côté, tu dois autant que possible visiter sa province avec des dispositions amicales et te réjouir de l’accomplissement fervent de ton devoir, afin qu’il t’aime et te considère avec amitié. Enfin, tu dois le considérer comme un ami au même titre que les autres princes, car le peuple orthodoxe qui vit dans sa région, a besoin de ta vigilance et de ta direction spirituelle. Donner une direction spirituelle au peuple de Dieu est la condition indispensable pour gagner son amour et tu savoir discerner Dieu lui-même. Fais comme je te le dis, en toute joie et sans aucune protestation. Pour le reste, ma sérénité t’a écrit en détail à travers mon homme Ioann, et cela est précisément ce que tu devais savoir »[14].
Un peu plus tard (1354) fut confirmé officiellement, par une lettre synodale, le transfert de chaire métropolitaine à Vladimir. Il est fondé comme se produisant « dans des temps troublés et alarmants », ce qui, cependant, ne signifiait pas la division de l’unique métropole ; Kiev reste historiquement et pour toujours le premier trône de l’Eglise Russe, et exprime le désir du retour à « l’ancienne situation prospère ». On y loue le successeur de Théognoste, le métropolite Alexis, et on critique un certain Théodorite, qui n’avait pas réussi à se faire ordonner métropolite de Kiev à Constantinople, qui avait été à Tyrnovo, en Bulgarie, et avait été ordonné patriarche de Tyrnovo et métropolite de Kiev. Cette action est classée comme « prédatrice et tyrannique », ce qu’on pourrait exactement appliquer à l’ingérence actuelle du patriarche Bartholomée dans une juridiction étrangère, quand il fournit l’autocéphalie à l’Ukraine, en utilisant et en honorant des archevêques hérétiques. On dit dans le texte :
« La très sainte métropole Russe, au nombre des diverses villes et régions qui appartenaient à son domaine, avait aussi la ville de Kiev, située en Petite Russie, qui était depuis très longtemps le siège de la métropole. Il est bien connu que les archevêques russes y avaient aussi leur lieu de résidence. Mais, de par les troubles et les angoisses du temps présent et les terribles attaques des alamans voisins, elle a été dévastée et se retrouve dans une situation misérable. C’est pourquoi les primats de Russie à la tête du clergé, ne trouvant plus sur place d’entretien digne et convenable, en comparaison du précédent, comme ils ne purent bientôt recevoir les revenus indispensables, déménagèrent dans le très saint évêché de Vladimir qui a la capacité de leur fournir un lieu de résidence et la satisfaction de tous leurs besoins. De la sorte, y déménagea sa sainteté le métropolite russe, le seigneur Théognoste et avant lui encore deux, qui se considéraient comme évêques, comme il était convenu, de Kiev, et en cela ils marquaient à Kiev leur préférence, car là bas, comme il est dit plus haut, avait toujours été le siège de la métropole, tout en ayant leur  lieu de résidence à Vladimir, de même qu’en y   dirigeant toutes les affaires et y en recevant de quoi vivre. Ici, pendant de nombreuses années il n’y eut pas d’évêque, mais le métropolite considérait cette ville comme sienne et la dirigeait.  Quand donc le très saint métropolite de toute la Russie, promu actuellement par le jugement et l’élection de notre humilité et du saint Concile Divin qui se trouve auprès d’elle,  frère aimé en le Seigneur de notre grandeur et notre concélébrant, homme bon et connaissant les lois de l’obéissance, alors qu’il vivait avec l’archevêque défunt Théognoste, l’aida à dans l’administration et le soutint dans sa vieillesse, malade et soumis à une grande faiblesse, et fit bon usage des canons de l’Eglise sur l’ordre et la volonté de celui-ci, alors le défunt métropolite, reconnaissant ses capacités à recevoir la direction des âmes, l’ordonna à la fin de sa vie evêque de Vladimir et dans une charte adressée à notre humilité et au saint Concile témoigna de sa dignité à être élevé sur le trône de Kiev et de toute la Russie. Celui-ci, après sa mort, en tant que prédestiné par lui, de même que par le très noble grand prince, fils bien aimé de notre humilité dans le Saint-Esprit, le seigneur Jean, et autres princes, clercs, et tout le peuple chrétien local, à la primauté du saint pouvoir sur eux, et il vint à notre humilité et au saint Concile, et fut reconnu digne et élu et présenté comme métropolite de Kiev et de toute la Russie avec le consentement de mon saint autocrate très puissant, il a pris la parole à ce sujet en concile devant notre grandeur, disant précisément que Kiev était ravagé et tombé dans un état misérable et ne pouvait déjà plus servir de résidence convenable pour l’archevêque et que Théodorite, qui était entré illégalement à Tornov, et en dépit des saints canons, avait reçu là-bas une ordination illégale, bien qu’il fut déposé et exclus de la sainte Eglise catholique et apostolique, s’approprie Kiev, à la façon d’un brigand et aussi d’un tyran, et s’y trouve à présent. Notre humilitté, discutant avec les saints archevêques qui sont auprès d’elle, frères bien-aimés de notre humilité et concélébrants dans le Seigneur, s’est absolument convaincue qu’il n’y avait pas d’autre lieu (à part Vladimir) de résidence et d’apaisement, et de havre de paix pour la très sainte métropole Russe et que l’archevêque n’avait absolument pas là-bas (à Kiev) de moyens de satisfaire ses plus élémentaires besoins ni pour l’accomplissement fidèle de ses obligations, alors qu’ici (à Vladimir) il pouvait trouver un approvisionnement suffisant et la liberté de gouverner. C’est pourquoi nous enjoignons par un acte conciliaire véritable dans le Saint- Esprit, par le biais de notre charte conciliaire, à ce saint métropolite de Russie aussi bien qu’à tous ses successeurs, de résider à Vladimir et d’avoir leur chaire à Vladimir, de façon incontestable et inchangée pour toujours. Mais que Kiev soit aussi considérée comme leur trône personnel et la première chaire de l’archevêque, si elle reste entière. Et après Kiev  que le saint évêché de Vladimir soit une seconde chaire et un lieu de résidence de repos pour le métropolite Russe, dans lequel il devra sans obtsacles, tant qu’il en sera besoin, établir des lecteurs et des hypodiacres, des prêtres et ainsi de suite, ce qui convient selon les canons de l’Eglise à un archevêque local. Si donc avec l’aide de Dieu, Kiev revient dans son ancienne situation prospère et qu’en soit chassé Théodorite le déposé, de sorte qu’apparaisse la possibilité d’avoir à Kiev quelque refuge pour l’archevêque, alors que Vladimir demeure pour les métropolites russes leur chaire personnelle, et que Kiev soit seulement, comme on l’a dit plus haut, leur premier trône et leur première chaire… »[15] [16] [17]
En ce qui concerne Théodorite, qui de façon prédatrice et tyrannique s’était introduit dans une autre juridiction, après avoir été ordonné dans la bulgare Tyrnovo, on a une lettre du patriarche Philothée Kokkinos, écrite pendant sa première patriarchie (1353-1354) et adressée à l’évêque de Novgorod, dans laquelle il recommande de ne pas avoir de relations avec Théodorite, déposé par le saint synode en concordance avec les saints canons. Celui qui en aura sera soumis au même châtiment, car le canon déclare que celui qui a des relations avec celui qui est privé de communion, sera privé lui-même de communion.  Malheureusement, ce canon existe aussi pour les archevêques de Constantinople qui se mettent en communion avec les schismatiques défroqués d’Ukraine, Philarète et Macaire. Dans le document du patriarche Philothée Kokkinos, il est dit : « sois prudent et ne défend ce Théodorite en aucune façon afin que tu ne sois pas condamné, toi aussi, comme on a condamné Théodorite ; il est dit dans le canon que celui qui as des relations avec celui qui en a été exclus se retrouve lui aussi exclus ».
Il y a encore une série de documents dans la multitude des synodaux et des patriarcaux, datés de la fin du XIV°s., par lesquels Constantinople définissait le contraire de ce qu’elle fait aujourd’hui, en essayant de diviser l’Eglise Russe.  Presque tous ces documents nous les avons publiés en 1989 dans notre livre « Constantinople et Moscou ». Comme aujourd’hui, se mêlaient alors des affaires de l’Eglise des dirigeants politiques, motivés par des métropolites anticanoniques et provoquaient des guerres civiles et des effusions de sang. Sur un document synodal de la seconde période du ministère de Calliste I de 1361, il est visible que par indulgence et économie, Romain, ordonné métropolite de Lituanie, s’était mêlé, avec au moins deux évêques, par des actions anticanoniques, des affaires de la métropole de Kiev et de toutes les Russie et avait provoqué la discorde. Parallèlement à cela, il avait aussi poussé le prince lituanien à s’opposer aux chrétiens, provoquant des meurtres et des effusions de sang, quelque chose de comparable à ce qu’on prédit aujourd’hui et qui peut, d’après ce que nous redoutons, se produire en Ukraine, si l’on tient compte de l’audace et de l’agressivité des politiques qui soutiennent les schismatiques. Romain, qui soutenait le prince de Lituanie, prétendait aussi s’approprier le trône de Kiev et de toutes les Russie. Il est dit dans le document : « Et se trouvant là-bas, il nous reçut, humbles personnes, et s’attela à beaucoup de questions non résolues. Et, séjournant à Kiev (il disait l’office, sans participer à cela ??? ιερούρσε αμέτοχως σε αυτό) et il s’ordonna lui-même et eut l’audace de s’appeler sans vergogne métropolite conciliaire de Kiev et de toute la Russie, ce qui, bien sûr, provoqua stupéfaction et trouble dans l’éparchie du très saint métropolite de Kiev et de toute la Russie, et devint aussi la raison pour laquelle le prince de Lituanie s’éleva contre les chrétiens, les soumis à de terribles fléaux et fit couler le sang. Ces événements furent plus précisément découverts par les envoyés du saint métropolite de Kiev et de toute la Russie le seigneur Alexis, qui recueillirent des informations auprès de beaucoup de gens et, en particulier, auprès de ceux à qui ils avaient remis les lettres du très saint métropolite le seigneur Romain, et aussi en témoignèrent les gens du très saint métropolite de Lituanie.
D’abord, ils recueillirent des informations ici, et on leur dit que le métropolite, le seigneur Romain, était si puissant qu’il pouvait avoir toutes les éparchies de la métropole en son pouvoir et qu’il avait soulevé le chef de la Lituanie contre le seigneur Alexis, et qu’il pouvait commettre beaucoup de choses sans honte, car sa force est grande, elle a en effet inspiré le prince de Lituanie. A cause d’une telle situation, partout vulnérable et de tous les côtés et débordant les limites des saints et divins canons, et parce qu’elle apporte au peuple chrétien de la Russie les meurtres et les remous, la discorde et les émeutes, comme on dit, des événements qui arrivent avec des infidèles et ceux qui n’ont pas en eux de crainte de Dieu et des hiérarques »[18].
4. La division de l’unique Métropole de Kiev et de toute la Russie est l’œuvre des uniates et des catholiques.
Ainsi, pendant cinq siècles, depuis la christianisation des Russes (988) jusqu’au XV° siècle, le peuple russe en son entier, comprenant l’actuelle Ukraine, avait une seule origine ecclésiale, la métropole de Kiev et de toute la Russie. En dépit du transfert de la capitale de Kiev à Vladimir, et ensuite à Moscou, à cause de l’invasion tataro-mongole, cette unité se conserva. Les tentatives pour créer une deuxième et une troisième métropole dans le but de recevoir l’indépendance des régions du sud-ouest et de les intégrer aux catholiques au moyen, essentiellement, de la Pologne qui s’était emparée de quelques régions et s’empressait de les catholiciser, échouèrent, en fin de compte, après un succès de courte durée, grâce à l’intervention de Constantinople, qui était fermement acquise au principe séculaire de l’existence d’une seule métropole pour le nombreux peuple russe.
Comme il ressort des documents, Constantinople comprenait bien le danger de la catholicisation, c’est-à-dire de la soumission complète des orthodoxes à des évêques catholiques, c’est pourquoi parfois, pour éviter ce danger, elle ordonna un second métropolite dans les régions qui se trouvaient au pouvoir des catholiques. Dans son pittacion au patriarche œcuménique Philothée Kokkinos (1370), le roi de Pologne Casimir fait la requête d’ordonner métropolite Antoine de Galicie, pour que l’ordre et la loi règnent parmi les Russes, dont de nombreuses régions d’habitations avaient été conquises par Casimir, et comme il le reconnaît lui-même : « Et la terre est devenue orpheline. Et après cela, moi, Roi de Liakhie (Pologne) j’ai conquis la terre de Russie ». A la fin il exprime la menace que si on n’ordonne pas de second métropolite, tous les Russes seront convertis à la foi catholique : « Et si cet homme n’a ni la grâce de Dieu ni votre bénédiction, ne vous plaignez pas si ensuite nous serons dans la nécessité regrettable de baptiser les Russes dans la foi des latins, puisque il  n’y aura pas de métropolite en (Petite) Russie, et la terre ne peut rester sans loi »[19].
Le patriarche Philothée transmit cette menace au métropolite de Kiev et de toute la Russie Alexis en guise d’excuse pour avoir été obligé d’ordonner Antoine métropolite de Galicie ; cependant, en même temps, il lui reproche d’avoir laissé sans pasteur, à la merci des conquérants polonais, les régions de la Petite-Russie, occupées par les Polonais. « J’ai entendu dire que tu avais laissé partout les chrétiens qui se trouvent là bas, dans chaque région de la Russie, tu restes en un seul endroit, les laissant sans pasteur et sans direction ni visites spirituelles… Et il avait l’intention de créer sans délai une métropole catholique, et il a dit également qu’il convertirait les Russes à la foi des latins, et alors, ce serait bien, d’après toi, si cela se faisait ? Je suis très reconnaissant à Dieu qu’il n’ait pas fait cela, mais ait écrit et exigé de moi une métropole ; m’obligeant par là à l’ordonner, je l’ai envoyé là bas, parce que je ne pouvais pas faire autrement »[20].
Néanmoins, la séparation de Kiev et de l’Eglise Russe fut tout aussi éphémère et provisoire. La situation changea quelque part au milieu du XV°siècle dans le contexte historique du pseudo-concile uniate de Ferrare-Florence (1438-1439) qui fuit suivi, selon la Providence Divine, par la prise de Constantinople par les Turcs. Pour éviter l’islamisation, ils acceptèrent la catholicisation, signant l’union du pseudo-concile. Au niveau du gouvernement et de la reconnaissance officielle, nous devînmes des uniates, mais saint Marc d’Ephèse Eugénikos et son successeur dans la résistance orthodoxe, plus tard patriarche, saint Gennade Scholarios sauvèrent la conscience de soi orthodoxe. 14 ans après le pseudo-concile (1439-1453), alors que, selon la dispensation divine, Gennade Scholarios recevait le patriarcat, Constantinople fut soumise aux latins. Le métropolite grec de la Russie Isidore s’avéra le héros principal de la pseudo union, qu’il essaya sans succès, dès qu’il revint, d’imposer à la Russie. Suivons le déroulement des événements, comme le décrit le professeur V. Phidas :
« La participation d’Isidore aux débats ne fut pas grande, bien que son rôle dans cette affaire fut important. En gros, il suivait les avis de Bessarion de Nicée. Selon les paroles de l’évêque de Méphon Joseph, Isidore était le premier de ceux qui démontraient la nécessité d’accepter les conditions proposées par le pape pour une union réussie et agit à cet égard avec décision, appuyé par l’empereur jusqu’à ce moment. Le pape, dans sa lettre au métropolite Isidore, écrit avec beaucoup de chaleur, tandis qu’au même moment le hiéromoine de Souzdal Syméon, qui accompagnait Isidore, dit que « le pape n’aimait personne, parmi les métropolites, comme Isidore ».
Après de longs débats, et sous la menace du danger turc, l’oros de l’union fut accepté le 5 juin 1439, or Isidore fut l’un des premiers qui entra dans l’union. Dans l’acte synodal, tous suivaient la formule : « A signé l’Oros ou « a signé l’Oros à son tour », alors qu’Isidore de Russie a apposé sa signature sous la phrase : « Je suis d’accord et ne fais pas d’objection ». Après l’adoption de l’union, Isidore reçut du pape le titre de cardinal et fut nommé légat de latere pour les provinces de Lituanie, Livonie, toute la Russie et la Pologne (la Galicie), c’est-à-dire administrateur apostolique de l’église du Nord grâce à son action en faveur de l’union…
Après la confirmation de l’union, Isidore, vers la fin de 1439, quitta Venise et voyagea par la Croatie, Zagreb, Budapest, Cracovie, Peremyshl, Lvov, Galitch, Kholm, Vilna et Kiev, prêchant l’union par la parole et les actes. Il arriva à Moscou le 19 mars 1441, mais vit que la situation avait changée. Bien avant lui étaient arrivés les boyards Foma, Syméon et Avraam de Souzdal, avec le reste de la suite d’Isisore, et ils avaient fait leur rapport au prince Vassili et au peuple au sujet de l’union.
Dès qu’Isidore parvint à Moscou, il entra selon l’usage des représentants du pape, derrière une croix latine. A l’office divin suivant, il rappela en premier le nom du pape Eugène IV, après quoi le diacre lut l’acte d’union du 5 juillet 1439. Après cela, le métropolite de Russie transmit au prince Vassili le message du pape, qui contenait la requête d’aider le métropolite à réaliserl’union des Eglises.
Le prince, en fureur, convoqua un synode épiscopal qui condamna le métropolite Isidore et l’enferma au monastère des Miracles. Le 15 septembre, Isidore s’enfuit et, par la route de Tver, parvint à Novgorod. De là, il se rendit chez le dirigeant de la Lituanie Casimir, et ensuite, bientôt, à Rome.
Pendant le siège de Constantinople, il fut envoyé par le pape Grégoire V, principalement pour réaliser la réunification avec succès. Parvenu à Constantinople à la tête d’un détachement de 200 soldats, après des pourparlers avec l’empereur, il obtint la tenue le 12 décembre, à la cathédrale sainte Sophie, d’un office avec des prêtres de l’Eglise catholique romaine et de l’Eglise orthodoxe, où furent rappelés les noms du pape Nicolas et de l’ancien patriarche Grégoire. Pendant le siège de la ville, on lui confia le quartier des Blachernes, après la prise de la ville par les Turcs, il fut fait prisonnier et vendu comme esclave à Galate. Il réussit à s’enfuir et à travers l’Asie Mineure, Chios, le Péloponnèse et la Crète, il parvint à Rome, où il reçut du pape le titre de patriarche de Constantinople.
De Rome, il envoya une lettre avec un ardent appel à tous les dirigeants pour qu’ils participent à une croisade contre « le prêcheur de l’Antéchrist et le fils de Satan » Mehmet II le Conquérant… Dès lors, l’accès à la métropole Russe fut fermé aux hiérarques grecs, et l’Eglise Russe poursuivit l’acquisition d’une autonomie complète. En peu de mots, les actions d’Isidore de Russie ont dans l’ensemble compliqué les relations de l’église Russe non seulement avec Rome, mais avec le patriarcat de Constantinople.
Jonas fut envoyé à Constantinople, mais après que le prince eut appris que le patriarche de Constantinople avait adopté l’union, il ordonna à la délégation de revenir. En Russie, cependant, se déroulait une lutte intestine, au cours de laquelle le grand prince Vassili fut aveuglé par Dimitri Chemiaka, et les princes Chemiaka eux-mêmes furent tués. Jonas fut élu métropolite en 1448 en Concile, et une lettre fut envoyée au patriarche pour recevoir sa bénédiction. Néanmoins, les querelles intestines retentirent sur la métropole russe et en 1458, le patriarche Grégoire, monté sur le trône de Constantinople, ordonna métropolite de Lituanie un élève d’Isidore, Grégoire. Mais Moscou refusa cette ordination. Le prince et le métropolite écrivirent une lettre au prince de Lituanie et au peuple, afin qu’ils ne menassent pas d’actions visant à diviser la métropole russe.
En 1459, fut convoqué à Moscou un concile dans le but de prévenir la division de la métropole russe, au cours duquel fut renforcée par une décision l’ordre de l’élection des métropolites par les évêques moscovites, indépendamment du patriarche de Constantinople. A ce concile fut adopté pour la première fois le titre de Métropolite de Moscou au lieu du titre établi de Métropolite de Kiev. En 1461, le métropolite Jonas décéda et en 1462, le grand prince. A cette époque, la Russie s’était presque complètement libérée du joug tatar »[21].
L’élection et l’ordination de Jonas par les évêques russes, en 1448, sans aucune participation de Constantinople signifiaient la libération et l’indépendance de l'Eglise Russe qui, en guise de fondement théologique et canonique, produisit le fait qu’à Constantinople ne siégeait pas un patriarche orthodoxe mais un uniate. Il est vrai qu’elle n’avait pu éviter la division de l’unique métropole, en dépit du fait que le concile épiscopal de 1459 s’était élevé contre la division. Une année plus tôt, en 1448, le patriarche de Constantinople Grégoire Mamas, tristement connu pour ses convictions uniates et son attachement aux dispositions de Ferrare-Florence, ordonna métropolite de Kiev l’élève d’Isidore Grégoire, originaire de Bulgarie. Et à nouveau la complaisance d’un patriarche uniate attiré par le catholicisme, comme avec Jean Kalekas, eut de fâcheuses conséquences. Et en dépit du fait que l’orthodoxie eut été restaurée à Constantinople après l’ascension sur le trône patriarcal d’une grande figure comme Gennade Scholarios, tout de suite après la chute de l’empire byzantin, la division en deux métropoles, de Moscou et de Kiev, se conserva plus de deux siècles (1458-1686).
La métropole de Kiev, qui avait la juridiction sur les régions conquises par les Polonais et placées sous leur influence, fut soumise à une forte pression dans le but de la détacher définitivement de l’Eglise Russe. Kiev devint le centre d’activité des jésuites et des uniates, où parallèlement à la catholicisation des orthodoxes et à la séparation de la Russie, on menait un travail systématique sur leur division nationale en cultivant la conscience de soi ukrainienne, l’ukrainisme et le développement systématique de la russophobie. On ne rencontre nulle part, dans les sources grecques historiques, le mot « Ukraine », et le peuple russe s’y présente unique, dans les classifications géographique et démographique, comme la Grande Russie, la Petite Russie, et la Russie Blanche. L’Ukrainien d’aujourd’hui, c’est un petit-russien, le moscovite, un grand-russien, et le biélorusse, un blanc-russien. Tout ce qui se passe aujourdhui en Ukraine avec la russophobie cultivée et la tendance à l’occidentalisation prend racines loin dans l’histoire, dans les tentatives de polonisation et de catholicisation des habitants.
Ce sont de sombres pages de l’histoire, qui correspondent à des années d’oppression et de persécutions, particulièrement après la division de l’Eglise Russe unique en deux métropoles : celle de Moscou et celle de Kiev en 1458. [22]
5. La réunification de Kiev et Moscou en 1686 et la fausse interprétation des documents correspondants.
Les chauvins ukrainiens et leurs amis, polonais et uniates, représentent la restauration des métropoles de Moscou et de Kiev comme le résultat d’une violence exercée par les Russes et l’asservissement des Ukrainiens en Russie, pour justifier les tendances politiques et religieuses actuelles de Kiev à la séparation d’avec Moscou. C’est comme de parler de l’asservissement de la Crète ou de la Macédoine à la Grèce, au lieu de leur union avec la Grèce en un seul bloc national. L’asservissement avait eu lieu auparavant, du côté de la Pologne et de la Lituanie, et s’était produit par le biais de la catholicisation et de la polonisation et de la conversion à l’uniatisme, comme l’asservissement à l’Occident, au Vatican, à l’Amérique, à l’Europe et à l’OTAN, et aujourd’hui, comme autrefois, on recourt à des tentatives pour éloigner et arracher de la Russie l’Ukraine, après la proclamation de son indépendance, consécutive à l’effondrement de l’Union Soviétique en 1990.
Le patriarche œcuménique reçoit déjà, depuis trois décennies, des requêtes d’intervention dans la question de l’attribution de l’autocéphalie à l’Ukraine, parce que Moscou, qui en a le droit, n’est pas disposée à le faire, ayant de ce coté les conclusions des réunions inter orthodoxes sur le thème de l’autocéphalie, préparées au cours des commissions préconciliaires et des conférences du « Saint et Grand Concile » qui a eu lieu en Crète en 2016. La question de l’autocéphalie a été effacée de la liste et ne fut pas débattue, bien que fut atteint un accord sur l’essentiel et fussent restés en suspens des détails insignifiants. Sur la façon dont on a discuté l’autocéphalie aux manifestations préconciliaires et comment cette question fut exclue de la liste de celles qui concernaient l’autocéphalie en Ukraine, nous écrirons bientôt un autre article. On aurait pu éviter tout le remue-ménage et les querelles suscités aujourd’hui par l’autocéphalie ukrainienne, si le concile avait eu l’audace de s’occuper des questions brûlantes et urgentes, au lieu de simplement affirmer son importance primordiale et son rôle coordinateur. L’objectif du renforcement de l’unité a subi un échec total, dans la mesure où, en plus de l’absence de quatre églises autocéphales (Antioche, Russie, Bulgarie et Géorgie), qui représentent plus de la moitié des orthodoxes, on n’a résolu aucune des questions qui pouvaient provoquer des divisions et des schismes, comme celles de l’autocéphalie, de la diaspora, du calendrier, de la pan-hérésie de œcuménisme etc. Et il est particulièrement remarquable que le patriarche Bartholomée, en soutenant le rôle coordinateur du Trône Œcuménique dans l’affaire de la consolidation de l’unité des orthodoxes, a mis ce rôle en doute, en détruisant personnellement cette unité par son ingérence schismatique dans une autre juridiction, à l’intérieur des limites canoniques de l’Eglise Russe. Je sais que le Phanar fut particulièrement prudent et délicat sur le sujet de l’ingérence dans la question croissante de l’attribution de l’autocéphalie à l’Ukraine sans l’accord de l’Eglise Russe, parce que même si les commissions synodales spéciales du Patriarcat, aussi bien que les spécialistes savants, dont l’avis avait été sollicité, étaient arrivés à la conclusion de la nécessité de l’attribution de autocéphalie à l’Ukraine, ce qui serait justifié pour un état indépendant, cela aurait dû se produire d’une façon convenable, qui fut déterminée par des accords pré conciliaires, c’est-à-dire, sur la demande de la communauté ecclésiale concernée auprès de l’Eglise-Mère dont elle se séparait, avec l’admission de cette requête par l’Eglise-Mère, et sa transmission par ses soins au Patriarche Œcuménique dans le but de favoriser un accord panorthodoxe. Et c’est seulement après l’accomplissement de tous ces pas qu’on édite un tomos d’autocéphalie.
Ainsi, en 1686, s’est produite la réunion de Kiev et de Moscou et fut rétablie l’unité des premiers cinq siècles ; en substance, la question de l’occupation polonaise de ces régions fut réglée après la victoire de la Russie sur la Pologne en 1654 et la libération de ce territoire. Après la libération de Kiev, il était logique et prévisible que ces régions seraient intégrées dans l’Eglise Russe, ce qui se produisit. Ils sont historiquement injustes ceux qui affirment que la Russie a conquis ces territoires et entraînée de force l’Ukraine sous la juridiction de l’Eglise Russe et que c’est pour cela qu’elle est soi-disant fondée aujourd’hui à exiger l’indépendance et l’attribution de l’autocéphalie. Peut-être que la Grèce aussi a réuni de force l’Eptanis (les îles Ioniennes) en 1864 à l’église de l’Hellade, après leur libération ? Ou peut-être qu’ont été également prises de forces par l’église Hellène les dénommées « Nouvelles Terres », après leur libération pendant la guerre des Balkans de 1912 ? Peut-être qu’envers ces « Nouvelles Terres » se trame aussi quelque libération et séparation de l’Eglise d’Hellade ?
Sans conteste, après deux siècles de soumission de l’Ukraine aux Polonais, sous l’influence catholique et uniate, sont apparus, au sein des orthodoxes ukrainiens, des sentiments russophobes, des forces papistes et pro occidentales qui désiraient leur indépendance de l’Eglise Russe. Cependant, cela ne veut pas dire que nous allons changer l’histoire, en faisant fi des sources historiques, ou en déformant certains textes historiques, ce que malheureusement Constantinople fait aujourd’hui, se contredisant elle-même, en même temps que la vérité historique. Ainsi, dans notre court article précédent, nous présentions comme exemple les opinions des historiens sur la réintégration de l’Ukraine dans la juridiction russe, selon la décision de Constantinople,  en 1686, et sur le fait que depuis déjà trois cents ans, toutes les églises locales et le Patriarcat Œcuménique lui-même  considèrent l’Ukraine comme le territoire canonique de l’Eglise Russe. Il vient, en outre, d’être publiée, vraisemblablement par l’Eglise Russe, une lettre du patriarche Bartholomée, adressée au patriarche de Moscou Alexis, datée d’août 1992, dans laquelle on parle de la déposition de l’ex métropolite de Kiev d’alors, Philarète par le Saint Synode de l’Eglise Russe, qui reconnaît pleinement la compétence de celle-ci et, de surcroît, fait la promesse que Constantinople ne compromettra en aucune façon ses relations avec Moscou, promesse qu’il viole maintenant (Le Patriarche Œcuménique, note du trad.), en accomplissant cette subversion des canons, car non seulement il restaure la prêtrise d’un hiérarque schismatique déposé par Moscou, que l’Eglise Russe continue à considérer comme tel, schismatique, déchu et anathème, mais encore pire, il réfute dans son ensemble la juridiction de l’Eglise Russe sur l’Ukraine, qu’il s’attribue. En 1992, le patriarche Bartholomée écrit au patriarche Alexis de Moscou :
« En réponse au télégramme correspondant et à votre lettre très chère et bénie sur le problème suscité dans votre Très sainte Eglise sœur de Russie, qui a obligé le Saint Concile des Hiérarques à déposer, pour des raisons qui lui sont connues, le Métropolite de Kiev Philarète qui, jusque là, en faisait partie. Notre sainte et grande Eglise du Christ, reconnaissant la plénitude de la compétence exclusive, sur cette question, de votre très sainte Eglise Russe, entérine la décision synodale sur le susdit, ne désirant causer aucune gêne que ce soit dans votre Eglise sœur ».
Ainsi, en dépit de la reconnaissance scientifique générale que l’Ukraine, pendant les cinq siècles qui ont suivi la conversion des Russes au christianisme, formait un ensemble unique avec les autres Russes dans la métropole commune de Kiev et de toutes les Russie, fut divisée et devint une métropole séparée en résultat de conquêtes étrangères et de l’influence catholique et uniate du milieu du XV° siècle, mais fut réunie en 1686 avec l’Eglise Russe, au moment présent, Constantinople, soutenant des forces schismatiques pro occidentales, en dépit de ce qu’elle fit dans le passé, affirme que la juridiction sur l’Ukraine ne fut jamais donnée à l’Eglise Russe et que les documents existants montrent que ce transfert n’était pas définitif, mais seulement temporaire, et voilà pourquoi elle le supprime et met l’Ukraine sous sa juridiction. L’affirmation du caractère temporaire est bien sûr automatiquement contredite par la réalité, car pendant tout le temps écoulé depuis 1686, c’est-à-dire 332 ans, trois siècles et demi, il ne fut jamais question d’une juridiction temporaire, car on n’en parle pas dans les documents.
a) Les deux documents auxquels se réfère Constantinople, sont faussement interprétés par ses chercheurs.
Regardons cependant les documents eux-mêmes. Il s’agit de deux documents, inclus dans le codex manuscrit N° 22, possédé, entre autres manuscrits, par les archives historiques et paléographiques (IPA) du Fonds culturel de la Banque Nationale de Grèce (MIET). Ce codex authentique et fiable, daté par les spécialistes de la moitié du XVIII° siècle, fut probablement écrit en 1750, comme on le voit d’après le signe du verseau sur le papier. Le codex fut décrit paléographiquement, son contenu réécrit par les collaborateurs du IPA/MIET, l’introduction correspondante de la description signée pat Agamemnon Tselikas, directeur de l’archive Historique et Paléographique de la Fondation Nationale de la banque de Grèce.  C’est en cela que consiste et c’est à cela que se limite la contribution scientifique des spécialistes chercheurs. Dans la brochure correspondante, publiée par le Patriarcat Œcuménique, qui fut lancée sur la toile sous le nom de « le Trône Œcuménique et l’Eglise Ukrainienne : les textes parlent » (The Ecumenical Throne and the Church of Ukraine. The Dokuments speak), on exprime sa reconnaissance aux chercheurs grecs et russes « qui, grâce à leur contribution scientifique honnête, ont permis la restauration de la vérité historique sur les relations entre l’Eglise Russe et l’Eglise-Mère ». Plus loin se déroule le commentaire du contenu de ces deux documents, assez développé, qui visiblement fut composé par les collaborateurs du Patriarcat Œcuménique, afin de justifier la ligne de l’église de Constantinople, et pour cette raison, il n’est pas objectif. Certains passages sont interprétés de travers et d’autres omis. Les commentaires sont anonymes, nous ne savons pas les noms de leurs auteurs, et dans tous les cas, comme on nous permet de le deviner vaguement, ce ne sont pas des chercheurs ni des savants dans le domaine de la paléographie de la Fondation culturelle de la banque Nationale de Grèce, dont la contribution consiste seulement en cela qu’ils ont indiqué deux documents et envoyé des copies au patriarcat Œcuménique.
b) Le premier document et son interprétation correcte.
 Le premier document comprend en soi l’acte patriarcal et synodal de 1686, qui fut publié sous le patriarche Dionysos IV, en conformité avec lequel (acte) la métropole de Kiev est transférée à l’Eglise Russe. Kiev, comme on l’a déjà dit plus tôt, sous la pression de circonstances historiques néfastes, fut arrachée à l’Eglise Russe et fut temporairement soumise à la juridiction de Constantinople. Quand ces circonstances néfastes, plus précisément, la soumission à la Pologne, disparurent, elle passa de nouveau à l’Eglise Russe. On en parle dès le début, dans l’épigraphe du document, qui est une énumération du contenu qui (l’énumération) est en soi suffisante pour la compréhension de tout le contenu du document. Ainsi, dans l’épigraphe, il est dit qu’a été envoyé une épître patriarcale et synodale au patriarche de Moscou, déterminant la subordination de la métropole de Kiev à son trône patriarcal et le règlement de l’ordination par lui des métropolites de Kiev, ainsi que son élection par les évêques locaux : « Un message patriarcal et synodal identique a été donné à sa béatitude le patriarche de Moscou, έκδόσεως φημί γράμματος (lettre de l’édition), où le métropolite de Kiev est subordonné à son trône patriarcal et lui impose les mains, puisque il a été élu par Kiev ». Y a-t-il des témoignages plus précis de la subordination du métropolite de Kiev au Patriarcat de Moscou ? Ainsi, la métropole de Kiev est subordonnée au trône patriarcal de Moscou et le métropolite de Kiev est ordonné par le patriarche de Moscou : « En foi de quoi le métropolite de Kiev se soumet à son trône patriarcal et, élu à Kiev, reçoit de lui sa chirotonie ».
Les commentateurs et les interprètes du Phanar cachent cette subordination évidente de Kiev au patriarcat de Moscou et argumentent arbitrairement, modifiant avec malveillance le texte, du point de vue de la grammaire et du sens : par exemple, soi-disant « le mot « subordination » de la métropole de Kiev au patriarcat de Moscou veut dire, en substance, seulement l’autorisation d’ordonner le métropolite de Kiev ». En ce qui concerne la subordination plus qu’évidente de Kiev à l’Eglise Russe, qui s’était déjà produite après la signature du texte, ils se mirent, dissimulant l’essentiel, à commenter la phrase accessoire έκδόσεως φημ’ιγράμματος, lettre d’édition », qu’ils n’ont grammaticalement pas comprise et, faisant appel à leur fantaisie, ils affirment que soi-disant « le terme έκδόσεως (édition) » est technique et signifiait en ces temps-là au sens le plus large «άδειαν/ permission », et dans ce cas précis «permission » d’ordonner et d’établir », sans avoir aucune confirmation bibliographique ni textuelle de cette version.
Pourtant, même ces « tireurs de textes par les cheveux » connaissent notre tradition canonique, selon laquelle la chirotonie d’un évêque s’accomplit toujours (par un archevêque, note du trad.), qui possède la juridiction de la région dans laquelle l’évêque est ordonné, et qu’il y a de nombreuses règles qui interdisent une chirotonie extérieure qui brouille les frontières de la juridiction. De la sorte, en tenant compte de ce principe canonique fondamental, l’autorisation donnée au patriarche de Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev confirme et renforce la subordination de la métropole de Kiev à l’Eglise Russe, et ne la supprime pas et ne la limite absolument pas à une autorisation de chirotonie. « Dans la mesure où Kiev doit être subordonnée à Moscou, elle doit aussi recevoir l’ordination du patriarche de Moscou ». Où ont-ils trouvé que fut donnée seulement l’autorisation, et que Kiev avait continué à être soumise à Constantinople ? C’est dit quelque part dans le texte, ou c’est le fruit de leur imagination ? Le rappel du nom du patriarche Œcuménique en même temps que celui du patriarche de Moscou souverain du moment, qui s’avère le primat canonique, ne s’effectue qu’en signe de respect, en souvenir des liens historiques de Constantinople et de Moscou. Quand le principal archevêque et pasteur transmet son droit d’ordonner à l’archevêque d’une autre juridiction, cela se fait dans ce cas concret nominalement et ne dure pas trois siècles, en rapport avec toutes les chirotonies, en outre, dans cette permission, on ne parle pas de la subordination de la juridiction qui effectue l’ordination, comme cela se fait dans le document analysé : «En foi de quoi le métropolite de Kiev doit se soumettre à son trône patriarcal et, élu à Kiev, recevoir de lui sa chirotonie ».
De surcroît, la suite du document éclaircit encore plus l’état des choses. Ainsi, on y dit que tous les princes et empereurs « de la Grande, Petite et Blanche Russie »- on n’entend nulle part parler d’Ukraine – en même temps que le patriarche « de Moscou et de toutes les Russie » Joachim, ont envoyé un message à Constantinople, où ils disaient que l’éparchie de Kiev, dans la mesure où elle est subordonnée au Trône Œcuménique de Constantinople, avait toujours reçu l’ordination de Constantinople, comme établi par les saints canons. Cette formulation déclare exactement que tous sont ordonnés par les archevêques de la juridiction à laquelle ils sont subordonnés : « les archevêques de l’éparchie de Kiev, subordonnées au très haut et saint trône œcuménique de Constantinople, ont toujours été ordonnés selon les saints canons ». Mais pour selon que la métropole de Kiev était restée veuve pendant assez longtemps et que dans l’intervalle, on n’avait pas ordonné de véritable archevêque en raison de la guerre entre les deux royaumes, la Russie et la Pologne, l’ennemi de la foi orthodoxe trouva la possibilité de semer la discorde et créer le danger d’une soumission des orthodoxes à des convictions étrangères et contraires. C’est pourquoi on demande dans ces messages de donner la permission au patriarche de Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev, quand le trône est vacant, après son élection (du métropolite, n. du trad.) par les évêques, archimandrites, higoumènes et autres de l’éparchie, afin que le troupeau ne restât pas sans défense devant les hérésies et les schismes que sème le diable. Pratiquement, il s’y ajoute une intéressante information sur ce que le sultan ottoman est d’accord également avec le tsar de Russie :
« Il s’est aussi exactement défini un énorme et grand royaume, gouverné par nous, pour autant que la principauté orthodoxe très sereine lui a demandé de ne faire obstacle en aucune façon à l’issue de cette affaire ».  Ainsi les dirigeants russes, ecclésiaux et politiques, demandent la permission pour Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev, sachant que cela implique sa soumission à Moscou ; mais ils évitent de le dire ouvertement. Et voilà que se rassemble le synode de Constantinople qui sait ce que signifie la chirotonie et la subordination à la juridiction de celui qui ordonne, et il donne l’une et l’autre, la soumission et l’ordination, qui sont liées : « il prend la décision que la sainte éparchie de Kiev sera sujette du saint trône patriarcal de la grande et salutaire ville de Moscou, dont recevra la chirotonie le métropolite de Kiev, s’il en est besoin, des mains du bienheureux patriarche de Moscou, il sera élu dans cette éparchie par les évêques aimés de Dieu compétents, les très honorables archimandrites, les higoumènes accomplis des saints et très dignes monastères, les hiéromoines accomplis, les pieux prêtres, les moines semblables à Dieu, et les boyards et autres, par l’assurance et la permission du grand et glorieux hetman, comme il est d’usage à cet endroit, et il devra recevoir de lui l’acte inscrit sur les rouleaux, et le reconnaître comme son aîné et son primat, car c’est de lui qu’il recevra la chirotonie et non de l’œcuménique, comme il a été décidé plus haut, pour favoriser une situation plus paisible dans ces lieux et pour mettre fin aux guerres fréquentes entre ces deux royaumes. » 
La décision synodale soumet d’abord l’éparchie de Kiev au patriarcat de Moscou : « que la sainte éparchie de Kiev soit sujette du saint trône patriarcal de la grande et salutaire ville de Moscou ». C’est la décision fondamentale ; les explications qui suivent, commençant par « c’est-à-dire » ne changent pas la décision fondamentale. Mais comme la requête satisfaite concernait l’ordination de Kiev par Moscou, le synode explicite que parmi les conséquences de la subordination figurera le plus important, ce qu'ils ont demandé, à savoir que le métropolite de Kiev sera ordonné par Moscou, et non que la subordination signifie seulement l’autorisation de la chirotonie, comme cela est abusivement interprété par le Phanar. Si Constantinople avait voulu donner seulement cela, on n’aurait pas placé en premier la subordination, mais on aurait dit que le synode « a décidé que le Métropolite de Kiev serait ordonné par le bienheureux patriarche de Moscou ». La subordination est confirmée plus loin par le fait que dans la décision, on dit que Kiev aura dorénavant pour « aîné et directeur spirituel » non plus le patriarche de Constantinople, mais celui de Moscou. S’il avait été question d’une simple autorisation de chirotonie, les relations entre celui qui est ordonné et celui qui ordonne auraient été des relations de respect et d’honneur envers celui qui ordonne,  et non celles d’un disciple soumis à un ancien ou d’un subordonné envers un directeur spirituel. « Je te remercie, très bienheureux, de m’avoir ordonné, dirait l’ordonné à Moscou, mais mon aîné et mon directeur spirituel est Constantinople, dont je suis le sujet ». Ceci est cependant réfuté par l’acte synodal et patriarcal : « qu’il tienne pour ancien et directeur spirituel son ordinateur, et non le patriarche œcuménique ».
A ce propos, il convient aussi de souligner, en relation avec ceci, que c’est de cette façon que les archevêques des soi-disant « Nouvelles Terres » de l’Eglise d’Hellade, élus et ordonnés par la hiérarchie de l’Eglise d’Hellade, appartiennent exclusivement à l’église d’Hellade, car la chirotonie et la juridiction sont liées ; on ne permet pas de chirotonies extérieures ni d’ingérence. Quand on est archevêque de l’église d’Hellade, on ne peut, en même temps, être archevêque du patriarcat Œcuménique, comme cela l’était il n’y a pas si longtemps. Etre membres de deux corps (c.a.d de deux églises, n. du trad.) n’est pas naturel et monstrueux. Bien sûr, Constantinople a le droit d’exiger l’abolition de l’acte patriarcal et synodal de 1928, mais pas de façon unilatérale, en accord avec l’Eglise d’Hellade, ce qui est impossible et ne se produira sûrement pas. Exactement de la même manière, il est peu probable que l’Eglise Russe accepte l’abolition unilatérale et arbitraire de l’acte synodal et patriarcal de 1686, ce que malheureusement, de façon autocratique et anti synodale fait Constantinople.
b) Le deuxième document explique mieux la situation des choses.
La même chose découle du deuxième texte, envoyé par le patriarche Dionysos IV en 1686 « aux Souverains de Russie » avec des différences intéressantes. Il écrit que, comme autrefois Dieu était intervenu d’une manière miraculeuse et avait aidé son peuple, il l’a envoyé aujourd’hui, alors l’éparchie de Kiev se trouve sous la pression de diverses circonstances, au secours des dirigeants politiques de la Russie, afin qu’ils résolvent leurs problèmes. Il reconnaît qu’à cause de la discorde et des guerres entre deux grands royaumes, probablement la Russie et la Pologne, Constantinople avait longtemps ordonné les métropolites de Kiev, ce dont il avait le droit canonique, et de la sorte la région était restée sans pasteur et sans défense, en conséquence de quoi poussa l’ivraie qui étouffe le grain de la piété. Cependant, cela n’arriva pas, parce que les souverains orthodoxes de la Russie défendirent l’éparchie de Kiev et demandèrent de la soumettre au saint trône patriarcal de Moscou, de façon à ce que, lorsque serait vacant le trône de Kiev, fût ordonné par le patriarche de Moscou une digne personne, qui serait élue par les  membres du clergé sujets de la métropole, les moines et les laïques. Ce message patriarcal diffère du précédent message patriarcal et synodal par ce qui suit : dans le précédent, il était dit qu’était demandée l’autorisation pour Moscou d’ordonner le métropolite de Kiev et ici, on demandait la soumission de l’éparchie de Kiev au trône patriarcal de Moscou et, comme conséquence de cette soumission, le droit pour Moscou d’effectuer l’ordination du métropolite de Kiev, qui serait élu par le clergé et le peuple : « Comme le blé a failli être étouffé, c’est-à-dire la piété, votre royaume très orthodoxe n’a pas appelé à la vengeance  et a demandé que cette éparchie de Kiev soit au départ soumise au saint trône patriarcal de Moscou, lorsqu’apparaîtra le besoin d’une chirotonie pour l’élection d’une digne personne, que le bienheureux patriarche de Moscou et de toute les Russie alors en fonction ait licence de l’ordonner selon la règle de l’Eglise ».
Le synode satisfait ces deux requêtes, c.à.d. procure et la subordination de la métropole de Kiev au trône patriarcal de Moscou et la chirotonie subséquente du métropolite de Moscou par le patriarche de Moscou. En font foi les documents, mais certains ne voient ni n’entendent :
« Par là même et notre modération, qui a proposé cette affaire collégialement, et l’a examinée avec les saints et vénérables métropolites qui sont avec nous nos frères aimés et nos concélébrants dans le Saint Esprit, l’a trouvée non seulement pleine de grâce et jugée légitime, mais le dessein qui est le vôtre est très louable et extrêmement digne d’émerveillement. Là-dessus furent établies collégialement des chartes patriarcales, et dans la grande Eglise du Christ rédigées des règles qui déclarent : comme le bienheureux patriarche de Moscou et de toutes les Russie le seigneur Joachim, qui est dans le Saint Esprit le frère bien aimé et très désiré de notre modération, qu’il ait licence de donner la chirotonie au métropolite de Kiev selon le rite de l’Eglise, lequel sera élu dans l’éparchie qui lui correspond, selon la charte publiée qui convient à l’éparchie de Kiev, afin qu’il ait la liberté, si le besoin se présente d’une personne pour être métropolite de Kiev, de le choisir, comme il le veut et de même pour les futurs patriarches. De cette manière que la métropole de Kiev soit subordonnée au trône patriarcal de Moscou. Et que ceux qui y sont hiérarques sachent dorénavant qu’ils reconnaîtront comme leur aîné et primat celui qui sera patriarche de Moscou à ce moment, car ils seront ordonnés par lui, la seule chose qui soit conservée, c’est que lorsque le métropolite de Kiev accomplira la liturgie divine et non sanglante dans cette éparchie, qu’il rappelle en priorité le nom vénérable du saint patriarche œcuménique, dans la mesure où dans tout l’univers tout le bien lui est donné, et étant pour tous la source et l’exemple indulgent utilise au nom des fautes susdites et rendant au trône du patriarche de Moscou cette soumission, ensuite le patriarche de Moscou ». L’intérêt particulier de ce document apparaît en ceci qu’il explique pourquoi le métropolite de Kiev doit rappeler d’abord le patriarche œcuménique et ensuite le patriarche de Moscou. Non parce qu’il reste sous sa juridiction, mais, premièrement, pour le grand apport, dans l’ensemble de Constantinople à l’orthodoxie, et ensuite par ce qu’elle a transmis la juridiction au patriarche de Moscou. Il est indispensable d’avoir plus d’attention et de sens des responsabilités quand nous étudions des textes dans un souci de vérité historique. La falsification et la déformation des textes sont devenues un phénomène permanent dans la science : « Quand donc le métropolite de Kiev accomplira dans cette éparchie le service divin sacré, il rappellera en premier le nom très vénérable du Très Saint Patriarche Œcuménique, car il est la source et l’origine et surpasse toutes les autres communautés et éparchies, celui qui, par indulgence, et sur la proposition des souverains,l’a transmise au trône Patriarcal de Moscou, en la subordonnant au Patriarcat de Moscou ».
Conclusions
De ce qui a été dit plus haut on peut tirer les conclusions suivantes :
1. Le Patriarcat Œcuménique, selon un accord pan orthodoxe, joue un rôle coordinateur dans les relations des églises autocéphales orthodoxes. Dans la sphère de son activité entre, en particulier, de veiller à ce qu’elles fonctionnent de manière synodale, et au renforcement de leur unité. Son comportement anti synodal dans la question ukrainienne et sa collaboration avec des partis schismatiques, au lieu de l’église canonique d’Ukraine et de l’Eglise russe, à laquelle elle appartient, influe de manière négative sur ce rôle coordinateur. L’église Russe a déjà mis en doute, pour la première fois, ce rôle coordinateur.
2. Les églises hellénophones, s’appuyant sur la vérité historique et la tradition canonique pour éviter un schisme définitif, doivent défendre les lois historiques et canoniques de l’église Russe et ne soutenir ni par leurs actes ni par leur silence, l’intrusion anticanonique de Constantinople dans une autre juridiction. Si elles font le contraire, pour des raisons de proximité nationale et, à cause du patriotisme du patriarche grec, elles tomberont dans l’hérésie de l’ethnoracisme, qui fut condamnée par Constantinople elle-même en 1872.
3. Kiev est une partie naturelle et impossible à retrancher de l’Eglise russe depuis l’époque de la conversion des Russes au christianisme (988). Constantinople a veillé à cette unité des Russes et de leur Eglise. Seuls des patriarches malveillants et enclins à l’hérésie, lors des périodes d’occupation étrangère, ont divisé les Russes ecclésialement, favorisant l’oppression catholique et uniate. Maintenant, le patriarche Bartholomée répète la même erreur, prenant une décision malveillante sous la pression géopolitique et culturelle de l’Occident, qui cultive et répand, selon un programme établi, la russophobie, obéissant au principe « diviser pour régner ».
4. La décision conciliaire de 1686 a rétabli l’unité entre Kiev et Moscou sur la base de la politique constante de Constantinople en vue de conserver l’unité du grand et nombreux peuple russe. Maintenant, cette Politique ecclésiale est abandonnée, et Constantinople, prenant pour alliés des latins et des francs de l’Occident, cause du tort non seulement à la Russie mais à toute l’Orthodoxie.
5.  Les deux documents du Patriarcat Œcuménique ne sont pas interprétés correctement et déformés. La subordination de Kiev à l’Eglise Russe y est tout à fait évidente. Ils ne témoignent pas du tout du fait que c’était temporaire et que Kiev restait sous la juridiction de Constantinople ; et pour cette raison, pendant trois siècles et demi (1686-2018), Constantinople n’a jamais eu l’intention de le contester. Elle le fait seulement maintenant, déformant et interprétant les documents de façon tendancieuse, au profit des uniates, des schismatiques et des hommes politiques pro occidentaux d’Ukraine, et divise les orthodoxes.










[1] Cf. THEODORE ZISIS « Constantinople et Moscou » Salonique, 1989, p. 21-38-39-62
[2] CHRISTINA BOULAKI-ZISI « la conversion des Russes au christianisme », Salonique, 1989
[3] Iakovos Polylas a conservé ces paroles dans la préface de l’édition : DIONYSIOS SOLOMOS « Ta evriskomena », Corfou, 1859, et plus précisément : « A un de ses amis qui observait que le peuple recevrait mieux un poème national, il répondit franchement : « le peuple doit considérer comme national ce qui est vrai ».
[4] Gal. 3 :28
[5] Ibid., Alinéa 1. confusion dans la hiérarchie de l'église "
[6] Cm. Vl. Fidas «Russkaya Tserkov'» Religioznaya i etiche-
skaya entsiklopediya, 10, 976

[7]Règles du second concile local d’Antioche : « qu’il ne soit pas permis d’entrer en relation avec un excommunié ; ceux qui sont exclus des assemblées d’une église, on ne doit pas les recevoir dans une autre église. Si l’un des évêques, des prêtres, des diacres ou autre personne du clergé se trouve en communion avec ceux qui en sont exclus, qu’il soit lui-même exclus de l’église, comme responsable.
[8] Période de quinze années, correspondant à une période budgétaire au Bas-Empire romain, utilisée ensuite dans le comput ecclésiastique. (note du trad.)
[9] Dans le livre que nous avons évoqué, « Constantinople et Moscou » p.104-109. Tous les textes publiés sont tirés de l’édition fameuse de F. Miklosich-I. Müller, Acta et diplomata graeca medii aevi, τόμοι
16, том 1, Vindobonae 1860
[10] Ibid. p. 109
[11] Ibid. p. 99-100
[12] Idem p.101-102
[13] Ibid. p. 102-104
[14] В MIKLOSICH-MÜLLER, Acta et diplomata 1, 320322
[15] Ibid. 351-353 et dans notre livre « Constaantinople et Moscou », p. 117-119.
[16] Ibid. « Constantinople et Moscou », p.116-117
[17] Bien sûr, des tentatives pour diviser la métropole de Kiev et de toutes les Russie furent effectuées aussi auparavant. La dessus, cf. Antoniou-Emiliou Takhiaou, les tentatives de division de la structure administrative de l’Eglise Russe au XIV° siècle, Salonique 1960. Le père Jean Meyendorff donne une bon aperçu des relations de Constantinople et de Moscou au XIV° siècle, dans son livre : « Byzance et la Russie. Etude des relations russo-byzantines au XIV° siècle. Editions « Domos », Athènes, 1988.
[18] Dans notre livre «Constantinople et Moscou », p. 122-123
[19] Ibid. p.137-138
[20] Ibid. p.140-141
[21] Vlassios Io. Philas « Histoire ecclésiale de la Russie » (988-1988) Service apostolique de l’Eglise d’Hellade, Athènes, 1988, p. 156-160. Sur la façon dont les Russes se sotn opposés à Constantinople, après le concile de Ferrare-Florence et l’expulsion du métropolite grec de Moscou Isidore, cf. également Dmitri Obolenski « La collaboration byzantine des nations. L’Europe orientale de 500 à 1453 », tome 2, éditions Vanias, Salonique 1991, 463 έ.
[22] Cf. pour plus de détails : Nikolaï Selichtchev « les Racines historiques de la « révolution orange » à Kiev », Théodromia 8, 2000, 279-298. Publié une première fois dans le journal « Rousski Viestnik », numéro 4, 2005.