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mercredi 9 octobre 2024

Toujours avec moi

 


J’avais encore mal à la tête ce matin, mais le pire, c’est qu’il y a trois jours, mon genou s’est brusquement détérioré, et je ne pouvais pratiquement plus marcher. Cela s’est un peu amélioré, et j’ai eu la chance d’avoir un rendez-vous avec mon docteur Ivanova. Pour le genou, elle pense que c’est le ménisque et les ligaments ou les tendons, enfin bref, d’après elle, il faudra sûrement opérer, et d’ici là faire une échographie, un scanner et voir un rhumatologue. 

   J’ai pris ce matin l’anti inflammatoire du docteur Ivanova, par dessus l’oméprazol et l’antibiotique, et cela m’a tellement cassée que j’ai cru m’évanouir. Je ne sais pas d’où viennent les maux de tête persistants, mais la patte folle en plus,  je suis malade des médicaments qu’on m’administre et j’ai l’impression que je n’en sortirai jamais. Toutes ces saloperies me coupent l’appétit, je mincis certes à vue d’oeil, mais je suis complètement affaiblie.

Hier, j’ai vu arriver l’équipe du musée Ivan le Terrible d’Alexandrov, venue prendre livraison du portrait du tsar que j’avais encadré pour lui en faire cadeau. Les deux dames étaient ravies, enchantées, elles ont pris des photos et m’ont offert le « thé du Tsar », c’est-à-dire de l’épilobe, Ivan-tchaï en russe, ça tombe bien, je n’en avais plus; et puis une grande serviette de bain à l’effigie du tsar, ornée de lettres slavonnes, car, puisque j’étais amoureuse de ce personnage, elles avaient décidé qu’il devait toujours être avec moi ! Cela m’a fait beaucoup rire. Et puis d’ailleurs, à part celui de maman que j’avais emporté avec moi, je n’avais pas de drap de bain de cette taille confortable !

Elles ont beaucoup aimé Yarilo et Parthène, du coup, à titre publicitaire, je leur ai offert Epitaphe. Elles ont aussi beaucoup aimé ma maison: "On se croirait en France! Il y a encore beaucoup de Français qui vont venir nous faire la France à Pereslavl?"

 Puis je me suis rendue à la réunion de Katia et de sa copine aromatopathe. Il n’y avait pas beaucoup de monde, au fil du temps, une petite dizaine de femmes. L’aromatopathie, j’ai trouvé cela intéressant, ces essences sentent bon, il est possible qu’elles agissent. Katia présentait son travail de « coach orthodoxe ». Les petites dames présentes étaient très gentilles. Mais le plus important pour moi, c’est qu’on m’a signalé la présence à Pereslavl d’un excellent chirurgien rhumatologue, il exerce à Serguiev Possad mais vient donner des consultations ici. L'horizon s'éclaircit...  




samedi 5 octobre 2024

Sauver la beauté

 


Je suis la proie d’une sinusite géante, qui explique peut-être mes maux de tête de la semaine, encore qu’ils puissent être nerveux, ou bien un virus qui court... Il pleut sans arrêt, fini l’automne d’or, sa douceur et sa lumière que vrillaient les tronçonneuses, déshonoraient les radios et assourdissaient les engins de construction tonitruants et puants. Une correspondante m’écrit que c’est la même chose dans sa ville de Stavropol, qui lui est bruquement devenue totalement étrangère, parce que tout ce qui était pittoresque, local, spontané, charmant et russe a été effacé par ses propres habitants, mutants post-soviétiques qui n’ont plus grand chose de russe, à part l’idiome, et encore, il perd complètement la musique qui m’enchantait dans les films soviétiques que je regardais autrefois.

Je suis allée faire encadrer deux dessins, et mon encadreur, qui est communiste, et ne fait pas dans la nostalgie, a cette fois abondé dans mon sens. Il est venu s’installer à Pereslavl, parce qu’il adorait Korovine et qu’ici, on trouvait les plus beaux paysages de Russie, or tout ceci se transformait à vue d’oeil en parc d’attraction pour moscovites et il ne pouvait même plus s’asseoir dans sa petite cour sans voir circuler frénétiquement, derrière la grille, voitures et motos à grand fracas. Bien sûr, à trente kilomètres d’ici, on trouve des isbas ravissantes, parfois aménagées, dans des villages intacts pour des prix dérisoires, mais comment vivre isolés, à notre âge ? Trente kilomètres de mauvaise route, ici, en hiver, cela peut signifier trois mois coupé du monde. «J’ai besoin de beauté comme d’eau vive, lui ai-je dit, de beauté et de silence.

- Moi aussi, la beauté m’est indispensable, et on nous la fait complètement disparaître. Je ne reconnais plus le pays. L’Union Soviétique, c’était encore la Russie, et maintenant, on ne sait plus ce que c’est. Quelque chose de juif, peut-être, quelque chose de nulle part...»

Pourtant, parallèlement à ces symptômes morbides de l’autodestruction et de la dégradation humaine générales, les soldats du front ont des yeux et des visages bouleversants qui évoquent les photos d’autrefois. Ils sont dans la ferveur, le sacrifice et le courage. Les icônes pleurent à leur rencontre de la myrrhe parfumée, ils sont l’objet d’incroyables miracles. J’ai vu un entretien avec le metteur en scène du film « la Croix russe » qui m’apparaît comme une sorte de transfiguration de la Russie post-soviétique, et le seul fait qu’on ai tourné cela relève pour moi du miracle. Il pense que le processus de guérison, de purification est en route, que sur le front se forgent les futures élites qui rénoveront la Russie, que la Russie est appelée à prendre sur elle le monde et ses péchés dans une démarche de sacrifice expiatoire christique, même mon encadreur communiste m’a brusquement déclaré : «Nous, les Russes, nous sommes faits pour souffrir. C’est notre destin ».

Comment dire aux autres que, nonobstant les drapeaux sur les façades, chaque quartier défiguré par leur pignouferie à l’égard de leur propre culture et de leurs propres ancêtres prive de sens la guerre que livre leur pays, non « pour Poutine », non pour « conquérir l’Europe », non pour toutes les sortes de raisons idéologiques, géopolitiques et économiques que dissèquent d’éminents spécialistes, mais pour l’humain contre l’inhumain ? Car l’inhumain, c’est là leur projet, comme le hurlait Macron à des foules d’abrutis hypnotisés, cet horrible monde que l’on nous fait, c’est leur projet, que gêne la Russie, et pourtant, Dieu sait qu’elle est profondément infiltrée par les métastases de cette inhumanité, elle aussi, malheureusement. Les « valeurs traditionnelles » ne se défendent pas seulement au front contre l’OTAN, mais dans chaque quartier de l’arrière, et dans chaque salle de concert, et à la télévision, et à la radio. Comment défendre au front ce que l’on fait disparaître partout de la vie civile au profit de l’avilissement général promu par l’Empire du mensonge ? Sauver la beauté, c'est sauver le monde, si c'est la beauté qui doit le sauver.

Il semble que parallèlement au Donbass, les gens aient commencé à comprendre en Géorgie. Ce peuple non slave mais orthodoxe, intelligent, raffiné, a brusquement saisi toute l'épouvante de la situation et où on voulait le mener. Il fait un sain (j'avais écrit "saint") rejet de toute l'imposture, Dieu le garde! C'est sans doute quand même un excellent signe. J'en suis d'autant plus contente que les Russes, qui n'ont d'ailleurs jamais détesté les Ukrainiens qu'on a dressés contre eux comme des pit-bulls, aiment les Géorgiens, leurs chants, leur culture, leurs traditions, leur cuisine, leurs vins. Et sans les Russes, les Géorgiens qui n'auraient pas été égorgés seraient tous devenus musulmans depuis belle lurette.

En France, et jusqu'au Canada, les églises s'allument comme des cierges et brûlent en série. Pur hasard, naturellement. Un peu comme les arbres dans les marécages de tourbe. Notre Dame embrase toutes les autres.

 

jeudi 3 octobre 2024

Lunapark

 


Sans doute à la suite de la fin de Georgette, et de deux autres nouvelles qui m'affectent, je suis plus ou moins malade depuis trois jours, de terribles maux de tête, je me suis encore levée avec cette saloperie ce matin. L’impression qu'une bestiole circule dans ma boîte crânienne, et qu’elle va craquer aux sutures, et puis que tout d’un coup, on m’enfonce une aiguille à un endroit, puis à un autre... Il y a bien longtemps que je n'avais rien éprouvé de pareil. C’est passé avec un nurofen, mais j’étais bizarre toute la journée, comme si j’étais un peu droguée. Il faisait encore un temps magnifique, je n’avais qu’un désir, profiter de ces derniers jours de soleil sur ma terrasse. Mais autour de moi, c’était la cacophonie habituelle. Le barbare d’en face qui sabote à coups de marteau la malheureuse isba, prise dans une excroissance rigide et contrefaite. Les camions et les engins qui viennent brinqueballer là où, au vu des travaux pharaoniques depuis trois ans, un esthète raffiné va sans nul doute m'édifier un palais des mille et une nuit à trois étages avec des chapiteaux corinthiens dorés. La tronçonneuse de l'hyperactif, et puis sa radio. Enfin la moto de l’ado d’en face, et le cycle recommence. J’ai décidé d’épargner mes nerfs et d’aller chercher ailleurs un peu de paix et de beauté. J’ai essayé le « val », les fortifications, d’où l’on a encore une belle vue sur ce qu’il reste de la ville, mais l’accès était bloqué dans tout le quartier : travaux. J’ai donc poursuivi jusqu’à l’église des Quarante Martyrs et l’embouchure de la rivière. Et j’ai pu observer les ravages en quelques mois, l’accélération vertigineuse des progrès de cette lèpre qui a défiguré une des plus jolies petites villes de Russie, un des joyaux, soi-disant, de l’Anneau d’Or. Les maisons traditionnelles harmonieuses ont presque toutes disparues, ou bien elles sont devenues difformes. L’emplacement de la moindre ruine vaut ici des sommes folles et l’on y dresse des cacas prétentieux qui justifient la dépense aux yeux des acquéreurs. Il est parfois difficile, pour une personne normalement instruite, éduquée, d’en croire ses yeux, tellement ces maisons sont laides, chaotiques, dépourvues de poésie, de proportions, de cohérence, de charme, et l’état second dû à ma migraine donnait à tout cela un relief inhabituel, j’en éprouvais une sorte de terreur métaphysique, l'impression d'être entrée dans un délire de science-fiction. A côté de l’église avait longtemps subsisté une petite isba dans une petite cour, avec un arbre, on était en train de la détruire, et au dessus apparaissait le pignon de la maison voisine, qui était rose poupée Barbie avec un toit vert émeraude. Plus d’arbre, évidemment.



Je me suis engagée sur le quai qui borde l’église, pour oublier tout ça, et devant, c’était le lac, ses couleurs, sa lumière, ses oiseaux, ses berges dorées. Je me fais alors aborder par une dame qui m’avait vue à la télé et voulait une photo avec moi. Cela m’a fait un drôle d’effet. Puis, alors que je commençais à dessiner, un troupeau de touristes passe dans un sens. Un peu plus tard, un troupeau de touristes passe dans le sens inverse. Puis les troupeaux commencent à se croiser. Et je ne voyais pratiquement plus le lac. Mais je me demandais avec curiosité s’ils allaient se mettre à galoper comme des gnous.

De retour chez moi, j’ai reçu Katia, qui passait par là, et je lui ai offert un jus de grenade sur la terrasse. Elle s’est extasiée sur mes asters qui croulaient dans la lumière dorée, plein de papillons et d’abeilles, enlaçant le buisson de plus en plus pâle des hortensias exsangues dans leur écume mauve, et sur l’énorme touffe d’orpin, qui brûlait d’un ardent feu vert entre ses braises roses. «Que tout est beau, chez vous, mais que de bruit ! » Et en effet, le joyeux bricoleur était aussi actif que les abeilles mais beaucoup plus tonitruant, et la moto du petit ado pétaradait dès que le marteau se calmait.  « Il faut nous habituer, me dit Katia, il n’y a plus aucun endroit où avoir la paix, sauf l’hiver. »


Mieux vaut ne pas mettre le son...


Elle fait du bateau, ce qui n’est plus de mon âge, parce que sur le lac, c’est calme, et les horribles constructions disparaissent derrière les arbres. Au vu des berges saccagées de la rivière Troubej, m’avait traversé l’esprit la célèbre phrase de Dostoievski : « La beauté sauvera le monde ». C’est sans doute pour cela qu’il faut l'en faire radicalement disparaître. En tous cas, si c’est la beauté qui doit sauver le monde, ce ne sera pas la Russie qui va s’en charger. Car on lui a fait complètement oublier toute notion de ce que mot recouvre, dans l’ensemble, les gens ne savent plus ce que c’est. Et parfois même les prêtres, les artistes-peintres ou les folkloristes se laissent aller au mauvais goût ambiant, et c’est ce qui me bouleverse le plus. Rien ne m’a fait douter du destin russe dans les diverses analyses que je lis ça et là. Mais l’ivresse que met la population à se jeter sur le kitsch et à tout métamorphoser en horreur incongrue et arrogante reflète quand même une inédaquation profonde à l’harmonie, et l’harmonie a ses lois cosmiques et divines, ce n’est pas seulement une vue subjective des choses. Une isba s’inscrit dans le nombre d’or même si son bâtisseur n’en avait jamais entendu parler, car il était harmonieux et produisait de l’harmonie, comme le rossignol son chant. Le mutant actuel contrefait produit du contrefait et du tintamarre, il devient le supplice permanent de tout être vivant normal par son éléphantesque indiscrétion. Il ne s’agit pas seulement de moi, ou des esthètes qui me ressemblent, je ne pense pas d’ailleurs être une esthète au sens qu’on donne à ce terme. Mais de tout ce qui vit, et subit ces ondes sonores destructives, et des âmes des enfants qui grandissent de travers dans cet environnement, ne pouvant plus rêver, ne pouvant plus créer, et pas prier non plus, et se jettent sur les mobylettes et les tablettes. N'ayant plus aucune notion d'un autre monde, ils s'adaptent à celui-ci comme les rats à leur décharge.


photo Katia

Evidemment, n’étaient les gens que je connais ici et auxquels je me suis attachée, Katia, Ania, le café, je regretterais terriblement d’avoir choisi ce malheureux endroit. D’ailleurs, je serais plus jeune de dix ans...  Car je le crains vraiment, on va nous transformer Pereslavl en Lunapark pour moscovites en goguette.

C’est sans doute ma croix. Il va me falloir surmonter, essayer d’aimer tous les barbares et les pignoufs qui me consternent, ou du moins ne pas les traiter de tous les noms d’oiseaux du fond de ma cuisine, et essayer de trouver les sources de la beauté ailleurs, au fond de moi, là où en principe, on peut rencontrer Dieu. 

Katia a été adoptée par un chat, un jeune chat sentimental et intelligent qui s'infiltre chez elle et l'adore. "C'est Dieu qui vous l'envoie pour vous consoler dans vos épreuves", lui ai-je dit. Et je le pense, moi, j'avais Georgette. J'en ai d'autres, bien sûr. Ils font ce qu'ils peuvent.


dimanche 29 septembre 2024

Insectes

 


   Aujourd’hui, c’est la première fois, depuis que j’ai su que Georgette ne guérirait pas, que je me rapproche de mon état normal. Le pire, c’est quand je vais me coucher, et que je ne la vois pas sur mon lit. Ou bien quand j’aperçois la boîte où elle se réfugiait, lorsque je traverse le salon. Et puis celle qui est au dessus de mon bureau, où elle se couchait souvent. J’ai accroché dans ce coin un dessin que j’avais fait d’elle, c’est évidemment pitoyable ; mais j’ai l’impression que les derniers endroits où peut se réfugier sa petite âme, c’est dans ce dessin, ou celui qui est dans ma chambre. Je l’effleure de la main, matin et soir...

Dans ces moments de peine et d’angoisse, je perds de vue que le monde a d’infinis arrières plans, que ce qui a été ne peut pas ne plus être, et les moments de grâce et de révélation que j’ai eus dans ma vie. J’ai l’impression d’une comédie absurde et atroce, où les gens sensibles et aimants sont constemment écorchés vifs et chassés, d’année en année, vers un cul-de-sac sans issue où tout s’abolit.

Pourtant, j’ai d’autres animaux qui, eux, sont vivants et je ne dois pas, tant qu’ils sont vivants, ne penser qu’à leur mort plus ou moins prochaine. Pour l’instant, ils sont alertes, joyeux, ils vivent, et c’est ce que je dois faire, vivre, sans buter sur la perspective des tombes, les leurs et la mienne.

J’ai appelé ma tante Mano, j’ai vu que je ne l’avais pas fait depuis presque un mois, parce que le temps file à une vitesse effrayante. Elle a beaucoup aimé ce que je lui ai envoyé de mes souvenirs, soit mon enfance jusqu’au bac, à peu près. Maintenant, je vais parler de mes années d’études, et je crois que j’arrêterai tout à la mort de mamie. Ensuite, mon journal prend le relais.

Elle a l’impression que nous avons eu la même enfance, ou du moins, que nous appartenons à la même époque, bien que nous ayons dix-huit ans de différence, et c’est exact, car tout a basculé dans les années soixante, même petite, je l’ai sentie, cette vulgarité trépidante qui s'emparait du monde. Et puis j’ai profité des livres de mes tantes et même de ma grand-mère. Je suis plus près du début du XX° siècle et même de la fin du XIX° que de ce qui a suivi. Elle m’a dit : «Nous avons connu des événements familiaux tragiques, et pourtant, nous avions tous, à l’époque, le sentiment que nous étions ici pour connaître le bonheur, et que notre société nous en donnait l’opportunité, le climat ambiant était optimiste.

- Oui, Mano, et je pense que ce fut notre erreur de le croire... »

En réalité, je ne le croyais pas tellement. J’ai toujours eu le sentiment que notre prospérité et notre douceur de vivre étaient fallacieuses et fragiles.

Une jeune fille de bonne famille a été agressée, violée et tuée par un migrant dans le bois de Boulogne, près de sa fac de Dauphine. Les parents inquiets n’arrivant pas à réveiller la police, sont allés la rechercher avec des amis, et l’ont trouvée à moitié enterrée. J’ai lu avec répulsion le commentaire d’une gauchiste : la famille étant « catho tradi », c’est-à-dire de l’espèce qui nous gouverne en ce moment (ah bon ? Où sont les cathos tradis dans ce gouvernement de franc-maçons, de juifs, d'homosexuels et d’éléments exotiques débiles destinés à faire bien dans le tableau ?), elle n’éprouve pas pour elle la moindre compassion, à la limite, c’était normal, pour ce damné de la terre, de violer et d’égorger cette sale petite bourge blanche. D’autres gauchistes arrachent les affiches concernant les obsèques de la jeune fille, ou l’indignation suscitée par ce crime. D’où sortent ces dégénérés ?

J’ai lu le récit par Chateaubriand d’une carmagnole parisienne, pendant la révolution, le défilé bruyant d'une populace débraillée portant deux têtes sur des piques, celles de types qu’il connaissait bien, et la description est hallucinante. Son propre père avait été exhumé de son tombeau par le même genre d’individus répugnants. On les voit sortir, à ces occasions, des fentes où, quand les sociétés sont normales, ils se terrent, et venir grouiller sur celles qui se portent mal, comme des mouches sur un mourant. Ces petits gauchistes, sortis du même cloaque, qui trouvent normal, pour un migrant bronzé, de violer et d'égorger une étudiante.

vendredi 27 septembre 2024

Illégaux

 


Le beau temps nous quitte, chassé par la pluie et le vent. La tristesse me place dans une sorte d’état second, où les arbres dorés et mouvants prennent une beauté surnaturelle. Anne-Laure est partie, me laissant avec le fantôme de Georgette. Elle apparaît, toute guillerette, surprise par mon objectif derrière ma fenêtre, avec ses ronds yeux d’or et son museau rigolo, sur la photo qui ouvre ma page Facebook. La Georgette qui enchantait encore ma vie cet été et dont l'absence me poursuit partout.

Hier, le service d’immigration m’appelle pour me demander si je serais d’accord pour aller faire l’interprète à Rostov, auprès d’une équipe d’illégaux camerounais qu’on venait d’arrêter. J’ai accepté parce qu’on ne refuse pas, dans ces cas-là, c’est le service d’immigration, et en plus, je dois bien me montrer utile à mon pays d’accueil... On m’a envoyé une voiture, et je me suis retrouvée à Rostov, dans les locaux correspondants, avec beaucoup de dames en uniforme, et une brochette de noirs de diverses origines. J’ai d’abord eu affaire à trois camerounaises. L’une d’elles ne me plaisait pas beaucoup. Elle avait l’air rusé et impudent. Je ne comprenais rien à ce qu’elle racontait, et je sentais qu’elle ne me facilitait pas la vie. Elle était fuyante comme une carpe et voulait appeler son grand frère qui l’avait introduite dans la firme agroalimentaire où ils travaillaient tous, soit avec des visas de tourisme, soit avec des visas étudiants plus ou moins expirés. Elle disait qu’elle n’avait pas renouvelé son visa parce qu’elle était malade. Une autre s’était fait arnaquer, ceux qui l’avaient fait venir avaient annulé son billet de retour et elle était venue travailler pour essayer d’en acheter un autre; donc, être rapatriée par les Russes aurait dû l’arranger, mais tous ses papiers importants, dont son diplôme, se trouvaient à Moscou, à la discrétion des aigrefins qui avaient mis tout ce petit monde au boulot. Je dois dire que les dames de la police se montraient patientes et compatissantes, jamais insultantes ou brusques. 

Une fois les procès-verbaux établis, on nous a tous emmenés au tribunal. La « malade » se tordait sur son banc, il lui fallait aller aux toilettes toutes les cinq minutes, mais une fois la séance finie et le verdict prononcé, elle n’a pas voulu y passer avant de prendre le bus qui les acheminerait au centre d’hébergement provisoire, à deux heures de route de là. La policière qui m’accompagnait a fait des prodiges pour qu’on apportât le lendemain à ces filles les affaires qu’elles n’avaient pas prises avec  elles, bien qu’on leur eût dit de le faire. Car pour tout le monde, visa expiré et visa inadapté, c’était la déportation obligatoire dans le pays d’origine, après un certain temps passé au centre d’hébergement. Explications plausibles ou pas, compassion ou pas, c’était mathématique. 

On m’a ramenée chez moi à neuf heures du soir, et le lendemain, on est venu me chercher à neuf heures du matin. Et je suis revenue à six heures du soir, épuisée. J’ai eu affaire à des hommes, c’était plus simple, mais j'ai eu plus de monde. L’un d’eux nous a expliqué qu’il avait un visa d’étudiant, mais qu’ayant perdu son financement il avait dû arrêter ses études, cependant, on lui avait proposé de l’inscrire à Rostov dans une école de typographie pour le prolonger avant son expiration, mais il s’était retrouvé, pour payer l'avocat et le traducteur qu'on prétendait lui donner, à rammasser des légumes pour la firme scélérate. Lui aussi avait laissé ses papiers importants à Moscou et pleurait en nous disant que s’il ne les récupérait pas, dans son pays, il était mort. La policière au grand coeur a fait encore des prodiges pour récupérer les bagages des garçons, et l’on m’a priée de traduire des tas de choses concernant le transport de ces valises énormes qui ne rentraient pas dans le bus. « Je ne comprends pas comment ils sont faits, me disait la policière. Comment peut-on se séparer de ses papiers quand ils sont importants, et les laisser Dieu sait où ? Et comment peut-on envisager de vivre dans un pays sur des visas périmés ou inadaptés ?

- C’est ce que font les millions de migrants qui nous déferlent dessus... »

Et en effet, je pense que la plupart de ces illégaux croyait que cela s’arrangerait comme en Europe et qu’il suffisait d’entrer. Bien que certains eussent péché par naïveté, et on aurait bien voulu les aider, mais la loi est inflexible.   

A un moment, on m’a amenée dans une salle du tribunal avec un jeune noir comme l’ébène qui ne parlait ni français, ni anglais. Il parlait bambara. Moi pas, ni personne alentour. La police de Rostov en avait ras le bol, c’était la première fois qu’elle était confrontée au problème, d’habitude, elle a des ouzbeks, des tadjiks et des ukrainiens... Et pendant que le juge délibérait je ne sais où avec sa secrétaire dans un bureau sur ce cas difficile, j’ai attendu avec le Malien une heure et demie. Pour les derniers clients, je ne savais plus ce que je disais, je ne comprenais plus rien.

 Avant d’avoir vu tout cela, je me disais que les éminences ténébreuses de la globalisation faisaient entrer leurs contingents de gardes noirs pour casser le peuple russe, cela a si bien marché chez nous... Ce n’est certainement pas faux, et cette malveillance trouve un écho idéal dans la cupidité et la bassesse de certains employeurs. Je me disais que ces grandes firmes d’agro alimentaire ne devraient pas exister. Il devrait y avoir partout un réseau d’exploitations agricoles indépendantes de taille moyenne qui emploiraient deux ou trois ouvriers si besoin est, et pas plus, comme dans la ferme de mon beau-père avant le marché commun. Il n’y aurait alors pas de possibilité pour le recrutement en masse, par des salopards, d’esclaves exotiques qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive. 

On m'a bien remerciée, on m'a dit qu'on était prêt à ma garder au service d'immigration. J’ai dû faire un retour remarqué dans le quartier, car on m’a renvoyée chez moi dans une camionnette de police ! 

Avec ça, j'ai loupé la fête de l'Exaltation de la Croix, qui est une de mes préférées.


mardi 24 septembre 2024

Mondanités

 


Aller et retour à Moscou pour la présentation d’Epitaphe. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais j’ai fait, je crois, grosse impression. Le père Ioann était venu, il m’a offert des fleurs, cela m'a beaucoup touchée. Il y avait aussi le père Vadim. Puis Victor le blogueur a fini par arriver. Et Victor, que je n’avais pas vu depuis plus de 20 ans et qui voulait me présenter son fils. Katia et Ioura ont lu des extraits, j’ai chanté les deux chansons dont il est question dans le livre et puis trois chansons de ma composition, en traduction russe. C'était chaleureux et animé. Dany trouve très important d'avoir conçu une telle soirée et communiqué un tel message sur nos deux pays aux destinées souvent parallèles, mais la maladie de Georgette ne m'a pas permis de concevoir grand chose, j'ai fait dans la sincérité et la spontanéité. Cependant, les lectures en elle-même mettaient pas mal de choses en évidence, comme elle l'a observé, les textes prennent une autre force quand ils sont lus à voix haute. 

Victor m’a ensuite emmenée dans un restaurant français, avec sa femme, une amie et son fils. Victor était content de m’inviter, après les jeunes années de misère où il m’arrivait de payer son loyer. Ses compagnes me disaient qu’il parlait beaucoup de moi. J’en suis touchée. Il m’a rappelé la classe que j’avais quand il était intervenu au lycée, il faisait faire des arts plastiques aux enfants qui étaient babas devant lui, filles et garçons, parce qu'il était beau mec. Une petite fille intelligente et drôle le trouvait particulièrement à son goût, j’avais oublié son nom, Gwendolyne. Cela commence à être loin, tout ça. 

Ici, Victor le blogueur a condensé des moments forts de ce week-end, entre la fête à Glebovskoïé et la présentation du livre : https://disk.yandex.ru/a/h102NhQZHeo1ug

Sur le chemin du retour, je pleurais Georgette que je n’allais pas retrouver chez moi. Elle se confond complètement avec Zonzon, maintenant, c’est très étrange, leurs noms se superposent dans ma conscience. Cette nuit, en cherchant quelque chose qui était tombé sous mon lit, j’ai trouvé son collier antipuces, que je lui avais enlevé pour soulager son petit corps maigre, et j’ai éclaté en sanglots. Sur le mur, un dessin me la rappelle, endormie, roulée en boule, c’est extrêmement ressemblant, mais je ne sais dans quelle dimension grandiose nous nous retrouverons Georgette-Zonzon et moi, et puis Jules-Doggy-Rita, et aussi Chocha-Manouche, Prochon-Trichon, et tous mes pauvres petits compagnons restés sur le bord de ma route. J’ai parfois peur que ce soit un peu trop grandiose pour nous, qui aimons les fleurs, le soleil, le vent et les câlins rêveurs dans les hamacs... Mon jardin prend le caractère d'un cimetière, avec de chères petites tombes qui commencent à s'aligner autour de cet épicentre des jolis moments d'été où je me berce sous les feuillages, entourées de tous ceux qui ont trouvé refuge chez moi. Les animaux sont comme de petits enfants confiants et dévoués qui meurent sans avoir grandi, en emportant un morceau de notre coeur. Dieu réunira les pièces de ce puzzle, mais pour l'instant, que de places vides...

J’ai emmené Anne-Laure à la fête annuelle des étrangers de Pereslavl. C’était chez une jeune femme qui avait un grand-père suisse et a passé trois ans à Genève, elle parle bien français.  Son intérieur est joli,  la maison a de trop grandes fenêtres, je trouve que ce n’est pas proportionné, et si j’aime bien voir l’extérieur et avoir de la lumière, là, ça manque un peu d’intimité. Elle aime jardiner, et nous avons fait le tour de ses merveilles, mais là encore, tout est un peu trop maîtrisé, tondu et aligné pour moi.

Le contingent s'agrandit, pas mal de Suisses. Certains ne sont pas venus, de ceux que nous connaissons déjà. Nous avons des représentants de toute l'Europe. Et aussi de l'Amérique.

On m'a envoyé une vidéo où Attali expose le programme de la dictature mondialiste, ils nous disent tout depuis longtemps, mais nous ne les entendons pas, et ceux qui essaient de porter le contenu de ces discours à notre conscience, on les traite d'extrémistes. Enfin quand je dis "nous", c'est pour ne pas me dissocier de mes frères humains, car en l'occurence, je me situe parmi les "extrémistes", et depuis un bon moment. "Pourquoi feraient-ils ça?" me demande-t-on quelquefois, nous avilir, nous dégrader, nous asservir, nous exterminer, nous spolier, nous priver de notre culture, de notre pays, de nos traditions, de notre foi et de toute espèce de poésie. Oui, pourquoi? Demandez-le leur. Ils vous annoncent le programme. Ils ne se cachent même pas. "Il ne faut pas avoir peur...", "c'est pour le bien de l'humanité, la démocratie, la liberté, le progrès", et toutes ces sortes de passes magnétiques destinées à nous endormir.

https://vk.com/wall334722730_218364

Nous vivons en attendant sous l'épée de Damoclès de leur arbitraire, de leur orgueil démentiel, de leur fourberie et de leur cruauté. Aucune vilenie ne les arrête. A la lecture de Chateaubriand, je réalise la dégringolade, on voit bien que la France est morte en 1789, même si elle a connu encore une certaine floraison de génies au sein de ses ultimes convulsions. Je n'aime pas le XVIII* siècle, qui s'est terminé de si abominable façon, mais quelle noblesse gardait encore la France, quelle distinction et quelle saveur le français, et, je le ressens, quelle beauté les lieux et le quotidien des gens...

                                                                                                                                             

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

samedi 21 septembre 2024

L'embarcadère

 

Je sors une plaquette de poèmes aux éditions du Net, pour les amateurs. La prochaine fois, je les sortirai ailleurs, du reste, cela devient chérot.




Le ciel du nord plein de nuages

Bouge sans cesse en murmurant,

Sur les toits gris près du rivage

Et ses roseaux déambulants.

 

Les vagues calmes de la terre

A l’infini vont s’étalant,

Drapant les lacs et les rivières,

Dans leurs plis verts et chatoyants.

 

C’est là que j’ai cru fuir la guerre

Que font à mon âme en pleurant

Les beaux souvenirs de naguère,

Petits enfants vagabondants.

 

J’ai rejoint mon embarcadère

Et sur le quai je vais guettant,

Sur l’étendue des eaux amères,

Le grand vaisseau des derniers temps.

 


Georgette et Zonzon

 


Reveillée à quatre heures du matin, impossible de me rendormir, j’étais hantée par la fin de Georgette,  et par la confiance et l’amour qu’elle continuait à me témoigner, accrochée à ma main, ronronnant à la moindre caresse. Elle est partout, dans chaque pièce, ou plutôt, elle est terriblement nulle part, et je me rends compte à quel point elle tenait de la place, sans jamais s’imposer. Quand je m’éveillais la nuit ou le matin, la première chose que je faisais, c’était de tâter près de moi la fourrure de Georgette, elle était partout où j’étais, et cela depuis quinze ans. 

Je devais aller chez le père Ioann, pour la naissance de la Mère de Dieu, c’est la fête votive de son église. En confession, je lui ai parlé de ma peine. Il m’a dit que tous ceux que nous aimons nous accompagnerons là bas, et aussi que peut-être, je n’avais pas la solidité émotionnelle pour me charger de ces petites vies, et c’est bien possible, mais les petites vies ne m’ont rien demandé. Georgette s’est jetée autrefois sur moi comme sur une planche de salut, et comme me l’a dit Serioja, auquel je pensais l’avoir casée, elle m’avait choisie, et ne m’a jamais lâchée. Il se passe une chose étrange, depuis qu’elle est morte, et même quand elle était malade, une fois sur deux je l’appelle Zonzon au lieu de Georgette. Zonzon était une petite chatte comme elle vaguement tricolore, avec laquelle j’avais aussi une relation fusionnelle et complice, mais que j’avais laissée à maman quand j’étais partie travailler en Russie, car elle était très malheureuse en appartement, et je ne savais pas où j’allais loger, je logeais au début dans la cuisine d’une amie. Elle ne me l’avait pas pardonné, elle disparaissait quand je venais, et reparaissait quand j’étais partie. Et puis elle s’est fait écraser devant la ferme, et j’en avais de grands remords. Et voilà que Zonzon et Georgette, que je n’ai jamais laissée, sauf pour aller renouveler mes visas, se rejoignent de cette façon mystérieuse. J’aurais dû aller plus tôt mettre un terme à l’agonie de Georgette, sa réaction la première fois que je m’y étais décidée m’avait tellement bouleversée que je n’en retrouvais pas le courage. Mais peut-être avait-elle justement encore quelque chose à me dire, ou à faire, m’amener Zonzon, par exemple..

Le blogueur Victor a fait une émission sur le père Ioann, son église, et m’a intégrée dedans. Après l’office, les paroissiens ont pris un petit repas ensemble, l’un d’eux a joué de la guitare et chanté des romances russes typiques, peut-être même soviétiques, mais imprégnées de nostalgie et de douceur, tout ce que ne connaissent plus les amateurs de rap et de variété de bas étage qui m’assomment en permanence. C’était très chaleureux, mais j’étais décalée par le chagrin. Pendant la procession, je songeais que je pourrais peut-être m'acheter une concession dans le cimetière attenant, il est près de la route, mais le bruit ne me dérangera plus, et au moins, c'est un endroit chrétien, de dimension modeste.



https://t.me/raznuedorogi/6425

Au retour, j’ai été accueillie par le vacarme d’une fête chez le voisin d’à côté et des travaux chez celui d’en face. La pauvre isba de l’oncle Kolia est à présent complètement défigurée et contrefaite, on dirait qu’il lui a poussé une tumeur ou qu’on l’a affublée d’un carcan. Hier soir, la pleine lune se levait au dessus dans un ciel mauve, mais cette excroissance hideuse me tirait sans cesse l’oeil sur le côté. J’essayais de détourner le regard, comme on le fait devant une femme éborgnée ou vitriolée. Ces derniers beaux-jours m’ont été complètement empoisonnés par le bruit, en sus de la maladie de Georgette. Aujourd’hui, il fait nettement plus frais, mais il y a encore du soleil. Cette nuit, il fera 4° et seulement 13, déjà, demain. C’est l’équinoxe, le début de la descente dans les ténèbres.




Photos Victor. Je n'ai toujours pas appris à nouer un foulard. C'était plus facile avec les cheveux longs.


C'est drôle, ce dernier portrait. Il m'a rappelé cette photo de ma lointaine enfance. Quelque chose en moi n'a vraiment pas changé... 



vendredi 20 septembre 2024

Dans mon coeur

 

Ce matin, Georgette avait mal, et je n’avais plus d’analgésique. D’ailleurs, à quoi bon bourrer d’analgésiques un chat qui se meurt ? Même sans vives souffrances, elle était si faible, incapable de manger ni de se lever. Hier soir, elle m’appelait sans arrêt et me prenait la main entre ses pattes, je lui disais combien je l’aimais, il me semblait qu’elle allait enfin mourir. Mais non. Je l’ai prise avec moi, sur mon lit, elle a dormi collée à moi. Au matin, elle s’est mise à souffrir, et du coup, moi aussi. Je suis allée avec elle chez le vétérinaire : «Vous êtes décidée à la laisser partir ? Nous sommes responsables de ceux que nous apprivoisons, et cela suppose aussi de les laisser partir quand c’est le moment». Oui, j’étais décidée, je ne voyais plus aucune raison de lui imposer cela. Au départ, c’était pour ne pas l’effrayer, je demandais à la vétérinaire de venir faire cela chez moi, mais elle ne l’a pas fait. Je l’ai prise dans mes bras, et à mon avis, l’anesthésie a suffi à l’envoyer dans l’autre monde, elle est partie calmement. La vétérinaire et son employée avaient l’air de penser qu’il était grand temps, mais d’un autre côté, elles ne m’ont vraiment pas aidée à franchir le pas. Elles m’ont épargné plus que ma chatte, et ce n’était pas ce que je leur demandais.

De retour à la maison, je me suis assise au soleil sur la terrasse, avec Georgette, dans le fil d’un frais vent d’automne doré, et je l’ai câlinée, je lui ai dit adieu, je la sentais soulagée, il me semblait presque l’entendre ronronner, elle était toute chaude et toute souple, mais si maigre... Je l’ai enterrée sous le lilas, bien enveloppée dans un de mes tee-shirts. Et je suis restée assommée, sur le hamac, sans elle, dans mon jardin encore fleuri et lumineux, mais elle emporte l’été avec elle, la température va descendre rapidement jusqu’aux gelées nocturnes, il n’y aura plus ni fleurs, ni papillons, ni abeilles. Robert est venu prendre sa place sur moi, Rita est montée le rejoindre dans la nacelle, Rom s’est approché pour se frotter contre moi. J’étais hébétée, et en paix, il me semblait qu’elle était là, et qu’elle était délivrée, je lui ai dit que je l’avais prise dans mon coeur pour l’éternité. Mais plus tard, la tristesse m’a complètement submergée. Je revoyais toutes les déchirantes péripéties de ces derniers jours, nos échanges, son pauvre museau tout maigre, et je n’arrivais pas à comprendre comment tout cela avait pu se passer, entre cet été, où ma Georgette joufflue menait sa petite vie discrète, et cette horrible semaine. Il y a vraiment quelque chose de profondément tragique dans le seul fait de vivre. 

Une amie me dit que Blackos, dans son imitation du comportement de Georgette, m’était envoyé par mon ange, qu’il me montrait ainsi comment il allait m’aider à surmonter mon chagrin.

Blackos




jeudi 19 septembre 2024

Plutôt noir



 Le patriarche Cyrille a dit que nous entrions dans des temps apocalyptiques et que la seule issue était la foi en Dieu. Le jour de la fête de saint Alexandre Nevski, une immense procession s'est déroulée à Saint-Pétersbourg.

Au Liban, des objets électroniques explosent un peu partout, Israël a trouvé un moyen de faire éclater les batteries sans être connecté, un type de terrorisme particulièrement vil qui ravale les populations au statut de rats à exterminer de toutes les manières possibles. De sorte que l'on peut désormais s'attendre à n'importe quoi.

Il y a quelques temps, j'ai vu la vidéo d'un petit monsieur français cultivé, civilisé, qui voit monter la barbarie, et commente l'hallucinante laideur qui s'empare du monde, et qu'il faut fuir dans la campagne, la nature, là où l'on n'a pas encore tout saccagé avec des éoliennes, des panneaux solaires, des centres commerciaux et des noeuds autoroutiers. J'ai trouvé son message bouleversant, j'ai pensé à la solitude des gens comme lui, là bas surtout, mais même ici. Je voulais la regarder une deuxième fois, mais youtube a disparu de mon horizon, je n'arrive plus à l'obtenir. Ses observations rejoignent les miennes, et il demande d'ailleurs à ceux qui pensent comme lui de le contacter, et c'est une bonne chose à faire que d'échanger et d'unir des points de vue sains, mais justement, on s'arrange pour empêcher cette circulation d'idées. C'est peut-être la première personne que je vois exprimer celle que cette laideur omniprésente est la marque du diable, je l'ai moi-même déjà bien compris. Omniprésente. L'architecture, les vêtements, les spectacles, la musique, tout devient affreux, l'âme étouffe.

.https://vk.com/away.php?to=https%3A%2F%2Fyoutu.be%2FupO7ZqjlK4c%3Ffeature%3Dshared&utf=1

Ma Georgette va très mal, je prie Dieu de la délivrer, de m’aider à surmonter ce chagrin, et de l’aider à passer dans mes bras. Je devrais admettre qu’elle a vécu quinze ans de bonheur, au lieu de périr au village de Krasnoïé dans le froid, la faim et la solitude. Elle meurt avant moi, entourée d’amour, en sécurité, elle ne sera jamais abandonnée, terrifiée, affamée. Elle m’attendra dans ma maison céleste, avec maman et tous les autres...  Mais je regarde, le coeur fendu, son petit corps squelettique, ses petites pattes gantées de blanc, ce petit être délicat, sensible et aimant, qui m’a suivie comme mon ombre pendant quinze ans, qui dormait sur mon épaule, s’allongeait sur mon bureau, venait me rejoindre sur le hamac et que je ne reverrai jamais plus ici bas, qui ne sera plus qu’une enveloppe sans vie que je devrai enterrer sous le lilas. 

J’ai appelé la véterinaire, puis j’ai changé d’avis, puis j’ai réessayé... Elle m’a dit : « Amenez-la moi ». J’ai mis Georgette dans le panier. Et elle qui était complètement amorphe, s’est mise à moduler de tels cris.... J’entendais : «Ne fais pas ça, ramène-moi à la maison, laisse-moi mourir tranquille avec toi ! » Et une fois sur place, je suis allée trouver la vétérinaire : « Je ne peux pas...

- Eh bien si vous ne pouvez pas, il ne faut pas le faire, amenez-la moi. »

Elle lui a fait du glucose, pour la soulager. « Je vous comprends, moi aussi, j’ai des animaux, c’est une décision très difficile à prendre. Elle s’affaiblit, mais avec l’analgésique, elle ne souffre pas. Laissez faire la nature, il n’y en a pas pour très longtemps, à moins qu’elle ne tombe dans le coma. 

- Si elle tombe dans le coma, alors nous l’endormirons... »

 La vétérinaire m’a serrée dans ses bras : « Courage... »

J’ai remmené Georgette, et dans la voiture, avant de partir, je l’ai longuement caressée. Comme elle était soulagée... Elle ne miaulait plus, elle ronronnait, elle se frottait contre ma main. Dans ce corps qui se défait, qui succombe, il n’y a plus que cet immense amour pour moi, cette confiance. Mon Dieu, je souhaite la fin de tout ceci, pour nous délivrer toutes deux, mais que d’amour dans nos derniers échanges... Je ne peux croire que tout cela se perde à jamais dans le néant, et que tout ce qu’il restera de la pauvre Georgette se résumera à ce que j’enfouirai au pied du lilas.

Je suis tellement mal, j’ai des angoisses, mal à la tête, cela me rappelle le covid. Ou la mort de Chocha, et la semaine qui a suivi son enterrement sous la pluie. Je me dis que si je tombais dans une situation affreuse, ce qui, de nos jours, peut très bien arriver, je ne saurais pas la surmonter. A moins que Dieu ne m’aide. Je prie, cela m’appaise. Il y a des moments où les mots résonnant dans le vide noir de mon angoisse et de ma tristesse poignante perdent toute signification. Et pourtant, quelque chose change en moi, je me suis reveillée plus sereine. J'ai fait une tentative pour l'emmener, mais je suis restée sur la chaise-longue, la tenant sur mes genoux, dehors, et ensuite, j'ai trouvé un message d'une amie moniale qui me disait de ne pas le faire, qu'elle l'avait fait et regretté. Au fond, pourquoi? Si je voyais ma pauvre chatte souffrir le martyre, je le ferais, mais peut-on dire, même si elle n'éprouve pas de vives douleurs, qu'elle se sente bien, en ce moment? Qu'est-ce qui me retient?       

J’ai revu mon interview de cet été, avec Victor le blogueur, Georgette toute guillerette, toute joufflue venait danser autour de moi, et je disais : « Celle-ci, c’est mon ombre : partout où je suis, elle se trouve aussi... » J'étais loin d'imaginer ce qui nous attendait. Mon Dieu, pauvre Georgette, elle est méconnaissable, c'est venu si vite, et cela met cependant tellement de temps à finir...

Curieusement, Blackos imite le comportement qu'avait Georgette, il me suit, dort sur le bureau, essaie de se coucher devant le clavier de l'ordinateur, et si je lui dis qu'il me gêne, il va, comme elle, délicatement se mettre à sa place, sur son tapis. Il me regarde avec intensité: "Tu es triste, mais je suis là, moi! tu ne me vois pas?"


samedi 14 septembre 2024

Quelque chose de grandiose

 


 Ma Georgette est incurable, elle a une tumeur maligne qui pousse près de l'oreille. La vétérinaire devait s'en douter car l'analgésique est conçu pour les maladies oncologiques. Elle dort beaucoup, ronronne et me salue d'un petit miaulement quand je la caresse, se traîne hébétée dehors pour profiter de cette douce et venteuse prolongation d’été, qui a quelque chose de mystique et de miraculeux, sur le fond de l’actualité affreuse. Et pour l'instant, je ne prends pas la décision de l'euthanasier. "Amenez-la moi si elle souffre," me dit la véto.

On peut se demander quel sens a le temps que je laisse à Georgette pour prendre congé et s’imprégner de mon amour et des dernières joies de l’été qui s’éternise, ce qu’elle fera de tout cela sous la terre, et je sens que c’est important, et si c’est important, c’est que quelque chose d’elle n’ira pas sous la terre, mais ailleurs, où ce bagage lui sera utile. 

Tous mes animaux m'adorent, mais il y a entre Georgette et moi une complicité et une amitié particulières, une affinité d'être. Cet été, je me disais souvent: "Quand Georgette va partir, ce sera très dur." Eh bien oui, c'est très dur. En même temps, il me semble qu'il se passe quelque chose entre nous et autour nous d'extraordinaire, comme si elle me montrait le chemin du ciel, et pour ne pas céder à l'invasion psychique du malheur, je prie beaucoup et intensément, j'ai des mystères sur le bout de la langue.


Voici l’été d’or qui s’élime

Laissant percer sa trame brune,

Le soir venu frise les cîmes

Des nuées roulant sous la lune.

 

L’eau lisse emporte le reflet

De l’église sur fond d’azur,

Les oiseaux crissent dans l’air pur

Sur le miroir du lac secret.

 

Et je pleure aux berges sereines

Ma petite amie qui s’en va,

Le soleil éclairant ma peine

Ne peut plus me donner de joie.

 

Que ferai-je sans toi, chérie,

Sans ta patte posée sur moi

Quand je m’endors l’âme transie

Et m’éveille au matin sournois?

...

Au ciel, sur de longues banquises,

De blancs oursons, une ourse grise

Déchirent et jettent au vent

De doux brouillards ourlés d’argent.

 

Et les bouleaux se vêtent d’or,

Au gré des rues et des passages,

Prêts à fêter une fois encor

L’hiver qui vient dans nos parages.

 

Le vent suave porte en jouant

Abeilles, papillons volants,

Et petits oiseaux inconscients.

Frimas, attendez un moment.

 

Les carillons, sous les nuages,

Prient doucement en trébuchant,

Berçant mon coeur qui prend de l’âge,

Sur l’eau trouble des derniers temps.

...

Brise suave et couleur de miel

Qui file et berce au sein du ciel

L’automne glissant sa douceur

Sous les draps de l’été qui meurt...

 

Tu meurs aussi, petite soeur.

 

Ce matin, je t’ai caressée,

Sur mes genoux, bien enroulée,

Je t’ai langée dans mon amour,

Rangée dans mon coeur pour toujours.

 

Tu t’y chauffais comme le pain,

Mis au four pour le lendemain,

Faible, tu brûlais sur mon bras,

Comme en la nuit un feu de bois.

 

J’ai prié Dieu qu’en la demeure,

Qui m’attend à ma dernière heure,

Près de ma mère il te dépose,

Avec nos chiens, nos chats, nos roses.

 

Car pour elle comme pour eux,

Le paradis, c’est avec moi,

Que l’on me reçoive en ces lieux,

Ou qu’on me jette tout en bas.


...



Sur VK, j'ai trouvé ce post dont je partage tout-à-fait le contenu:

 J'ai regardé le programme "les Nôtres", cette fois intense, divers, avec beaucoup d'épisodes. Bravo, les gars! Mais au vu de cette émission, et en y repensant, j'éprouve un étange sentiment de confusion. Parce qu'il se produit quelque chose de grandiose. On ne peut pas ne pas remarquer que, oui, ça saute aux yeux, les participants de l'opération spéciale sont tous beaux et même magnifiques. Et ce n'est pas seulement la beauté de la jeunesse, les yeux et la profondeur de leurs expressions sont souvent sidérants. Surtout quand on montre ceux qui ont été tués, ils sont tous étonnants. Comme si on avait spécialement rassemblé là des êtres avec de tels yeux et de tels sourires. Il y en a tant, c'est l'armée du monde. Est-il possible que Fiodor Mikhaïlovitch (Dostoievski) ait littéralement raison de dire "la beauté sauvera le monde?" Et même les hommes plus âgés ont tous des visages et des yeux étonnants. Il se produit quelque chose de remarquable, de grandiose, et je ne sais pas quoi faire de cela.   

Et en même temps que cette parade de la beauté et de la force, le reste de la télé semble rétrécir dans son paquet de chiffons bigarrés. Oui, elle est passée, l'époque de Masliakov, bien que je ne lui donnerais pas une appellation aussi ronflante. C'était une sorte de petit Hollywood fait maison, une espèce d'industrie du divertissement. Au début, c'était drôle, et gai, et joyeux. Et puis le jeune Masliakov lui-même était un petit gars russe très mignon, quand je l'ai vu la première fois. Mais les boutiquiers ont peu à peu tout mélangé et iles étaient tous d'une homogénéité si déprimante!

Mais cela n'eût été encore rien, si ne s'était formée, en résultat de l'industrie du divertissement, une compagnie d'étoiles très riches et très impudentes qui se considéraient comme l'élite. D'où leur est entrée dans la tête une telle bêtise? Et dans un pays, un empire, où existait une élite noble, une élite guerrière, une élite scientifique. Les boutiquiers d'origine orientale n'ont jamais été une élite en Russie. C'est une erreur.      Татьяна Гобзева.12 сен 2024 в 16:18

Au même moment, j'ai regardé le dernier briefing de Slobodan, sur le satanisme, l'instrumentalisation de l'Ukraine pour nuire à la Russie, par tous les moyens, par les méthodes les plus abjectes, et la sauvagerie des bataillons Azov et les mercenaires au service de cette entreprise, tout ce chaudron de sorcière qui menace d'exploser en projetant ses démons dans tous les sens. Il établit le parallèle avec Daesh. Car ici, on utilise les néonazis, là bas les islamistes ou encore les antifas, mais on est prêt, dans tous les cas, à justifier n'importe quelle saloperie quand elle s'exerce à l'égard de populations calomniées et déshumanisées à cet effet. Cette barbarie qui se cache de moins en moins est absolument glaçante. "Avec quoi sommes-nous mariés?" demande Slobodan. Oui, avec quoi? Posons-nous bien la question. Moi, j'y ai répondu, et je suis partie. Chacun de ces visages de soldats russes me confirme la pertinence de mon choix, quel que soit le degré de corruption des fonctionnaires qui se sont fait du fric sur leur dos, la perversion des "élites", les bringues et les affaires de l'arrière, quelque chose se passe, quelque chose de mystérieux et de grandiose. 

https://www.youtube.com/live/PRbOyl8kETA?si=UWGRn9FpIRRD1bju