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vendredi 30 avril 2021

Les barbares

 

  J’ai déplanté un de mes thuyas qui était déjà assez grand, et je l’ai traîné jusqu’à la parcelle qui longe le voisin, car j’étais incapable de le charger dans la brouette. Je l’ai mis devant mes fenêtres, près d’un autre plus petit, et d’un noisetier déjà développé que j’avais trouvé au Dendropark l’année dernière. Le noisetier, ça pousse très bien et semble-t-il partout, c’est touffu. Le problème a été de bien calculer pour que tout cela puisse harmonieusement pousser ensemble sans se gêner. Ce jardin est très difficile à aménager, il est mal fait, bordé de bâtisses horribles, survolé par des fils électriques, et la nappe phréatique est toute proche. Il me faut remplacer le thuya par quelque chose qui n’étouffe pas le pommier...

Après le noisetier, j’ai planté un saule pleureur nain que m’a conseillé la vieille du Dendropark. Il ne dépasse pas quatre mètres. Et ensuite un saule crevette qui fait aussi dans les trois quatre mètres. De toute façon, quand la véranda sera faite et le perron déplacé, je n’irai plus trop de ce côté. Mais c’est là que donnent les fenêtres de mon atelier, donc j’essaie de me ménager une vue normale, sans m’enlever toute la lumière. Je pense avoir pas mal joué, justement. Les deux thuyas restent toujours verts, et sont face à l’horrible façade en plastique façon fausses briques. Ils poussent vite, ne prennent pas trop de place, il suffit pour moi qu’ils fassent écran devant la fenêtre où je travaille. L’un d’eux cachera partiellement la terrasse. Après viennent les feuilles caduques de taille raisonnable, quatre cinq mètres maximum, j’ai planté tout cela en quinconce, pour faire plus naturel et pour ménager à chaque arbre plus d’espace. Je laisserai se répandre parmi eux les roseaux et autres espèces adaptées. Il me faut recréer un système de drainage. Mais je crains le pire pour l’avenir. Un voisin m’a dit qu’ils avaient construit une route, vers le lac, et coupé tous les canaux qui permettaient aux gens d’évacuer les eaux de leur jardin. Le type qui m’a livré aujourd’hui de la terre, de la terre normale, légère, en quantité raisonnable, m’a raconté que le voisin d’un client avait déversé cent camions de glaise dans sa propriété, déclenchant au malheureux toutes sortes de problèmes.

A Moscou, Sobianine, le libéral mondialiste à l’oeil torve, commence à attaquer les derniers jolis quartiers encore homogènes, Zamoskvorietché, Ivanskaïa Gora... La chose est maintenant complètement officielle, les barbares s’en vantent, ils ont même un architecte pour diriger les ultimes profanations exercées sur la troisième Rome. 

https://yaroslavl.cian.ru/stati-moskvu-zhdut-grandioznye-izmenenija-sravnimye-s-1930-mi-317632/?fbclid=IwAR35wI6_mRsCGFZkQeO3Ph730MjzZ9KlXyvdNEhtp_FSmLnvFwI1rhVryUY

https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1176242316145975&id=100012806534609&__cft__[0]=AZVW3_JbhYS4FzOSebzcE_ePJi-kqqq-uXbAjFAicIXdEDSYSCAF028xfZTf1Bisxo61Tde_XygAeXjv9hYJYJhwCuefi4GHViGqX0L6KA67xbAKQESxh4h0IMyGoS0MUei0O7T61sst7LyaEMEdevE4LQG10X3QcTni8NL9ZaaulRcpL5Al4dW4SPkSAi8ZEPQ&__tn__=%2CO%2CP-R

C’est tellement horrible, je ne peux même plus réagir, parce que c’est de tous les côtés qu’on détruit pour construire des bâtisses arrogantes et glaciales, des mausolées gigantesques, des cathédrales du diable, on nous fait un monde affreux, irrespirable. Certains me demandent si les gens ne peuvent pas protester, mais ils protestent. Ils protestent en vain, personne n'en a  rien à foutre, même les ukases de Poutine ne sont pas respectés. Je renvoie mes lecteurs aux propos du médecin que j'ai publiés récemment. Les matelots ivres qui tirent aux intellectuels des coups de revolver dans la bouche. C'est la mentalité de la mafia. Quand Bernanos définissait le monde moderne comme une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure, était-il complotiste?

Un prêtre, le père Evgueni, qui vit dans le nord de la Russie, fait un constat spirituel assez sombre, et en appelle au réveil de "nos Césars". S'ils sont orthodoxes, comme certains prétendent l'être, qu'ils agissent en orthodoxes; qu'ils prient officiellement, comme Chaïgou se signant avant la parade militaire du 9 mai, qu'ils essaient de suivre la volonté de Dieu au lieu de leur volonté propre ou pire, celle d'obscurs commanditaires sans patrie. Le tsar, dit-il, c'était autrefois, en fin de compte, un évêque civil. Il cite un proverbe russe: "Si le peuple pèche, le tsar priera pour lui, mais si le tsar pèche, personne ne le fera".

Ce proverbe très profond pourrait être mis en exergue de mon roman Parthène le fou. Il pourrait symboliser toute l'histoire russe, depuis saint Vladimir jusqu'à Nicolas II, immolé avec toute sa famille au Moloch des temps modernes. 

J’ai vu la photo d’un projet d’aménagement de la rivière Troubej, c’est précisément de cela que rêvent les dégénérés contemporains. Plus rien de naturel. Comment transformer une rivière vivante en canal Disneyland, il ne manque que les nains de jardin. Rives maçonnées, gazon bien tondu, petits massifs, petites allées, le rêve sous-bourgeois des descendants de komsomols élevés dans le béton et les meubles en contreplaqué poli bourrés de « souvenirs » nunuches. Ces gens-là avaient pour ancêtres des Russes normaux, ceux qui construisaient et décoraient les jolies isbas que j’ai connues ici, qui portaient de magnifiques vêtements, chantaient, jouaient et dansaient de magnifiques chansons ; comment est-on arrivé à produire ces infirmes de l'âme ? En tous lieux, finalement, on a fabriqué des individus qui répondent à la définition des enfants-loups, privés de la transmission nécessaire à leur développement normal. Bien sûr, ils ont reçu quand même des stimulations qui leur ont permis de vivre en société, dans cette société hideuse, mais ils n'ont pas reçu ce qui faisait des gens d’autrefois de vrais êtres humains. On voit cela en France, et on voit cela ici, ce sont les citoyens du monde nouveau, les orques du Mordor. Simplement, en Russie, les résistants (passifs) restent plus nombreux et plus décidés, peut-être parce qu'ils ont été moins "gâtés". La théorie de mon plombier, c'est que sans la période communiste, les Russes seraient tous devenus comme les occidentaux, raison pour laquelle Dieu a permis cela. Ils ont longtemps échappé à la perversité subtile du consumérisme. 

ils avaient cela



ils rêvent de cela.


A l'église, j'oublie tout cela, je vois mon merveilleux évêque Théoctyste, et je me retrouve en Russie. A la liturgie de la Cène, je me sentais pleine de grâce, et je me disais que j'avais choisi d'aimer la Russie pour ce qu'elle avait été, ce qu'elle est partiellement encore, que j'avais choisi la sainte Russie jusqu'à la mort. Monseigneur Théoctyste se soucie beaucoup de mon oeil blessé, comme tous les Russes, il plaint particulièrement les étrangers de subir les aléas de la vie quotidienne russe, bien qu'à vrai dire, la vieillesse soit, tout autant que l'état des trottoirs, la cause de ma chute. L'ancienne directrice d'école m'a grondée de ne pas être allée voir un médecin, et m'en a recommandé un. Pendant que je discutais avec elle, une femme arrive, en larmes et souriante. "Que t'arrive-t-il, Galia? demande l'impérieuse directrice, appuyée sur sa canne.

- Tu te rends compte? Je viens de communier, je n'avais pas communié ici depuis dix ans, gloire à Dieu!"

Une veille babouchka m'a prise par le bras: "J'ai vu votre émission, vous êtes une femme forte. Tout laisser là bas pour venir chez nous, c'est un exploit! Dieu vous aidera". 

Pour ce qui est de la résistance, spirituelle et physique, l'Ukraine du métropolite Onuphre et le Donbass nous en montrent l'exemple, et je suggère à tout le monde de regarder le magnifique documentaire que je propose ici, avec dans les paramètres des sous-titres français, que j'avais corrigés à la demande de la réalisatrice. C'est le combat de gens dignes et lumineux contre les ilotes de la mafia.




lundi 26 avril 2021

Le temps de prier

 



Je trouve d’une grande importance de rendre accessible le contenu de cette vidéo que j’ai vue sur facebook et dont je donne le lien.  C’est un médecin qui parle, ses interrogations, ses constats correspondent aux miens, en ce qui concerne la Russie, mais aussi, comme il le dit, le reste du monde. Et les Français qui pensent doivent savoir ce que pensent les Russes, et réciproquement, car dans la substitution de réalité, un grand rôle est joué, comme le souligne Slobodan Despot, par l’ignorance où nous sommes tenus de ce qui se passe chez les autres, par un enfermement physique et mental. Il faut écouter cela et comprendre la gravité de ce qui se passe, arrêter de gober tout ce qu’on nous raconte. Et établir des correspondances entre ce qui se produit chez les autres et ce qui se produit chez nous, pour arriver à une perception d’ensemble, entre ce que dit le recteur de l’école d’économie et les déclarations de personnages comme le docteur Alexandre ou Attali, par exemple. Le processus infernal est mondial.

 

Je dois commencer par dire que l’avis des experts, maintenant, personne n’en a rien à faire. Voilà que nous rassemble déjà notre deuxième table ronde, je vous salue tous bien bas. Mais ce dont nous discutons à un niveau si élevé, nous parlons d’éthique, nous parlons de bon sens, nous parlons de données scientifiques, personne n’en a rien à faire. Si, il y a un an, nous pouvions encore penser que ceux à qui nous nous adressons n’avaient pas bien compris, nous voyons maintenant qu’ils comprennent très bien.  Ils n’en ont simplement rien à foutre de ce que nous pouvons leur dire. Pardonnez-moi, je donnerai une courte citation du recteur principal de notre école d’économie: “70% de la population n’est pas nécessaire au gouvernement la modernisation les gêne, ils ne possèdent pas la langue anglaise, ni le comportement occidental, ils sont privés de la possibilité de participer au processus d'innovation ...” C’est-à-dire de quoi s’agit-il? Cela veut dire que la majorité de notre population, et sans doute celle du monde en général, est condamnée à mort, et que la sentence est déjà en cours d’éxécution. Et nous autres, nous parlons d’éthique et de bon sens, nous présentons des statistiques, je peux produire les miennes, elles sont aussi terribles. Mais il m’est peut-être plus facile de parler de la sorte, car je suis complètement hors système, je suis un médecin privé. Mais je sais ce qui se passe avec mes patients et la société, je le vois. Et en tant que médecin, j’ai envie de passer à une terminologie militaire. Nous voyons bien que nous sommes en guerre, une guerre cruelle, dénuée de principes, où l’éthique est supprimée, la morale est supprimée. Elle est supprimée. Le bon sens est supprimé. Et nous n’avons pas affaire à des personnages cupides fortuits, mais à des maniaques qui ont complètement perdu la raison, auxquels on ne peut tenir un langage d’intellectuels, on ne le peut déjà plus. Et vous discutez pour savoir comment notre société peut résister, mais elle ne le peut en aucune façon. En aucune façon. S’il ne se produit pas maintenant quelque chose d’imprévu, alors nous aurons un très mauvais scénario.

- Je vous demande pardon, mais vous avez donné une bonne recette, je l’ai entendue lors de votre intervention, comment nous devons arrêter tout cela...

- Oui, je terminerai là dessus, si vous le voulez bien. Mais en effet, si tout reste en l’état, que nous continuions de la sorte, nos discussions intellectuelles avec des matelots ivres qui ont pris le pouvoir et tirent aux intellectuels un coup de revolver dans la bouche, alors bien sûr, tout va très mal aller chez nous. Nous devons nous adresser non au gouvernement, qui, de gré ou de force, joue du côté de l’ennemi, ni même, c’est triste à dire, à l’administration de l’Eglise Orthodoxe, mais au chef suprême du pouvoir. Nous devons songer à un autre style de conversation. Ca suffit. Nous avons déjà produit tous les chiffres, exprimé tous les avis d’experts, ils sont complètement ignorés, tout le monde s’en fout. De sorte que nous devons nous adresser à notre président, en tant que chef de l’état, et lui demander de se rappeler qui il est, et de s’occuper de sauver notre pays, comme le disait Alexandre Issaïevitch (Soljénitsyne). Autrement, nous sommes perdus. Nous voyons où tout cela nous mène, nous ne sommes pas des idiots, nous ne sommes pas seulement des experts de notre domaine, nous pouvons communiquer, et nous élever un peu au dessus de notre profession. Et nous voyons que maintenant, tout se dirrige très vite vers de grands bouleversements dans le monde, et si la Russie ne prend pas ses distances, elle peut disparaître du cours de l’histoire. Nous sommes sans doute à la veille de bouleversements comparables à ceux qui ont marqué le début du siècle dernier, un changement des structures économiques, avec toutes les conséquences qui en découlent... Maintenant, comme vous le savez, si au début de la pièce, il y a un fusil sur la scène, on s’en servira forcément au deuxième acte. Nous avons beaucoup d’armes, et il n’est pas exclus que nous devions nous en servir. Et comment défendre le pays ? De quelle manière ? Il y a un poète remarquable, Nikolaï Zinoviev, qui a écrit le petit poème suivant :

Il y eut la victoire sur l’ennemi,

à laquelle mon grand-père a péri

Et je dis regardant alentour

Qu’il nous faut encore une victoire.

Je sais de qui je suscite la colère

De ce côté-ci et de l’autre,

Je n’appelle pas à la guerre

Mais au salut du pays.

En tant que croyant, je ne devrais pas me laisser aller au pessimisme, car je sais que tous ceux qui ont médité tout cela n’ont pas pris en compte le facteur principal. L’acteur principal du processus historique, c’est Dieu.Et en tant que société, nous devons tous nous retrouver face à Lui, nous y sommes déjà, nous ne pouvons déjà plus compter sur personne d’autre. Et prier... Alors il règlera facilement ce problème. Nous ne savons comment. Mais il règle toujours ce genre de problèmes quand une masse critique de la société commence à le Lui demander. Peut-être est-il temps pour nous aussi, spécialistes, de nous mettre à prier!

Viatcheslav Borovskikh


 https://www.facebook.com/100003447500481/videos/2734535353338021/?__cft__[0]=AZXTGnmC6yyIcxCYk7pZJRLlnXEKBfD-19uXA8KyUYtmgMwz8sOqQWPsaH3OoMcYne_ObXguz7I3lEJbZYJDvotmDnsngSM25PlrGh5oN6n_2juvtIdDRoXhHD-k3539cuUOPB3hykVd-xiZrVpADNidGo15Z_xoRQwZ8FcJgywMJA&__tn__=%2CO-R

 

dimanche 25 avril 2021

Les réalités parallèles

Macha Soutiaguina

Mon gentil plombier m'a apporté un bouquet de branches de saule, pour les Rameaux. Dans un pays comme la Russie, c'est tout ce qu'on a sous la main, les saules sont les premiers à se couvrir de chatons duveteux et argentés. Le père Antoni me disait qu'à Cannes, où on trouve profusion de palmes authentiques, les Russes sont tellement attachés à leurs chatons de saules qu'ils font des prodiges pour en trouver alors qu'en France, au moment de Pâques, ils en sont au stade de la feuille verte.
Avant Pierre le Grand, pour les Rameaux, le tsar conduisait le patriarche juché sur un cheval, à défaut d'un ânon, car les ânes, comme les palmes, ne pullulaient pas, en Russie.
Quand monseigneur Théoctyste m'a vue avec mon cocard, il a pris un air consterné, puis il m'a dit que voilà, on venait vivre en Russie et l'on souffrait comme les Russes. Plus tard, en confession, le père Andreï m'a demandé ce qu'il m'était arrivé en se tordant de rire. "Personne ne m'a battue! J'ai trébuché sur un trottoir inégal...
- Vous pouvez porter fièrement votre oeil au beurre noir, quel est le Russe qui n'a pas un jour exhibé le sien? C'est un peu comme le permis de séjour, un signe de naturalisation!"

le tsar Alexis conduisant le patriarche

En sortant de l'église, j'ai vu qu'il neigeait à gros flocons. Et ça tenait presque. Je dois dire que cela m'a sapé le moral. 
Une correspondante russe m'a écrit que sa fille de cinq ans avait une passion pour ce même film Ivan le Terrible d'Eisenstein qui m'avait subjuguée à quinze ans, quand je l'avais vue au cinéclub du lycée de Pierrelatte.  En opposition complète avec le gouvernement français déconstructeur, je pense que les enfants peuvent aborder des choses qui paraissent difficiles, mais qui sont dans le registre de l'enfance, et répondent à ses besoins, parce qu'elles sont archétypiques. Quand j'étais moi-même enfant, on m'avait défendu de regarder la Belle et la Bête de Jean Cocteau, mes grands parents redoutaient que cela m'impressionnât, et je pense que j'aurais pu parfaitement le voir, je l'ai d'ailleurs vu un peu plus tard et adoré. De même ma tante m'a parlé d'un enfant que ses parents, parce qu'ils ne pouvaient pas le faire garder, avaient emmené avec eux voir la Tétralogie de Wagner, et il avait été complètement subjugué, il connaissait les quatre opéras par coeur. La même chose m'est arrivée quand ma mère, pour mes neuf ans, afin d'encourager mon intérêt pour la mythologie grecque abordée brièvement à l'école, m'avait offert l'Iliade et l'Odyssée dans la Pléïade, et j'avais lu ces épopées avec passion, je les connaissais également par coeur, c'est du reste ce qui se passait autrefois, quand ces épopées étaient chantées. Même quand les gens ne savaient pas lire. de sorte que même quand ils ne savaient pas lire, ils étaient plus cultivés que le beauf moderne qui lit sa tablette et regarde la télé.
L'histoire de la fillette de cinq ans subjuguée par Ivan le Terrible m'a conduite à me poser certaines questions. Comment j'aurais réagi, si je l'avais vu au même âge. Sans doute de façon identique, mais c'est qu'il y a dans cette oeuvre des aspects épiques et magiques qui parlent à l'enfant et à la partie archaïque de notre être, la partie reliée à l'immémorial, à l'inconscient collectif. Le réduire à un film de propagande sur Staline est ne rien y comprendre, bien que naturellement, ces mécanismes psychologiques puissent avoir été sollicités pour lui donner la légitimité qu'il n'avait pas, en l'assimilant au tsar, puisque il le faisait déjà lui-même. C'est certainement d'ailleurs ce qu'il attendait de ce film, être assimilé à la figure paternelle sacrée du tsar terrible consacré par l'Eglise, aux yeux d'une population de mentalité encore archaïque et normale. Comme le remarquait un blogueur, les Russes ont besoin d'admirer leur chef, les enfants aussi, il n'y a pas pire tour de cochon à leur faire que de les priver d'images paternelles positives et héroïques, ils ont besoin de grandeur et de ferveur, ils ont besoin de poésie. Adolescente, c'est ce que j'ai vu, un conte de fées, une épopée grandiose, captivante, avec un tsar profondément pénétré de la grandeur de sa mission, qui adore sa femme, douce dévouée et béate d'admiration devant lui, et qu'à part les traîtres et les méchants, tous ses subordonnés vénèrent. Je voyais un monde beau, noble et cohérent, à l'opposé de celui où j'étais née, prosaïque, vulgaire et infecté d'idéologies sinistres qui voulaient tous nous embrigader dans des usines et des casernes, et nous parquer dans des clapiers.
La dernière vidéo de Slobodan Despot fait allusion à l'illusion qui nous était présentée comme une réalité, comme une réalité indiscutable, si évidemment absurde qu'elle soit, ce qu'il appelle une réalité de substitution. C'était ce que je ressentais dans mon jeune âge. Ce qu'on me présentait comme la réalité me semblait absurde et affreux, alors que le monde antique d'Homère ou le monde médiéval d'Ivan le Terrible me paraissait cohérent et noble, bien que souvent terrifiant, mais je soupçonnais déjà que la façade de bien-être optimiste devant laquelle nous vivions tous alors n'était justement qu'une façade, ce que me rappelaient les récits familiaux sur la guerre et la libération, les événements d'Algérie, le retour des pieds-noirs, les atrocités qu'ils avaient vues. De sorte qu'en partant pour la Russie, j'ai eu l'impression de choisir la vérité qui dérange plutôt que le mensonge qui rassure. Les conséquences de la réalité de substitution y étaient beaucoup plus évidentes que chez nous, mais c'est en train de changer.
Dans tous les cas, quelle que soit l'étiquette officielle du totalitarisme, il faut aux marchands d'illusions nous isoler du reste du monde pour éviter les comparaisons éclairantes, et dans le même souci, nous couper de notre passé et de notre histoire.
Chaque épiphénomène de l'illusion progressiste matérialiste, qui nous fait passer à côté de nous-mêmes et nous exile de la réalité du cosmos, a sa propagande et ses incantations et crée une société absurde qui prétend être la seule possible et n'offre aucune alternative. Cependant, quand l'aspect soviétique de cette illusion s'est effondré, j'ai pu observer que la réalité des Russes n'était pas la nôtre, et que c'était peu à peu la nôtre qui trouvait dans la chute de son apparente antithèse, la justification de ses certitudes. Dans les décombres de l'URSS, je voyais surgir, avec ce qu'il restait de l'Eglise orthodoxe, ce qu'il restait aussi de superstitions païennes, ce qu'un ami appelait un "moyen âge déboussolé". Car contrairement à nous et malgré Pierre le Grand, la Russie avait conservé son moyen âge. Les romans de Dostoievski sont profondément médiévaux, sous le vernis pétersbourgeois, et c'est je crois pourquoi je les ai tellement aimés, avec leurs personnages à la fois si charnels et si spirituels, si fervents, si passionnés. Alors qu'en Europe, nous en étions déjà, quand j'étais enfant et adolescente, extrêmement loin. C'est bien en effet notre dérive qui a fini par happer les Russes dans son maelström maudit.
Les démons qui se sont déchaînés en Russie, si leur arrière-garde y sévit encore, sont massivement retournés d'où ils étaient venus, vers l'Europe progressiste et matérialiste dont on "déconstruit" les derniers restes de culture, mais les ravages sont grands, à l'est comme à l'ouest. On peut dire, comme l'observe Slobodan, qu'il y a deux réalités, celle de l'ouest et celle de l'est, même si nous sommes tous victimes du même mal. Mais à l'intérieur de la Russie, il y a plusieurs réalités également. Il y a même plusieurs époques. Il y a des gens qui vivent au XIX° siècle, il y a des gens qui vivent au moyen âge, il y en a d'autres qui mentalement ne quitteront jamais l'URSS. Il y en a qui vivent dans la réalité libérale mondialiste. Ces réalités, quelquefois se recoupent, se confondent sur certains plans, puis se séparent. Les réalités sont paradoxalement plus diverses en Russie qu'en France, de sorte qu'on peut choisir sa population et son époque. On y trouve suffisemment d'âmes soeurs pour s'inscrire dans une vraie communauté, d'autant plus que les autres populations et les autres époques en présence se rencontrent sur certains terrains. 
Regardez le briefing de Slobodan, la réflexion est éclairante. J'ai mis longtemps à comprendre que la "réalité" que je détestais instinctivement dans mon enfance était relative et fictive, que c'était une citadelle idéologique destinée à nous empêcher de vivre pleinement dans toutes les dimensions de la vie. Je la fuyais chez Ivan le Terrible, d'autres dans la drogue, il y a beaucoup de raisons objectives de la fuir, car elle est l'antithèse de la vie et de la véritable vocation de l'homme.
 
















vendredi 23 avril 2021

L'ombre de l'église




J'ai lu ce post qui m'inquiète beaucoup:

Qu'est-ce qu'il est maintentant interdit de faire sur son terrain?

Garer sa voiture chez soi ou sur le territoire adjacent (beaucoup de limitations)

couper un arbre sans permission

laisser des mauvaises herbes (liste de celles-ci?)

creuser la terre trop profond

faire un puits artésien sans permission

construire quelque chose près de la limite

avoir des animaux domestiques (beaucoup de limitations)

épandre, conserver, transporter du fumier

élever des abeilles (beaucoup de limitations, pratiquement interdit)

avoir des toilettes traditionnelles la cabane au fond du jardin

utiliser ses propres semences si on vend le produit

faire du feu, des barbecues, brûler des ordures.

Venir en voiture en l'absence de route asphaltée

des constructions sans permission

encombrer le terrain de divers objets

Faire du bruit

Conclusion. Nous suivons la tendance mondiale à l'interdiction de faire pousser notre nourriture sur notre propre terre et de créer une économie personnelle indépendante.

https://www.facebook.com/maxim.obukhov/posts/10218735800696224?__cft__[0]=AZUW1uP2zhKWCZDQcv4KL_Zts0UqQ_mFCIrcpLXjnI3G4epIPGQ74_KOVn28KsMVt_a83LVOqAYeSP-JfnZKa1-uFsSl7l8yleFHg2Xrr0uNGc5IpnabtUkFWLASM2VOYGmm13d4G_UyBurJL0_2WHt1Pv90IjA4AfTlReJYcu9lZw&__tn__=%2CO%2CP-y-R

Je suis la première à déplorer qu'on construise n'importe quoi n'importe où; mais je partage là entièrement la conclusion de l'auteur du post. La caste mondialiste, qui a ici ses soutiens actifs, cherche à pousser tout le monde dans des fourmillières à la chinoise ou à la Sobianine; et les tentatives de communautés, de retour à la terre, de permaculture, agroécologie, autarcie etc. n'auront plus le droit ni la possibilité d'exister. Je ne vois pas très bien comment appliquer ces instructions dans un pays comme la Russie sans recourir à la terreur rouge. Mais c'est en tous cas le programme universel, que les députés s'emploient à mettre en place, sur ce plan-là et aussi sur le plan sociétal, avec des tentatives sournoises pour imposer ici des lois visant à anéantir l'autorité des parents.

C'est-à-dire que comme d'habitude, on a les discours de Poutine affirmant une chose, et ses députés qui vont dans le sens diamétralement opposé.

Si tout cela est appliqué, cela nous fera la vie parfaitement impossible. D'ailleurs faire au sens littéral la vie impossible aux sous-hommes semble le but de l'aristocratie mafieuse transhumaniste partout où elle est agissante. Il faut que tout devienne laid, vulgaire, sinistre, étouffant, oppressant, indigne, insipide, désespérant, inhumain, invivable, pour nous, pour la faune et pour la flore.

J'ai vu aussi des photos de l'ancien Pereslavl. Il y avait deux églises à l'embouchure de la rivière Troubej, on a détruit la plus ancienne, comme toujours, et laissé les Quarante Martyrs, devant lesquels on prévoit maintenant la piste cyclable sur passerelle. Les photos montrent la fête de la bénédiction des eaux du lac, à laquelle j'ai assistée, en mémoire de la princesse Eudoxie, femme de Dmitri Donskoï, qui avait trouvé asile sur le lac par temps de brouillard, alors que les Tatars cherchaient à s'emparer d'elle et de ses enfants. Qui nous protègera des Tatars d'aujourd'hui, qui sont partout infiltrés, actifs, néfastes et vils au delà de tout ce que nous avions connu jusque là? 

Il y a beaucoup de monde, sur ces photos, à la fête, des gens de toutes sortes, et cette foule est homogène, harmonieuse, le paysage aussi. Il est à la fois naturel et propre, il y a beaucoup plus d'eau dans la rivière et le lac que maintenant. Il devait y avoir aussi beaucoup plus de poissons. Et beaucoup plus de relations entre les gens. Même à Pereslavl, les choses ont changé depuis la première fois que je suis venue, sans parler du saccage de l'architecture. Il y a des voitures partout, une circulation incessante, alors que j'ai connu une petite ville paisible, nonchalante, avec des chèvres, des poules, des grands-mères assises devant leurs isbas, des pique-niques de militaires, des gosses qui jouaient dans les champs ou se baignaient dans la rivière, empreinte de ce désordre russe plein de vie que haissent tous les oppresseurs. Un correspondant m'écrit que lorsque Pereslavl était encore féérique, il rêvait de quitter le désespoir soviétique, qu'ensuite il avait espéré en un changement et que maintenant, il se consolait avec ce qu'il restait du passé. Il m'a envoyé une photo des années 70 qui montre exactement ce que j'ai connu en 99 et qui est maintenant absolument saccagé et méconnaissable. J'avais même fait des aquarelles des isbas représentées sur la gauche. Il y avait dans ce coin, près du musée, près du monastère Goritski, des vues merveilleuses sur la ville et le lac, on les chercherait en vain aujourd'hui.


Me promenant dans le marais, je songeais à tout cela, et priais avec douleur. Les baraques affreuses pullulent, et aussi les ordures. Etrangement d'ailleurs, c'est à une décharge que me font penser ces accumulations de bâtisses disparates et sans style jetées dans la nature comme des packs de lait et des bouteilles en plastique dans les herbes folles et les roseaux. Un ami russe me disait que les lotissements de cottages faisaient penser à des alignements de mausolées. Quand on arrive près du lac et que l'on tourne le dos à tout cela, on parvient encore à l'oublier. Les saules verdoient, des chatons gonflent comme des bulles, le lac au loin, derrière les roseaux jaunes, est d'un bleu vif presque marin, un bouleau solitaire projette dans l'espace une verticale svelte et blanche, et l'on peut ressentir la réponse de tous ces êtres végétaux à l'admiration qu'ils nous inspirent, un lien se crée entre moi qui les regarde et eux qui sont regardés, entre mon coeur et le balancement altier de leurs branches dans le ciel, le mouvement si lisible de l'écriture de la vie tracée par leurs ramures enchevêtrées et bourgeonnantes. C'était vraiment un dialogue muet, un dialogue infiniment bénéfique et nécessaire, dont tout nous prive de plus en plus. Je pensais aux hordes de brutes et d'imbéciles qui nous font ce monde infernal, dont aucun de nous n'est pourtant vraiment innocent non plus. A leur enfance totalement dénuée de ce qui faisait de leurs ancêtres des gens dignes et profonds, à leurs âmes contrefaites et atrophiées, ne sont-ils pas semblables, au fond, aux enfants loups qui n'ont pas reçu à temps ce qui fait de nous des hommes? Semblables et pires, car je me demande s'il ne vaut pas mieux être élevé par des loups que par les sociétés que nous avons laissé créer et qui ne fabriquent pas seulement des idiots attardés persuadés d'être des dieux, mais des monstres qu'on ne peut même pas appeler barbares. Les barbares avaient des poésies, des chansons et des savoir-faire dont ce que l'on fabrique et formate, dans nos termitières à écrans hypnotiques, n'ont plus la moindre idée.  

La Russie offre toujours des surprises: pendant que je faisais mes courses avec mon oeil au beurre noir, je tombe sur une bonne femme à laquelle j'avais prêté 20 000 roubles à contre-coeur, il y a deux ans. A chaque fois que je la rencontrais, elle proclamait, alors que d'ailleurs je  ne lui demandais rien, parce que je soupçonnais que je ne les reverrais jamais, qu'elle me les rendrait avant l'aôut foi d'animal. Et là, tout à coup, bien que la rencontre fût complètement fortuite, la voilà qui tire les 20 000 roubles de son sac. Je ne me promène pas tous les jours avec 20 000 roubles dans le mien!

Un jeune couple est venu me voir, des routards russes lecteurs de mon blog, ils voulaient passer la nuit chez moi, mais j'ai refusé. Hier, j'ai longuement parlé avec la journaliste de Spoutnik, aujourd'hui, j'ai eu ces visiteurs chez moi une grande partie de la journée. J'ai besoin de paix et de solitude. Je sens que je perds le contrôle de mon temps et de ma vie, je suis trop sollicitée. De plus, où les aurais-je mis, quand j'ai déjà la mère de Génia à côté? Ils sont allés dormir dans l'atelier, avant de repartir, du coup je suis allée dormir dans ma chambre, parce que je ne pouvais rien faire d'autre. 

 






Les ruines de l'église dynamitée, en face des 40 martyrs....



Mon évêque nous a fait un jour remarquer que ce qui était détruit prioritairement par le pouvoir soviétique, c'était le plus ancien, le plus typiquement russe. Chez nous aussi, on fera flamber Notre Dame plutôt que Versailles, évidemment.


mardi 20 avril 2021

Chute


Ce matin, pas de chauffage, et il ne fait pas très chaud. Le plombier dit que c'est le vent qui provoque le problème, cela arrive, mais là, cela arrive souvent et je n'arrive pas à rallumer. J'ai refilé mon chauffage d'appoint à ma pensionnaire, et j'ai décidé d'aller en acheter un autre pour moi. Mon intention était de faire plusieurs courses à pied, pour faire de l'exercice, en laissant ma voiture près du magasin d'éléctroménager.
Au passage, j'ai vu la maison repeinte par l'équipe d'Akimov, c'est vrai que c'est très réussi, et même celle d'à côté, du coup, ressort mieux. Je suis allée à la poste, où l'on m'a demandé quand je repassais à la télé, et puis acheter une montre, et d'assez bonne humeur, je me dirigeais vers le magasin, quand j'ai trébuché sur le trottoir inégal et me suis abattue, la gueule sur le macadam. 
Là, c'est quand même le grand moment de solitude. On se sent con et misérable, la vieillesse, c'est le cas de le dire, vous saute à la figure, bien qu'à vrai dire, je sois souvent tombée dans ma vie, même quand j'étais jeune, mais je sens bien que mes jambes ne me portent plus comme autrefois, et avec les trottoirs que nous avons... Je voulais quand même acheter mon chauffage, alors que je sentais l'oedème apparaître, et j'ai pris le premier venu, parce que c'était long, que je voulais aller soigner mon oeil au beurre noir. Après désinfection et application d'un truc froid, j'ai monté le radiateur à l'huile made in China, qui, à peine branché, s'est mis à fumer et à fondre. Je n'ai plus qu'à le rapporter.
Après demain, je dois recevoir une journaliste de Spoutnik, mais avec la gueule que j'ai, il faudra reporter ou bien faire appel à une bonne maquilleuse. Si c'est la télé, car au fond, je n'en sais rien. 
Il y a des jours comme ça, où on ferait mieux de rester au lit.
D'après mon plombier, je devrais maquiller l'oeil sain comme l'oeil blessé et tout serait parfait.


Le matin, une dame m'a appelée de Tcheliabinsk, elle travaille dans les musées, j'ai l'impression, et elle voulait me remercier pour tout ce que je disais sur la Russie, elle trouve que c'est extrêmement important de réveiller la conscience nationale, la foi orthodoxe, l'intérêt pour la culture russe, et semble attendre de moi de véritables miracles, ce qui est quelque peu intimidant. Son opinion est que le communisme a fait beaucoup de mal, mais pas seulement et qu'il est quand même moins destructeur de la mentalité des gens, et même de leur patrimoine, que le libéralisme que nous avons aujourd'hui, et je ne peux pas dire le contraire, bien qu'à mon avis tous ces épiphénomènes aient les mêmes causes profondes.
Ce qui m'ennuie, c'est que des mondialistes travaillent exactement dans le sens opposé et cherchent à parquer la population dans des villes termitières, comme partout ailleurs dans le monde. Ils semblent même assez pressés, et ne s'embarrassent ni de précautions ni de scrupules. Parallèlement, des gens se lèvent contre eux, s'organisent, comme nous ici, à notre niveau, mais cela sera-t-il suffisant? On ne doit pas se poser la question. Il faut faire ce qu'on peut.
J'ai vu que le docteur Laurent Alexandre faisait la réclame du vaccin mafieux en accusant sa propre presse aux ordres de faire peur aux gens en parlant des effets secondaires. Vous savez, le transhumaniste qui trouve surnuméraires tous ceux qui ne sortent pas des grandes écoles. Qui divise l'humanité entre l'élite intelligente (dont il fait partie) et les sous-hommes (tous les autres). Parallèlement, j'ai lu qu'autrefois, les gens de la campagne tenaient leurs abeilles au courant des grands événements familiaux, le décès du père de famille par exemple. Ce qui me confirme dans l'idée que par rapport à ces gens-là non seulement une grande partie de nos contemporains sont des dégénérés stupides capables seulement de nuire à leur prochain et à tout ce qui vit autour d'eux, mais que ce même docteur Alexandre n'arrive pas, pour l'intelligence véritable des choses de la vie, au niveau de l'ongle du gros orteil de n'importe quel paysan du moyen âge. 
Son affreux regard devrait suffire à alerter n'importe quelle personne consciente, il est à lui seul une contre publicité efficace au vaccin qu'il défend.
Dans la foulée, j'ai vu une vidéo de la chaîne SPAS où un prêtre orthodoxe racontait son expérience de mort imminente. Victime d'un accident, et dans le coma, il est sorti de son corps, avec toute sa conscience et ses souvenirs, ses pensées, mais il n'avait plus le contrôle de ce qu'il lui arrivait, et s'il comprenait clairement, enfin, qu'il n'avait pas vécu comme il convenait, il ne pouvait plus rien y changer. Et Dieu lui fit voir l'enfer, c'est-à-dire une solitude infinie dans un espace cosmique hostile, froid et désert qui lui parut horrible, et cela m'a rappelé une description comparable qu'avait faite Carl Gustav Jung d'une vision à l'occasion, je crois, d'une anesthésie. Une fois là dedans, le prêtre en fut retiré pour retourner dans son corps et sortir de son coma. A la suite de quoi, il a complètement changé de vie. 
Je pensais au transhumanisme du docteur Alexandre et à tous ces malades qui font le malheur des gens, et je me disais qu'ils allaient tout droit à ce vide cosmique éternel, et en même temps, j'étais prise d'une terreur métaphysique à cette seule pensée et me souvenais de ce qu'en disait le métropolite Antoine de Souroj, aimer son prochain, c'est ne pas parler contre lui au jugement dernier. 

lundi 19 avril 2021

En bas de l'échelle

Polina Terentieva

Le concert a eu lieu, il y avait très peu de monde. C'était dommage, car nous avions une spécialiste des vers spirituels qui chante très bien, Polina Terentieva. Cependant, le moment n'était pas très favorable, à huit heures du soir, au moment où dans les paroisses, les croyants écoutent l'acathiste à la Mère de Dieu, en plein carême, et ce sont eux qui sont susceptibles de s'intéresser aux vers spirituels. J'étais fatiguée et peu en train, j'ai eu un trou de mémoire dans le cours d'une chanson, mais, c'est consolant,  la spécialiste aussi.  Elle est jeune, mais mère de famille nombreuse, et elle est venue et repartie le soir même, ce qui en soi est un exploit. Je ressens une fatigue immense, et même un certain découragement, une fatigue nerveuse dûe à trop de sollicitations. Il me faudrait faire des choix dans mes activités. Et maintenant, en plus, il y a le jardin, car je dois réagir à la catastrophe causée par le voisin. Quand je regarde de son côté, j'ai l'impression d'être sur la ligne de front de la guerre de 14. Je revois des photos d'avant, l'espace du ciel, les roseaux, évidemment, si j'avais pu acheter ce lopin, cela aurait tout changé, et évité un pareil désastre. Car ce que je vais planter finira par me cacher cela, mais m'enlèvera pas mal de lumière. 
Je plante aussi du côté de la maison d'oncle Kolia, elle est très jolie mais risque de disparaître d'ici 5 ou 10 ans, ou d'être défigurée par des excroissances tumorales. J'utilise des arbres que j'avais déjà ici et que je déplace, lorsque leur emplacement ne convenait pas trop. Et puis j'ai commandé deux saules nains, et je vais me procurer la variété de saule qui donne les rameaux utilisés pour la fête du même nom, avec des branches rouges et des chatons gris. Ils ne sont pas trop hauts, et tout cela, en formant écran, pompera une partie de l'eau stagnante.
 Le choix alternatif du village présente aussi des inconvénients, dont le premier est la manie de mettre le feu aux champs pour brûler les herbes sèches, ce qui évidemment met en grand danger les maisons de bois. Je me souviens avoir défendu, avec les voisins, mon isba de Krasnoié contre un pareil incendie, à coups de pelle, c'était assez effrayant. C'est une des raisons pour lesquelles j'avais vendu l'isba, après mon retour en France. J'avais peur qu'elle ne brûle en mon absence. Encore et toujours la même brutale stupidité de l'homme contemporain, élevé dans l'ignorance et le mépris de la nature et du vivant. En plus de menacer les isbas, ces pratiques font périr un grand nombre de petits animaux sauvages. Nous nous conduisons tellement comme des pignoufs dans la Création de Dieu que je me demande comment Il fait pour nous supporter encore. Et le ballet des camions qui viennent déverser de l'argile dans le marais continue. Où ira l'eau comprimée? Quel effet cela aura-t-il sur l'écologie du lac? Pas le problème des cerveaux atrophiés responsables.
 Je suis en contact avec les bénévoles qui s'occupent ici des animaux abandonnés, perdus, je leur donne un peu d'argent. J'ai failli prendre une chienne, pour décourager les candidats félins ultérieurs à l'immigration sauvage. Une famille l'a prise à ma place, je me suis effacée, parce que je redoutais aussi le stress de l'adaptation, mais maintenant, je le regrette, elle me plaisait, elle était grande, impressionnante, mais bonne et tranquille, et je ne suis pas sûre qu'une famille soit ce qui lui convienne, elle semblait avoir besoin de paix; elle semblait sensible, traumatisée, le genre à se mettre dans son panier pour dormir deux jours avant de s'habituer doucement à une vie de sécurité sans heurts. Il faut parfois écouter davantage son coeur que ses craintes ou ce qu'on appelle sa raison.

Sous l'égide de Boris Akimov, gentleman farmer bio propriétaire de la chaîne Lavka-Lavka, on a collecté de l'argent et réuni des volontaires pour repeindre une jolie vieille maison devenue invisible sous une épaisse couche de poussière, afin de sensibiliser les gens à ce qu'il reste ici de pittoresque. Je devais aller chanter, mais je me sentais incapable de participer à quoi que ce soit. J'ai donné de l'argent pour l'achat du matériel. Je regrette, l'initiative est sympathique, mais il vient un moment où j'ai besoin de solitude, et d'une absence totale de contraintes. Après l'émission de SPAS, je suis mise en lumière, des tas de gens tous très gentils, veulent me rencontrer et je suis fatiguée. Le carême peut-être, et pourtant, lui aussi, je le lâche, je dégringole de l'échelle de saint Jean Climaque avec un soulagement sournois de cancre qui fait l'école buissonnière. C'est-à-dire que je je continue à respecter les interdits alimentaires, mais je n'arrive plus à prier, à suivre les lectures, et j'ai envie de tout envoyer péter, et de m'asseoir au soleil avec des oeufs miroir sur un lit d'épinards, dans le silence et les chants d'oiseaux, si possible sans voisins. C'est ce qui m'arrive parfois quand je fais une overdose de bondieuserie. Je sais que si je continue comme cela, je vais commencer à déprimer. Mais je fais quand même mon mauvais sujet. Je suis bien le double de Fédia Basmanov. Mon seul espoir est dans la mansuétude de notre intercesseur commun, le métropolite Philippe, et sa mante protectrice. Je le voyais en saint patron des dissidents et des lanceurs d'alerte, il pourrait l'être des mauvais sujets qui selon l'expression de Brassens font "la tombe buissonnière" et "quittent la vie à reculons". C'est drôle comme j'ai vraiment l'impression de le connaître personnellement, d'être suivie de près, c'est ce qui me rassure. 
 Une correspondante m'a écrit en pièce jointe que je devais aller voir le père Elie à Peredielkino, que le sentiment de solitude relevait du manque de foi et de la pusillanimité. Ceci, à la suite de l'émission, évidemment. Bon, d'abord, je suis allée voir qui c'était le père Elie, de Peredielkino, c'est un starets très connu, je croyais qu'il était à Optino.Je reconnais que je manque de foi et que je suis pusillanime, mais je suis toujours étonnée que l'on vienne s'occuper tout à coup de mon âme, et puis que l'on considère aussi les besoins affectifs et naturels de l'être humain comme quelque chose de tout à fait inférieur, indigne des héros que nous sommes. Car si Dieu a créé l'homme et la femme complémentaires physiquement, intellectuellement et psychologiquement, ce n'était sans doute pas forcément pour le monachisme, et qui plus est, pourquoi les équiper de ce qu'il faut pour qu'ils prennent du plaisir ensemble, si c'est pour leur interdire de s'en servir? Et leur dire que leur détresse est due à leur manque de foi et à leur pusillanimité par dessus le marché? Est-ce qu'on leur dit qu'ils ont tort de prendre du bonheur à regarder un coucher de soleil ou à écouter Schubert, il y a des sens plus distingués que d'autres, et les amours éthérées sont plus licites que celles qui s'expriment aussi dans la fusion charnelle? Et quelle fusion est exclusivement charnelle, en dehors de la pornographie de bas étage qui dérive justement, comme sa soeur la pudibonderie, de la dissociation du sexe et de l'affectif?  Ces questions, je les posais déjà au catéchisme à un curé qu'elles mettaient en rage, et qui me traitait de païenne. Le père Barsanuphe y avait répondu de façon beaucoup plus convaincante, mais je vois que la mentalité de ce curé se rencontre parfois chez les orthodoxes. A mon âge, je supporte beaucoup mieux la solitude que dans ma jeunesse, et puis en effet, mieux vaut surmonter tout cela quand les carottes sont cuites. Comme disait justement Flaubert "au moins, personne ne m'emmerde" et c'est une consolation. Quand au starets, oui, bien sûr, il est très connu, mais je me méfie des visites de ce genre. J'ai entendu parler d'un autre starets qui ne laisse le choix qu'entre le mariage et le monastère, et je connais comme cela une veuve voilée, visiblement faite pour le monastère comme moi pour enseigner les mathématiques ou donner des conseils fiscaux. Est-ce qu'elle ne serait pas mieux à sa place ailleurs? Je m'abstiendrai de fournir d'autres exemples d'irruptions pachydermiques de starets dans le magasin de procelaine des uns et des autres. Pour moi, j'ai suivi, dans le genre radical, le conseil du père Placide, mais c'est venu naturellement dans le cadre de nos entretiens, il me connaissait bien, et du reste, je l'en remercie tous les jours dans mes prières, il ne s'est pas planté.
 
"Passe encore de semer, mais planter à cet âge"... 
le thuya et les saules, ça pousse vite
.
le bord de la tranchée, je m'étonne de ne pas voir de casques à pointes

mercredi 14 avril 2021

Surmenage

 Les crocus apparaissent. Les jonquilles pointent le nez. Un vent doux souffle aujourd'hui sur le jardin qui semble recouvert de vieilles serpillères jaunâtres et beigeasses, et que surmonte l'énorme langue de glaise du voisin, avec des individus qui circulent ou fument sur la terrasse. J'attends avec impatience que les cosaques me fassent les travaux. Les belles saisons ici sont courtes, et je n'en ai pas une grande réserve encore devant moi. J'aimerais les passer dans la paix et l'harmonie.

J'ai vu la voisine Ania, celle d'en face. Elle aussi a de l'eau partout, et on lui a aussi déversé des tonnes de terre au bout de son lopin. J'ai appris d'elle que Robert, mon dernier chat, appartenait au départ à la famille qui partage l'isba d'oncle Kolia. Ils prennent des animaux et les laissent à l'abandon. Ania nourrit un chat roux qui vient de chez eux. Robert se partageait entre elle et oncle Kolia, jusqu'à ce qu'il réussît à s'installer chez moi. Ania pensait qu'il avait succombé au froid extrême, mais c'est justement à ce moment-là que le voyant maigre, hérissé, les yeux larmoyants par moins 26, je l'avais laissé entrer. J'en ai vraiment ras le bol des tordus qui prennent des animaux pour les refiler aux voisins.

Oncle Kolia a recueilli un jeune chat noir en perdition. Mais il a quatre-vingts ans, sauf mort accidentelle, le chat a de grandes chances de lui survivre...

Je sens que je n’aurai pas le courage d’aller écouter le canon de saint André de Crète. Je suis trop fatiguée et j’ai un programme trop chargé. Car tout à coup Génia s’est réveillé pour faire une soirée concert au café le vendredi de l’acathyste. Olia veut que je m’occupe de son petit-fils et lui donne demain des cours de français. Skountsev va aussi me donner un cours demain. Je dois répéter ce soir, et probablement demain soir avec Génia. Aujourd’hui, dans la journée, une jeune femme, à la suite de l’émission que m’a consacrée la chaîne SPAS et qui semble m’avoir rendue célèbre, voulait me rencontrer et me présenter une brave dame qui brûlait de me connaître. Elle m’a présenté également un jeune couple qui s’occupe avec Boris Akimov, magnat du bio, de restaurer gratuitement ce qu’il nous reste d’isbas pittoresques, pour amorcer un mouvement salutaire. Ceux-ci veulent que je vienne chanter dimanche, dans le cadre d’une petite fête à cette occasion. L'idée de se cotiser et de se retrousser les manches pour restaurer des maisons traditionnelles méprisées me paraît excellente. Mais il me faut en plus m’occuper de mon jardin dévasté. Les travaux vont commencer. Je dois finir la traduction de Yarilo. Il y a les lectures et les offices du carême, la semaine sainte à l’horizon, je ne sais plus où donner de la tête.

Le jeune couple pense que le gouvernement russe fait semblant d'observer les consignes de la dictature sanitaire mondialiste pour nous éviter d'en devenir victimes. En réalité, j'ai aussi quelquefois cette intuition. A se demander quelles pressions subissent les gouvernements réfractaires. Mais un chef d'état africain est bien mort fort opportunément après avoir bravé les directives mafieuses?

De retour chez moi après le café, je suis sortie dans le vent lumineux déambuler avec ma pelle. J’ai trouvé le coin idéal pour planter des framboisiers désormais trop exposés aux inondations. Et aussi mes pommiers nains, que j’ai mis dans les bacs ménagés sous mes fenêtres, au sud. Ils seront surélevés, au soleil et à l’abri du vent. Ma pensionnaire est arrivée, brûlant de m’aider, or je n’ai pas besoin d’elle, j’aurais besoin de travaux de terrassement qui seraient au dessus de ses forces et des miennes et elle m’empêche de penser. Elle est totalement incapable d’imaginer qu’on n’ai pas envie de tout faire en meute, et transpose dans l’orthodoxie progressiste la mentalité de la komsomole de base. J’ai droit à toutes sortes de conseils déplacés, car elle ne connaît rien aux plantes ni aux conditions de mon terrain. Plus des leçons de morale. Si j’évoque la nécessité de cacher autant que possible les horribles maisons avoisinantes, elle me dit avec un fin sourire qu’elle regarde au dessus, vers le ciel, et ne voit pas tout cela, dans sa béatitude et son élévation spirituelle. Si j’évoque le voisin et les dégâts occasionnés, elle me répond en gloussant, comme à un enfant déraisonnable, qu’on ne le changera pas et qu’il faut faire preuve de patience et donner le bon exemple. Un bon exemple à donner serait de faire preuve de cette belle patience, assortie d'une angélique humilité, au lieu de toujours prechi-prêcher à l’ourse des cavernes française des vertus qu’il est facile d’avoir quand on est là de passage et que les problèmes ne vous touchent pas directement. Comme j’évoquais le projet de faire une petite entrée terrasse côté invités, elle m’a déclaré que ce serait trop près de la voiture, et qu’il fallait construire un kiosque un peu plus loin, je n’en croyais pas mes oreilles. Je n’ai pas eu le bonheur d’être mariée, mais j’ai néanmoins le malheur d’avoir toujours sur le dos les belle-mères des autres.

Tout mauvais que soit mon caractère, je ne me suis jamais sentie autorisée à accabler les gens de conseils et de considérations sur leur vie intérieure et la façon de la mener. Pour une bonne raison : j’ai trop conscience de mes propres insuffisances.

Je suis allée au café à pied, et en chemin, j'ai vu une maison que j'ai trouvée bien restaurée, à part la barrière doublée de plastique. Elle forme un ensemble avec une petite maison de bois et une autre maison en très mauvais état, qu'il serait souhaitable de restaurer aussi, car on conserverait ainsi un îlot homogène, non loin de l'église de la Protection de la Mère de Dieu. Mais là, il y a du boulot, et il faudrait se dépêcher.

j'aime bien les fenêtres avec les losanges, je verrais bien ça pour ma véranda


si j'avais plein de fric, je ferais de cette ruine un bijou


 

 


dimanche 11 avril 2021

De la Provence à Pereslavl


Une famille de Moscou a visité ma maison, des gens très sympathiques avec une certaine classe. Ma maison les a emballés, mais pas ses abords. Et je peux les comprendre. De mon côté, je me sens découragée à l'idée de déménager, c'est-à-dire que je le ferai peut-être si je dispose d'argent pour acheter autre chose sans vendre ici, et que je peux prendre mon temps.
Les cosaques attaqueront le 20 la fabrication d'une palissade de bois, pour remplacer le grillage. Déjà, ça fera plus propre, et elle sera de 40 cm plus haute que l'actuelle. Le tuyau du voisin me semble insuffisant pour évacuer l'eau du canal. En plus, il n'a pas ramassé les divers déchets de construction, des bâches en plastique trainent dans l'eau et pourraient aisément le boucher.
Le temps vire enfin au printemps complet, et je me promène une pelle à la main sur mon terrain dévasté, pour réfléchir aux endroits où je vais planter, transplanter, enfin réparer le massacre. J'ai de l'eau qui stagne encore, comme jamais auparavant, même si la majorité des terres a déjà émergé! Au cours de ces déambulations, j'ai vu les voisins qui sont derrière la baraque malencontreuse parlementer avec un air consterné. Ils avaient un grand potager familial qui devait les nourrir, il est à présent à l'ombre tout l'après-midi, grâce à notre pachyderme bâtisseur qui voulait rentabiliser son investissement.
Les cosaques me feront une véranda à la place de la petite entrée que j'avais, en déplaçant le perron au nord ouest, ce qui me fera même une petite terrasse, à l'opposé de la verrue en plastique, à l'abri du poirier et du prunier, avec la vue sur l'isba d'oncle Kolia et mes fleurs. Aux endroits les plus bourbeux, je vais mettre des iris des marais et des hostas, j'en ai vu de blancs, pareils à de petits fantômes. Finalement, le bon côté de la chose, c'est que je tondrai beaucoup moins. Côté voisin, je vais laisser à l'abandon, je n'aurai pas de potager, mais j'ai peut-être passé l'âge.
Après la liturgie, aujourd'hui, j'ai rencontré Kostia et Natacha, qui m'a aidée à rédiger la traduction de mon livre. Elle s'en est remarquablement bien tirée, j'ai l'impression d'avoir écrit directement en russe. Elle m'a fait une préface qui révèle sa profonde compréhension du roman. Nous avons envisagé des solutions pour le publier. Là dessus est entré le père Alexandre, de Rostov, dans notre café français. La sympathie a été immédiate et réciproque. Le père Alexandre est un prêtre très "culturel". Il est grand, fort et chaleureux et m'a serrée dans ses bras en s'écriant: "Voici notre star!"
L'émission de la chaîne orthodoxe SPAS est passée, et j'ai des réactions très émouvantes de Russes touchés par mon amour de leur pays et de leur culture. J'en suis heureuse, car ces émissions sont pour moi un moyen de porter ce témoignage. Certains me disent que je suis plus russe qu'eux-mêmes.
De plus, mes proches, même quand ils ne comprennent pas le russe, ont été content de voir ma maison de l'intérieur, comme s'ils la visitaient, avec les chats, avec Rita, avec des objets et des photos qui appartiennent à notre passé commun et se retrouvent à Pereslavl Zalesski, dans le nord lointain. D'autant plus que tout cela est filmé avec art et sensibilité. L'émission s'intitule "de la Provence à Pereslavl Zalesski". Bien que j'aie passé dans le Gard mes dernières années françaises...




mercredi 7 avril 2021

Pensée printemps!

 

J'ai eu la surprise hier de voir, dans le pot d'une plante verte, une petite pensée adventice qui avait fleuri, alors qu'à l'extérieur, je n'ai encore que boue, neige fondue et herbes mortes.

Le voisin, ce soir, m'expliquait que la mairie ne répond pas à ses appels, au sujet de l'inondation qu'il m'a créée. Alors il creuse. Par le canal ainsi ménagé, l'eau commence à s'écouler. Je pense que ceci est la démonstration que son tuyau est trop petit pour remplir sa fonction. Et puis à vrai dire, le poids de toute cette terre, la sienne et celle que d'autres abrutis ont déversée un peu plus loin tout l'été, doit jouer un rôle; 

On m'a proposé d'aller visiter une maison à Koupanskoié. C'est là où habite Gilles et où je vais me baigner l'été. Il y a sur place une église, une banque, un centre médical et un ou deux magasins. J'ai constaté que le village avait lui aussi enlaidi, car les horreurs y remplacent peu à peu les isbas. La maison est justement une isba, jolie extérieurement. Elle est sur le bord de la route principale qui traverse le village, enfin pas vraiment sur le bord d'ailleurs, elle est en contrebas, et il y a un espace assez grand, entre elle et la chaussée, et des arbres. Le coin n'est pas spécialement pittoresque, le terrain non plus, mais ce n'est pas un marécage, et avec quelques arbres et buissons on ne verrait plus l'extérieur. Le début du printemps n'est pas non plus le meilleur moment pour apprécier un endroit, plus de neige et pas de verdure. L'avantage de Koupanskoié, c'est qu'on est assez vite dans la forêt ou au bord de la rivière, avec des chemins tranquilles pour se promener. La maison est encombrée d'un tel bordel qu'il est difficile de s'en faire une idée. Il y a une cuisine, avec un poêle russe, assez facile à aménager. Le poêle chauffe des radiateurs qui permettent d'avoir chaud dans toute la maison, et le gaz passe au bout du terrain, on peut s'y raccorder. Une grande pièce, où il faut arracher tout ce qu'il y a sur les murs pour retrouver les rondins équarris de départ et casser une espèce de cloison qui crée une pièce supplémentaire, mais toute en longueur, inutilisable. Une entrée à remettre en forme, une espèce de cellier où installer une salle de bains, un grenier aménageable, une véranda à isoler, pour la rendre habitable l'hiver, mais c'est une très jolie véranda, avec des fenêtres en dentelle de bois. La seule chose, c'est que tous ces aménagements coûtent quand même de l'argent, et prennent du temps et des forces. Le jardin est très mal conçu, tout est planté n'importe comment, les petits massifs dans les vieux pneus et tout ça... Le terrain est clôturé entièrement de grillage, le toit refait il y a dix ans.

Gilles me dit que je ne suis pas près, là où je suis, à Pereslavl, de récuperer un terrain normal pour y planter l'écran végétal qui me cacherait, selon son expression, le "camping car sur pilotis", que mon voisin a collé sur son socle de glaise, en face de son automobile. Je sens à divers signaux, que me tirer de cet endroit, qui sera de plus en plus abimé, ne serait pas une mauvaise chose, et en même temps, cela demande un investissement de forces et d'argent qui me dépasse un peu. Je voulais en discuter avec Gilles au café, mais il était déjà parti. Gilles a une équipe d'artisans corrects...








lundi 5 avril 2021

Les rythmes


Dimanche matin, à l'issue de l'office de la Croix, on a célébré aussi un moleben sur la tombe approximative de saint Constantin, dernier prêtre martyr de l'église du métropolite Pierre. J'ai rencontré une troupe de scouts, menés par des dames de Moscou, très sympathiques, l'une d'elles connaissait une de mes amies, Marie Gestkoff, scoute émérite. J'ai vu ensuite sur Facebook que l'autre avait entendu parler de moi par sa mère, qui m'avait vue sur scène avec les 3D au club Dom il y a peut-être 15 ans de cela, et pensait que j'étais l'organisatrice du concert, alors que Sérioja et toute l'équipe m'entraînaient là dedans pour chanter souvent au dernier moment!
  Après quoi, je suis partie à Moscou, car l'une de mes vielles grinçait, et de loin Skountsev ne voyait pas le problème. Donc, après les deux heures de trajet, il m'a fallu ajouter à cela la traversée de tout Moscou. 
Sur place, Skountsev, en tenue de cosaque, était filmé et interviewé par un jeune homme. J'attendais dans une autre pièce, avec Rita, en téléphonant à mon amie Liouba. A la pause, Skountsev a réparé la vielle, à vrai dire, c'était bête comme chou, il suffisait de prendre un pinceau pour aller huiler l'axe de la roue. Il s'est occupé ensuite de changer les cotons des cordes, qu'il a remplacés par de la laine de mouton, puis le jeune journaliste a voulu, dans la foulée, me filmer aussi, et m'interviewer. J'ai chanté et joué avec Skountsev un vers spirituel et une chanson cosaque, et puis une chanson  bretonne, "la Vierge et saint Jean-Baptiste", mais là, j'étais la seule à chanter, Skountsev m'accompagnait juste sur sa veille cosaque. J'étais très fière et très heureuse, car nous avons parfaitement fonctionné ensemble, et sans répétition. Il me semble que c'était très réussi.
J'ai exprimé mon amour du folklore, et la foi que je mettais dans sa nécessaire renaissance pour toute personne vraiment russe et qui tient à le rester ou à le redevenir.
Je devais ensuite retraverser tout Moscou pour aller chez le père Valentin, mais il était, avec Liéna, Aliocha et leurs filles, chez le peintre Constantin Soutiaguine, dans son atelier, rue Vavilova, quelque part plus ou moins à mi-chemin, dans ce labyrinthe des quartiers sud de Moscou tout en béton armé. Je commençais à être épuisée, et parvenue à proximité, je ne comprenais rien aux explications de Kostia, qui est meilleur pour parler de l'impressionnisme que pour indiquer un itinéraire. J'ai tourné dans les rues adjacentes jusqu'à la crise de nerfs. Aliocha est venu à ma rencontre et à mon secours. Il est extrêmement gentil et attentionné. 
Je me suis retrouvée dans l'atelier de Kostia, au milieu de ses tableaux, il était visiblement très heureux de recevoir le père Valentin, et bien que celui-ci se fût fait tirer l'oreille pour se décider à venir, il était aussi content que son hôte. Kostia avait fait et exposé toute une série de tableaux magnifiques sur des thèmes évangéliques, et maintenant il aborde l'ancien testament. Il avait quelques craintes sur le bien fondé de sa démarche, le père Valentin l'a complètement rassuré. Kostia a parlé des rythmes, qui sont l'écriture de la vie, et que l'on retrouve dans toutes les formes d'art, la musique, les arts visuels, la littérature, ce qui rejoignait les considérations que j'avais échangées précédemment dans le studio de Skountsev, avec lui et avec le jeune homme qui le filmait. Kostia est un homme enthousiaste, plein d'humour, avec quelque chose d'enfantin, de perpétuellement curieux et étonné. 
Le lendemain, je suis repartie pour Pereslavl. J'ai constaté à mon arrivée que les eaux n'avaient pas tellement baissé, il va me falloir réveiller le voisin qui m'a mis le terrain dans cet état. Lui n'a pas été elevé dans l'univers des rythmes, de l'écriture de la vie qui unit toutes créatures et toutes formes d'art en une subtile symphonie. Il est fin et ouvert à ces choses comme une porte blindée.


avec les 3D...

 




samedi 3 avril 2021

Art sacré

 


Je participais aujourd’hui à une exposition d’icônes. Je n’en avais que trois.  Les deux dernières, je les ai envoyées à leur commanditaire en France, parce que j’avais trouvé quelqu’un qui partait en Europe.

Sur ma demande, Veniamine le Suisse et sa femme ont exposé les leurs, qui sont très bien. Et ils sont venus au vernissage. Il y avait aussi mon évêque et quelques prêtres qui ne sont pas restés longtemps, car c’était une heure avant les vêpres.

Je devais chanter, et j’avais un trac terrible, ce qui m’arrive souvent, et cela me fait perdre mes moyens. C’est évidemment complètement stupide, car je ne compte pas faire carrière, mais pour l’instant, c’est plus fort que moi, et en plus j’avais très soif, l’angoisse me déssèche, et cela me gênait pour chanter.

Les deux jeunes amies iconographes qui m’avaient invitée, et qui sont marrantes, avec une forte personnalité, étaient en retard, alors qu’elles m’avaient dit de venir une heure à l’avance, ce que j’ai fait; je devrais enfin arriver à comprendre que la Russie n’est pas la France.

Monseigneur Théoctyste a annoncé à tout le monde que j’allais passer sur la chaîne SPAS. La journaliste m’ayant dit hier que c’était « samedi prochain », j’ai compris que c’était ce samedi, mais non, c’est l’autre, dans une semaine.

Je ne sais pas comment l’évêque l’a appris, il est au courant de tout.

Bien que très intimidée, je tenais à ce qu’il m’entendît chanter des vers spirituels, c’est un genre auquel je voudrais voir les Russes s’intéresser. Mais avant moi se produisait un choeur local, accompagné d’une mandoline, d’une guitare et d’un accordéon, et ce choeur était aussi intarissable qu'excessivement suave. L’évêque, emporté par ces flots d'harmonie, est allé s’occuper des vigiles. Quand j’ai enfin chanté mes trois vers spirituels (dont un breton !), il était parti.

Voici une vidéo de l'exposition, Veniamine est le plus grand, avec son fils dans les bras.

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On m’a ensuite demandé de dire un mot, j’ai expliqué le rôle des icônes dans ma conversion à l’orthodoxie, car elles m’avaient ouvert un langage symbolique cohérent et cosmique, qui me reliait à tout le passé humain aussi bien qu’au présent, ce que je ne trouvais pas ou plus dans le catholicisme. J’ai ainsi scandalisé une brave dame, iconographe, qui trouve que ce n’est pas vrai du tout, et que le catholicisme ouvre de grandes perspectives à l’art sacré etc... Un peu plus tard, on m’a proposé d’aller prendre le thé avec les exposants. Celle qui invitait m’a donné l’adresse, mais l’immeuble avait plusieurs entrées, et elle ne m’avait pas dit laquelle, ni le code, et je n’arrivais pas à obtenir mes jeunes amies au téléphone. J’ai failli rentrer chez moi.

Je dois dire que j’aurais dû, parce que l’assemblée n’était pas tellement ma tasse de thé, justement, et me rappelait ma pensionnaire, surtout la brave dame ouverte au cathollicisme. On m’a montré une revue luxueuse, avec des photos superbes, et là, des églises futuristes, catholiques et orthodoxes, des icônes audacieuses, qui tirent fortement sur l’art catholique, en effet, tout cela souvent très esthétique, et « minimaliste » (mais nous n’avons pas encore mûri jusqu’à ce point, disait l’article, c’est encore trop tôt, et je regardais deux exemples de ce minimalisme qui me foutait le cafard dans les églises catholiques d’après Vatican II et m’avait découragée de les féquenter). Il y avait aussi une photo de Jean-Paul II, et tout un article de la même veine. J'ai fini par dire: "C'est une belle revue".  Et en effet, c'est une belle revue; elle doit avoir de bons financements.

Je m’ennuyais plutôt. Il n’y avait pas de naturel ni de vérité dans tout cela, c'est trop voulu, trop intentionnel, en contradiction complète avec ce qu'enseignait Ouspenski. En réalité, je me sens beaucoup plus proche du Suisse Veniamine et de sa femme. Et pour ce qui est de l’iconographie, et pour ce qui est de la façon de vivre, de la mentalité, et je revoyais les photos de leur communauté de vieux-croyants, des gens tellement réels et vrais, des Russes authentiques, des hommes et des femmes dignes qui ne jouent pas un rôle, mais transmettent humblement leur tradition. Je n’en ai rien à foutre de l’esthétisme moderniste sur papier glacé, et pourtant, Dieu sait que je souffre de la laideur, mais ce que je ne supportais plus en occident, c’est que tout devenait attitudes et simagrées, à part chez les paysans et les petits commerçants, souvent malgré tout un peu trop imperméables aux spéculations métaphysiques, et voilà que s’infiltrent dans les milieux intellectuels et orthodoxes la même passion pour les faux-semblants, le mépris et l’ignorance de tout un langage symbolique immémorial patiemment élaboré pour recourir à des idées et innovations personnelles. Veniamine m’en a parlé récemment à propos de ma pensionnaire, à qui il trouve un côté secte charismatique. L’idée m’a effleurée que si ce mouvement prenait de l’ampleur, je finirais par passer chez les vieux-croyants du métropolite Corneille. Car ceux dont je me sens le plus proche ici, à part la famille Asmus et les Soutiaguine, c’est Veniamine Forster et Volodia Skountsev ! J’ai dit à l’un et à l’autre que ce qui me retenait de le faire, c’était mon père Valentin, les saints orthodoxes qui ont suivi le schisme et avec lesquels je suis en communion, et aussi la flemme d’assister à des services interminables et d’observer un rituel parfois rigide, ce qui les a bien fait rire. En un mot, je suis une pied-tendre.

En somme, je croyais l’oecuménisme forcené limité au séminaire du père Siniakov, près de Paris, mais non, à Moscou, il est aussi en pleine forme. Il doit avoir des soutiens hauts placés. 


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