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vendredi 24 mars 2017

Les "gens intelligents" n'ont pas d'ancêtres


Une chanson du fin fond des siècles dont nous savons si peu de choses, nous savons qui était tsar, ce qu'on construisait, ce qu'on détruisait, et nous ne savons pas comment on vivait, et ce qu'on pensait, de quoi on souffrait et de quoi on avait peur, de quoi on se réjouissait et ce qu'on espérait. Nous connaissons seulement sur quoi l'on faisait des chansons. Cette étonnante culture du chant ethnographique russe, qui ne ressemble à aucune autre, magique, chatoyante avec l'enchantement de ses demi tons, de son changement de rythme, quand on chante comme on respire, une mélodie tantôt espiègle, tantôt plaintive qui retourne l'âme et l'emplit à nouveau de lumière. Un homme intelligent et très cultivé m'a demandé aujourd'hui: "Et pourquoi conserver tout cela?" Comment, pourquoi? ... C'est à moi, c'est ma richesse, qui ne se chiffre en aucune monnaie, je la tiens de ces arrière-grands-mères dont je ne connais même plus le nom, mais dont l'âme vit dans ces chansons, magnifiques et éternelles.
Nathalia Terentieva. Ecrivain.

Песня из такой глубины веков, о которой мы мало что знаем - знаем, кто был царем, что строили, что ломали, и не знаем, как жили, о чем думали, о чем страдали и чего боялись, чему радовались, на что надеялись. Знаем лишь, о чем пели. Эта удивительная культура русского этнического пения, ни на что не похожая, волшебная, переливчатая, с магией полутонов, сменой ритма, когда поют, как дышат, то озорная мелодия, то плачущая, переворачивающей душу и снова наполняющая ее светом. Один умный и начитанный человек спросил меня сегодня:"А зачем это все сохранять?" Как - зачем?.. Это мое, это богатство, не выражаемое ни в какой валюте, это досталось мне от тех прапрабабушек, имен которых я даже не помню, но чьи души живут в этих песнях, прекрасных и вечных. 



J'ai trouvé ce poste dans Facebook, aujourd'hui, et j'ai tenu à le faire figurer dans les chroniques, car il illustre tout ce que je ressens et essaie de dire sur le sujet, et je ne saurais exprimer la colère et l'amertume que m'inspirent ces gens "intelligents et cultivés" qui ont perdu leur âme russe dans une culture de musée et de salles de conférences. Leur âme ne plonge plus ses racines dans l'extraordinaire substrat nourricier de cette tradition, sans laquelle, d'ailleurs, la culture distinguée qu'ils révèrent n'existerait sans doute pas, car les grands créateurs du passé baignaient dedans, elle était dans l'air qu'ils respiraient et le lait de leurs nourrices. Rimsky-Korsakov écrivit la grand Pâque russe après avoir vu un moujik danser au son des carillons. Stravinsky était fasciné par le chant populaire et son oeuvre en a été profondément marquée. Mais ces intellectuels de broussaille cultivés dans les amphithéâtres n'ont que mépris pour ce qui a transfiguré la vie de générations de gens à qui ces chants nous relient, ces chants qui nous mettent en prise avec toutes les dimensions du monde.

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