Katia m’a envoyé une photo de son Fédia, avec le gros chat noir qu’il a adopté sur le front, on dirait un main coon, c’est le félin géant. Le pauvre garçon semble épuisé et je souhaite de tout coeur qu’on lui donne des vacances, c’est-à-dire un répit. Katia aussi a changé, d’ailleurs. Elle a grandi, dans un sens,
Dmitri le cosaque a envoyé une vidéo pour remercier tous ceux qui ont prié pour lui et lui ont adressé des voeux de guérison. Elle m’a bouleversée. Il semble profondément marqué. Ce n’est plus le même homme. Je ne le connaissais pas très bien, mais je l’ai vu quelquefois, lorsque je portais des affaires pour les soldats ou les réfugiés. Il allait régulièrement là bas, mais y aller, ce n’est pas combattre, et j’ai senti une telle souffrance sur son visage, pendant qu’il nous parlait, quelque chose d’indicible, comme s'il nous regardait depuis l'autre monde, où il a failli passer et dont il n'est pas tout à fait revenu.
En dépit de tout, du climat et des maisons moches, je suis heureuse et soulagée d’être ici, parce que je suis solidaire de Fédia et Dmitri et de tous les braves gens que je vois à l’église, ceux que j’ai vus l'autre jour à Nagorié, et quand je lis ou j’entends les fourberies et les stupidités de la caste européenne, la veulerie et l’apathie des peuples qu’elle a anesthésiés et vidés de leur substance, j’ai envie de vomir. J’ai vu une espèce de corneille obèse nommée Elena Volochine déblatérer des mensonges plus gros qu’elle, ce qui n’est pas peu dire, à des journalistes hypocrites et complaisants, et puis il y a ce faux drapeau de Soumy, qui vient de sortir, pour essayer de contraindre Poutine et Trump à la guerre totale, ils y tiennent, à mettre l’Europe entière à feu et à sang. Il devient pour moi évident que Slobodan a raison, l'Etat profond s'est replié à Bruxelles...
Celui-ci m'a parlé d'un ami émigré en Russie qui a du mal à trouver une location, parce qu'il a trop d'enfants, ce qui va à l'encontre de la politique nataliste du gouvernement. C'est exact, mais la Russie est un pays de paradoxes. Poutine dit ceci, ou cela, ses députés, ministres ou simples administrés font l'inverse. C'est pourquoi d'ailleurs toutes les considérations imbéciles sur la tyrannie qui règne soi-disant ici me font bien rigoler.
Voici que s'annonce la Pâques, que je passe avec une amie française et sa fille. Quel contraste entre ce qui se déroule dans nos églises, ce qui se déroule au front, et ce que voit Dany dans les rues de la capitale, la jeunesse branchée, tatouée et avachie, ou ici, les motocyclistes pétaradants, ou les bagnoles qui nous dégueulent dessus à pleins décibels de la musique de merde. Cependant, je pense toujours à ce que m'avait dit la matouchka Alexandra, lorsque je comparais les beaux visages purs des soldats avec les tristes ados à motos-radios: "Mais voyons, ce sont les mêmes, avant, après..." Je retiendrai cela, pour rester dans l'humeur pascale.
Et pour illustrer cette chronique, je mettrai un dessin de moi, quand j'avais cinq ans. Mon grand-père l'avait pieusement gardé: la cueillette des oeufs en chocolat dans ses plates-bandes, par les deux cousines, Laurence et Françoise, je reconnais les tulipes, la fenêtre, et la silhouette de ma mère, sur le pas de la porte, avec les plus belles jambes de la côte d'Azur.
A propos des piches dans leurs bagnoles. Je suis à Nijni Novgorod depuis une semaine. Ici ce n'est pas le sud de la France, mais les piches sont les mêmes. Sous les fenêtres de mon hôtel, dans la journée, mais aussi à 11 h, minuit, des bagnoles, toutes vitres baissées roulent lentement, sono à fond dedans, le chauffeur, seul, doit être dans du 120 décibels. Surtout, si possible, la musique, plus c'est moche, plus c'est fort et mieux c'est. Un marteau piqueur à l'intérieur ferait pareil, l'impression que la caisse de la bagnole sert elle-même de membrane de haut-parleur. A se demander si la Russie est vraiment un possible exil, ou bien si les gens d'ici ont seulement un peu de retard sur l'Ouest. Gilles.
RépondreSupprimerOui, je vois que ce n'est pas moi qui suis grincheuse, mais que le problème est réel! Je me pose parfois la même question que vous, mais je crois que cela vaut le coup, ou qu'à tout le moins, nous n'avons pas tellement le choix! Je pense que tous les pays sont très fâcheusement impactés par la modernité, la perte des racines paysannes et des cultures locales. Il existe ici ce que j'appelle le mutant post-soviétique, qui n'est plus tout à fait un Russe, comme les Français à prénoms bizarres et à accent exotique ne sont plus vraiment des Français. Ce sont des enfants loups spirituels et culturels. Ils ont été gavés de merde depuis le ventre de leur mère. Cependant, la Russie et la mentalité russe existent encore, et si affreuse que soit la guerre, elle tend à ramener les gens vers leurs valeurs nationales. La Russie est un pays de contrastes où plusieurs époques coexistent. La Russie ancienne, pétersbourgeoise et moscovite, d'avant Pierre le Grand, d'après Pierre le Grand, la Russie soviétique, la Russie post-soviétique. Les gens tiennent davantage de l'une ou l'autre de ces diverses Russie, généralement de toutes ou presque toutes à la fois, selon les individus. Dans ma dernière chronique, vous verrez que la jeunesse revient vers les églises, ce qui est une bonne chose. Il y a aussi une réelle renaissance du folklore, chants, danses et métiers artisanaux, bien que les médias soient complètement indifférents à tout cela. Et sur le front beaucoup de choses épouvantables, mais aussi de véritables miracles et de grands exploits humains. Enfin, il y a de temps en temps un flic pour coller aux nuisibles dont vous parlez une amende bien salée, l'un des petits cons qui venaient rejoindre le fils de ma voisine pour me casser les oreilles a été obligé de vendre son engin pour payer celle qu'un gentil policier lui avait collée, je regrette de ne pas avoir su son nom, j'aurais mis un cierge pour lui à l'église!
SupprimerMerci Laurence!
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