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mercredi 16 octobre 2024

Avec le Christ

 Dimanche, j'ai vu mes amis Volodia et Mariana, les journalistes de Dobrilovo. Mariana a beaucoup aimé Yarilo et Parthène, qu'elle a lus d'un seul trait, mais s'étonne de mon engouement pour le tsar, qu'elle ne partage pas du tout, même tel qu'il apparaît dans mes romans. Je lui ai répondu que je ne me l'expliquais pas non plus, que tout s'était passé pour moi au niveau du subconscient, ou peut-être de l'âme collective, et il en est bien ainsi. Leur village est très beau, mais je crains qu'il ne le reste pas. J'ai fait un dessin, avant d'arriver chez eux.



Mon amie moniale, qui est très malade, m’a fait ses adieux chez elle. Quand j’ai appris qu’elle en était à ce point-là, cela m’a plutôt déprimée, et angoissée. En plus, nous nous entendions bien, et je la perds  sans avoir eu le temps de développer des relations plus suivies avec elle. Mais elle finit sa vie de telle façon, que je le ressens comme quelque chose de providentiel, comme si Dieu lui donnait l’occasion de me conforter avant de s’en aller. D’ailleurs, à ce propos, un moine de la Laure lui a apporté un bouquet de roses blanches. «Elles ne dureront pas jusqu’à mes funérailles, a-t-elle observé.

- Mère, je vous les ai apportées pour vous féliciter de partir de cette manière magnifique ».

Elle m’a dit : « Nous n’avons pas eu le temps de nous voir beaucoup, et pourtant nous sommes vite devenues très proches...

- Oui, mère, prie pour moi quand tu seras là bas, j’en ai bien besoin.

- Je suis très heureuse de mourir comme cela, lucide, et de mourir en Russie. J’ai tout préparé, ma tombe, mon cercueil, mon habit, l’office funèbre à la Laure. Je profite de mes derniers moments avec mes enfants, tout se passe dans le calme, et j’en remercie Dieu ».

Je lui ai expliqué que ma tante venait de mourir dans une grande solitude. « Qu’en sais-tu ? M’a-t-elle répondu. Elle est morte avec le Christ. Nous mourons tous avec le Christ.

- Elle n’allait plus à l’église depuis des lustres...

- Et alors ? Tu crois que le Christ coche des cases chaque fois que nous y mettons les pieds ? Il est important pour toi de savoir que nous ne mourons pas seuls, nous mourons avec Lui. Il est avec moi, à chaque moment, et j’attends de me jeter, comme le fils prodigue,dans les bras de mon Père du Ciel. »

Ensuite, elle m’a envoyée à la cuisine, avec ses enfants. Et j’ai discuté avec eux, de leur mère. Je leur ai confié que j’étais loin de son accomplissement, et que, malade moi-même, ou confrontée à la maladie et à la mort de mes proches, j’avais l’impression d’être fourrée de force dans un sac sans issue. Et que le témoignage de leur mère m’apportait une immense consolation et me soulevait au dessus de ce genre de pensées. «Il ne faut pas perdre de vue, m’a dit son fils, moine à la Laure, que nous ne sommes pas tous pareils, et que nous ne sommes pas tous appelés à réaliser les mêmes choses, qu’il y a de nobles récipients, et d’autres plus utilitaires, mais que tous ont leur fonction. Il ne faut pas regarder la croix des autres, mais porter la sienne, et si elle est moins lourde, c’est que nous n’avons pas les forces pour faire mieux. Faisons ce que nous avons à faire et ce que nous pouvons faire, nous en faisons peut-être plus que nous ne le pensons.

- Oui, bien sûr, mais il y a des paliers difficiles à franchir !

- Nous en sommes tous là. »

Je me suis alors rendu compte que Dieu lui-même avait soufflé à mon amie de me contacter, pour me faire connaître cette pieuse et délicieuse femme et ses enfants, pour notre bien à tous, pour notre réconfort. Un réconfort dont je fais profiter aussi les autres, à notre époque qu'elle a qualifié de "catastrophique". Cette entrevue intense et belle m'a beaucoup aidée, elle m'a soulevée un instant de la terre, à laquelle je reste cramponnée.

4 commentaires:

  1. Merci Madame Guillon. Vôtre texte est plein de beauté, poésie, vérité, force et sincérité. Je vous lis depuis longtemps. Que Dieu vous garde.

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