Orage
ce matin, pluie toute la journée, le moment de grâce est fini, je peux ranger
les robes d’été et décrocher mon hamac…
Je
me suis poussée pour aller à l’église, j’ai beaucoup de mal à y aller, je
déteste être obligée de sortir le matin. Quand l’office est tôt, comme chez le
père Valentin, je tombe du lit dans mes vêtements, me traîne somnolente et à
neuf heures c’est terminé. Mais là ça commence à neuf heures…
Cependant,
une fois sur place, j’étais au bord des larmes tant le chant des chérubins, qui
a motivé pourtant les pires compositions religieuses de l’ère post Pierre le
Grand, tout à coup m’émouvait. Il me rappelait les chants populaires, il était
retenu et grave, avec quelque chose de tendre, il me contenait soudain toute la
Russie.
Le
père Constantin parle souvent de moi sur sa page facebook. Il m’a consacré tout
un post :
--- Oh, où étais-je donc, hier soir ?
… eh bien j’étais, mes amis, chez une réfugiée de la belle France, Laurence
Guillon, qui vit à Pereslavl et chez laquelle on doit se rendre en évitant d’énormes
flaques, le long d’une énorme baraque aux fenêtres obturées, comme je n’en
voyais même pas dans notre zone de camps polaires. Une petite maison verte,
modeste, mais aménagée avec un goût irréprochable, c’est là un atelier d’iconographe,
où j’ai remarqué sur le mur une vielle à roue, ce que je n’avais vu jusqu’alors
que dans « l’enfer des musiciens » de Boskh, et des gousli, et aussi,
de vraies chaises paysannes peintes en vert avec des sièges paillés, les mêmes
que quelquefois sur les tableaux de Van Gogh. Pendant notre conversation, j’ai
appris un épisode, inconnu de moi jusqu’alors, du déracinement de
tout ce qui était russe par l’internationale qui avait conquis notre pays. Il
apparaît que fut convoqué par eux à Moscou un festival des vielleux, et quand ceux-ci s’y rendirent, naturellement, on les arrêta et on les fusilla jusqu‘au dernier. Détail que confièrent
à Laurence ceux qui recueillent les miettes du folklore russe authentique,
remplacé, dans les clubs de campagne, par des improvisations à base de matriochkas et
de bouleaux, au moment de la tout aussi légendaire « stagnation ». En
gros, il était important non seulement de détruire la culture russe populaire,
mais de la remplacer par cette honte, sous laquelle on la présentait. Nous
avons parlé aussi de l’exode commençant des chrétiens occidentaux devenus
orthodoxes, d’Amérique et d’Europe en Russie (il se trouve qu’à Rostov le Grand
exerce maintenant son ministère un père qui fut un pasteur protestant aux USA, Américain
de souche). Ici, au moins, on n’inculque pas aux enfants que l’homosexualité
est la norme et ils peuvent décider librement de ce qu’ils sont : des
petites filles ou des petits garçons. Et cette brève conversation (j’avais le
lendemain matin un service épiscopal) s’acheva par des étoiles : il y en
avait hier beaucoup. Laurence se plaignit que les étoiles du sud de la France (la Provence ?), qui
sont là bas plus nombreuses et plus grosses, lui manquaient, et pour admirer
celles d’ici, elle est gênée par la vive lumière des lampadaires. Et je me suis
souvenu à nouveau, bien sûr, de Van Gogh…
Cela
m’a beaucoup touchée, car j’aime beaucoup Van Gogh, c’est sans doute mon
peintre préféré, et celui qui me restitue le mieux la fascinante exubérance du
midi.
Ce
même prêtre dit ailleurs que je suis plus russe que les Russes, et un Russe d’origine
arménienne trouve absurde qu’on veuille « devenir russe ». Or je n’ai
pas essayé de devenir russe, et même, je pense être restée pas mal française.
Je suis juste archaïque. Henri, par exemple, qui est profondément Français, est
aussi profondément orthodoxe, et très sensible à la mentalité russe, parente de
la sienne, parce qu’au fond, il est en prise, comme moi, avec notre passé
paysan et chrétien médiéval, et c’est sur ce terrain que nos racines
rencontrent celles des Russes et partagent la même sève.
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le tableau de Van Gogh associé par le père Constantin à son récit. Oui, c'est bien ça... |
...ой, где был я вчера (с)... а был я, друзья мои, у беженки из прекрасной Франции Лоранс Гийон, живущей в Переславле, идти к которой нужно, огибая огромные лужи, мимо огромного, с заколоченными окнами, барака, каких я не видел и в нашем лагерном Заполярье. Зеленый домик, скромный, но с безукоризненным вкусом отделанный, он же - иконописная мастерская, где на стене я приметил колесную лиру, виденную доселе лишь в "аду музыкантов" Босха и гусли, а также - настоящие, крашенные в синий цвет, крестьянские, с соломенными сиденьями стулья - те самые, что часто встречаются у Ван Гога. За разговором узнал неизвестный мне доселе эпизод из истории искоренения всего русского завоевавшими Россию интернационалистами. Оказывается, в Москве был объявлен ими фестиваль лирников и когда те туда съехались, их, разумеется, арестовали и расстреляли всех до единого. О чем поведали Лоранс собиратели последних крох аутентичного русского фольклора, замененного на сельскую клубную самодеятельность с кокошниками и березками в тоже уже легендарные теперь времена "застоя". В общем, важно было не только уничтожить русскую народную культуру, но и заменить ее на вот это позорище, за которое она выдавалась. Поговорили также о начинающемся исходе западных христиан, принимающих православие, из Америки и Европы в Россию (в Ростове Великом, оказывается, служит батюшка, что был в США протестантским пастором, природный американец). Здесь, по крайней мере, не внушают детям, что гомосексуализм - это нормально и они сами вольны решать, кто они: мальчики или девочки. А закончилась эта недолгая (на утро - архиерейская служба) встреча звездами: их вчера было много. Лоранс пожаловалась, что скучает по звездам юга Франции (Прованс?), которых там больше и они намного крупнее, а любоваться здешними ей мешают яркие фонари. И мне, конечно же, снова вспомнился Ван Гог...