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vendredi 28 septembre 2018

Coucher de soleil


Rosie me fait de nouveau la vie infernale, depuis que Violetta a bloqué les accès. Elle ronge tout ce qu’elle trouve dans le jardin, y compris la rampe d’escalier. Si par hasard elle sort, elle revient par le jardin de Violetta et aboie devant le grillage, m’obligeant à l’appeler dans la rue jusqu’à ce que ça lui effleure la cervelle de faire le tour. Avec les intempéries, c’est merveilleux. Le matin, elle me harcèle pour finir la bouffe des chats et ne regarde pas la sienne, il faut que la bouffe, quelle qu’elle soit, passe par la gamelle des chats pour l’intéresser.  Les imbéciles de chats mangeant à longueur de temps, et jamais tous ensemble, sauf le matin où ils me prennent d’assaut au réveil, elle s’attaque sans arrêt à leurs assiettes et après, je n’ai plus rien pour les nourrir.Je n’ai aucun contrôle sur cet être aberrant, qui ne pense qu’à me truander, ni aucun langage commun. Elle ne m’apporte pas la compagnie d’un chien qui comprend vraiment son maître autrement que pour tirer parti de ses faiblesses afin de satisfaire ses caprices. Elle me garde et elle empêche les chats étrangers de venir. C’est tout ce que je peux en dire de vraiment positif. Naturellement, je culpabilise, car elle vient me trouver avec sa baballe et me la fourre avec insistance dans les jambes, et je n’ai aucune envie de jouer avec elle, elle est trop grosse, trop brutale. Étonnant d’ailleurs qu’elle ne soit absolument jamais fatiguée.
Comme en fin d’après midi, le vent dispersait les nuages, j’ai décidé hier d’aller la promener. Je suis tombée sur la gardienne de chèvres, Nadia, qui a maintenant aussi des vaches, et j’ai passé un moment avec elle. Rosie aime jouer avec le bouc, Lavroucha. Nadia est un être surprenant. Elle connaît très bien les plantes et leurs propriétés médicinales, comme beaucoup de Russes. Et elle m’a longuement parlé de sa passion pour les couchers de soleil de sa ville natale : «Tu me dis que tu trouves notre ciel unique, pourquoi, à ton avis ?
- Je ne sais pas, les nuages sont colossaux, avec des architectures extraordinaires, et de magnifiques jeux de lumière et d’ombre.
- Le truc, c’est que s’interpénètrent plusieurs niveaux de nuages, plusieurs corps de bâtiments. Certains restent immobiles comme des rochers, là où ils sont, il n’y a pas de vent. Et d’autres sont déplacés à toute vitesse et attrapent la lumière, et ils changent de couleur et prennent toutes sortes de formes. Voir le soleil se coucher sur le lac, il y a des gens qui viennent tous les jours exprès pour cela. Moi, je me demande chaque jour ce que le Seigneur me prépare comme merveille. Et quand je la vois, je lui rends grâce, car il sait exactement ce qu’il faut m’envoyer.
- Tiens, en face de nous, cela devient vraiment beau, comme deux grandes ailes d’or qui s’ouvrent…
- Oui, les ailes d’un ange fort et puissant. »
Nous nous trouvions dans la cour de la « baraque » écroulée, qui a été en partie nettoyée des ordures que des cochons y jettent périodiquement. Elle y avait passé son enfance : «C’était une maison des années 50, elle avait été très bien construite, elle était agréable, et la cour était très bien entretenue, avec des fleurs, et des vieilles sur les bancs. Il y a quelques années, des gens avaient des projets immobiliers, ils ont fait partir les habitants, et puis cela ne s’est pas fait sans doute, et très rapidement, la maison a été pillée, et des cochons sont venus balancer des ordures en douce, le toit est tombé, et ainsi de suite. »
Des fleurs subsistent, des cosmos, des soucis, j’ai  pris des graines. « D’ici, ai-je dit à Nadia, le point de vue est jolisur la cour et la maison en briques, là bas, je pourrais faire une aquarelle…
- Et l’escalier en bois écroulé, devant, tu le garderais ?
- Sans doute, il est intéressant.
- Si tu enlèves l’escalier, tu auras une maison dans le lointain, avec les arbres de la cour, et si tu laisses l’escalier, tout le monde comprendra que voilà, c’est fini, la maison est morte. »
Nadia aime ses chèvres et ses vaches, elle aime sortir avec elles les promener. Je lui ai parlé d’Henri, qui regrettait de ne pas l’avoir vue et photographiée, sauf une fois, à la fin de son séjour, et si vite qu’il n’en avait pas eu le temps. « Oh, il fallait m’appeler, je serais revenue pour la photo ! Quelle gloire pour moi que les photos de mes chèvres partent en France ! »






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