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dimanche 9 septembre 2018

Un peu d'art


C’était une liturgie épiscopale, ce matin, très belle, avec habillement solennel de l’évêque, un beau chœur, et je pensais à Henri et Patricia, qui n’ont pas assisté à ça. Sur le fond de qui se passe en ce moment, je bénissais le ciel d’être en Russie, je pensais au père Placide. Sans doute ne savait-il pas consciemment ce qui allait arriver, mais en m’envoyant en Russie, il a fait preuve d’une grande clairvoyance, j’aurais très mal supporté la situation si j’étais restée en France. Je me sentais spirituellement chez moi, avec tous les saints du pays, je sentais spirituellement, et je dirais même physiquement, dans un certain attendrissement et une allégresse de mon cœur, que j’étais en communion avec le dernier petit troupeau et qu'il m'était très cher. Je me suis souvent dit que Dieu n’avait pas abandonné l’Ukraine, puisqu’il lui avait donné comme métropolite monseigneur Onuphre. Mais tout à coup, il m’apparaissait aussi qu’avec monseigneur Onuphre comme métropolite là bas, tout croyant orthodoxe normal ne pouvait pas ne pas voir qui sert celui qui le poignarde dans le dos, de même qu’au temps du métropolite Philippe, il était évident que Dieu était de son côté, et pas du côté du tsar ou des misérables en soutane venus à son instigation témoigner contre le saint. La sainteté jette sur les intrigants une lumière qui les démasque... 
J'ai fait une photo de l'église du métropolite Pierre, que je voudrais tant voir sauver et réparer...
Le père Constantin était requis par l’évêque, mais il a, si je comprends bien, des projets, on construit une maison de la culture religieuse, et nous pourrions y organiser concerts et stages de folklore ethnographique, expositions, lectures littéraires...
J’avais ensuite rendez-vous avec Lioudmila la juriste, dans la galerie qui occupe une partie de l’église voisine, mais j’avais faim et une heure à tuer, je suis allée au café Montpensier, qui est à côté, et j’ai commandé l’excellent bortsch, sur la terrasse, face à l’église de la Transfiguration. Une fois de plus, j’ai eu une pensée pour Henri  et Patricia, ils sont maintenant partout, ici !
Le temps reste idéalement ensoleillé et tiède, il fraîchit un peu, insensiblement. En robe d’été, je songeais que dans quinze jours peut-être j’allumerais le chauffage et  que dans un peu plus d’un mois, je verrais les premiers flocons…
A la galerie, Lioudmila m’a présenté un vieux peintre, Valeri Vekchine. Il voulait absolument me rencontrer, car il lit mes chroniques, dans la traduction automatique, il a bien du mérite. Je suis tombée amoureuse des tableaux d’un autre peintre, pas très chers, mais les temps sont durs. Dans cette galerie, il y a de tout, du meilleur comme du pire. J’ai vu une photo ancienne, enfin peut-être une vingtaine ou une trentaine d’années, du bord de la rivière Troubej, avec de si jolies maisons, équilibrées, homogènes, harmonieuses, il n’en reste plus une seule, elles ont toutes été détruites pour reconstruire des horreurs hétéroclites. 
Une des femmes qui exposaient a fait un discours pour dire son amour de Pereslavl, avec une sincérité et une fraîcheur touchantes. Son amie exposait de jolies céramiques, j’en ai pris une pour une dizaine d’euros.
Après quoi je me suis rendue avec Lioudmila dans la galerie personnelle de Valeri Vekchine, une isba qui reste très jolie, un peu en retrait de la berge de la rivière. Il nous a montré ses œuvres, qui me plaisaient diversement au départ, mais dans lesquelles je suis peu à peu entrée. Le problème est qu’il faut souvent regarder longuement les tableaux pour les voir vraiment. Il avait de très belles vues de Pereslavl, des endroits qui ont disparu, eux aussi.  Il a des styles très différents, et fait aussi des compositions abstraites à base de planches et divers objets.
Il a le projet de faire une galerie pour les tableaux et dessins d’enfants, qui le passionnent, et c’est une chose qui m’intéresse aussi beaucoup.  J’avais à cœur, à l’école, de pousser les enfants à travailler ce qu’ils faisaient spontanément, en leur donnant de beaux matériaux, pour arriver à produire une œuvre, à partir de ce que trop d’adultes et d’enseignants considèrent comme des gribouillis. Si tout le monde dessinait comme les enfants, ce qui était le cas autrefois dans toutes les campagnes, le monde serait plein de beauté.
Ensuite, Lioudmila est venue chez moi, nous avons pris le thé dans le jardin. Elle était étonnée par les changements, malgré le laisser-aller dans mes plates-bandes. Mais bientôt, je n’aurai plus ce problème, jusqu’à l’année prochaine. Juste celui, dans les prochains jours, des transplantations et plantations d'automne.
Les chats font une hécatombe de souris.

Valeri Vekchine et ses tableaux








vendredi 7 septembre 2018

Les prédicateurs de mort.

Depuis de nombreux mois, je conservais avec mauvaise conscience, l'interview de monseigneur Luc, évêque de Donetsk, publiée par le blogger ukrainien dissident Anatoly Shary, sans arriver à me décider à me lancer dans le travail difficile de sa traduction. La précipitation avec laquelle tout à coup le patriarche Bartholomée a décidé de doubler l'Eglise Ukrainienne Orthodoxe, son admirable métropolite, ses fidèles héroïques, pour donner satisfaction à un aventurier en soutane promu par un pouvoir criminel, m'a contrainte à y consacrer ma journée.
Il convient en effet que les orthodoxes sachent QUI le patriarche Bartholomée, en prenant cette décision furtive, honteuse, sans l'accord des autres Eglises, poignarde dans le dos et QUI il gratifie de son soutien, et dans quelles circonstances.
Certains me disent que la décision n'est pas prise. Les Russes eux-mêmes ne commentent pas, peut-être négocient-ils encore? Bartholomée lui-même affirme sans honte qu'il oeuvre à l'unité orthodoxe, mais il vient d'envoyer deux exarques en Ukraine.
Comme dit monseigneur Luc de Donetsk, il ne faut pas entrer en contact avec ceux qui prêchent et portent la mort, ni avoir avec eux de ressemblance intérieure. Qui se ressemble s'assemble.
En ce qui me concerne, je ne suis pas du côté des prédicateurs de mort. Et je sais désormais qui ils servent.




Le fruit mûr de l'été


Je pense si souvent à Doggie, je revois tout ce qui s’est passé, je crois que de toutes mes hsitoires d’animaux, c’est celle qui m’a le plus brisé le cœur. Lorsque je lis ce que j’ai traduit sur Grégoire Palamas, je ne vois pas dans cet au-delà sans espace ni rien de sensoriel, de place pour mes petits chiens, et pourtant, je suis sûre qu’il doit y en avoir une, sinon, tout serait trop injuste, et d’ailleurs, n’en déplaise aux moines, nous avons 99% de gènes en commun avec les animaux (et les végétaux), et à mes yeux, le salut et la transfiguration seront forcément cosmiques.
Le beau temps apporté par Henri et Patricia s’éternise, l'automne approchant semble le fuit mûrissant de l'été. Hier, je suis allée au lac, près de Godenovo, et je me suis baignée. Il était lisse comme un miroir, frais, mais pas froid ; j’y suis entrée, le silence aurait été parfait, sans les voitures qui passaient de temps en temps sur la route proche, un silence immense, mystique, où chantait un oiseau, quelque part. De petits nuages subtils se reflétaient dans la surface immobile, dans l’azur dédoublé, un azur pâle et tiède.  Le paysage était à la fois modeste, sans rien de spectaculaire, mais captivant, absorbant, avec une sorte de grandiose douceur. Je ne finis pas mes jours au bord de la mer, mais je retrouve la possibilité de me baigner dans des endroits beaux, à peu près intacts, pas surpeuplés. Et lorsque je nage, je n’arrive plus à sortir de l’eau. Je l’épouse, elle me régénère et le ciel me dévore.
Je pensais à l’Ardèche, où j’allais enfant avec maman, les pierres plates et brûlantes de Sauze, l’eau verte et mouvante, rapide, les falaises, en face, prêtes à bondir, les odeurs balsamiques des plantes du midi. Ou à la mer, la mer à Sainte-Maxime, à Saint-Tropez, dans les années 60, les gens beaux, éduqués et distingués que je voyais sur la plage, avec cette rumeur de conversations, de cris d’enfants et de mouettes, de vagues murmurantes, de vent iodé. C’était le début de ma vie, sous le soleil, avec tous les élans de mon corps enfantin, et de mon âme contemplative, qui cherchait l’éloignement, et je nageais, pour le trouver, je m’éloignais dans l’infini bleu, celui du ciel reflété par la mer, et j’entamais un silencieux dialogue, un dialogue sans mots…
Les lacs du nord où je finis ma vie sont d’une autre nature, leurs eaux plus étales, ils jouent avec les nuages, dont le ciel est toujours plus ou moins hanté, discrètes présences angéliques sur eux penchés, ou grandioses architectures de lumière, troupeaux de cavales nomades et de sombres guerriers bleus, interminables et fascinants défilés… L’air est plein de fantômes russes et de saintes présences.
Je ne peux pas dire que dans cette Russie que j’aime si profondément, comme un rêve poursuivi et accompli, je n’ai pas le mal du pays, le mal de la France, ce sentiment poignant et sournois qui jette de vives images dans notre esprit, vives images d’un passé mort.
Le long de la route, les arbres se dorent comme les motifs anciens d’une grande iconostase.






lundi 3 septembre 2018

Par delà les destructions


Rosie va être pour moi une source de problèmes, je le sens venir, et ne sais comment désamorcer cela. Les gens sont avec elle et moi étonnament patients, et pourtant, à des signes discrets, je sens qu’elle emmerde tout le monde. Elle pique des affaires, saute sur les passants, éventre les sacs poubelles que l’on sort le jeudi, commet toutes sortes de méfaits.
La voisine me suggère de l’attacher et je ne peux m’y résoudre. Ce sera l’enfer pour elle, et pour moi, et je me demande si je pourrai encore l’approcher. La mettre dans un enclos, ce sera la même chose. Elle ne supporte pas d’autorité ni de restriction à sa liberté, seulement elle fait n’importe quoi.
J’aurais dû la donner. Cela me faisait de la peine de le faire, et je ne savais pas trop à qui. Mais c’est un chien pour moi incontrôlable.
Les nouvelles sont partout si affreuses, la guerre se déroule, sournoise et non déclarée entre la caste mafieuse américano sioniste et les peuples de la terre, une guerre sale, où tout est permis, les mensonges, les calomnies, la corruption, les massacres tenus secrets au sein même d'un incessant tohu-bohu d'informations orientées et de nouvelles stupides et indécentes. On ne parle pas de la mort de Zakhatchenko, pleuré par tout son peuple résistant et martyr, et si l’on en parle, c’est pour suggérer qu’il s’agit d’un règlement de compte entre bandes mafieuses ou un assassinat commandité par le Kremlin, qui n’a aucun intérêt à cela. Règlement de compte mafieux, oui, dans un sens, ça l'est, les méthodes aussi: la caste transnationale contre un petit peuple résistant et son chef, ancien électricien à qui l'histoire a donné une dimension et un destin.
L’incendie d’un important musée au Brésil, avec des collections et une bibliothèque irremplaçable m’a tout à coup fait assembler plusieurs pièces de l’horrible puzzle que je vois se composer au fil des années sous mes yeux : récemment, l’église de Kondologa, pas n’importe quelle église, pas une église médiocre et occidentalisée, non, la quintessence du style russe original. Le musée au Brésil. Palmyre, anéantie par Daesh. Les Bouddhas d’Afghanistan dynamités par les talibans. Le musée de Bagdad mis au pillage au moment de l’invasion américaine…
Une collaboratrice du musée de Pereslavl a mis des photos des maisons en bois anciennes de la ville encore debout, pour combien de temps ?
Elle a aussi répertorié les horreurs commises à travers la ville, l’hôtel kitsch qui copie le style néerlandais, les pompes à essence et les centres commerciaux devant le monastère saint Daniel, lui-même cerné par les « cottages »… quelqu’un m’a dit que la restauration des églises du centre, dont celle du métropolite Pierre, chef d’œuvre unique,  « coûterait trop cher ». J’ai posé la question : « Pense-t-on qu’une fois les beaux objets anciens éliminés du paysage, les touristes viendront contempler les « cottages » en plastique, ou les petits musées stupides et inutiles, du genre la théïère ou le fer à repasser ou le rire et les farces ? »
Pour faire des horreurs, ils trouvent de l’argent. Pour construire la basilique sainte Sophie bis à Godenovo, en pleine campagne, on en a trouvé. Et près du lac pourrit un hôtel qui a coûté des millions, qui n’a jamais été utilisé, et que les gens ont fini par piller.


















Cependant, Henri m’a adressé les vidéos qu’il a composées sur son voyage, il a manifestement du mal à reprendre pied, car même défigurée, la Russie conserve de puissants charmes.  Le temps n’est pas si loin dans le passé, avant tout ces désastres, où ce pays fervent et féérique, étrangement irréductible, témoignait dans son espace nordique d’un esprit chrétien vivace et d’une inépuisable poésie païenne. Cela reste dans l’air, dans le ciel unique et ses nuages colossaux, dans l’attitude chaleureuse, la simplicité et la ferveur des gens, et je crois que se constitue au dessus du pays martyr une sorte de ville invisible de Kitej, peuplée de tous ceux qui ont contribué à l'édifier, à la défendre, l'au delà doré de la sainte Russie et ses carillons inextinguibles. J'ai entrevu aux Solovki que cette entité mystérieuse n'était pas destructible: au-delà, on ne peut plus rien contre nous.

La Terre russe. Ensemble Jivaïa Voda


Comme sur la montagne de Dieu, vers spirituel. 
Ensemble Jivaïa Voda.

Il s'agit de l'ensemble où joue Yegor Strelnikov que nous avons rencontré devant la laure de la Trinité Saint-Serge.

samedi 1 septembre 2018

"Je suis venu sur terre pour témoigner de la vérité..."


Hier, Zakhartchenko, président de la république de Donetsk, a été assassiné. Je venais de publier la nouvelle qu’un enfant de Donetsk avait perdu ses deux jambes à la suite d’un bombardement ukrainien, car ces bombardements visent particulièrement les objectifs civils, maisons d’habitation, écoles, hôpitaux, comme au Yemen, où l’on a bombardé un bus scolaire. L’assassinat de Zakhartchenko a fait 11 victimes collatérales. La presse française ne mentionne ni le Donbass ni le Yemen dans ses nouvelles, et les gens d’occident, qui me semblent en grande partie hypnotisés, ne pleurent et s’indignent que sur commande, au signal : «Libérez Stentsov ouin, ouin, snif, snif. » Sans chercher à savoir plus loin.
Parallèlement, le patriarche Bartholomée s’apprête à officialiser l’autocéphalie ukrainienne de Denissenko, alias Philarète, créature haineuse qui appelle sans cesse aux massacres, livrant de ce fait le métropolite Onuphre, dont la stature spirituelle est comparable à celle d’un saint Philippe de Moscou, martyrisé par Ivan le Terrible, et ses nombreux fidèles, à un destin probablement affreux : ils sont déjà systématiquement persécutés, calomniés et spoliés... Tout cela se produit, comme par hasard, simultanément, et, aidée de l’OTAN, l’armée ukrainienne se rue à la curée pour achever le génocide des populations du Donbass.
La reconnaissance de l’autocéphalie reviendrait à approuver ces persécutions, trahir Onuphre, soutenir un régime de compradores mafieux absolument dépourvus de la moindre conscience et, malgré les discours nationalistes, de racines vraiment ukrainiennes, de ces gens à multiples passeports et à fortunes occultes qui nuisent de manière transnationale, et les exactions de leurs divers opritchniks. Ce serait une ignominie sans précédent, et dans ce cas, je ne reconnaîtrai jamais personnellement cette autocéphalie et considérerai désormais Bartholomée, à l’instar du pape François, comme une taupe du Nouvel Ordre Mondial qui est celui de la mafia et de l’antéchrist
D’après le site Tsargrad, le processus serait suspendu, prions pour que le patriarche recule devant cette félonie…
On peut naturellement considérer que je suis de parti pris politique. Mais il n’en est rien. Anticommuniste, je soutiens le Donbass, dont beaucoup de combattants soutiennent l’idéologie communiste, et dans leur cas, je peux aisément le comprendre : le capitalisme libéral mondialiste veut leur peau, et se conduit d’une façon infâme, ressuscitant un nazisme folklorique piloté par des banquiers sionistes et leur presse internationale, qui donne une légitimité à leur lutte antifasciste communiste, on rejoue de part et d’autre la deuxième guerre mondiale sous l’œil d’un totalitarisme auprès duquel les deux précédents nous paraîtront bientôt des plaisanteries. Mais d’abord, je vois là bas des Russes, beaucoup d’entre eux sont orthodoxes, et surtout, j’y vois des gens honnêtes, courageux, et opprimés, attaqués par des bandits sans le moindre scrupule qui lâchent sur eux des sbires sadiques. Je suis du côté de la justice et du bon droit.
Ensuite, il me suffit de comparer l’attitude, le visage et les discours du métropolite Onuphre et ceux du pseudo patriarche Philarète, pour comprendre où se trouve la lumière divine, où les démons frénétiques. C’est une question de discernement, un enfant le verrait, mais pas le patriarche Bartholomée.
Aux Solovki, j’ai trouvé le livre qu’il me fallait sur le métropolite Philippe, et à travers ce travail de recherche historique profond, je vois se dessiner un personnage extrêmement attachant. Comme je l’ai déjà dit, saint Philippe n’était pas, à priori, une personnalité indomptable, saint Germain de Kazan avait refusé des compromis qu’il avait finis par accepter, sous la pression du tsar, et des autres hiérarques. Il n’aimait pas les conflits, il devait être de ces gens, dont je suis, qui détestent contrarier les autres, qui cherchent à être arrangeants et ne se révèlent que losqu’on les accule. Mais une fois acculé, le métropolite Philippe est allé jusqu’au bout, inflexible dans sa douceur et son amour, et sa fidélité à Dieu.
Le tsar s’est particulièrement acharné sur lui, car il ne pouvait supporter d’être démasqué par le saint qu’il avait voulu mettre à toutes forces, dans la division intérieure de sa personnalité paradoxale, infestée de démons, mais nostalgique des anges, à la tête de l’Eglise russe. Il l’a traité d’une manière indigne, il a organisé un procès inique, et sont venus témoigner contre le saint divers judas ecclésiastiques, par ambition, jalousie ou par crainte des représailles.
Le livre m’offre des témoignages complémentaires sur cette bande d’assassins qu’était l’Opritchnina, auxquels le tsar avait livré son pays. L’Allemand Staden, qui a écrit ses mémoires. D’après l’auteur, il noircit le trait ou ment quelquefois, comme le prince Kourbski, il en donne des exemples, mais il reste encore assez de descriptions véridiques. Ce spadassin raconte ses exploits sans aucun remords de conscience : comment une princesse avait essayé de se jeter à ses pieds, et devant son expression, avait reculé et s’était enfuie, ce qui lui avait permis de l’abattre d’un coup de hache dans le dos, et d’aller « s’occuper de ses jeunes filles ».
L’Opritchnina comptait beaucoup d’étrangers, d’Allemands et de Tatars. Les aventuriers étrangers sont toujours utiles quand un pouvoir met son propre pays à feu et à sang, on l’a vu par la suite…
Cette situation, et ces opritchniks, me rappellent tellement ce qui s’est passé sous les bolcheviques, et ce qui se passe en Ukraine. Dieu garde le métropolite Onuphre et ses nombreux fidèles, ceux qui défilent chaque année en procession pour la saint Vladimir à leurs risques et périls.
Honte aux judas en soutane qui apportent leur pierre à la lapidation du juste.
Pour moi, je me rends compte que mon livre n’est pas un roman historique, c’est un parcours spirituel, un conte initiatique. Celui de mon héros Fédia qui est le mien. Je suis allée comme lui trouver le métropolite Philippe et celui qui demande le secours d’un saint échappe à la séduction de ceux qui l’ont persécuté…
Depuis ce moment, où j’ai lu son acathiste sous la pluie des Solovki, je garde en moi un espace, un refuge, où j’échappe à l’indignation, à la douleur permanentes que me cause le spectacle du naufrage général. Parce que dans cet espace, tout cela n’a plus cours. Parce que Dieu ne laissera pas le diable nuire profondément à son petit troupeau, et que le métropolite a posé sur moi sa mante, comme il l'a posée sur le garçon perdu Fédia, mon double.
 
Le métropolite Onuphre

le pseudo patriarche Philarète.

le métropolite Philippe (icône encore inachevée):
"Je suis venu sur terre pour témoigner de la vérité, nulle souffrance
ne me fera taire".



jeudi 30 août 2018

Dernières joies estivales

La rivière Veska

Après le départ d’Henri et Patricia, le beau temps se maintient encore, j’ai même pu aller me baigner à Koupanskoïé, dans la rivière Veska. Quelle jolie rivière, quelle eau douce et fraîche, et ces roseaux ondulants et murmurants, et ces nuages blancs effilochés, chevelures d’ange dans la lumière déjà automnale, et si calme… Des canards glissaient sur les reflets bleus et les ombres vertes, et j’ai même vu une couleuvre qui nageait d’un bord à l’autre, sa petite tête bien dressée, comme un périscope. Je l’ai revue plus tard, une jolie couleuvre noire avec un collier rouge, quand je suis venue chercher de l’eau pour faire une petite aquarelle. Et j’ai dessiné dans le fil du vent. Qu’il fait bon vivre, qu’il fait bon vivre, marcher sur le sable, nager dans l’eau fraîche, écouter murmurer les roseaux, sentir sur soi l'air qui passe, qu’elle me sera difficile à quitter, la terre, cette terre dont on dit parfois qu’elle ne vaut rien et qui est pourtant si belle, et si profanée.

ma carte postale de la Veska.

A la sortie de Pereslavl, j’ai vu une femme qui fait la manche devant toutes les églises du pays, et je l’ai prise en stop, avec celle qui l’accompagnait. Elle m’a chanté de l’opéra, je lui ai chanté un vers spirituel. Elle m’a dit qu’elle faisait partie de l’union des écrivains et qu’elle composait des chansons. La littérature, ça ne paie pas !
Son amie est la directrice du jardin d’enfants de Koupanskoïé, c’est elle qui m’a indiqué le coin où je suis allée me baigner.
Rosie ne fait que des conneries, elle ne reste pas chez moi car elle s’ennuie, et elle enquiquine tout le monde. De plus, si on la contrarie, elle a tendance à se retourner. Elle est équilibrée et pas agressive, mais elle est dominante et peut donner des coups de dents. Je m’y suis attachée, elle est parfois drôle, touchante, et elle me garde avec dévouement, mais elle peut m’attirer et s’attirer des ennuis.
Je suis très heureuse d’être allée me baigner hier, je saurai désormais où cela se trouve, pour l’année prochaine, si elle n’est pas pourrie. Je suis heureuse d’avoir cueilli un moment de bonheur, de contemplation béate, de communion avec la nature. Il me semble parfois que nous emporterons ces moments-là, et qu’ils enrichiront notre éternité.
Au retour de Ferapontovo, les Messerer ont fait étape chez moi, et comme, dans l'attente de mon déménagement mythique, je n'ai pas beaucoup de tableau, ils m'ont fait choisir l'une de leurs dernières oeuvres:

lavandière à Kirillov.


mercredi 29 août 2018

Le métropolite Pierre et les deux Constantin

C’est dommage que cela ne se soit pas produit avant le depart de mes Français, je viens de rencontrer un prêtre avec qui j’ai des amis communs, Iouri et Dany, et qui est depuis deux mois en charge de la cathédrale saint Vladimir à Pereslavl, le père Constantin. Nous sommes allés ensemble au café français faire connaissance, et nous avons des affinités. La cathédrale a une belle iconostase, de belles icônes contemporaines. Et rien de tape-à-l’œil ni de consternant dans le décor. La dame qui vend les cierges m’a gentiment offert le café en attendant que le batiouchka soit disponible.
Et puis alors, détail très important, le père Constantin a reçu avec sa paroisse le fardeau (la croix !) de la restauration de la magnifique église du saint métropolite Pierre, construite par Ivan le Terrible et ruinée par les soviétiques. Les autorités locales s’en foutent complètement, et elle pourrit sur place, avec son architecture admirable, son toit en forme de tente, sa coupole en tuiles de bois essentées, sa belle iconostase, ses portes sculptées, ses voûtes, ses deux sanctuaires superposés, celui d'été, celui d'hiver, une vraie merveille.
J’étais très excitée, car je voyais enfin l’occasion d’être utile. J’ai dit au père Constantin : « Et si nous proposions à des Français orthodoxes (ou simplement intéressés par cet exploit) de venir aider à la restauration, moyennant hébergement sur place ? Peut-être que cela réveillerait la conscience des autorités.
- Je crains qu’elles n’en aient aucune. Mais en effet, c’est une idée, il faut en parler auparavant à l’évêque. »
Il faut assécher et consolider l’église. Il faudrait restaurer l’iconostase restante telle qu’elle est. Il lui manque ses colonnades, mais il en reste un exemplaire, qui peut servir de modèle aux autres. Les sols datent du XIX° siècle et mieux vaut les conserver en l’état que les remplacer par du marbre poli à la gomme. La question se pose dans l’église supérieure, dite d’été. Car le sol du XIX° a été posé sur le sol d’origine, que l’on voit dépasser, des carreaux du XVI°. Seulement nous ne savons pas dans quel état est le sol du XVI° dessous…
La petite église d’hiver, voûtée, aurait besoin de fresques, mais les services d’un fresquiste sont au dessus des moyens de la paroisse. L’iconostase y est aussi de taille réduite, à la limite, une fois finis mes livres, je pourrais m’y atteler, gratuitement. Celle du haut est beaucoup plus grande, c’est une œuvre de longue haleine.
Il reste deux ou trois éléments en bois d’époque, un très beau lutrin et un tombeau du Christ. Je rêverais de faire de cette église un témoignage de beauté et de simplicité, de respect des données architecturales, de l’esprit du XVI° siècle qui l’a vue naître.
Le père Constantin ne l’avait lui-même pas encore vue, nous semblons avoir les mêmes conceptions de la restauration idéale.
Le dernier prêtre a été assassiné et canonisé depuis, il s'appelait également Constantin. Sa petite-fille est venue dernièrement en visite.
Donc, si l’évêque est d’accord, orthodoxes de bonne volonté, venez à Pereslavl  Zalesski faire œuvre utile !
Je n’avais pas d’appareil avec moi pour faire des photos… La voici sur une ancienne photo de Pereslavl.

Et ici, sur une photo de l'année dernière: