Avant le retour à Clermont-Ferrand de sa fille Alissa, j'ai voulu rendre visite au père Valentin, pour le voir et la voir. Et puis tant que les moscovites ne sont pas rentrés, on trouve encore de la place, il faut en profiter:. Je suis arrivée juste pour l'office de l'enterrement de la Mère de Dieu, qui précède demain la fête de la Dormition. Je n'ai rien compris aux lectures. Tout notre clergé était habillé de bleu, couleur des fêtes mariales, mais c'étaient des bleus si raffinés qui n'avaient rien à voir avec les bleus layette façon sainte Vierge fluo qu'on voit trop souvent.
Apres je suis allee chez Xioucha, ou je pensais que nous serions en petit comité, mais il y avait beaucoup de monde, enfants et ados des uns et des autres, j'étais complètement ahurie. Il y avait Thomas, le mari d'Olga, venu fuir ici les mesures insupportables de la France covidienne. Et un autre Français qui vit à Yaroslavl avec sa femme russe. Samuel, reparti en fin de visa, est en proie à des persécutions judiciaires dans notre démocratie modèle.
Alissa rentre la mort dans l'âme et même son fils aîné ne pense qu'à revenir en Russie le plus vite possible, le masque le rend dingue. J'espère seulement qu'on ne nous installera pas ici ce qu'on installe la bas. Nous comptons tous sur le "bordel russe" salvateur....
Car ici, à Moscou, le masque universel plane comme un nazgul, même si peu de gens le portent, et la camisole électronique se referme de plus en plus. Je commence à détester cette ville, la troisième Rome que j'espérais la voir redevenir. Elle prend tous les travers de ce que j'ai fui en occident, elle n'est plus que le fief d'un apparatchik louchon transhumaniste qui, à part son idiome, n'a plus rien de russe. Ma carte troïka étant vide, je vais pour la remplir, plus de caissières, mais des automates indéchiffrables que je n'ai jamais pu faire marcher. Ni avec une carte, ni avec du cash.
J'ai déjeuné à la chocoladnitsa avec une jeune femme qui m'a expliqué que je pouvais payer le métro directement par carte bancaire à un portillon spécial. OK. Mais dans les bus, et les trams, je n'ai pas pu faire marcher le système. J'ai vu qu'une caissière avait réapparu, et j'ai voulu recharger la troïka. La dessus la maritorne, derrière sa triple vitre avec hygiaphone inexpugnable, exige le port du masque. J'extirpe le machin de ma poche, l'accroche crasseux et de travers, sous mon nez, ce qui d'un point de vue sanitaire n'a aucun sens, mais l'important pour elle et pour tous les cons de sa hiérarchie jusqu'à Sobianine inclus, ce n'est ni sa santé, ni la mienne, mais l'acte de soumission qui est censé préluder désormais à toutes les étapes de notre vie dans les villes connectées du Meilleur des Mondes.
Après cela, munie de la troïka, je pensais aller en tram dans un magasin près de chez Xioucha mais pas de bol, on répare les voies, et marcher jusque là, je n'ai pas eu le courage....
Je pense qu'avec le temps, je ne viendrai quasiment plus. Car je n'ai jamais pu m'adapter au XX siècle, alors le XXI qui est encore deux fois plus merdique... C'est sans doute la qu'on voit qu'on vieillit. Encore que... Mon beau-père paysan haïssait la ville et ne pouvait absolument pas s'y adapter, quand elle était encore un organisme à peu près normal, avec des magasins et des cafés populaires, des artisans et des gens partout.
Alissa rêve qu'internet se détraque à jamais et malgré ses quelques avantages et les conséquences que cela aurait sur ma vie, moi aussi. Tout cela prend un tour sinistre quoique puisse en penser le métropolite Tikhon.
Oui, n'allez plus à Moscou : les gens y sont enthousiastes (cf. Céline) ou habitués. Et c'est partout pareil : la peine capitale (sic) des Smart cities.
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