J'ai quitté le plein été torride du Don pour une sorte de pré automne. Il pleut à verse, et mon jardin est détrempé, résultat des terrassements du voisin, qui a vaguement consolidé son tuyau et fait tout son possible pour reconquérir mes bonnes grâces, parce que ma froideur le perturbe. Des milliers de poires dégringolent de mes arbres surmenés qui ont pourtant bien du mal à survivre. Je suis constemment en train de les ramasser, peler, cuire et sécher.
Je pense souvent à mon récent voyage, à tous ceux que j'ai rencontrés, à Kolia le taulier, torse nu sur sa terrasse, avec ses pétunias, ses luminaires kitsch, ses clientes coquettes en robe de chambre, pareilles à de gros ballons souriants, prêts à s'envoler dans les airs, au bout d'une ficelle; à son pote le tatar Islam, beurré comme un petit lu. A ce cosaque à longue barbe grise, un anneau dans l'oreille, qui déambulait dans les bois en slip de bain jaune et vert avec une casquette d'uniforme sur la tête. Je revois la rivière Khapior, ses eaux douces et rapides, pleines de la lumière froissée des nuages brûlants, les chevaux qui s'y baignaient.avec les enfants, tandis que résonnaient des chants lyriques et virils. Le ciel nocturne si profondément noir, avec ses étoiles si nettes et brillantes, et si nombreuses. J'étais complètement dépaysée, là bas, et pourtant, j'y retrouvais quelque chose de familier, de méridional, avec une sorte de dinguerie slave joviale, le mauvais goût y prenait des accents felliniens, plus modeste que par ici, mais encore plus décomplexé, et tout cela au sein de cette steppe aride et illimitée, sous sa fourrure odorante de chardons, de fenouil et d'absinthe amère, soyeuse et argentée. Avec ce qui se passe en France, et qu'on cherche sournoisement à implanter en Russie, j'avais besoin de cette consolation. Chaque fois que je découvre une région de cet immense pays, l'envie me vient de déménager, la province russe me fascine et me donne une impression de liberté et de sécurité. Quelles que soient les séquelles du soviétisme, il s'y conserve quelque chose de vivant, de normal, et je dirais de résistant. Beaucoup de gens ne voient pas de mal à se faire vacciner, car ils restent dans l'idée que c'est pour le bien des populations, comme au temps de l'Union soviétique, quand personne ne se faisait des profits mafieux sur la santé des gens. Mais pour ce qui est de la suite du programme, les QR code et la dictature électronique mondiale, je pense que ce sera plus dur, je ne sens pas toute cette humanité très humaine, très anarchique, très capricieuse, incorrigiblement lyrique et follement idéaliste, prête à entrer dans le transhumanisme futuriste. A moins de recourir à des procédés trotskystes de massacres à grande échelle. Je suis persuadée que le Don ne diffère pas beaucoup du Donbass, pour ce qui est de la mentalité. Tous les poteaux électriques sont bagués aux couleurs du drapeau russe. Une banderole, en travers de la rue principale de Koulmyjenskaïa proclame: "Rien ne nous est plus cher que notre pays natal..."
En face de la propagande hypnotique de la télé, on recourt ici aussi au discours sur la "théorie du complot" afin de discréditer ceux qui n'avalent pas cette bouillie à la louche. C'est surprenant, voici qu'au XXI° siècle, nous avons pour la première fois de l'histoire, des classes dirigeantes irréprochables qui ne complotent jamais, et des administrés ingrats qui voient le mal partout. Les romans historiques sont pleins des complots du passé, le XX° siècle nous a gavés de financiers retors, de politiciens pourris, d'idéologues tarés et sanguinaires et de savants fous, mais nous sommes invités à croire que le même genre de population, aujourd'hui, ne se soucie que de notre bien, et que le mettre en doute n'est pas raisonnable... Cette caste a pourtant plus de moyens de nuire qu'elle n'en a jamais eu, de sorte qu'on ne sait même pas comment se défendre, dans la guerre qu'elle nous fait. Le docteur Fouché nous présente ici quelques propositions:
A l'église, ce matin, le père Andreï nous a fait un sermon intéressant, à propos d'un nouveau mot à la mode, terpila, conçu d'après le mot terpenie, patience. Ce mot, dit-il envahit toutes les bouches. Il signifie un être dont on peut faire ce qu'on veut, le tondre et l'exploiter sans qu'il réagisse, et il est plein de mépris, un peu comme chez nous les sans-dents ou les mougeons. Mais, nous explique-t-il, c'est que la société nouvelle qu'on cherche à installer n'est pas seulement indifférente au christianisme, elle lui est profondément antagoniste. C'est une société de prédateurs impatients qui ne connaissent pas de frein à leur avidité. Antagoniste au christianisme et également à la Russie, dont la patience était la vertu principale, patience d'Alexandre Nevsky, par exemple, glorieux chef de guerre qui, pour le salut de son pays, allait trouver le khan mongol et s'humilier devant lui. Et cela m'a rappelé une vidéo de l'avocat DiVizio "en marche vers l'enfer", sur la société "en marche", dont l'avènement a été inauguré par le parti "en marche" du satrape Macron. Une société où ceux qui ne peuvent pas marcher sont laissés pour compte, achevés, voire exterminés. Une vidéo rapidement supprimée de youtube avec la chaîne de l'avocat, ce qui me prouve que c'est bien là le programme des mutants du nouvel ordre mondial qui essaient de prendre le pouvoir universel. Au XIX° siècle, Jack London décrivait les misérables sans logis de Londres, contraints de marcher sans trêve, car ils n'avaient le droit ni de s'asseoir ni de s'étendre, ni même de s'arrêter.
Mais il convient de voler autant que faire se peut de beaux moments de vie à la nuit qui vient.
Très belle vos photos du chat et du chien. Le peuple s'est bien réveillé en France, et il ne lâchera pas. Mais plus que du pouvoir, le problème vient de la masse des collabos, bourgeois, cadres, cathos, zombis divers. Ce sont eux les terpilas, pas le populo rebelle qui a toujours du ressort en France.
RépondreSupprimerBonjour Laurence, bravo pour le texte !!! Cependant "C'est une société de prédateurs impatients qui ne connaissent pas de frein à leur avidité", c'est une petite minorité de psychopathes apatrides, les Français dans leur majorité ne sont pas des prédateurs avides !
RépondreSupprimerEn ces temps de troubles et de restrictions des libertés, certains n'ont pas hésité à évoquer des passages de l'Apocalypse qui prennent une résonance particulière . A leur suite, pour ma part, je rappellerai ce passage d'Apocalypse,13,16-17, selon la traduction du Père Henri-Marie Féret, où, selon cet auteur, la seconde Bête rassemble tous les les habitants de la Terre en la servitude de la première Bête, "servitude de la pensée et servitude des oeuvres":
RépondreSupprimer" Elle fait que tous,
les petits et les grands,
et les riches et les pauvres,
et les (hommes) libres et les serviteurs,
se donnent à eux-même une marque sur leur
main droite, et sur leur front;
et que nul ne puisse acheter ni vendre
sinon celui qui a la marque,
le nom de la Bête,
ou le nombre de son nom"
Ainsi, commente le P. Féret "Même pour les plus humbles réalités économiques, il faut en passer par les caprices de la première Bête. On ne peut plus acheter ni vendre sans donner des gages de sa servilité à l'idole étatiste. Sachez donc désormais, dit saint Jean aux chrétiens,reconnaître aussi l'Esprit du mal à l' oeuvre derrière ces fausses doctrines et leur puissance d'égarement."
J'ajoute que saint Césaire d'Arles, dans son" Exposé sur l'Apocalypse"nous donne une stimulante interprétation de ce qu'est la seconde Bête:
"Il ne répugne pas à la foi que cette bête représente la ville impie, c'est-à-dire le rassemblement de tous les impies ou orgueilleux qui s'appelle Babylone et s'interprète confusion, et à laquelle appartiennent tous ceux qui auront voulu faire de actions de confusion: c'est le peuple des in fidèles, opposé au peuple fidèle et à la cité de Dieu." et d'ajouter: " Mais les justes n'adorent pas la [première] bête, c'est -à-dire ne consentent pas, ne se soumettent pas à elle; et ils ne reçoivent pas l'inscription, c'est-à-dire la marque du crime, sur le front à cause de ce qu'ils professent, sur la main à cause de ce qu'ils font". (L'Apocalypse expliquée par Césaire d'Arles, 3 Les Pères dans la Foi", traduction de dom Joël Courreau, DDB, 1989,pp. 103-104.)
Petite précision: le livre du P. Féret intitulé " L'Apocalypse de saint Jean, vision chrétienne de l'Histoire"Corrêa éditeur, a été publié pendant les " heures les plus sombres de notre histoire", en 1943 et avec visa de la censure. Les agents de celle-ci n'ont sans doute pas décelé le double sens de certains passages qui auraient pu hérisser les occupants. Comme quoi le dominicain a su faire preuve de beaucoup de subtilité!