Le guide Edouard venait aujourd'hui d'Alexandrov à Pereslavl promener deux touristes et m'avait donné rendez-vous au monastère saint Nicétas le stylite, ce qui m'empêchait d'aller à celui de saint Théodore. J'ai appelé un taxi, il n'y en avait pas de disponibles. Je me suis résignée à y aller à pied, malgré le mauvais temps et Rosie qui voulait me suivre. J'ai d'ailleurs vu en chemin un chiot, dans une cour, en tous points semblable à Rosie, je pense que c'est un de ses frères ou soeurs.
J'ai attendu l'autobus très longtemps, sous le crachin, il est arrivé bourré, et il ne montait pas jusqu'au monastère, il a tourné, et je me suis retrouvée obligée de faire à pied le trajet supplémentaire, plus le reste du trajet, qui est long. Il pleuvait sérieusement quand je me suis approchée de mon but. Edouard m'a abritée dans sa voiture. Puis le couple de touristes arrivé nous avons commencé la visite, j'avais raté l'office dominical.
Edouard nous a raconté l'histoire de saint Nicétas, trésorier impitoyable du prince, qui soudain, voit dans les quartiers de viande en train de bouillir dans une grande marmite, les visages des victimes de ses exactions.Bouleversé, il vient au monastère et demande à y faire son salut. Les moines ne croient pas à la conversion d'un tel homme et pour l'éprouver, lui ordonnent de rester à la porte du monastère quelques jours et de faire aux passants le récit de ses péchés. Il obtempère, et entrant dans une mare jusqu'à la ceinture, se livre torse nu aux piqûres des moustiques locaux. Devenu moine, il se taille dans la terre une cellule verticale, pareille à un puits, Les stylites vivaient au commet d'une colonne, lui au fond d'un trou, mais le principe est le même. Il guérissait les malades et portait de lourdes chaînes de métal, que l'usure rendait brillantes. Des bandits le tuèrent en pensant que puisque il était autrefois trésorier, elles étaient sûrement en argent. J'ai vu les chaînes et me suis penchée su la châsse où sont conservées ses reliques. L'église a été construite par Ivan le Terrible. Presque ruinée dans les années 90, elle a été restaurée par les moines qui ont récupéré le monastère.
Ensuite, nous sommes allés en direction de la "pierre bleue", un gros rocher d'un gris bleuâtre qui était vénéré par les païens et au sujet duquel courent toutes sortes de légendes. Mais nous ne l'avons pas vu, car il est entouré de pavillons touristiques qui cassent complètement l'ambiance. Le monastère et ses environs était pour moi l'endroit le plus extraordinaire de Pereslavl, ces églises, leurs bulbes et leur enceinte, entre le lac à perte de vue et une sorte de plateau désert, couvert de lupins au mois de juin, et balayé par le vent, sous les nuages. Le tourisme et l'appât du gain sont en train de tout massacrer. Une énorme partie de ce plateau a été annexée par des promoteurs en vue d'y construire frénétiquement des maisons moches et des centres commerciaux. Après une pétition adressée à Poutine, j'avais entendu dire que le président avait interdit le projet. Les palissades sont cependant toujours là. Et il y en a d'autres, qui délimitent des périmètres de "zones de loisirs". Ce vaste et magnifique espace est morcelé par tous ces racleurs de fric.
Après, nous sommes allés dans le centre, voir la "belle Place", avec l'église de la Transfiguration, où fut baptisé Alexandre Nevski, une église du XII° siècle. Il y a également une église pyramidale édifiée encore une fois par Ivan le Terrible. Elle a beaucoup souffert de la période communiste. Mais ce ne sont pas les communistes qui ont éventré la muraille de ce qui était un monastère attenant, il n'a pas été achevé, car au XVIII° siècle, les autorités ont jugé qu'il y avait trop de monastères à Pereslavl.
Ce ne sont pas non plus les communistes qui ont détruit les fresques de l'église de la Transfiguration. Au XIX° siècle, quelque fonctionnaire moscovite lumineux a décidé de les faire transporter à Moscou. On les a détachées de leur support (des fresques du XII°!), empilées dans des charrettes, puis l'autorisation de transport tardant à venir, elles ont pourri sur place, et on les a jetées dans la rivière.
La ville de Pereslavl a été fondée par des Russes venant de Pereiaslavl, actuellement en Ukraine. Près de Pereiaslavl, coule la rivière Troubej, et les fondateurs donnèrent à la rivière de leur colonie le nom de celle qui coulait dans leur ville d'origine. Ils fondèrent aussi un Pereslavl près de Riazan, et renommèrent aussitôt le cours d'eau local. De sorte qu'il y a trois Pereslavl en Russie, et trois rivières Troubej.
Edouard m'a dit que le"val", le talus défensif qui borde le centre, faisait alors vingt mètres de haut, avec une muraille et des tours au sommet.
A cette étape, j'ai lâché Edouard, car je me gelais dans le froid humide. Il devait me rejoindre ensuite pour prendre une interview, à l'usage du journal dont il s'occupe, à Alexandrov. Il voulait venir à la fin de sa visite, mais sa voiture avait des problèmes, et il est rentré.
Rosie était en pleine forme, la pluie dehors, personne avec qui jouer, elle a donc commencé à me harceler, tantôt Georgette, tantôt moi. Et je suis épuisée, incapable de rien faire, je pressens que j'ai pris froid, car j'ai dormi et somnolé près de mon ordinateur une bonne partie de l'après midi.
Il pleuvait tellement que je n'ai pratiquement pas fait de photos
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Edouard nous montre le "val". |