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lundi 6 mars 2023

Miracles génétiques

 


La routine, dépôt chez les cosaques de vivres pour les soldats, nettoyage de la cour, nous approchons de la débâcle, mais il neige, plus qu’au mois de février. Cependant, il y a de la douceur dans l’air, les nuages dérivent, ils sont pleins de lumière, j’ai vraiment de la chance que ma rangée d’isbas subsiste, ce sont elles qui font de notre « petit coin », comme dit Ania, la voisine, un endroit encore vivant et pittoresque. Je suis régulièrement assistée par mes deux géants féeriques, Nounours et Alba. Ils sont gentils, touchants, ils adorent venir chez moi. Assise sur la terrasse au premier soleil, j'ai fait un dessin de notre mois de mars rayonnant entre deux averses de neige.


C’était hier le dimanche du triomphe de l’orthodoxie, commémorant la victoire sur l’iconoclasme qui a profondément secoué la chrétienté au VIII° siècle. Liturgie épiscopale, très longue, trois heures, et tout de suite après, visite par les paroissiens d’une exposition sur Marie Skobtsov, sainte Marie de Paris, cette moniale russe qui, à Buchenwald, était allée mourir à la place d’une jeune mère de famille. L’exposition consistait en panneaux explicatifs avec des photos et des citations, dans l’église voisine de la Mère de Dieu de Vladimir, commentés par l’auteur de deux livres sur sainte Marie. Tout cela m’était relativement familier, car je suis devenue orthodoxe dans l’émigration à Paris, et j’ai traduit avec une amie des Asmus la vie de la fondatrice de Bussy, la mère Eudoxie, qui, d’ailleurs, n’était pas en très bons termes avec la sainte, et cette dernière avait visiblement une forte personnalité, comme dit mon père Valentin, les saints ne sont pas toujours faciles à vivre ! En revanche, c’était certainement très exotique pour tous les autres, pour les paroissiens locaux. Une dame a demandé si on était bien sûr que mère Marie eût été canonisée par l’Eglise russe. Mais oui, bien sûr, lui a-t-on répondu, puisque l’Eglise hors frontières s’est réunie au patriarcat de Moscou...

Dans la foulée, pratiquement, j’étais invitée à une exposition de peintures, à côté, des dessins aux feutres de Pacha Morozov, qui est un excellent peintre, et j’y ai fait des mondanités, ce dont je n’avais aucune envie, mais n’ai pas vraiment regretté non plus.



Je pense souvent à Ania Ossipova, si profondément russe, en dépit de parents communistes de chez communiste, qui l’ont élevée dans la ligne du parti. Dans le même style de mystère ou peut-être de miracle, j’ai vu une vidéo sur une jeune fille partie vivre seule à la campagne, comme ses ancêtres, dans une petite isba impeccable, où elle fait tout elle-même, en presque parfaite autonomie, elle a quand même l’électricité. Elle doit avoir au moins vingt-trois ou vingt-cinq ans, car elle a étudié l’iconographie à Saint-Serge, mais elle semble en avoir quinze. Un être pur, paisible, heureux de ce qu’il a et de la liberté, de la plénitude que lui donne cette vie modeste et active. Elle manifeste toutes les qualités du paysan russe d’autrefois, dont l’amour du travail bien fait. A la question du journaliste, de quoi es-tu le plus contente, elle répond « ma maison ».



Krestina fait son bricolage, jardine, peint des icônes, coud elle-même ses vêtements de style traditionnel, et joue du synthétiseur, à défaut d’un piano. Je trouvais d’utilité publique de la présenter partout, à la télé, dans les écoles, mais en fait, j’ai vu que c’était plus ou moins déjà le cas, c’est la vraie vedette, on la filme sans arrêt. Un exemple de bonheur, de vie courageuse, simple et honnête, et de modestie. 

Quand j’étais jeune, je détestais la ville, et après deux années de fac, je rêvais déjà d’être bergère en haute Ardèche. J’ai rêvé toute ma vie du bonheur de Krestina, qui est celui de tout être humain normal, en fin de compte, mais moins simple, je redoutais de partir seule, je voulais vivre à la campagne avec un compagnon. Je l’admire de s’en passer, et du reste, elle a certainement plus de chances d’en trouver un là où elle est, autonome, calme, déterminée et joyeuse, que si elle était restée en ville, à courir après des chimères, en menant, comme la plupart des gens, une existence aliénée et stressante d'esclave tarifé.

 





mercredi 1 mars 2023

Printemps carémique

 


C’est officiellement le printemps, et l’on peut dire qu’il est dans l’air, les oiseaux recommencent à chanter, chiens et chats batifolent, la lumière revient et même le soleil. J’ai lamentablement séché le dimanche d’Adam et l’office du pardon. La vieille Antonina me l’a doucement reproché et je le lui pardonne parce que c’est le moment et qu’elle est adorable. La venue du carême m’a jetée dans une sorte de panique boulimique et honteuse, j’étais revenue la veille de Moscou, je n’avais pas envie de bouger, je regardais avec terreur arriver ces offices interminables... Et puis bon, le lundi, je suis partie à l’église, et je me sentais calme, réfugiée en moi-même. Je n’ai pas compris grand chose au sermon de notre évêque, comme d‘habitude, heureusement qu’il est publié ensuite sur le site de l’éparchie. Il a une voix sourde, peut-être que je le deviens aussi, ou bien l’acoustique est mauvaise. En me donnant sa bénédiction, il m’a demandé si j’avais une traduction du canon de saint André de Crète. Oui, bien sûr, tout le triode avec le canon. Ce que j’ai saisi de son sermon, c’est que saint André parle à son âme et s’entretient avec Dieu, ce que nous devrions faire plus souvent.

Le lendemain et le surlendemain, j’ai tout lu chez moi, le canon et les complies, car j’attendais l’électricien, qui m’a tout laissé en plan avec le matériel au milieu. J’irai demain à la cathédrale pour la dernière lecture, afin de ne pas traumatiser Antonina. Je ne sais plus qui me disait récemment que si l’on ne comprenait pas le slavon d’église, ce n’était pas grave, ça passait quand même. Eh bien je ne suis pas d’accord avec cela. Lundi, j’avais trouvé online un canon en russe, mais un russe archaïque, poétique et noble, je n’ai pas tout de suite compris que ce n’était pas du slavon, je me disais : « J’ai dû faire des progrès, je comprends tout ». C’est important de comprendre, quand même, il y a un côté très pédagogique dans le canon, tous ces liens avec la bible, et puis les grandes complies sont une vraie fontaine de grâce. Je lis cela et il me pousse des ailes. C’est même étonnant. Je me souviens de ce que m’avait dit le père Barsanuphe à propos de la prière : « Il y a des choses que je ne peux vraiment pas vous expliquer, elles sont inexplicables, mais quand on pratique la prière, c’est un fait d’expérience, ça marche. Faites l’expérience ».

Ca marche mais pas à tous les coups. Il y a une attitude intérieure à avoir. Si on ne l’a pas, les canaux sont fermés. En effet, il faut parler avec son âme, et s’entretenir avec Dieu. Et lorsque s’établit et s’approfondit cette conversation subtile, on doute de moins en moins, le coeur s’emplit d’une plénitude paisible, et l’on pèche quand même, mais cela n’a plus la même importance, ce sont des accidents de parcours, pourvu qu’on garde le contact, ils n’empêchent pas d’avancer.

Je pensais à ce qu’a écrit cette femme sur le bonheur au bord des abimes infernaux, ces fenêtres et ces portes qui s’ouvrent sur le paradis. Il y a quelque chose d’extraordinairement profond, simple et merveilleux dans ce qu’elle décrit là, quelque chose que je ressens de toute mon âme et qu’elle le ressente aussi est pour moi très encourageant, je veux dire éclairant. Je peux lire d’un oeil distrait des kilomètres de bondieuseries, sans que cela ne m’éclaire tellement, même parfois au contraire, et voilà tout à coup ce signal venu d’en haut, d’autre part ...Tout cela fait place à l'insoutenable beauté d'une fleur, à la ligne d'horizon, à la miraculeuse légèreté des nuages. C'est comme si on nous envoyait des salutations de quelque part au dessus, de l'extérieur, nous indiquant: regardez ici, ne regardez pas en bas! Marchez sur l'eau, n'ayez pas peur!

Il y a quelques temps, j’étais tombée sur la conférence que nous avait faite à Solan l’higoumène de Simonos Petra, et qui m’avait alors donné de si précieuses indications. Il disait que nous devions vivre avec les péchés dont nous ne pouvons nous débarrasser, les porter comme une croix, les remettre à Dieu et c’est ce que je fais. Le texte de Natalia a soudain légitimé mes échappées dans les nuages, les étoiles, les feuillages, j’ai compris que c’étaient là des moments où notre âme, notre corps et Dieu étions complètement en phase, en osmose, et se baignaient dans cet échange. Alors on peut me dire tout ce qu’on veut, que Dieu n’existe pas et que s’Il existe, c’est un parâtre qui nous martyrise, mais il faut ne jamais avoir été dans cette osmose-là pour dire des choses pareilles. Et pourtant, oui, il se passe des choses affreuses qui sont essentiellement le fait des humains, et où Dieu n’a pas grand chose à voir, mais les incroyants voudraient un Dieu dictateur qui « fît notre bien », que nous le voulions ou non, comme tous les dictateurs de toutes couleurs et drapeaux, nous savons en quoi cela consiste.

Je suis allée sur la page d'une dame très férue d'astronomie et de physique quantique, et de la spiritualité qui va avec; et sur le moment cela m'a donné le vertige. Certes, cela me confirme dans mon intuition que tout est sacré et que tout est lié, je ne sais même pas d'ailleurs comment on peut considérer les choses autrement, à moins d'être mutilé de son imagination, de sa sensiblité, de sa capacité à envisager les arrière plans et les intrications purement poétiques de l'existence. Mais c'est si énorme, qu'on a du mal à se représenter que Cela qui existe et qui nous porte, puisse avoir une relation personnelle avec nous. Pourtant, c'est justement ce dont me parlait la mère Hypandia: "Songez que cette  Divinité n'a qu'une idée, dans son incommensurable puissance créatrice, c'est de converser avec cette toute petite âme que vous êtes." Le père André du monastère sainte Elizabeth de Minsk a fait lui aussi un sermon très intéressant, où il est question de nous mettre dès maintenant en conformité avec Ce vers quoi nous allons, et que c'était là le sens du carême, et peut-être aussi la raison de ma profonde panique, au seuil de celui-ci.

Et pourtant, la prière est rassurante, et puis "il y a plusieurs maisons dans la maison de mon Père", c'est-à-dire que, comme la Terre où nous sommes est faite à notre mesure, de sorte que chacun y trouve sa place, dans les douces plaines ou les rudes sommets, dans les villes ou les campagnes, sur le bord de la mer ou dans la forêt, et que nous ne voyons pas l'abîme de l'Univers qui la contient, ainsi le Royaume où nous allons est possiblement adapté à ceux qu'Il accueille, selon leur degré de maturation spirituelle. Mais enfin, c'est sûr que cela va nous changer, et qu'il faut s'y préparer...


Assis devant le paradis

Pleurait Adam et chantait :

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis !

C’est pour moi que tu fus créé,

C’est par Eve qu’il me fut fermé.

 Je ne vois déjà plus

 Les nourritures paradisiaques,

Je n’entends déjà plus,

Les voix archangéliques

 J’ai péché, Seigneur, j’ai péché,

Dieu miséricordieux,

 Pardonne à celui qui déchut !

Paradis, mon paradis,

Mon beau paradis...



[1] Poème spirituel traditionnel




dimanche 26 février 2023

Paradis retrouvé

 


Dimanche du pardon, et demain la première semaine de Carême, la plus dure avec la semaine sainte. Ceux à qui je voudrais demander pardon ne sont souvent plus en vie, ou très loin. Mais j'ai pu offenser des gens sans le vouloir, ou par négligence, ou bien le pardon réciproque n'entre pas dans leurs catégories mentales... 

J'ai fait un saut à Moscou pour un concert de gousli de Dima Paramonov, Liéna et ses filles sont venues avec moi. C'était très joli, des chansons de noces, des vers spirituels. Une musique pleine de vent et d'espace, de larges cours d'eau, de pluie et d'oiseaux, une musique pure et bénéfique. Une toute petite fille dansait sans arrêt, entre deux rangées de fauteuils. 

Puis je suis allée à une soirée crêpe chez Xioucha, il y avait le père Valentin, le père Dmitri et sa femme, le diacre Sergueï, Thomas et un copain belge, Olia, et Irina Pavlova, dont j'ai récemment commenté la vidéo sur l'ostracisme par les libéraux des gens qui ne pensent pas comme eux. Xioucha voulait me la présenter, ça partait d'un bon sentiment, mais je n'ai pas pu lui parler, car tous étaient d'humeur à plaisanter et à raconter des blagues russes. Je me suis surtout entretenue avec Thomas des gens qui, malgré leur culture et leurs diplômes, restent aveugles à des choses évidentes. Il connaît ça dans sa famille. Lui-même est pourtant plutôt de gauche, et m'a dit que le communautarisme était dans la mentalité russe, ce qui n'est pas faux, c'est même le seul élément du communisme qui me semble cadrer avec cette mentalité telle qu'elle était avant rééducation violente, encore qu'il n'avait pas le même caractère, c'était la communauté paysanne traditionnelle que nous avons connue aussi, au moyen âge, et la "sobornost" orthodoxe, telle qu'on la voit à travers les romans de Dostoivevski. Je lui ai dit que ce sens de la communauté était sain, et que je n'avais vraiment rien contre, ce que je reprochais au communisme était d'un autre ordre, c'était le matérialisme progressiste au front bas, le désastre culturel, avec le mauvais goût qui en découle, la violence exercée sur ceux qui ne partagent pas l'idéologie obligatoire, l'ingéniérie sociale, le dressage des populations. Je soutiens l'économie traditionnelle, exterminée autant par les capitalistes que par les communistes, et la nationalisation des banques et de tout ce qui est d'importance nationale, énergie, chemins de fer, hôpitaux et éducation, bien que dans ce dernier cas, j'estime que doivent exister aussi des écoles privées ou la possibilité d'enseigner les enfants chez soi, pour éviter le formatage auquel l'état se livre facilement.

J'ai continué cette conversation plus tard avec le père Valentin. La confiscation de la culture par les "libéraux", comme en France, d'ailleurs, l'action délétère de la télévision et de ses programmes dégradants. Ce n'est pas le tout de prôner les "valeurs russes" encore faut-il le mettre en pratique. Nous avons évoqué l'abominable variété patriotique qu'on entend trop souvent, entre le mauvais rock et le mauvais rap, il faut bien avouer qu'au moins, pendant la seconde guerre mondiale, les chansons étaient d'un autre niveau, il y en avait de magnifiques. La soupe américanoïde qu'on nous sert encore est si étrangère à la Russie, le problème est qu'on nous a rendus, dans notre propre pays, étrangers à nous-mêmes, à notre génie, à notre histoire. J'ai vu le député Piotr Tolstoï agressé par les hyènes de BFMTV. Le seul souci de ces harpyes était de le déstabiliser et de le discréditer, et l'argument était que les élites russes condamnaient l'occident décadent mais y envoyaient leur argent et leurs enfants, et que Tolstoï lui-même avait vécu en France et appris le français. Je trouve que sur ce point, il n'a pas su leur répondre. D'abord parce qu'effectivement, les élites russes ont eu ce tort, et qu'il fallait le reconnaître. Mais ajouter que les Russes, comme lui épris de la culture européenne, avaient compris qu'entre les mains de leur caste, elle disparaissait complètement, et que les pires ennemis de la France, et de sa culture, c'était précisément leur engeance. Quand on aime la France, on ne peut aimer ni Macron et ses horribles séides et commanditaires, ni BFMTV, ni les instances de l'Union européenne, ni le mouvement Woke. 

Or la télé en Russie reste également entre les mains de gens qui détestent la Russie, la méprisent et évitent soigneusement de relever le niveau et de réintroduire sur les ondes la culture nationale authentique.

Néanmoins, comme Irina Pavlova, le père Valentin fait preuve d'un certain optimisme. Il pense que c'est une question de temps, que le pays va renaître. Il m'a raconté qu'un jeune homme de sa famille avait été coffré lors d'une manif de libéraux, et condamné à 13 jours de placard, mais traité avec tant d'égards que sa propre mère avait demandé qu'on lui imposât des travaux d'intérêt général. Je pense pour ma part qu'on devrait les envoyer passer deux semaines au Donbass, pas sur le front, mais simplement observer ce qui se passe là bas, et si ce que nous clamons depuis huit ans, c'est de la "propagande de Poutine"... Ceux qui le font reviennent généralement avec la tête à l'endroit.

Liéna va plusieurs fois par semaine travailler comme aide-soignante dans un hopital militaire où se trouvent de très grands blessés qui n'auront plus jamais une vie normale, dans le meilleur des cas. Je pense à ceux qui ont tout fait pour qu'une pareille chose arrive et qui font tout pour que cela se prolonge. 

Aujourd'hui, on fait mémoire d'Adam chassé du paradis et voilà que je tombe sur cette publication de Natalia Kornileva qui reflète complètement mon état d'esprit actuel:

C'est une chose étonnante: plus le monde se fait béant comme l'enfer, plus mon âme se remplit avec acuité d'une chose qu'il était devenu depuis longtemps indécent d'évoquer: les vagues d'un B-O-N-H-E-U-R si intense qu'on s'y dissout sans laisser de trace avec sa propre imperfection et la saleté du monde qui s'y colle.  

Tout cela fait place à l'insoutenable beauté d'une fleur, à la ligne d'horizon, à la miraculeuse légèreté des nuages. C'est comme si on nous envoyait des salutations de quelque part au dessus,de l'extérieur, nous indiquant: regardez ici, ne regardez pas en bas! Marchez sur l'eau, n'ayez pas peur!

De plus en plus souvent, on se fige au milieu de la journée, apercevant soudain la courbe délicate d'un arbre penché, la rayure rougissante du ciel sur le jardin. 

Et l'on comprend tout à coup que ce sont des fenêtres. Au travers desquelles on peut sortir (entrer?) et aussitôt se retrouver au paradis, dans ce même Royaume, où nous voulons tous tellement pénétrer. Un jour, quelque part... Et elles sont là, les voilà. Les fenêtres, les portes. Partout. Et chacun peut les franchir...


Удивительное дело: чем страшнее зияет гееной мiр, тем острее заполоняет душу то самое, что долгие годы и выговорить-то было неприлично: приливы такого пронзительного с-ч-а-с-т-ь-я, что растворяешься в нём без остатка, в котором и собственное несовершенство и налипшая от мiра грязь.

Всего этого больше нет, а есть невыносимая красота цветка, линии горизонта, нерукотворная лёгкость облаков. Тебе будто посылают приветы откуда-то сверху, извне, указуя: смотри сюда, не опускай взгляд! Иди по воде! Не бойся!

Все чаще замираешь посреди дня, вдруг выхватив зрением тонкий изгиб поникшего дерева, алеющую полоску неба над садом.
И вдруг понимаешь, что это окна. Через которые можно выйти (войти?) и немедленно оказаться в раю, в том самом Царстве, куда мы все так хотим когда-то попасть. Когда-то, где-то… А они – вот они. Окна, двери. Повсюду. И каждый может…

mercredi 22 février 2023

Ilots d'humanité


Le père Andreï, qui vient de sortir un livre, à la présentation duquel je me suis rendue lundi, à la maison de la culture, publie sur VK: "Il se passe de telles choses, et je suis là, avec mes livres, mais que que se passe-t-il, en fait? Tout va bien. L'incendie se déroule selon le plan. Mais il reste encore des îlots d'humanité intacte. C'est pour eux que j'écris..." 

Казалось бы. Тут такое происходит, а ты тут со своими книжками, а что, собственно, происходит? Всё нормально. Пожар идет по плану. Но есть еще нетронутые островки человечности. Туда, собствено, и пишу...



Tout aussi consciente que lui de ce fait, c'est pour eux que j'écris également, même pas pour la postérité, que nous n'aurons probablement pas, ou qui ne saura plus lire.

Un vieil ami lui a offert un évangile rafistolé, trouvé dans un coin, et lu à une époque où c'était presque un crime, celui-là même qu'il lui avait prêté dans leur adolescence, et qui avait converti le père Andreï. Ce vieux monsieur aurait voulu le faire restaurer, mais le père Adreï a décrété que ce livre vénérable lui plaisait précisément comme cela, couvert de cicatrices.


Je me suis rendue chez Ania Ossipova, je voulais lui acheter un ravissant coffret, et discuter avec elle. Le coin où elle vit est encore assez préservé, avec de petites maisons anciennes, des palissades en bois, pourtant neuves, une jolie nature, il y avait du soleil, un froid très vif, et lorsque je suis repartie, de somptueuses étoiles, que ne masquait aucun éclairage urbain. 

Elle a recueilli un chiot, visiblement avec du sang de laïka, tout à fait Rosie. Pas une minute de paix, Groucha s'agite tout le temps; elle réclame une attention constante, ne fait que des bêtises, mais c'est toute une famille qui fait face au problème, le père, la mère, Ania et son mari. Et la maison est dans un endroit si tranquille, que même si elle va défouler plus tard son trop plein d'énergie dans le périmètre, elle ne risque vraiment pas grand chose.

Ania m'avait fait des crêpes délicieuses, je les ai mangées avec elle et son père, dans leur pièce tout en bois, avec un poêle de briques. C'est un scientifique de haut vol et un communiste pur et dur qui l'a élevée strictement dans la ligne du parti. Or, m'a-t-elle dit plus tard, elle sentait, comme moi de mon côté, que quelque chose n'allait pas dans ce monde contemporain du progrès matérialiste, elle trouvait que tout était plat et ennuyeux. Elle rêvait de l'Occident, de liberté, de confort. Puis elle s'est jetée dans le rock'n roll, puis elle s'est intéressée à la Russie paysanne, avec un épisode shamaniste et néopaïen, avant de se faire baptiser orthodoxe, au grand dam de ses parents. "Notez, me dit-elle, que le shamanisme et le paganisme ne les dérangeaient pas, mais le christianisme, si". J'avais bien noté, car en France, c'est exactement pareil. Quand on stigmatise "les religions", c'est uniquement de la religion chrétienne qu'il s'agit. 

"Ce doit être chez vous la mémoire génétique qui se manifeste", lui dis-je. Car en effet, nous avons passé deux heures à feuilleter des livres sur les beautés fantastiques de la sainte Russie, très largement détruites ou méprisées par l'Union Soviétique. Merveilleux coffres anciens qui nous rendaient tout un monde naïf, exubérant, modeste et sage, images populaires imprimées, plus complexes et plus belles dans leur simplicité que ne le laissent deviner aujourd'hui ceux qui en font des imitations caricaturales, somptueuses étoffes persanes ou turques dont on confectionnait vêtements séculiers ou liturgiques, broderies et motifs pleins de sens, hiéroglyphes de croyances qui n'étaient pas si vaines et superstitieuses, car Ania, comme moi, ou comme Egueni Vodolazkine, auteur du superbe Lavr, publié en français sous le titre "les quatre vies d'Arsèni", est persuadée que la vie des gens d'autrefois était pleine de miracles qui ne se produisent pas dans la nôtre parce que tous les canaux sont bouchés, parce que nous ne sommes plus en harmonie avec la Source du monde. Elle m'a confié que sa rencontre avec son mari avait eu quelque chose de miraculeux qui avait fait dire à son père, très content quand même que la chose se fût produite: "J'aurai maintenant du mal à démontrer que tout cela est de la foutaise!"

Son père prétend que la foi est un trait de caractère que tout le monde ne partage pas, certains sont doués des récepteurs qu'il faut, d'autres non. Lui ne peut pas. Impossible. C'est ce que pensait ma tante Jackie, personne très cultivée, qui avait lu Mircea Eliade et beaucoup d'ouvrages sur différentes formes de spiritualité mais gardait une compréhension archéologique de la Bible, et n'était pas irriguée par l'Esprit de tout cela. En réalité, effectivement, certains êtres sont plus doués que d'autres sur ce plan-là, c'est sans doute ce que signifie la parabole des cinq talents. C'est pourquoi nous prions les uns pour les autres, c'est pourquoi les moines prient pour l'humanité entière. Car ainsi que le disait le père Vsévolod Schpiller, l'humanité est Une. Tout est lié, la lumière et les ténèbres sont également contagieuses, et ce que cherchent à faire les satan du monde moderne, c'est précisément à couper cette circulation entre les individus qui fait de nous tous une roue à mille rayons en mouvement autour du Centre de la Vie. Certains sont plus doués que d'autres, dans la famille Ossipov, toute la lumière s'est déversée dans le coeur ouvert d'Ania, son père, au demeurent honnête et bon, qui, dit-il à la façon Brassens, ne "se conduit guère plus mal que s'il avait la foi", reste clos à tout cela, mais je pense que c'est le résultat d'une mutilation générale, assortie d'un orgueil inconscient, d'un refus de remettre en question le pouvoir de sa raison, et les dogmes philosophique ou idéologiques reçus dans l'enfance. Plus l'absence de poésie. Je lui ai dit: "Oublions le christianisme. En dehors de tout christianisme, j'ai une conception poétique de la vie qui m'en fait appréhender le caractère sacré." Mais la modernité, qu'elle soit capitaliste ou communiste, assassine la poésie depuis des décennies sinon des siècles, et le saint ancien Porphyre disait: "Pour être chrétien, il faut être un peu poète". Les temps anciens cultivaient la poésie dans chaque geste de l'existence, et cela ouvrait l'âme aux souces vives et aux souffles puissants. "Le char de Dieu est fait de milliers de milliards qui rayonnent de joie..."



Le coffret à la licorne et la page de l'artiste:

https://vk.com/club68955152

J'ai vu que l'Alliance française d'un pays africain avait fait du poète national des Russes, Alexandre Pouchkine, un "franco africain d'origine russe"! Franco, parce qu'il parlait français, comme tous les aristocrates de Saint Pétersbourg, et africain, parce que son arrière-arrière-grand-père, l'était, c'était un esclave noir racheté par Pierre le Grand, qui avait fini par occuper de hautes fonctions en Russie. Parallèlement, le Metropolitan de New-York ukrainise les peintres russes du XIX° siècle, Répine, Aïzazovski, Koundji. Dans la mesure où tous ces gens font aussi occasionnellement de nos rois du moyen âge ou des héros de l'Illiade des africains, pourquoi pas? C'est absolument n'importe quoi, la maison de fous intégrale, mais qui s'apercevra, parmi les décérébrés, que la direction de l'asile a été prise par les aliénés?

Dany m'a envoyé un florilège de propagande et d'inversions accusatoires éhontées, qui au départ m'ont fait rire, puis m'ont fait honte, puis m'ont fait peur, car cette ignominie devient abyssale et touche à la psychopathie complète:

A la veille de l’invasion, certains experts américains déconseillaient d’apporter à l’Ukraine une aide militaire, arguant que la guerre allait se terminer prématurément. D’autres, en Europe et aux Etats-Unis, répétaient la propagande russe, se demandant si l’Ukraine méritait d’exister ou d’être défendue. Certains politiques occidentaux ont repris ces idées, et continuent à le faire. Que se serait-il passé si leurs positions avaient prévalu ? Si un autre président, qui ne se souciait pas de la sécurité européenne, avait été en place à la Maison-Blanche ? Si un autre président, qui ne plaidait pas la cause de son pays de façon aussi convaincante, ou qui ne voulait pas du tout se battre, avait été élu en Ukraine ? Imaginons juste un instant un monde dépourvu du courage ukrainien, ou des armes américaines et européennes, ou encore de l’unité et du soutien apporté par les démocraties à travers le monde. Sans résistance, l'Ukraine serait aujourd'hui parsemée de camps de concentration Si la Russie avait exécuté son projet, Kiev aurait été conquise en quelques jours seulement. Zelensky, sa femme et ses enfants auraient été assassinés par un des commandos de tueurs qui parcouraient la capitale. Les collaborateurs, qui avaient déjà choisi leurs appartements dans Kiev, se seraient emparés de l’Etat ukrainien. Puis, ville par ville, région par région, l’armée russe aurait combattu ce qui restait de l’armée ukrainienne jusqu’à conquérir l’intégralité du pays, au point d’atteindre la frontière polonaise. Si tout cela s’était passé comme prévu, l’Ukraine serait aujourd’hui parsemée de camps de concentration, de chambres de torture et de prisons de fortune, comme on en a découvert à Boutcha, Izioum, Kherson et dans tous les autres territoires temporairement occupés par la Russie et libérés depuis par l’armée ukrainienne. Une génération d’écrivains, d’artistes, de politiciens, de journalistes et de dirigeants civiques ukrainiens - les Russes avaient préparé des listes avec leurs noms - serait déjà enterrée dans des fosses communes. Les livres ukrainiens auraient été retirés de toutes les écoles et bibliothèques. La langue ukrainienne aurait été supprimée dans tous les espaces publics. Des centaines de milliers d’autres enfants ukrainiens auraient été enlevés et transportés en Russie ou victimes de trafics dans le monde entier. Les soldats russes, forts de leur éclatante victoire, seraient déjà aux frontières de la Pologne, installant de nouveaux postes de commandement, creusant de nouvelles tranchées. L’Otan serait plongée dans le chaos ; l’alliance entière serait obligée de dépenser des milliards pour se préparer à l’inévitable invasion de Varsovie, Vilnius ou Berlin. A l’intérieur de l’Ukraine occupée, les jeunes hommes seraient forcés de s’engager dans l’armée russe pour mener à bien ces conquêtes. Des millions de réfugiés ukrainiens vivraient dans des camps dans toute l’Europe, sans perspective de retour chez eux ; un gouvernement pro-russe en Moldavie serait peut-être déjà en train de planifier l’incorporation de ce pays dans une nouvelle fédération russo-biélorusse-ukrainienne, qu’un propagandiste russe a salué, trop tôt, le 26 février 2022. Ce désastre ne se serait pas limité à l’Europe. A l’autre bout du monde, les plans chinois d’invasion de Taïwan seraient en bonne voie, car Pékin supposerait qu’une Amérique peu disposée à défendre un allié européen, et désormais totalement enlisée dans une bataille à long terme contre une Russie enhardie, ne ferait jamais d’efforts pour voler au secours d’une île du Pacifique. Les mollahs iraniens, tout aussi réjouis par le succès de la Russie et la défaite de l’Ukraine, auraient annoncé avec audace s’être enfin dotés des armes nucléaires. Du Venezuela au Zimbabwe en passant par le Myanmar, les dictatures du monde entier auraient durci leur régime et intensifié la persécution de leurs opposants, désormais certains de la caducité des anciennes règles - conventions sur les droits de l’homme et le génocide, droit de la guerre, interdiction, tabou, de modifier des frontières par la force. De Washington à Londres, de Tokyo à Canberra, le monde démocratique aurait fait face à son obsolescence.

Les sauveurs du monde! Il faut retourner le discours pour avoir la situation réelle, il ne s'agit plus de lire entre les lignes mais de remettre à l'endroit ce qu'on a mis à l'envers. Les crimes commis et cités sont ceux des ukro otaniens, souvent sous faux drapeaux ou bien avant l'intervention russe, les bataillons Azov semant la terreur dans le Donbass, bombardements massifs de civils, viols, tortures, enlèvements, orphelinats vidés de leurs pensionnaires qu'on n'a jamais revus, langue russe (ou roumaine, ou hongroise) persécutée, religion orthodoxe persécutée (le machin du patriarche Bartholomée n'étant qu'une pantalonnade), autodafés de livres, destructions d'églises, arrestations ou assassinats de journalistes ou d'opposants, prisons secrètes; la liste avec les noms, ce sont eux qui l'ont faite, c'est le fameux site Mirotvorets où figurait Daria Douguine, assassinée par une poupée Barbie hagarde. Ce sont eux, également qui enrôlent de force des gamins ou des vieux.Tout ce que nous avons dénoncé pendant huit ans dans un silence assourdissant où planaient des sarcasmes, mis tranquillement sur le dos des Russes par de faux journalistes qui se prêtent à des manoeuvres répugnantes et, ayant sciemment passé tout cela sous silence, le relaient maintenant sous forme de calomnies.

Pour remettre l'église au milieu du village:

 



Ceci date de 2014: 

Et ceci pour laisser entrer de l'air frais: 

vendredi 17 février 2023

Dehors

 Hier, j'avais une forte migraine, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps, une migraine complètement épuisante, je n'ai rien pu faire de la journée. Ania est passée sur le soir, alors que j'en étais à mon deuxième anti inflammatoire, pour me demander de participer à une collecte d'argent pour acheter des vivres à nos soldats, ceux de la garnison de Pereslavl. Elle a fait le tour des voisins. Une voiture part bientôt pour le front. Dans le quartier aussi, on fabrique des bougies blindées, et l'on écrit des cartes postales. Maintenant, je crois que tout Pereslavl s'y est mis. Et ce doit être pareil dans les autres villes. Godefroid a proposé de donner des cakes-voyage fabriqués au café, mais Ania m'a dit qu'il valait mieux envoyer des pâtes et du corned beef. Je lui passerai le message.

A la suite de ma première participation à ce genre d'actions, j'ai eu la télé de Pereslavl, une dame du coin, avec un cameraman, ils m'ont filmée près de la cathédrale, c'est un très joli petit reportage, avec la neige et les églises. Maintenant, dans chaque magasin où je pénètre, les gens me disent qu'ils m'ont vue à la lucarne!



 

La guerre prend une tournure franchement mondiale, mais larvée, faux-cul, sans aucune règle, une guerre mafieuse implacable. Un tremblement de terre en Turquie et en Syrie est arrivé à point nommé pour punir Erdogan de ne pas prendre le parti de l’OTAN avec plus de décision, il y a quand même des hasards étranges... Ma cousine ne croit pas qu’on puisse déclencher un tremblement de terre d’une telle amplitude, mais ce que j’ai vu passer comme documents me laisse à penser que si, c'est fort probable. C’est évidemment monstrueux, mais les deux bombes atomiques sur le Japon, qui les a larguées, et n’était-ce pas tout aussi monstrueux et formidable ? Le père Boboc, spécialiste du transhumanisme, estimait que de nos jours TOUT est possible. C'est drôle, parce que j’ai toujours passé pour excessive, irréaliste auprès de ma famille, et je me rends compte que d’une part, mes appréhensions étaient au dessous de la réalité, et d’autre part, que c’est elle qui ne veut pas la regarder en face. Utiliser des catastrophes pseudo naturelles, manipuler des virus... En réalité, la fin du monde, ce sont les hommes qui la causeront. Le Christ est venu au moment où tout cela s’annonçait, et nous a donné un sursis de 1500 ans. Et puis la machine infernale s’est enclenchée... Lui seul peut arrêter maintenant son essor luciférien vers le néant. 

Cependant, un lecteur qui m'abandonne par moments pour garder le moral, et pourtant j'estime que j'ai l'espoir chevillé au corps, ce n'est pas incompatible avec la lucidité, m'envoie ce magnifique commentaire dont je fais profiter tout le monde:

...j'ai fait un rêve l'autre nuit, qui reste très fort et très prégnant dans mon esprit.

Un rêve qui refuse de s'effilocher et de partir.
Et si j'avais les moyens de m'offrir les talents d'un peintre professionnel, je lui ferais commande du tableau :

"Je voyais un ou une enfant pré-ado, occidental(e). C'est l'âge de tous les dangers, de tous les tourments. Son visage reflétait 3 sentiments : l'angoisse, la joie et la confiance. Il ou elle était à l'arrière d'une Harley-Davison, à guidon « corne-de-vache ». L'enfant serrait dans ses bras, de toutes ses forces, le grand bonhomme qui conduisait.
Et plus elle serrait plus elle souriait.
On ne voyait la moto que de 3 quart arrière.
Le grand bonhomme qui conduisait n'avait pas de casque, mais cheveux longs au vent, barbe de même, habillé d'une longue tunique blanche, on apercevait sa main gauche, posée sur le guidon, transpercée comme si un clou était passé au travers.

Je vous assure que l'enfant, dont l'Evangile nous dit que nous devons lui ressembler, était radieux malgré ses peurs.

Tranquille ! Sois tranquille, était-il écrit sur mon tableau, c'est Jésus qui conduit !

L'enfant ne connaissait pas la route... mais savait qu'il ou elle ne risquait pas d'accident, et que le Grand Bonhomme qu'il ou elle serrait très fort, l'emmenait chez Lui, et que DÉJÀ, tout était apaisé".

Voilà, en dehors de mon épouse et d'une amie que nous avions gardée à déjeuner après la messe, je n'ai raconté cette histoire à personne.

Vous avez donc, vous et votre lectorat, la primeur de ce "tableau" dans ma tête, mon cœur et mon âme, qui me conforte dans le fait de ne plus rien redouter du tout.




A l'époque où tout a été fait pour nous avilir, je suis tombée sur cette citation de Rozanov qui date du début du XX° siècle:

Chaque nation vit jusqu'à l'épuisement de sa noblesse. Cette noblesse n'est pas bruyante, elle ne réside ni dans les discours ni dans les batailles. Mais silencieuse, par devers soi...<...> C'est pourquoi, mon bon lecteur, c'est ce qu'il te faut préserver. Avec cette noblesse, tu préserves non seulement toi-même mais toute ta Patrie. comment, pourquoi: je ne sais pas. Mais je sens que Dieu abandonne le pays, le peuple, dans lequel ne reste plus de personne noble. Alors "des ennemis viennent et le détruisent". Mais ces ennemis, "c'est Dieu qui les a laissé entrer"...

J'ai aussitôt pensé à cette vieille dame qui avait dit au père Valentin qu'au moment de la révolution de 17, elle avait vu "la Beauté quitter le monde". Et au travail effectué en Russie depuis 30 ans pour pervertir les gens, les priver de leurs racines et de leur culture, le consumérisme s'efforçant de réaliser ce que le communisme n'avait pas vraiment réussi. Il y a des gens, ignobles, démoniaques, tels que Dostoievski les avait décrits, qui savent très bien ce qu'ils font avec nous tous, et ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est un dressage consistant à faire perdre figure humaine à une biomasse méprisée, destinée à l'exploitation ou à la disparition. Quelle que soit l'idéologie politique affichée, le dessein est le même. Je vois des Russes exiger que leurs soldats se conduisent aussi mal que les Ukro otaniens, oeil pour oeil dent pour dent, qu'est-ce que c'est que ce bricolage? Pourquoi faire dans la dentelle? Et d'autres qui leur répondent que surtout pas, qu'il ne faut pas descendre au niveau d'abjection de l'adversaire, c'est pour l'instant la politique de l'armée russe, et elle a raison: dans la perspective de la citation de Rozanov, c'est ce qui sauvera le pays.

...

Aujourd'hui, j'émerge la tête claire, et dehors, le soleil... J'ai même pu rester un moment sur la terrasse à m'en gorger, dans une béatitude épuisée. Il faisait bon. La neige, pourtant, restait blanche et poudreuse, scintillante. Mais le ciel était infiniment bleu, la lumière vive, les mésanges chantaient, j'entendais le vent, les chiens, un coq, et les gouttes tombant sur le sol depuis les stalactites de glace qui bordaient le toit. C'était la première fois depuis l'automne que je pouvais m'asseoir à l'extérieur, Rita sur les genoux. Même si les beaux jours sont encore loin, de tels instants de grâce se produiront encore, tout d'abord espacés, puis de plus en plus nombreux, cela ressemble au chemin de notre vie que Dieu touche par instants de son doigt lumineux, pour nous rappeler qu'Il est là...


 "..Каждый народ живёт до тех пор, пока не истощилось в нём благородство. Благородство это ― не громкое, не в речах, не в битвах. А молчаливое, про себя... <...> Потому-то, добрый мой читатель, вот что тебе надо сохранять. При этом благородстве ты не только себя сохраняешь, а сохраняешь всё своё Отечество. Как, почему: я не знаю. Но чувствую, что Бог покидает ту страну, народ, в котором уже ни одного благородного человека более не осталось. Тогда "приходят враги и истребляют его". Но этих врагов "допустил Бог"...


mercredi 15 février 2023

Sainte Rencontre

 


Il y a toujours de la neige, et il y en a encore pour longtemps, mais quelque chose a changé, je viens d'entendre chanter les oiseaux que je nourris. De joyeux chiens se poursuivent dans mon quartier et dans toute la ville. Il y a du vent, et ce vent est plus frais que froid, il apporte des flocons en rafale, mais aussi de brusques apparitions d'un soleil qui chauffe et qui éclaire, qui piaffe derrière des nuages infusés de lumière. ll m'a littéralement sauté dessus comme un gros chien, pendant que je déneigeais la cour, et j'ai senti son haleine sur mes joues.

C'est la sainte Rencontre, une fête qui, en France coïncidait pour moi avec mon anniversaire, la Chandeleur, et avec celle de la mère Hypandia, à qui je pense toujours ce jour-là, mais ici, où nous suivons le calendrier julien, où nous vivons dans un autre temps qui se fout de l'exactitude astronomique, j'ai l'occasion d'y penser deux fois et de faire prier pour elle. La sainte Rencontre est une fête joyeuse et tendre, elle nous parle du printemps, et d'un Printemps cosmique promis inimaginable qu'il m'arrive d'attendre tout autant, quand je parviens à m'élever au dessus de la mêlée, ce qui n'était pourtant pas vraiment le cas ce matin à l'église. Mais bon, où ne sait jamais comment les semences fermentent en secret... 

Le vieillard Siméon prit le petit enfant

Qui portait les étoiles dedans son corps langé,

Et vit dans ce moment jusqu’au fond le passé

Qui monte vers demain sous le flot des instants.

 

La grande croix du temps qui perce nos destins

Irradiant nos larmes d’une lumière sans fin

Instrument de supplice qui jette sur nos vies

L’éclat écartelé qui les réconcilie

 

Verticale des siècles dans la mer éternelle

Astre des jours plongé sous l’écume actuelle

Qui tremble à la surface de l’océan profond

De l’antique existence au centre des éons.


Dans une dizaine de jours nous entrerons dans le carême qui nous fera sortir de l'hiver.

Lundi, j'ai reçu ceux qui s'étaient trompés de jour, ou qui avaient un régime à suivre, le jour de mon anniversaire, et pour celui qui était à Moscou, eh bien, il s'est débrouillé pour y aller encore, comme disent les Russes, "cherchez la femme"...

Le père Andreï m'avait apporté son dernier livre, c'est un prêtre écrivain de talent. Je lui ai donné le mien, il m'a confessé qu'il avait du mal à lire, et je lui ai répondu que moi aussi. Nous ferons ce que nous pourrons... 


Génia m'a offert une magnifique orchidée rose. Les orchidées viennent bien chez moi, alors que toutes les autres plantes ont du mal. J'en ai une blanche, offerte par Yan, le hollandais orthodoxe et sa femme, pour mon anniversaire précédent, elle tient le coup, et elle vient même de refleurir.

Le père Andreï est aussi un conteur, il aime bien parler. Il nous a raconté son entrevue avec Poutine, venu offrir à la cathédrale une relique d'Alexandre Nevsky, et faire des dévotions qui lui ont paru parfaitement naturelles et sincères. Il a attendu que le père Andreï ait fini de célébrer, celui-ci ne voulant pas, à juste titre, interrompre l'office pour ce visiteur de marque. Cela m'a fait penser à la lettre d'Ivan le Terrible à l'higoumène de Saint-Cyrille-du-Lac-Blanc où il lui rappelle comment le moine en charge du réféctoire avait refusé de le servir à part, parce qu'avec sa jeune tsarine et leur suite, ils s'étaient attardés à profiter du long crépuscule des nuits blanches nordiques et avaient laissé passer l'heure du repas du soir...

Il a évoqué le premier jeune officier de Pereslavl mort en Ukraine, qui avait été son élève, quand il enseignait, combien il était courageux et attentif aux autres. J'avais assisté à ses funérailles et j'étais pleine de compassion pour ce jeune homme et sa famille. "Vous savez, m'a-t-il répliqué, il était prêt à cela, "il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis". Moi, cela ne me rend pas triste, parce qu'il a accompli le destin qu'il s'était choisi."


vendredi 10 février 2023

Février

 


Février est le mois où généralement revient la lumière, où le soleil fait des incursions, où il chauffe même un peu. C'est aussi un mois venteux et neigeux. Ce matin, j'avais un soleil radieux, j'ai ressenti le besoin d'aller me promener. Il y avait du vent, pas très froid, mais pas de neige. J'ai pris beaucoup de plaisir à respirer l'air frais, à voir ce ciel nacré, dont le soleil s'enveloppait peu à peu jusqu'à presque disparaître, plus qu'une tête brillante aux boucles blanches dans un envol de draperies grises et roses. Le lac se distinguait de la neige par une sorte de très allusive phosphorescence bleue. J'avais mis de vraies bottes de feutre sans semelles de plastique, c'est vrai que cela tient très chaud, et ne glisse pas, et puis j'avais pris aussi des bâtons de ski, ce qui donne beaucoup de stabilité, décharge les genoux d'une partie du poids du corps, et fait travailler les bras et les épaules.

Je tire du congélateur des souvenirs de l'été précédent, en attendant le prochain. Des groseilles congelées dans le sucre, qu'elles m'ont donc paru bonnes, avec leur petit goût âpre et sauvage! Meilleures qu'en été ou l'abondance m'empêche de les apprécier. J'ai aussi des réserves de mente et de mélisse, de marjolaine que j'ai fait sécher, et dont le parfum s'échappe du bocal comme s'il ouvrait directement sur la belle saison.

Mon jardin est toujours hanté par les deux frères Nounours et Alba, les deux gentils et timides géants à la fourrure blanche. Hier, en rentrant de mes courses, j'ai vu Alba confortablement installé sur l'herbe sèche, dans la niche que j'avais mise pour Nounours, et où il n'a jamais voulu entrer. Alba a pris un air coupable, je lui ai dit qu'il pouvait rester...

J'ai aussi, outre les traditionnels bouvreuils, des compagnies de huppes qui viennent manger avec les mésanges dans mon restau du coeur.

J'avais l'intention de parler de ci, de ça et du reste, de tout ce qui nous inquiète, nous révolte, nous effraie, nous consterne et des imbécilités que je lis, ou des trahisons, mais là, brusquement, je n'ai plus envie. Que les imbéciles et les salauds aillent se faire voir sans moi chez les Grecs, qui en ont pourtant déjà bien assez vu, les pauvres. J'attends le printemps comme une fête, aujourd'hui j'en sentais un peu la présence, dans un mois tout va commencer à fondre, il y aura ces premiers merveilleux jours où l'on peut déjà s'asseoir sur la terrasse, où l'air reste encore froid mais le soleil est chaud et la lumière vive. Je travaille la musique, j'écris, je corrige, à chaque jour suffit sa peine. Ma tante Mano va mieux. On m'a transmis par internet une lettre de la mère Hypandia: "Nous sommes dans une époque incompréhensible si nous ne nous fions pas au regard du Christ pour la comprendre. Et encore le mot « comprendre » peut-il avoir un sens ? Il faut plutôt dire que nous recevons notre temps, tel que Dieu nous le donne aujourd’hui. Recevons-le de Sa main, pleine d’amour et réjouissons-nous et glorifions tout ce qui nous arrive".

Beaucoup de choses me rendent infiniment triste et je ne sais comment je les supporte ou les supporterai plus avant, mais sans doute de cette manière, et avec la certitude que derrière tous les désastres se lève quelque chose de mystérieux et de grandiose et qu'il ne faut pas se tromper de combat...