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mercredi 22 février 2023

Ilots d'humanité


Le père Andreï, qui vient de sortir un livre, à la présentation duquel je me suis rendue lundi, à la maison de la culture, publie sur VK: "Il se passe de telles choses, et je suis là, avec mes livres, mais que que se passe-t-il, en fait? Tout va bien. L'incendie se déroule selon le plan. Mais il reste encore des îlots d'humanité intacte. C'est pour eux que j'écris..." 

Казалось бы. Тут такое происходит, а ты тут со своими книжками, а что, собственно, происходит? Всё нормально. Пожар идет по плану. Но есть еще нетронутые островки человечности. Туда, собствено, и пишу...



Tout aussi consciente que lui de ce fait, c'est pour eux que j'écris également, même pas pour la postérité, que nous n'aurons probablement pas, ou qui ne saura plus lire.

Un vieil ami lui a offert un évangile rafistolé, trouvé dans un coin, et lu à une époque où c'était presque un crime, celui-là même qu'il lui avait prêté dans leur adolescence, et qui avait converti le père Andreï. Ce vieux monsieur aurait voulu le faire restaurer, mais le père Adreï a décrété que ce livre vénérable lui plaisait précisément comme cela, couvert de cicatrices.


Je me suis rendue chez Ania Ossipova, je voulais lui acheter un ravissant coffret, et discuter avec elle. Le coin où elle vit est encore assez préservé, avec de petites maisons anciennes, des palissades en bois, pourtant neuves, une jolie nature, il y avait du soleil, un froid très vif, et lorsque je suis repartie, de somptueuses étoiles, que ne masquait aucun éclairage urbain. 

Elle a recueilli un chiot, visiblement avec du sang de laïka, tout à fait Rosie. Pas une minute de paix, Groucha s'agite tout le temps; elle réclame une attention constante, ne fait que des bêtises, mais c'est toute une famille qui fait face au problème, le père, la mère, Ania et son mari. Et la maison est dans un endroit si tranquille, que même si elle va défouler plus tard son trop plein d'énergie dans le périmètre, elle ne risque vraiment pas grand chose.

Ania m'avait fait des crêpes délicieuses, je les ai mangées avec elle et son père, dans leur pièce tout en bois, avec un poêle de briques. C'est un scientifique de haut vol et un communiste pur et dur qui l'a élevée strictement dans la ligne du parti. Or, m'a-t-elle dit plus tard, elle sentait, comme moi de mon côté, que quelque chose n'allait pas dans ce monde contemporain du progrès matérialiste, elle trouvait que tout était plat et ennuyeux. Elle rêvait de l'Occident, de liberté, de confort. Puis elle s'est jetée dans le rock'n roll, puis elle s'est intéressée à la Russie paysanne, avec un épisode shamaniste et néopaïen, avant de se faire baptiser orthodoxe, au grand dam de ses parents. "Notez, me dit-elle, que le shamanisme et le paganisme ne les dérangeaient pas, mais le christianisme, si". J'avais bien noté, car en France, c'est exactement pareil. Quand on stigmatise "les religions", c'est uniquement de la religion chrétienne qu'il s'agit. 

"Ce doit être chez vous la mémoire génétique qui se manifeste", lui dis-je. Car en effet, nous avons passé deux heures à feuilleter des livres sur les beautés fantastiques de la sainte Russie, très largement détruites ou méprisées par l'Union Soviétique. Merveilleux coffres anciens qui nous rendaient tout un monde naïf, exubérant, modeste et sage, images populaires imprimées, plus complexes et plus belles dans leur simplicité que ne le laissent deviner aujourd'hui ceux qui en font des imitations caricaturales, somptueuses étoffes persanes ou turques dont on confectionnait vêtements séculiers ou liturgiques, broderies et motifs pleins de sens, hiéroglyphes de croyances qui n'étaient pas si vaines et superstitieuses, car Ania, comme moi, ou comme Egueni Vodolazkine, auteur du superbe Lavr, publié en français sous le titre "les quatre vies d'Arsèni", est persuadée que la vie des gens d'autrefois était pleine de miracles qui ne se produisent pas dans la nôtre parce que tous les canaux sont bouchés, parce que nous ne sommes plus en harmonie avec la Source du monde. Elle m'a confié que sa rencontre avec son mari avait eu quelque chose de miraculeux qui avait fait dire à son père, très content quand même que la chose se fût produite: "J'aurai maintenant du mal à démontrer que tout cela est de la foutaise!"

Son père prétend que la foi est un trait de caractère que tout le monde ne partage pas, certains sont doués des récepteurs qu'il faut, d'autres non. Lui ne peut pas. Impossible. C'est ce que pensait ma tante Jackie, personne très cultivée, qui avait lu Mircea Eliade et beaucoup d'ouvrages sur différentes formes de spiritualité mais gardait une compréhension archéologique de la Bible, et n'était pas irriguée par l'Esprit de tout cela. En réalité, effectivement, certains êtres sont plus doués que d'autres sur ce plan-là, c'est sans doute ce que signifie la parabole des cinq talents. C'est pourquoi nous prions les uns pour les autres, c'est pourquoi les moines prient pour l'humanité entière. Car ainsi que le disait le père Vsévolod Schpiller, l'humanité est Une. Tout est lié, la lumière et les ténèbres sont également contagieuses, et ce que cherchent à faire les satan du monde moderne, c'est précisément à couper cette circulation entre les individus qui fait de nous tous une roue à mille rayons en mouvement autour du Centre de la Vie. Certains sont plus doués que d'autres, dans la famille Ossipov, toute la lumière s'est déversée dans le coeur ouvert d'Ania, son père, au demeurent honnête et bon, qui, dit-il à la façon Brassens, ne "se conduit guère plus mal que s'il avait la foi", reste clos à tout cela, mais je pense que c'est le résultat d'une mutilation générale, assortie d'un orgueil inconscient, d'un refus de remettre en question le pouvoir de sa raison, et les dogmes philosophique ou idéologiques reçus dans l'enfance. Plus l'absence de poésie. Je lui ai dit: "Oublions le christianisme. En dehors de tout christianisme, j'ai une conception poétique de la vie qui m'en fait appréhender le caractère sacré." Mais la modernité, qu'elle soit capitaliste ou communiste, assassine la poésie depuis des décennies sinon des siècles, et le saint ancien Porphyre disait: "Pour être chrétien, il faut être un peu poète". Les temps anciens cultivaient la poésie dans chaque geste de l'existence, et cela ouvrait l'âme aux souces vives et aux souffles puissants. "Le char de Dieu est fait de milliers de milliards qui rayonnent de joie..."



Le coffret à la licorne et la page de l'artiste:

https://vk.com/club68955152

J'ai vu que l'Alliance française d'un pays africain avait fait du poète national des Russes, Alexandre Pouchkine, un "franco africain d'origine russe"! Franco, parce qu'il parlait français, comme tous les aristocrates de Saint Pétersbourg, et africain, parce que son arrière-arrière-grand-père, l'était, c'était un esclave noir racheté par Pierre le Grand, qui avait fini par occuper de hautes fonctions en Russie. Parallèlement, le Metropolitan de New-York ukrainise les peintres russes du XIX° siècle, Répine, Aïzazovski, Koundji. Dans la mesure où tous ces gens font aussi occasionnellement de nos rois du moyen âge ou des héros de l'Illiade des africains, pourquoi pas? C'est absolument n'importe quoi, la maison de fous intégrale, mais qui s'apercevra, parmi les décérébrés, que la direction de l'asile a été prise par les aliénés?

Dany m'a envoyé un florilège de propagande et d'inversions accusatoires éhontées, qui au départ m'ont fait rire, puis m'ont fait honte, puis m'ont fait peur, car cette ignominie devient abyssale et touche à la psychopathie complète:

A la veille de l’invasion, certains experts américains déconseillaient d’apporter à l’Ukraine une aide militaire, arguant que la guerre allait se terminer prématurément. D’autres, en Europe et aux Etats-Unis, répétaient la propagande russe, se demandant si l’Ukraine méritait d’exister ou d’être défendue. Certains politiques occidentaux ont repris ces idées, et continuent à le faire. Que se serait-il passé si leurs positions avaient prévalu ? Si un autre président, qui ne se souciait pas de la sécurité européenne, avait été en place à la Maison-Blanche ? Si un autre président, qui ne plaidait pas la cause de son pays de façon aussi convaincante, ou qui ne voulait pas du tout se battre, avait été élu en Ukraine ? Imaginons juste un instant un monde dépourvu du courage ukrainien, ou des armes américaines et européennes, ou encore de l’unité et du soutien apporté par les démocraties à travers le monde. Sans résistance, l'Ukraine serait aujourd'hui parsemée de camps de concentration Si la Russie avait exécuté son projet, Kiev aurait été conquise en quelques jours seulement. Zelensky, sa femme et ses enfants auraient été assassinés par un des commandos de tueurs qui parcouraient la capitale. Les collaborateurs, qui avaient déjà choisi leurs appartements dans Kiev, se seraient emparés de l’Etat ukrainien. Puis, ville par ville, région par région, l’armée russe aurait combattu ce qui restait de l’armée ukrainienne jusqu’à conquérir l’intégralité du pays, au point d’atteindre la frontière polonaise. Si tout cela s’était passé comme prévu, l’Ukraine serait aujourd’hui parsemée de camps de concentration, de chambres de torture et de prisons de fortune, comme on en a découvert à Boutcha, Izioum, Kherson et dans tous les autres territoires temporairement occupés par la Russie et libérés depuis par l’armée ukrainienne. Une génération d’écrivains, d’artistes, de politiciens, de journalistes et de dirigeants civiques ukrainiens - les Russes avaient préparé des listes avec leurs noms - serait déjà enterrée dans des fosses communes. Les livres ukrainiens auraient été retirés de toutes les écoles et bibliothèques. La langue ukrainienne aurait été supprimée dans tous les espaces publics. Des centaines de milliers d’autres enfants ukrainiens auraient été enlevés et transportés en Russie ou victimes de trafics dans le monde entier. Les soldats russes, forts de leur éclatante victoire, seraient déjà aux frontières de la Pologne, installant de nouveaux postes de commandement, creusant de nouvelles tranchées. L’Otan serait plongée dans le chaos ; l’alliance entière serait obligée de dépenser des milliards pour se préparer à l’inévitable invasion de Varsovie, Vilnius ou Berlin. A l’intérieur de l’Ukraine occupée, les jeunes hommes seraient forcés de s’engager dans l’armée russe pour mener à bien ces conquêtes. Des millions de réfugiés ukrainiens vivraient dans des camps dans toute l’Europe, sans perspective de retour chez eux ; un gouvernement pro-russe en Moldavie serait peut-être déjà en train de planifier l’incorporation de ce pays dans une nouvelle fédération russo-biélorusse-ukrainienne, qu’un propagandiste russe a salué, trop tôt, le 26 février 2022. Ce désastre ne se serait pas limité à l’Europe. A l’autre bout du monde, les plans chinois d’invasion de Taïwan seraient en bonne voie, car Pékin supposerait qu’une Amérique peu disposée à défendre un allié européen, et désormais totalement enlisée dans une bataille à long terme contre une Russie enhardie, ne ferait jamais d’efforts pour voler au secours d’une île du Pacifique. Les mollahs iraniens, tout aussi réjouis par le succès de la Russie et la défaite de l’Ukraine, auraient annoncé avec audace s’être enfin dotés des armes nucléaires. Du Venezuela au Zimbabwe en passant par le Myanmar, les dictatures du monde entier auraient durci leur régime et intensifié la persécution de leurs opposants, désormais certains de la caducité des anciennes règles - conventions sur les droits de l’homme et le génocide, droit de la guerre, interdiction, tabou, de modifier des frontières par la force. De Washington à Londres, de Tokyo à Canberra, le monde démocratique aurait fait face à son obsolescence.

Les sauveurs du monde! Il faut retourner le discours pour avoir la situation réelle, il ne s'agit plus de lire entre les lignes mais de remettre à l'endroit ce qu'on a mis à l'envers. Les crimes commis et cités sont ceux des ukro otaniens, souvent sous faux drapeaux ou bien avant l'intervention russe, les bataillons Azov semant la terreur dans le Donbass, bombardements massifs de civils, viols, tortures, enlèvements, orphelinats vidés de leurs pensionnaires qu'on n'a jamais revus, langue russe (ou roumaine, ou hongroise) persécutée, religion orthodoxe persécutée (le machin du patriarche Bartholomée n'étant qu'une pantalonnade), autodafés de livres, destructions d'églises, arrestations ou assassinats de journalistes ou d'opposants, prisons secrètes; la liste avec les noms, ce sont eux qui l'ont faite, c'est le fameux site Mirotvorets où figurait Daria Douguine, assassinée par une poupée Barbie hagarde. Ce sont eux, également qui enrôlent de force des gamins ou des vieux.Tout ce que nous avons dénoncé pendant huit ans dans un silence assourdissant où planaient des sarcasmes, mis tranquillement sur le dos des Russes par de faux journalistes qui se prêtent à des manoeuvres répugnantes et, ayant sciemment passé tout cela sous silence, le relaient maintenant sous forme de calomnies.

Pour remettre l'église au milieu du village:

 



Ceci date de 2014: 

Et ceci pour laisser entrer de l'air frais: 

1 commentaire:

  1. Merci de m'avoir fait découvrir Mme Kopylova ; c'est une femme exceptionnelle...

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