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dimanche 26 février 2023

Paradis retrouvé

 


Dimanche du pardon, et demain la première semaine de Carême, la plus dure avec la semaine sainte. Ceux à qui je voudrais demander pardon ne sont souvent plus en vie, ou très loin. Mais j'ai pu offenser des gens sans le vouloir, ou par négligence, ou bien le pardon réciproque n'entre pas dans leurs catégories mentales... 

J'ai fait un saut à Moscou pour un concert de gousli de Dima Paramonov, Liéna et ses filles sont venues avec moi. C'était très joli, des chansons de noces, des vers spirituels. Une musique pleine de vent et d'espace, de larges cours d'eau, de pluie et d'oiseaux, une musique pure et bénéfique. Une toute petite fille dansait sans arrêt, entre deux rangées de fauteuils. 

Puis je suis allée à une soirée crêpe chez Xioucha, il y avait le père Valentin, le père Dmitri et sa femme, le diacre Sergueï, Thomas et un copain belge, Olia, et Irina Pavlova, dont j'ai récemment commenté la vidéo sur l'ostracisme par les libéraux des gens qui ne pensent pas comme eux. Xioucha voulait me la présenter, ça partait d'un bon sentiment, mais je n'ai pas pu lui parler, car tous étaient d'humeur à plaisanter et à raconter des blagues russes. Je me suis surtout entretenue avec Thomas des gens qui, malgré leur culture et leurs diplômes, restent aveugles à des choses évidentes. Il connaît ça dans sa famille. Lui-même est pourtant plutôt de gauche, et m'a dit que le communautarisme était dans la mentalité russe, ce qui n'est pas faux, c'est même le seul élément du communisme qui me semble cadrer avec cette mentalité telle qu'elle était avant rééducation violente, encore qu'il n'avait pas le même caractère, c'était la communauté paysanne traditionnelle que nous avons connue aussi, au moyen âge, et la "sobornost" orthodoxe, telle qu'on la voit à travers les romans de Dostoivevski. Je lui ai dit que ce sens de la communauté était sain, et que je n'avais vraiment rien contre, ce que je reprochais au communisme était d'un autre ordre, c'était le matérialisme progressiste au front bas, le désastre culturel, avec le mauvais goût qui en découle, la violence exercée sur ceux qui ne partagent pas l'idéologie obligatoire, l'ingéniérie sociale, le dressage des populations. Je soutiens l'économie traditionnelle, exterminée autant par les capitalistes que par les communistes, et la nationalisation des banques et de tout ce qui est d'importance nationale, énergie, chemins de fer, hôpitaux et éducation, bien que dans ce dernier cas, j'estime que doivent exister aussi des écoles privées ou la possibilité d'enseigner les enfants chez soi, pour éviter le formatage auquel l'état se livre facilement.

J'ai continué cette conversation plus tard avec le père Valentin. La confiscation de la culture par les "libéraux", comme en France, d'ailleurs, l'action délétère de la télévision et de ses programmes dégradants. Ce n'est pas le tout de prôner les "valeurs russes" encore faut-il le mettre en pratique. Nous avons évoqué l'abominable variété patriotique qu'on entend trop souvent, entre le mauvais rock et le mauvais rap, il faut bien avouer qu'au moins, pendant la seconde guerre mondiale, les chansons étaient d'un autre niveau, il y en avait de magnifiques. La soupe américanoïde qu'on nous sert encore est si étrangère à la Russie, le problème est qu'on nous a rendus, dans notre propre pays, étrangers à nous-mêmes, à notre génie, à notre histoire. J'ai vu le député Piotr Tolstoï agressé par les hyènes de BFMTV. Le seul souci de ces harpyes était de le déstabiliser et de le discréditer, et l'argument était que les élites russes condamnaient l'occident décadent mais y envoyaient leur argent et leurs enfants, et que Tolstoï lui-même avait vécu en France et appris le français. Je trouve que sur ce point, il n'a pas su leur répondre. D'abord parce qu'effectivement, les élites russes ont eu ce tort, et qu'il fallait le reconnaître. Mais ajouter que les Russes, comme lui épris de la culture européenne, avaient compris qu'entre les mains de leur caste, elle disparaissait complètement, et que les pires ennemis de la France, et de sa culture, c'était précisément leur engeance. Quand on aime la France, on ne peut aimer ni Macron et ses horribles séides et commanditaires, ni BFMTV, ni les instances de l'Union européenne, ni le mouvement Woke. 

Or la télé en Russie reste également entre les mains de gens qui détestent la Russie, la méprisent et évitent soigneusement de relever le niveau et de réintroduire sur les ondes la culture nationale authentique.

Néanmoins, comme Irina Pavlova, le père Valentin fait preuve d'un certain optimisme. Il pense que c'est une question de temps, que le pays va renaître. Il m'a raconté qu'un jeune homme de sa famille avait été coffré lors d'une manif de libéraux, et condamné à 13 jours de placard, mais traité avec tant d'égards que sa propre mère avait demandé qu'on lui imposât des travaux d'intérêt général. Je pense pour ma part qu'on devrait les envoyer passer deux semaines au Donbass, pas sur le front, mais simplement observer ce qui se passe là bas, et si ce que nous clamons depuis huit ans, c'est de la "propagande de Poutine"... Ceux qui le font reviennent généralement avec la tête à l'endroit.

Liéna va plusieurs fois par semaine travailler comme aide-soignante dans un hopital militaire où se trouvent de très grands blessés qui n'auront plus jamais une vie normale, dans le meilleur des cas. Je pense à ceux qui ont tout fait pour qu'une pareille chose arrive et qui font tout pour que cela se prolonge. 

Aujourd'hui, on fait mémoire d'Adam chassé du paradis et voilà que je tombe sur cette publication de Natalia Kornileva qui reflète complètement mon état d'esprit actuel:

C'est une chose étonnante: plus le monde se fait béant comme l'enfer, plus mon âme se remplit avec acuité d'une chose qu'il était devenu depuis longtemps indécent d'évoquer: les vagues d'un B-O-N-H-E-U-R si intense qu'on s'y dissout sans laisser de trace avec sa propre imperfection et la saleté du monde qui s'y colle.  

Tout cela fait place à l'insoutenable beauté d'une fleur, à la ligne d'horizon, à la miraculeuse légèreté des nuages. C'est comme si on nous envoyait des salutations de quelque part au dessus,de l'extérieur, nous indiquant: regardez ici, ne regardez pas en bas! Marchez sur l'eau, n'ayez pas peur!

De plus en plus souvent, on se fige au milieu de la journée, apercevant soudain la courbe délicate d'un arbre penché, la rayure rougissante du ciel sur le jardin. 

Et l'on comprend tout à coup que ce sont des fenêtres. Au travers desquelles on peut sortir (entrer?) et aussitôt se retrouver au paradis, dans ce même Royaume, où nous voulons tous tellement pénétrer. Un jour, quelque part... Et elles sont là, les voilà. Les fenêtres, les portes. Partout. Et chacun peut les franchir...


Удивительное дело: чем страшнее зияет гееной мiр, тем острее заполоняет душу то самое, что долгие годы и выговорить-то было неприлично: приливы такого пронзительного с-ч-а-с-т-ь-я, что растворяешься в нём без остатка, в котором и собственное несовершенство и налипшая от мiра грязь.

Всего этого больше нет, а есть невыносимая красота цветка, линии горизонта, нерукотворная лёгкость облаков. Тебе будто посылают приветы откуда-то сверху, извне, указуя: смотри сюда, не опускай взгляд! Иди по воде! Не бойся!

Все чаще замираешь посреди дня, вдруг выхватив зрением тонкий изгиб поникшего дерева, алеющую полоску неба над садом.
И вдруг понимаешь, что это окна. Через которые можно выйти (войти?) и немедленно оказаться в раю, в том самом Царстве, куда мы все так хотим когда-то попасть. Когда-то, где-то… А они – вот они. Окна, двери. Повсюду. И каждый может…

1 commentaire:

  1. La merveille et l'enchantement sont à portée de main, au plus fort du tourment et de la tristesse , aussi.
    Merci Laurence pour ce texte précieux qui sait si simplement et avec les mots qu'il faut, aller à l'essentiel de ce que peut laisser entrevoir ce saisissement par l'indicible .
    Le royaume est là, sous nos yeux, au coeur même du quotidien.
    Que la grâce de ces instants d'éternité vous accompagne.
    Marie-France

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