Poutine a été
triomphalement élu avec une taux de participation record, douze pour cent des
gens ont voté pour l’oligarque à moustache stalinienne, je trouve cela très
rassurant.
Xioucha et Igor m’ont
ramenée chez moi hier. Je leur ai montré le lac, du haut de la berge escarpée.
Il reste beaucoup de neige bien blanche, mais le soleil est vif, le ciel très
bleu, la température douce, et le lac encore gelé miroitait comme une surface de
verre opalescent. Xioucha a voulu me faire descendre avec elle la pente sur une
planche : « Alors, Lolo, est-ce que cela fait du bien de se rappeler
son enfance ? »
Les chats m’ont fait
un accueil grandiose, et Rosie de même. Elle n’a fait aucune difficulté pour
grimper dans la voiture. Mais tout ce petit monde a commencé aussitôt à m’empoisonner
la vie. Rom ne cessait de me harceler de miaulements idiots : il n’est jamais
content de ce que je lui donne et exige autre chose, après avoir piraté les
écuelles des autres chats, et cela pendant des heures. Il déteste la chienne,
grogne sur elle en permanence, ce qui provoque d’inévitables réactions. La
chienne ne cesse de vouloir entrer ou sortir. J’ai trouvé, bien entendu, une
maison dégueulasse, poils et pipis de chats partout. Au moment d’essayer de
dormir, j’avais sur mon lit la compétition des chats pour être au plus près de
moi et au plus loin les uns des autres, plus ce dingo de Rom qui poussait des
feulements si la chienne approchait et celle-ci est presque incapable de se
coucher et de dormir tranquillement, c’est une agitée perpétuelle, de sorte que
j’ai fini par engueuler tous mes parasites, en songeant que jamais je ne criais
sur Doggie ou sur le chien de ma sœur.
Violetta m’a invitée à
prendre le thé. Elle est potentiellement un peu chiante, mais que faire ?
Elle est très gentille, elle s’est occupée de mes chats avec scrupules, elle a
même déneigé devant chez moi, son fils a fait démarrer quelquefois la voiture
pour que la batterie ne se vide pas. Je crois qu’il me faudra envisager un
portillon entre leur terrain et le mien…
Elle se félicitait du
résultat des élections. «Je ne sais pas ce qu’ils ont tous en Europe à s’acharner
sur nous de cette manière. Ils déploient des troupes pour « protéger »
les pays de l’est, mais qu’en avons-nous à faire, de ces pays de l’est, et même
de l’Ukraine ? Bon, en Ukraine, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de
Russes, mais que les Polonais prennent Lvov et la partie ouest et qu’on en
finisse ! »
Mis a part tous ces détails,
je suis contente d’être rentrée, je me sens soulagée, je me sens chez moi, dans
ma capsule spatiale coupée de mon passé, un passé qui s’effiloche derrière moi
dans le gouffre du temps et qui me reste très cher mais me tétanise, me
transforme en la statue de sel biblique de la femme de Loth se retournant sur
Sodome et Gomorrhe, une statue de sel pleine de larmes. « Laissez les morts enterrer les morts »…
La photo, faite par
Micha l’iconographe, de moi tenant sa création provoque de nombreuses réactions,
parfois presque agressives, mais vite désarmées. Cependant, et j’en parlais à
Claire, que j’ai vue dimanche, cette « gloire » me fait souvent peur,
je suis touchée et je pense que c’est peut-être mon rôle que de témoigner
auprès des Russes de mon amour pour leur civilisation et leur mentalité, qu’ils
ont souvent tendance à mépriser, et aussi de susciter l’intérêt et l’amour des
Français, qui en ont une idée fausse, mais je me sens très exposée et cela me
donne le vertige. Cela n’est rien auprès des réactions que pourrait susciter la
publication de mon étrange roman sur Fédia Basmanov et Ivan leTerrible. Claire me disait qu’il pourrait déplaire à
ceux qui en font un saint et déplaire à ceux qui en font un monstre. Oui, de la
même manière que je peux déplaire aux libéraux comme aux communistes, n’étant
ni d’un côté ni de l’autre. Mais c’est le plus profond de la Russie qui m’a fascinée
et pas sa déchéance dans les conneries politiques dont elle avait horreur à
juste titre.
Quand Xioucha a voulu
remettre mon manuscrit au père Dmitri pour qu’il le transmette à une éventuelle
traductrice, le directeur d’une maison orthodoxe qui assistait à la chose, et
auquel elle exposait le sujet en deux
mots, s’est exclamé : «Ah Ivan le Terrible, surtout pas ! »
C’est malin, vraiment.
Quelle curiosité, quelle ouverture d’esprit. Si ça se trouve, il me faudra
recourir à l’édition sur Internet, comme je l’envisage en France. Dès que j’ai
affaire à un éditeur, je me sens rétrécir comme l’huître sous le citron. Sale
race. Contents d’eux, pleins d’aprioris, idéologiques ou commerciaux, oui, m’en
passer est mon rêve, livrer son âme à des gens pareils c’est comme la livrer à
des journalistes. Il m’est plus facile de l'offrir directement aux lecteurs.
Claire a trouvé
quelque part que la veuve de Fédia Basmanov s’était remariée, et cela m’a fait
mal pour lui, je crois qu’il va me falloir me faire soigner, à l’issue de toute
cette aventure ! Je vais recommencer à peindre des icônes.
Les chats ont retrouvé leur patronne et leurs habitudes |
Pour l'instant, j'ai mis l'icône de Micha à côté de l'Alexandre Nevski de Michèle. Je pense qu'il me faudra une étagère de plus. |
Rencontre de Rosie avec une corneille facétieuse |
J'adore chez Vous
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