A mon arrivée, il
faisait un froid terrible. Le ciel est lumineux, printanier, les températures
hivernales. Je suis tombée dans les bras de Xioucha, puis dans ceux de Tania,
la juriste. Elles sont tellement adorables avec moi, comme si j’avais des
filles ou des nièces. Xioucha a proposé de me raccompagner à Pereslavl avec son
compagnon Igor. Elle l’a envoyé me chercher chez le père Valentin où je passais
la soirée, en lui recommandant de m’aider à grimper dans sa camionnette, à
cause de ma patte folle…
Après mon interview de
Politvera, un iconographe m’avait contactée, il voulait m’offrir une icône,
pour me remercier de ce que j’avais dit sur la Russie. Je n’avais pas pu aller
la chercher avant mon départ, je me suis décidée cette fois-ci. Il vit à l’autre bout de Moscou, dans un
endroit tout neuf, avec une station de métro toute neuve, d’ailleurs très
esthétique, et au moins, ces stations récentes ne sont pas bâties avec les
vestiges des monuments historiques détruits par les communistes.
Il y avait des
milliers de sorties et je n’avais pas envie de faire des milliers de pas, or il
m’avait plutôt mal expliqué le trajet. J’ai avisé un flic qui cherchait à faire
lever un ivrogne effondré sur un banc : «Bonjour, je cherche la sortie
côté monument aux automobilistes ? »
Le flic hésitait, mais
l’ivrogne perdu a grogné avec un grand geste : « Hon… par là… par là… »
Par là il restait
encore trois ou quatre sorties, j’ai demandé à un ouzbek. Et dehors, il me
fallait descendre une pente, à travers les congères, je restais immobile sur
place avec la conscience aiguë que j’aurais fait cela il y a un an, mais que
là, cela m’était devenu complètement impossible, que je risquais de déraper et
de me prendre un gadin aux conséquences imprévisibles. Etrange impression. Le
corps démissionne. Il faut commencer à envisager la séparation…
Un brave homme d’une
cinquantaine d’années a volé à mon secours : « donnez-moi la main, je
vais vous aider… » Ah ces Russes qui maternent les vieilles….
De loin, j’ai vu mon
iconographe, une sorte d’ours, avec un paquet, qui m’a prise dans ses bras avec
effusion. Il m’a énormément plu : drôle, spontané, le voir expliquer
quelque chose, avec son regard malin, est un vrai moment de théâtre. L’icône
aussi m’a plu. Il l’a choisie parce que je suis une ancienne catholique et que
l’icône était un modèle catholique venu en Biélorussie par les Polonais, une
icône acclimatée. Elle me rappelle mon enfance, elle a quelque chose de très
doux et si j’ose dire, d’un peu magique, au sens enfantin du terme.
Elle a aussi beaucoup
plu à mon père Valentin : « Très bonne icône », m’a-t-il dit en
me la rendant, après l’avoir bénie.
Je me sentais à
nouveau complètement chez moi, dans son église, j’éprouvais un attendrissement
soulagé, malgré toute la tristesse de mon départ et mon affection pour les
Français que je laisse derrière moi. Je me sens complètement adoptée par la
Russie.
Avec le père Valentin,
nous avons évoqué nos deux révolutions, et leurs conséquences néfastes
incalculables. Et d’abord les fractures infligées à nos peuples, que le système
des partis divise forcément en permanence et soumet à des manipulations de plus
en plus sophistiquées et à un avilissement presque inévitable. Le pire des monarques
me paraît à présent préférable au dictateur moderne qui suit généralement le
chaos engendré par les factions et l’exploitation systématique des sentiments
humains les plus mauvais, les plus vils.
Les gens vont voter
aujourd’hui, et j’ai lu tellement d’idioties dans les commentaires de Facebook
que la tête me tourne, mais le starets Elie, père spirituel du patriarche, prie
pour Poutine, et en ce qui me concerne, le critère numéro un qui me ferait le
choisir si j’étais russe, c’est la détestation hystérique qu’il déclenche chez
le personnel politico-médiatique occidental. Un homme que hait à ce point cette
bande de psychopathes pervers et de laquais minables ne peut être que
providentiel pour son pays.
:)
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