La canicule est revenue et ce n'est pas le temps idéal pour faire du tourisme. Je voudrais visiter Kourmych, mais la chaleur est intenable. À 9 heures du matin, je suis descendue à la rivière me baigner, l'eau était presque trop chaude. J'ai dérangé un héron cendré qui s'est majestueusement envolé. J'ai nagé dans un grand silence, car il n'y avait pas le moindre souffle d'air. J'étais seule dans cette eau lisse tiède.
Rita avait si chaud que je l'ai mouillée. A mon grand étonnement, elle a accepté volontiers et s'est même étendue dans l'eau le temps que je dessine.
Ensuite, les enfants sont venus dessiner avec Sacha et moi, comme au bon vieux temps de notre collaboration au lycée français. Sacha est toujours adorée par les enfants, car elle a un physique de fée preraphaelite, et elle est très chaleureuse avec eux. Ils se battent pour l'aider dans son église. Elle compte sur eux pour reprendre le flambeau, car elle ne rencontre pas toujours une grande bienveillance. Certaines commères l'accusent même de blanchir de l'argent.
Le soir, Genia m'a raconté sur le pays des tas de choses intéressantes. Pougatchov, le cosaque rebelle de la "fille du capitaine", y a largement sévi. Il lâchait sur le lac des radeaux avec des potences ou il avait pendu les nobles et officiers locaux. On trouve encore des ossements de cette période. Et aussi, comme partout ailleurs, ceux des victimes de la révolution. D'ailleurs, je n'ai pas visité une église ni un monastère ruiné puis restauré, qui n'ait pas révélé à cette occasion quelque charnier. La rue de Sacha porte le nom d'un révolutionnaire local qui a commis tant de massacres, avec un régiment de Lettons, car ceux-ci étaient souvent utilisés par les bolcheviques pour leurs basses œuvres, en raison de leur russophobie, que des gens du coin ont fini par l'assassiner avec ses comparses. Ce qui a déclenché une répression sanglante. Après quoi, on en a fait un martyr de la révolution. Son tombeau est non loin de l'église de Sacha, et de son cimetière profané et arrase. Les descendants de ses victimes ont été si bien rééduques qu'il s'en trouve encore pour le fleurir.
D'apres Genia, le folklore est toujours vivant à Kourmych, les grands-mères chantent des complaintes interminables. Les gens de Kourmych étaient traditionnellement de fortes têtes car c'était au moyen âge une région frontalière, avec les réfugiés, fuyards et cosaques correspondants, il y a encore le quartier des Cosaques, celui des Archers, et il ne faut pas que les garçons des uns aillent draguer les filles des autres. Ils ont même leurs particularités dialectales et tout cela à survécu au communisme, et même, en dépit du cimetière rase, le culte des ancêtres.
Merci, Laurence, de nous faire de couvrir cette localité, où le tragique de l'Histoire affleure toujours et encore le quotidien de ses habitants !
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