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mardi 28 juin 2022

Enfin l'été

 




D'après la voisine Olga, le type d'en face, en massacrant son bouleau, avait dans l'idée de le rendre plus beau et plus épais en coupant le sommet. A mon avis, il était très beau comme il était, mais entre couper le sommet et casser le tronc à mi hauteur, il y a une marge... Ania est aussi consternée que moi. Je pense que chez certains individus, saccager leur environnement est une façon de démontrer leur pouvoir sur lui, un peu comme ces dingues qui vitriolent leur épouse pour qu'elle n'aille pas plaire aux autres.

Pour oublier tout cela, j'ai fait ma première baignade dans la rivière Vioska. elle était encore fraîche, mais je préfère, c'est plus vivifiant. Je me suis éloignée à la nage, dans son eau mauve et dorée, laquée de bleu, sous des caravanes de nuages blancs traversés de mouettes. J'écoutais le vent chanter dans les roseaux, où glissaient des canards. La présence de Rita m'a obligée à écourter, elle avait chaud, mais elle ne veut pas se baigner, et me regardait de la rive avec des yeux de martyre. Pour la consoler, je l'ai emmenée voir Gilles au café.

Contrairement à ce que laissait prévoir le printemps glacial, nous avons un bel été. Je recommence à jouer des gousli dans le jardin, et j'entre doucement dans un état de légère béatitude contemplative, où chaque nuance, chaque forme, chaque son et chaque mouvement prennent tout à coup un relief étrange et captivant.  

Au taux de change pratiqué par les banques, plus les pourcentages happés au passage, je vais me retrouver avec  peu près le même pouvoir d'achat qu'en France, mis à part les charges et l'essence, beaucoup moins chères. Je l'ai expliqué à mon encadreur. "Et alors, vous allez rentrer chez vous?

- Ah non. Pour baigner dans la propagande, les calomnies, les mensonges de la presse officielle, repris par les intellos bien dressés et bien sélectionnés, jusque dans les milieux orthodoxes, jamais.

- Alors vous êtes vraiment des nôtres..."

Mon encadreur est communiste. Il est très gentil, et me fait des prix. Malheureusement, il reste convaincu que les Russes n'ont jamais rien fait de vraiment bien, que la culture, c'est en Europe, et prend des airs de commisération quand je lui parle des merveilles de l'art populaire...

Le lendemain, après l'église, j'ai vu arriver la guide Ioulia, elle venait prendre six exemplaires de mes chroniques, car "il faut les faire lire au maximum de Russes". Elle voulait me faire découvrir les petites plages sauvages du lac, mais avec la chaleur qu'il faisait, et un dimanche, les rives étaient bourrées. C'est en effet, très joli, je reviendrai quand ce sera plus calme, pour dessiner, et m'imprégner de l'atmosphère. On peut juste se tremper, il n'y a pas assez de fond pour nager, ou alors il faut faire un kilomètre à pied en direction du centre, paraît-il très profond, lui. Quand on s'avance dans l'eau, on voit le monastère saint Nicétas, tout blanc, avec ses coupoles d'argent, au dessus des forêts sombres et de l'eau bleue.

Il y avait, parmi la foule des campeurs et baigneurs, une jeune fille avec un suricate en laisse, et cela m'a chagrinée. Que faisait donc cet animal en laisse sur une plage, et comment peut-on encore acheter des espèces sauvages et encourager leur trafic? Sans doute pour frimer, et il y a tant de chiens et de chats à l'abandon... 

Ioulia voulait me faire découvrir un sentier de randonnée, très intéressant pour les amateurs de botanique et les ornithologues. Et pour les peintres aussi, car c'est un lieu magnifique. Il rassemble plusieurs biotopes, par endroit marécageux, par endroit complètement sec, avec des plantes des steppes et des régions méridionales. Des prairies fleuries, des bois, le lac et le monastère au loin....






Je conseille vivement aux gens qui pensent encore de s'abonner à l'Antipresse, où l'on trouve une information, et surtout des réflexions sur l'information, de qualité. L'Antipresse est une antidote à la folie collective qui guette même les résistants, souvent isolés. Or il est difficile de s'opposer quand autour de soi tout le monde se met à délirer. Slobodan présente ici son dernier brillant numéro:


    

A chacun de s’en sortir comme il le peut, dans un solitude éperdue au milieu des cons. 

écrit Nicolas Bonnal dans sa lucidité tragique! L'évêque m'a dit lors de ma confession que Dieu ne les aimait pas moins que moi, et qu'il fallait relativiser nos petits inconforts et problèmes quotidiens devant la croix du Christ. Certes, mais pour l'instant, ce n'est pas gagné. "Vous y arriverez!" me dit-il avec un fin sourire.

C'est que selon le mot de Dostoievski, la bêtise peut parfois devenir un crime, nous le voyons tous les jours, en ce siècle "d'ineptocratie", comme dit Slobodan dans son article "Après l'Ukraine"...



3 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour ce bel instant de lecture ;) ,ici l'été est venu tôt pour ensuite envoyé des grêlons dévastateurs...juste à coté de chez moi c'est un paysage étrange ....toitures bâchées,animaux le ventre en l'air ....et la végétation saccagée ,étrange sensation de faiblesse soudaine ...on est si petit ,et pourtant tout continu,et heureusement de garder au fond des yeux des lueurs brillantes et scintillantes de je ne sais quoi mais peut importe je n'ai pas envie de sombrer,je préserve ce positif lumineux pour mes enfants et ceux que je croise et moi même ,petite dame que je suis j'ai les épaules larges et aiguisées ;) je ne lâcherai rien !Et merci à vous pour vos partages ,Merci ;)

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  2. Superbes images. Ne lâchez pas ce coin de paradis. Le rouble va rebaisser : il est ruineux cher.

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