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dimanche 12 juin 2022

Trinité


C'était aujourd'hui la fête de la sainte Trinité, la Pentecôte, une de mes fêtes préférées. Je devais aller aux vigiles hier soir, mais à la suite de ma présentation de livre, Olga était venue avec Ghislain, et puis aussi Nadia, que je n'avais encore jamais rencontrée, malgré une longue fréquentation sur Facebook. Et notre entrevue s'est prolongée si tard que j'ai raté les vigiles. 
C'était pour moi très embêtant, car je voulais fêter tout cela au monastère de la Trinité saint Daniel, où officiait notre cher évêque, chez son ami le magnifique higoumène Pantaleimon, et je comptais me confesser la veille. Or quand je suis arrivée le lendemain, l'église était bourrée, et je ne voyais pas de moine confesser les gens. J'ai pensé que j'allais communier sans confession, car je l'avais fait dix jours auparavant, et de l'avis du père Placide comme de celui du père Valentin, pas la peine d'aller enquiquiner les prêtres avec des histoires d'éclair au chocolat le vendredi quand on fait le ménage dans son âme assez souvent. Mais cela m'ennuyait un peu quand même, je me disais que j'aurais dû faire ma présentation à un autre moment, ou bien dire à mes amis que la fête était finie. Bref, cela me gâchait un peu la cérémonie, je communie toujours pour la Trinité, comme pour la Théophanie. L'église, qui conserve de superbes fresques du XVII° siècle, antérieure à l'académisme imposé par Pierre le Grand et Catherine II, était décorée de jeunes bouleaux, et il y régnait une sorte de ferveur tendre et radieuse, je voyais, tandis que se déployait le rite byzantin de l'habillage de notre évêque, combien il était aimé de tous ceux qui s'affairaient autour de lui, et cela était si noble et si beau, je m'émerveillais que cela existât encore, à notre époque d'universelle profanation, de despotique vulgarité. Prise dans les frondaisons d'un bouleau qui venait ici finir sa vie trop courte pour nous ravir les yeux, je me suis sentie investie d'une grande compassion pour lui, quelque chose passait entre cette créature et moi, et je me suis mise à prier pour que son esprit allât fleurir dans les jardins du paradis. Et puis j'ai demandé au Christ de me permettre de communier, même si j'en étais bien peu digne.
Le moment venu de l'eucharistie, la mère de Katia, Lioudmila, m'a demandé si j'y allais, je lui ai expliqué mon problème. "Demandez à votre ange gardien de le résoudre..." me dit-elle. Et voilà qu'une inconnue me tape sur l'épaule: "Il y a une autre coupe, dans la chapelle adjacente, allez communier là bas..." J'étais indécise, et puis la foule m'empêchait d'avancer. "Tant pis..." me disais-je. La même inconnue est alors revenue à la charge: "Qu'est-ce que vous attendez? Allez dans la chapelle, il y a une autre coupe!"
Je lui ai obéi, et là, en effet, le père Pantaleimon communiait les dernières personnes de sa file, et un moine assis confessait encore une paroissienne. J'ai pris sa suite, et expliqué la situation, puis,  munie de l'absolution, j'ai eu juste le temps de recevoir l'eucharistie de la main de l'évêque, car le père Pantaleimon avait déjà fini.

Photo éparchie de Pereslavl


Après quoi, nous avons eu une rencontre avec l'évêque et le père Pantaleimon. Le thème en était plus ou moins le sacré et le profane, bien que cela eût dérivé en cours de route. L'évêque est extrêmement intelligent et spirituel, aux deux sens du terme, et très spontané, le malheur est que je le comprends assez mal, il n'a pas une diction très intelligible, il a tendance à avaler les mots. Mais je me disais que nous avions beaucoup de chance d'avoir un clergé de ce niveau intellectuel et humain. Une jeune femme que je connais, qui travaille pour le café, lui a demandé: "Je suis quelqu'un de totalement extérieur à la religion, et voudrais savoir comment on s'adresse à vous, par votre nom et votre patronyme, par votre titre, par votre nom de famille, comment cela se passe? "
J'ai vu qu'il se régalait à lui répondre: "Si vous croisez une soutane, vous pouvez être presque sûre que c'est un prêtre, parce que normalement, on ne rencontre jamais un hiérarque, à part moi, les hiérarques sont invisibles, sauf pendant les offices, les hiérarques ne courent pas les rues, on les promène en voiture. Dans ce cas, qu'est-ce que vous faites? Eh bien..." Il appelle une autre jeune femme de l'assistance, qui, se levant en riant lui dit: "bénissez..." Et il la bénit avec un fin sourire. "Voilà. vous dites "bénissez père, en slavon, otche, parce que nous aimons bien le slavon, cela nous fait plaisir! Pas le nom et le patronyme, parce que nous avons laissé tout cela, nous sommes le père Un Tel, et encore moins par le nom de famille, parce que cela fait un  peu "vous travaillez au KGB?" Et nous n'aimons pas cela du tout, non, cela ne nous plaît vraiment pas, il vaut mieux éviter!"
Je lui ai donné mon livre et il a déclaré: "Ah très bien, j'ai failli attendre!"
Vendredi, j'en ai donc fait la présentation, les Chroniques de l'année 16. Des gens venaient le demander au café déjà dans l'après midi, et j'ai eu plein de monde, des réactions très touchantes, et j'ai vendu beaucoup. Je vais en laisser à Gilles et au magasin de souvenirs de Gleb. Puis je suis allée au restaurant avec Olga, Ghislain, Katia et sa mère, et depuis, j'ai eu sans arrêt des visites. A vrai dire un peu trop.
Il fait enfin beau, très beau. Pourvu que ça dure. J'ai découvert avec ravissement que j'avais un hérisson dans mon jardin. Je me désesperais de ne point en avoir. Eh bien ça y est. Ils trouvent l'endroit habitable. Il faut dire que je garde des taillis, et que j'y jette régulièrement des déchets de légumes ou de fruits. Rita lui aboyait furieusement dessus, il avait très peur, j'ai emmené l'emmerdeuse.




1 commentaire:

  1. Sur le symbolisme ahurissant du hérisson : https://www.luminessens.org/post/2016/06/18/le-h%C3%A9risson. Les froncés ont voté comme on s'y attendait.

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