Hier, j’ai réussi à aller à l’église, à l’office de neuf heures seulement, en hiver, je suis beaucoup plus lente à réagir, et quand il faut nettoyer la neige encore plus, mais nous n’en sommes pas là. J’ai manqué deux dimanches, le premier pour cause de fatigue, le second parce que je suis allée à Moscou et je suis arrivée trop tard à l’église du père Valentin.
La pauvre Katia se fait un
sang d’encre pour Fédia qui a été envoyé sur une position très dangereuse,
et il n’a pas là-bas de transmission internet, elle n’en a pas de nouvelles ... Je demande une fois de plus des prières pour lui. Il dit lui-même que c'est à ces prières qu'il doit d'être encore en vie.
J’ai commencé à apprendre un
Noël que chante le groupe la Chavannée, il me parle profondément, on peut dire
génétiquement. Où sont passés les Français qui se transmettaient ces merveilles
de poésie savoureuse et simple, et ces mélodies qui s’adressent au plus pur et
secret de notre âme ? Quand j’entends ce que les gens écoutent, partout
dans le monde, à la radio, dans leur voiture, j’ai envie de me boucher les
oreilles pour ne pas laisser ces ondes maléfiques perturber mes cellules.
Hier, m’appelle une amie
d’Olia, une certaine Victoria, qui m’avait déjà contactée. Elle est designer à
Moscou et s’intéresse à mes dessins. Elle s’y intéresse tellement qu’elle m’en
a pris deux, et qu’elle m’offre d’exposer dans son studio professionnel fin
décembre et de signaler mes oeuvres sur son site. Je suis ébahie par le succès
qu’elles connaissent tout à coup.
Victoria est très sympathique,
intelligente, nous avons bien discuté. Entre autres, des horreurs que l’on
construit partout. Elle me dit que c’est lié à la modernité, et qu’on est sans
cesse amené, quand on porte les yeux sur
quelque chose de beau, à les détourner aussitôt des monstruosités voisines, il
devient impossible de trouver des endroits intacts, et si cela arrive, on n’est
jamais à l’abri d’un saccage ultérieur. Evidemment, c’est pourquoi la modernité
me paraît globalement satanique, elle est laide et cacophonique, comment pourrait-elle
venir de Dieu ? Katia disait aujourd’hui, à propos de Pereslavl, à une
touriste : «Ici, on voit un petit coin pittoresque, mais tout de suite après,
trash, trash, trash, une belle église, et à nouveau trash, trash, trash, un bout de rivière et encore trash, trash, trash. »
Victoria va régulièrement en
France pour son travail, et lors de ses dernières visites, elle a trouvé que
les choses changeaient terriblement à Paris. Elle va y acheter des tissus
d’ameublement, car ils restent très beaux, et il n’y a pas d’équivalent en
Russie, d’autant plus que les usines qui fabriquaient des tissus de lin ont été
démantelées après la perestroïka et celles qui ont subsisté depuis ferment les
unes après les autres. Ce que j’avais remarqué, car au début de ma vie ici, je
trouvais de jolis pièces de lin dans un magasin de Pereslavl, et il en a de
moins en moins. C’est évidemment consternant, autant qu'incompréhensible.
Elle m’a dit qu’en voyant des photos de moi sur ma terrasse, elle avait pensé un instant que je me trouvais en France, car on ne voyait pas de jardins pareils en Russie. Elle m’a d’ailleurs acheté une vue de mes fleurs pour sa mère. Je ne suis pas très sûre qu’on voit beaucoup de jardins comme le mien en France, encore que je me sois inspirée du « jardinier paresseux » et de la conception écologique du jardin respectueux des êtres vivants qui l’habitent. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir autour de moi un microcosme harmonieux et vivant, avec des papillons, des abeilles, des hérissons, des couleuvres, des grenouilles et des oiseaux. Pas un catalogue de garden center.
![]() |
| le choix de Victoria |
La rédaction de traduction qu'on m'a commandée demande pas mal de travail. Cette dame parle très bien français, mais il y a quelques contresens, il faut lire avec attention, et puis souvent les phrases sont filandreuses et maladroites, à moins de connaître parfaitement les deux langues, c’est fatal quand on ne traduit pas d’une langue étrangère dans la sienne. J’ai beaucoup de pain sur la planche, j’ai aussi les panneaux de Gilles à réaliser, la musique à répéter, car je vais chanter au café, puis à Moscou à la fin du mois de décembre, et au rythme où l’on m’achète des tableaux, je n’aurai bientôt plus rien à exposer, Ioulia vient de m’en retenir encore trois ou quatre... Je suis très heureuse que l’on commence à apprécier mes oeuvres. J’ai toujours travaillé dans une extrême solitude, sauf à New-York, dans l’atelier de gravure de la New-York Students League, où j’étais très appréciée. Si j’avais trouvé le moyen de rester là-bas, je pense même que j’aurais fait carrière, mais ce n’était pas mon destin. Même ici, je connais beaucoup d’artistes-peintres ou graveurs, mais on ne m’avait jamais prise trop au sérieux, parce que je n’avais pas fait leurs écoles, je ne faisais pas partie de leurs cénacles. Cela vient un peu tard, enfin d’un autre côté, trop tard pour que je prenne la grosse tête, et cela me permettra peut-être au moins de ne pas trop manquer d’argent sur la fin...
Sur la chaîne Telegram
Camille_Moscow un extrait d’émission télévisée où encore un soi-disant
spécialiste commente une assertion complètement fantaisiste du « philosophe »
Michel Eltchaninoff dans le Figaro : « Donald Trump a été en quelque
sorte forgé par Poutine. Il est le président dont il a toujours rêvé et il en a
précipité l’avènement .Poutine a créé sa légende, son double carnavalesque, son
double bouffon, de manière à garder une supériorité sur lui ». Dire que ce
bonimenteur hagard descend du père Alexandre Eltchaninoff dont j’avais
tellement aimé le Journal profondément spirituel ! Mais le grand Bernanos
a bien pour arrière-petit fils un sinistre antifa, le lumineux père Alexandre,
lui, a le pitoyable Michel, dont l’imbécilité, la mauvaise foi et la haine
recuite déshonorent ses ancêtres, il aura bien besoin de leurs prières,
cependant, quand il passera de l’autre côté... Comme écrivain de romans d’espionnage
de seconde zone, il ne serait peut-être encore pas trop mauvais, et au moins,
le lecteur serait averti qu’il s’agit de pure fantaisie.
Tous ces "spécialistes" de la
Russie ne reculent devant aucune extravagance, ils inventent absolument n’importe
quoi, et encore trop d’imbéciles avalent et recrachent leur salmigondis avec
beaucoup de conviction. Ce n'est pas que je sois, comme ils disent, "poutinolâtre", mais il faut arrêter de raconter des salades irradiées. Et dire que c’est nous qu’on traite de complotistes...
Si bête et absurde que
tout cela soit, c'est de moins en moins drôle, car il commence à ne pas faire bon exprimer autre chose. On vient d’arrêter
Anna Novikova et Vincent Perfetti qui, depuis longtemps, depuis bien avant l’intervention
russe, rassemblaient et acheminaient déjà de l’aide humanitaire vers le Donbass. Il
est vrai que dès 2013, le Donbass et ses habitants n’avaient pas bonne presse
auprès des grandes consciences. Des sous-hommes, des gilets rouges. Que les
bataillons punitifs ukrainiens fissent des cartons sur eux ne dérangeait
personne, et ne valait pas d’en parler. Mais moi, dès ce moment, j’étais au
courant, je savais, et je criais dans le désert. Et je me souviens de tout.


Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire