Après cette première offensive printanière, la température retombe à - 7, c'est un peu tôt encore, et même, on n'est pas tranquille jusqu'à début avril. Je suis partie promener le petit chien du côté de la source, mais j'ai pris sur la droite, vers le monastère, et je me suis élevée à flanc d'escarpement sur les anciennes berges du lac. Il m'est apparu dans toute sa beauté, avec sa glace laiteuse et phosphorescente sous le ciel foncé, lugubre et grandiose. Tarkovski trouvait des correspondances entre les tableaux de Brueghel et la Russie, la façon dont les arbres se découpaient sur la neige m'a soudain rappelé ce qu'il en disait.
Je ne sais pas si c'est dû au réchauffement suivi d'une nouveau coup de gel, mais je marchais sur une croûte bien solide qui tout à coup cédait et je m'enfonçais jusqu'au genou. Après, j'essayais de ne pas trop appuyer sur un seul pied, de ne pas rester au même endroit. J'ai dépassé une maison moche et prétentieuse solitaire, avec quand même le cabinet au fond du jardin, la fosse septique sera pour les prochaines vacances. Et j'ai vu le monastère se dresser au dessus du champ de neige, précieux, étrange, onirique, un vaisseau fantastique, l'arche qui nous emmènera là où il faut, là où il n'y a ni tristesse ni gémissements, mais la vie éternelle.
Il s'agit du monastère Nikitski, consacré à saint Nicétas le Stylite, dont la source est un peu plus loin. L'archimandrite Dmitri a la réputation d'un saint homme, c'est le père spirituel de mon plombier. L'enceinte du monastère et l'une de ses églises ont été réalisées sur ordre d'Ivan le Terrible, et on y chante encore les stichères et les psaumes qu'il avait composés (je crois que je l'ai déjà dit mais je ne me lasse pas de la présence palpable de cette histoire russe qui me fascine).
Au retour, mon comptable dostoïevskien m'a annoncé qu'il allait déposer ma demande de permis de séjour.
Je ne sais pas si c'est dû au réchauffement suivi d'une nouveau coup de gel, mais je marchais sur une croûte bien solide qui tout à coup cédait et je m'enfonçais jusqu'au genou. Après, j'essayais de ne pas trop appuyer sur un seul pied, de ne pas rester au même endroit. J'ai dépassé une maison moche et prétentieuse solitaire, avec quand même le cabinet au fond du jardin, la fosse septique sera pour les prochaines vacances. Et j'ai vu le monastère se dresser au dessus du champ de neige, précieux, étrange, onirique, un vaisseau fantastique, l'arche qui nous emmènera là où il faut, là où il n'y a ni tristesse ni gémissements, mais la vie éternelle.
Il s'agit du monastère Nikitski, consacré à saint Nicétas le Stylite, dont la source est un peu plus loin. L'archimandrite Dmitri a la réputation d'un saint homme, c'est le père spirituel de mon plombier. L'enceinte du monastère et l'une de ses églises ont été réalisées sur ordre d'Ivan le Terrible, et on y chante encore les stichères et les psaumes qu'il avait composés (je crois que je l'ai déjà dit mais je ne me lasse pas de la présence palpable de cette histoire russe qui me fascine).
Au retour, mon comptable dostoïevskien m'a annoncé qu'il allait déposer ma demande de permis de séjour.