J’ai tout le temps mal
au genou, cela me réveille la nuit et contribue à mon épuisement. Le temps est
abominable, moins deux plus deux, gel, dégel, patinoire, pataugeoire. Plus, comme dit le père Valentin "la nuit polaire": nous sommes dans les parages du cercle du même nom. Les hivers doux et nuageux sont particulièrement ténébreux!
A court d'argent, je revends mon studio, que d'ailleurs, je n'arriverais pas à gérer à distance. L'acheteur, c'est la nouvelle mode, exige un certificat médical pour être sûr que je ne suis ni
gâteuse, ni folle, ni droguée, ni alcoolique, je trouve cela délirant, car chez
nous, soit quelqu’un est officiellement sous tutelle, soit, quelque soit sa vie, sa signature
est incontestable. Cela va m’obliger à encore une démarche épuisante. Il va me
falloir aussi courir à Moscou remettre tous mes papiers à Sacha, l’agent
immobilier, puis à revenir signer, il voulait me faire venir aujourd’hui, mais s’ils tiennent à leur certificat, c’est
râpé jusqu’à lundi.
Dans tout cela, et malgré ma faiblesse et ma flemme, ou ma fatigue, la foi me soutient étonnamment. Je dois en avoir plus que je ne le pensais, car cela me soutient vraiment, avec la perspective de ce que je veux
mettre en place pour faire connaître et développer le folklore et les traditions russes. Je pense être là pour dire aux Russes de s'aimer tels qu'ils sont, au lieu de continuer à prendre l'Occident comme référence. Et puis mon livre, le tsar Ivan.
Parfois, il me semble que son âme me suit et me porte, elle me tourmente,
aussi, mais mon amie Sophie a raison, cette âme a de l’amour pour moi, à sa manière. J’en
ressens la sollicitude réelle et aussi l’exigence
vampirique et séductrice à mon égard. De sorte qu’à mon avis, il était assez proche de ce que je décris, et que plus ou moins son ascendant sur Fédia devait correspondre
à ce que je montre, même si Fédia était probablement plus sauvage et plus
coupable que dans mon livre. Cette communication étrange entre ces âmes et moi me défend tout à la fois de croire en un tsar Ivan saint et irréprochable et en celui de la légende noire instaurée par des racontars ou des exagérations. Je ressens une personne à la fois violente et blessée, dominatrice et fragile, dont le génie politique réel, ou le génie tout court, car le tsar était doué pour bien des choses, était habité par des forces contradictoires: c'était un champ de bataille entre les anges et les démons, ce que nous sommes tous, mais disons que dans son cas, la bataille était plus grandiose, et les enjeux plus sérieux. Les conséquences plus tragiques.
Les libéraux ont
organisé la projection d’un film ukrainien à la gloire des bataillons néonazis
ukrainiens qui commettent des atrocités au Donbass, et cela à Moscou, l’équivalent
serait-il concevable à Kiev ? Parallèlement, le ministère de la Culture a
brutalement fermé le Centre de Folklore et confisqué ses archives inestimables,
de sorte que je me pose vraiment des questions sur les pouvoirs réels de
Poutine ou sur son engagement en faveur des traditions russes et de l’indépendance
de son pays. Le funeste centre Eltsine, en revanche, fonctionne très bien, à
Ekaterinbourg, et travaille à la division de la Russie, à sa mise en cause
permanente, à la calomnie de son histoire, à la destruction de sa mentalité et de son génie propre. Comment ce centre est-il toléré par
Poutine ? C’est un foyer d’infection, installé par les Américains. Comment
cela a-t-il été possible ? Une correspondante russe installée en France me
dit qu’une de ses connaissances russes vomit la Russie, choisit le
catholicisme, proclame que rien de bon ne peut sortir de son pays, qu’il faut
le mettre sous tutelle internationale, bref, le discours libéral empoisonné du
Centre Eltsine. La tradition des occidentalistes qui ont amené autrefois la
révolution, et voudraient à présent achever le travail. Des Russes incapables d’apprécier
leur propre civilisation, prêts à trahir. Je les ai toujours eu en horreur. Que j'ai choisi la Russie ne me fait pas cracher sur la France, ni décréter que jamais rien de bon n'en est sorti. Mais ces "Russes" là ne connaissent pas leur propre pays, leur propre tradition, ni leur propre foi.
En face, nous sommes
divisés entre nostalgiques de Staline et du communisme et nostalgiques de la
sainte Russie. Personnellement, j’étais prête à dépasser ce clivage, mais l’agressivité
de ces néo communistes qui nient effrontément les répressions et les crimes ou
profèrent qu’il n’y en a pas eu assez et qu’il faudrait recommencer m'est
insupportable, et je ne peux pas en passer par où ils veulent, c’est-à-dire
justifier tout cela. Installer une sorte
de socialisme orthodoxe, pourquoi pas ? Mais justifier les crimes, les
massacres, et les destructions inouïes du patrimoine matériel et immatériel,
non.
Soljenitsyne avait
envisagé des solutions russes assez proches de ce socialisme orthodoxe (et des communautés médiévales) dans « Comment
réaménager notre Russie », mais les néocommunistes sont beaucoup trop soucieux de le calomnier, afin de justifier leurs chers massacreurs, pour lire
vraiment ce qu’il a écrit.
Je crains que les
éléments corrupteurs à l’œuvre ne finissent par pourrir la Russie de l’intérieur.
Alors la nuit complète tombera sur le monde. Ce sera la fin.
Et peut-être qu'il doit en être ainsi, avant le second Avènement, mais que notre petit troupeau soit au moins le plus important possible. J'ai lu un post décrivant les atrocités commises envers les croyants au moment de la révolution. Je n'ai pas eu le courage de le traduire et du reste, ce sont surtout les Russes qui ont besoin de le lire. Mais une chose m'a frappée plus particulièrement: des paysans étant venus en foule défendre leur icône de la Mère de Dieu confisquée, on les a mitraillés sans pitié, et ceux qui n'étaient pas encore tombés continuaient à avancer, hommes, femmes et enfants, en invoquant la Mère de Dieu, jusqu'à ce qu'il n'en restât plus un seul en vie.
.В Шацком уезде крестьяне собрались к зданию ЧК выручать конфискованную Вышенскую икону Божией Матери. Красноармейцы открыли огонь по толпе. Очевидец рассказывал: " Я солдат, был во многих боях с германцами, но такого я не видел. Пулемет косит по рядам, а они идут, ничего не видят, по трупам, по раненым лезут напролом, глаза страшные, матери — детей вперед, кричат: " Матушка Заступница, спаси и помилуй, все за Тебя ляжем!" Страха уже в них не было никакого"."
(Прот Владислав Цыпин, ИСТОРИЯ РУССКИЙ ЦЕРКВИ, 1917-1997)
C'était cela, cette moisson de martyrs que faisait le Seigneur dans la montée des ténèbres, c'était cela, la sainte Russie. C'est avec elle que je veux être au jour du jugement. Pas avec ceux qui l'ont martyrisée, ni avec ceux qui la vendent aux Américains. Ceux-là appartiennent au diable, non seulement par leurs péchés, mais surtout par le culte qu'ils lui vouent: adorateurs déterminés de Belzébuth et de Moloch. Les péchés, nous en sommes tous pourris, qu'y faire, sinon confier à Dieu notre pauvre personne dolente afin qu'il la guérisse... Mais se prosterner devant de noires idoles et sacrifier des vies sur leurs autels, cela est grave, cela exige un repentir profond, pas des fanfaronnades ni de nouveaux appels au meurtre ou à la trahison.