Voici le paysage que j'ai découvert ce matin. De la neige, de superbes nuages, une lumière magique.
Ce matin, je suis allée à l'hôpital faire contrôler les choses. Depuis hier soir, j'ai mal, je n'avais pas eu mal après l'opération, mais maintenant, si. "C'est normal, me dit l'infirmière qui me refait les pansements, vous aurez peut-être même un peu d'oedème, mais c'est comme ça." Le docteur Simakov me dit la même chose et me donne rendez-vous dans dix jours. Donc, comme on dit ici: "Supporte, cosaque!"
C'est embêtant, mais pas intolérable.
Je suis allée donner des chocolats et des livres, les miens, à mes compagnes de chambrée. On s'ennuie tellement à l'hôpital, et ce que je peux dire avec assurance, c'est que mes livres ne sont pas emmerdants. Valentina de Serguiev Possad était toute souriante: finalement, le docteur ne va pas la réopérer. Gloire à Dieu! Je souffrais pour elle.
A ma sortie de l'hosto, avant hier, j'ai eu la visite de Kecha que je connais depuis 1990, il avait alors treize ans, un petit surdoué. J'étais devenue amie avec sa mère, Olia, peintre graveur. Il est venu avec sa femme et son petit garçon Kostia, tout aussi surdoué que lui-même. Puis le soir, j'ai été invitée par des Suisses qui viennent pour la deuxième fois ici. Je les avais rencontrés l'année dernière, ils m'avaient dit qu'ils songeaient à émigrer mais voyageaient à droite et à gauche pour choisir le pays. Ils ont des amis russes, et ils viennent d'ouvrir un compte. Les employés de la banque n'en croient pas leurs yeux, car ils ne sont pas les seuls: des Suisses qui viennent mettre leur argent ici et projettent de venir s'installer!
Ils m'ont dit que la Suisse suivait la même pente fatale que le reste de l'Europe. Et que c'était peut-être même pire, parce que les habitants se surveillaient scrupuleusement les uns les autres, collaborant avec zèle à l'asservissement de tous. Sauf dans les zones rurales. Là, ils ont assisté à une manifestation de plusieurs milliers de personnes qui défilaient avec un joug sur les épaules, en faisant sonner en rythme les grosses cloches qui pendaient de chaque côté, et que c'était très impressionnant, mais personne n'en a parlé dans les médias, bien évidemment.
Je lis avec un immense intérêt les Mémoires d'Outre-tombe, quel style, quelle puissance d'évocation! Et je tombe sur ce passage impressionnant:
"Douce, patriarcale, innocente, honorable amitié de famille, votre siècle est passé! On ne tient plus au sol par une multitude de fleurs, de rejetons et de racines; on naît et l'on meurt maintenant un à un. Les vivants sont pressés de jeter le défunt à l'Eternité et de se débarrasser de son cadavre. Entre les amis, les uns vont attendre le cercueil à l'église en grommelant d'être désheurés et dérangés, de leurs habitudes; les autres poussent le dévouement jusqu'à suivre le convoi au cimetière; la fosse comblée, leur souvenir est effacé. Vous ne reviendrez plus, jours de religion et de tendresse, où le fils mourait dans la même maison, dans le même fauteuil, près du même foyer où étaient morts son père et son aïeul, entouré comme ils l'avaient été, d'enfants et de petits-enfants en pleurs, sur qui descendait la dernière bénédiction paternelle!"
Une amie me disait au téléphone hier: "Je suis terrienne, mais les paysans ne sont plus des paysans, ce sont des agriculteurs. Je connaissais dans mon enfance un vieux paysan qui refusait d'utiliser les trayeuses électriques, jouait avec ses vaches, et m'avait dit avec des larmes: "Tu vois, j'ai lutté dans la résistance pour voir mes petits-enfants mettre leurs animaux en camp de concentration."
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