L’incendie d’un centre
commercial à Kemerovo a fait beaucoup de victimes, dont énormément d’enfants,
coincés dans un cinéma, parce que la direction, pour éviter les resquillages,
avait fait barricader les issues. Les règles de sécurité n’ont pas été
respectées, les gens accourus pour sauver leurs proches grossièrement repoussés.
La population est soulevée d’indignation, les fauteurs de trouble en profitent
pour verser de l’huile sur le feu. Chez les orthodoxes, on appelle à la prière
et au silence, et moi, je veux bien, mais ce que je pense du fond du cœur c’est
que les riches en Russie se permettent n’importe quoi avec un rare cynisme et
depuis longtemps. Tous ces demi-bandits ou tout à fait bandits, à moitié
députés, plus ou moins fonctionnaires, tout ce que sous le nom de boyards Ivan
le Terrible empalait joyeusement en place publique, et je commence à le
comprendre. Ce sont les mêmes créatures qui crachent sur « la populace »
russe, saccagent les monuments historiques, placent leur argent à l’étranger,
vendraient père et mère et à plus forte raison leur pays au premier venu. Il me revient en mémoire plusieurs affaires.
Par exemple, le jeune homme tué près de chez Xioucha, alors qu’il marchait
tranquillement sur le trottoir, par un chauffard de la jeunesse dorée qui
conduisait à tombeau ouvert et ne s’est même pas arrêté. Ou la salope, femme d’un
truand local, qui a écrasé un enfant de six ans dont la police prétendait
ensuite sans vergogne qu’il était bourré d’alcool autant qu’un ivrogne le
samedi soir. Il suffit d’acheter, de menacer, et tout s’arrange, pour ces
gens-là. A cela, il faudrait mettre bon
ordre, et d’urgence, et avec décision.
Je regarde avec
consternation tant de jeunes et jolis visages qui ont disparu de cette façon
atroce, parce que de gros requins ne pensent qu’au fric. Un prêtre connu, le père Andreï Tkatchov, a
commenté l’affaire en recommandant aux gens de ne jamais oublier de prier quand
ils vont dans ce genre d’endroits, toujours beaucoup plus dangereux que les
autres. En effet, et même il faudrait les asperger d’eau bénite. Et même ne pas
y aller du tout. Pour deux raisons : cela s’appelle un centre commercial
et un centre de loisirs, c’est à ce double titre un endroit à fuir. Centre
commercial égale temple de Mammon, « consacré » à l’argent-dieu,
destiné à nous en faire dépenser un maximum et à enrichir encore davantage les
sangsues qui en sont les concepteurs et les gérants. Centre de loisirs, de
loisirs de bas étage avec des films de merde et de la musique de merde qui
avilissent et abrutissent ceux qui s’y laissent prendre, la conception même de
loisirs et de centres à eux « consacrés » est une horreur dégradante
qui salope les paysages et pervertit les populations. Le loisir doit être d’une
autre nature. Il doit être en lien avec la nature et notre nature, sans nuire
ni à l’une ni à l’autre.
Il est bien évident
que dans le monde entier, les riches sont devenus absolument infréquentables.
Je suis convaincue que seules les monarchies préservaient les populations de leur
dictature absolue et transnationale. La prise de pouvoir par les bandits et
leurs hommes de main et l’installation de dictatures mafieuses me paraît l’aboutissement
obligatoire du système démocratique qui favorise la division des gens en
factions et en partis, qui encourage les querelles, les calomnies, la presse à
scandale et s’appuie sur les sentiments les plus vils, les plus dégradants. Le
pire des monarques me paraît toujours préférable à un dictateur issu de l’idée
démocratique, et l’on a vu que de n’importe quelle tendance, les dictateurs ont
fait partout beaucoup plus de victimes que n’importe quel monarque du passé. La
démocratie est aux bandits ce que la libération sexuelle est aux pervers et aux
irresponsables : une aubaine, un vivier, un bouillon de culture.
Certains, devant les
excès épouvantables du capitalisme débridé, prônent le communisme, comme s’il
avait été lui-même innocent de tous crimes de masse et de formidables ravages
culturels, quand on ne veut plus de la peste, il faut obligatoirement choisir
le choléra… Pourtant, en l’état actuel des choses, et dans l’impossibilité de
revenir à une situation antérieure plus saine, je préfèrerais personnellement
un retour à une forme de communisme national modéré à ce que le capitalisme
cupide est en train de faire de nos société et de notre planète. Aucun pouvoir
n’a été aussi destructeur ni aussi profondément corrupteur ni aussi dangereux que celui qui s’installe à présent : tout
être resté normal en a les cheveux qui se dressent sur la tête, et comme on dit
ici, nous n’en sommes qu’aux fleurettes, attendez les fruits…
D’autres, des
intellectuels russes, pleurnichent qu’on en peut pas vivre en Russie, j’ai vu
cela, on ne peut pas vivre en Russie, où tout est affreux, épouvantable et sans
espoir, alors qu’en Europe (violons, jazz moelleux, petits oiseaux), alors là,
en Europe, c’est la démocratie radieuse et l’abondance, les lendemains qui
chantent aux terrasses parisiennes ensoleillées, les jolies boutiques et les
parterres de fleurs. Alors, pourquoi suis-je venue en Russie, en dehors de toutes mes raisons personnelles d'aimer ce pays et sa culture ? Parce que
la parenthèse trompeuse de l’Europe prospère est en train de se refermer, et qu’après
avoir mangé le fromage, nous découvrons la nasse où l’on nous a poussés :
nous n’avons plus aucune souveraineté nationale, nous sommes entièrement
inféodés à des puissances visibles ou occultes qui ont décidé de nous faire
disparaître, avec notre culture et notre identité, de nous croiser comme des
vaches avec les taureaux noirs qu’elles font venir par millions sur notre
territoire, de façon méthodique, délibérée, en nous anesthésiant avec une
propagande effrénée accompagnée d'intimidation systématique. Parce que l’avenir
de l’Europe, c’est le Kosovo géant. Parce que les centres commerciaux tuent nos villes, où sur nos places
historiques ne rôde plus qu’une racaille allogène agressive et impudente que
nous sommes censés supporter sans mot dire et à laquelle nos tribunaux et notre
presse donnent systématiquement raison. Parce que cette presse, idéologiquement
ou par intérêt, ne s’occupe plus que de propagande et ment d’une manière
éhontée. Parce que nous ne pouvons plus nous exprimer librement sans risquer l’opprobre
publique et la ruine, sinon l’emprisonnement. Parce que nos enfants seront
pervertis et abrutis dès la maternelle. Parce qu’à force de s’entendre
inculquer des idées absolument contre nature, les européens se sont transformés
en une bande d’idiots hagards dont on fait ce qu’on veut, de véritables fous
grotesques. Parce que nos derniers paysans ont perdu tout lien avec la terre et
la tradition et se suicident en masse. Parce qu’on détruit des églises et
construit des mosquées. Parce qu’on couvre les chrétiens de boue et de
sarcasme, qu’on interdit les crèches et les croix. Parce que ce qui n’est pas
déjà interdit est obligatoire. Parce que nous marchons sur la tête. Parce que nous
ne sommes plus maîtres de notre destin. Parce qu’on nous conduit à l’abattoir, à
la maison de fous et au bordel planétaire, et que l’unique peuple qui résiste
encore, c’est le peuple russe et que la Russie, comme dit le père Basile, est
notre dernière arche. Alors, intellectuels libéraux qui jugez votre peuple « irrécupérable »
au regard des merveilleux critères de l’Europe civilisée, quittez-la donc, cette
arche. Moi, je suis venue aider les Russes qui aiment leur pays à comprendre qu’ils
ont bien raison de le faire et à colmater les voies d’eau.