Les tempêtes de neige se succèdent et je suis restée encore coincée dans une congère, car les rues ne sont pas déneigées, mais je m’en suis sortie toute seule. En principe, maintenant, ce sont les « gels de la Théophanie », et les tempêtes de neige, c’est en février, mais on dirait que tout est décalé. Nous avons de merveilleuses lumières, qui compensent les inconvénients de la neige. Du reste quand elle fond et regèle sans arrêt, c’est pire.
Je me prends la
tête pour savoir si je prends le dernier ou avant dernier petit chien des
voisins, comme ils m’y engagent. Ils ont l’intention d’en garder un qui sera à
la chaîne comme sa mère. Je prendrais volontiers un autre chien, je donnerais
les deux derniers emmerdeurs de chats que j’ai laissés entrer chez moi contre
un chien capable et de nous garder et de repousser tout autre nouveau chat ou
éventuellement des malfaiteurs, mais cette dernière éventualité me fait moins
peur, car je ne me sens vraiment pas en danger, ici. L’idée de voir ce petit
chien à la chaîne quand j’aurais pu le prendre me culpablise déjà. Cependant,
une pesanteur intérieure me retient toujours, je pense à Rosie, à tous les
déboires que j’ai connus, à leur issue malheureuse. En principe, les Pyrénées
sont des chiens calmes et intelligents, mais si ce n’est pas le cas... Et puis
je n’ai plus beaucoup de temps et d’affection en réserve. Je suis vampirisée
par les chats et excédée par leurs disputes autour de moi soir et matin. J’ai
le soupçon que Moustachon a été blessé par le gros squatter qui venait de temps
à autre et maintenant s’incruste, car il en a désormais une peur bleue.
Je vois déjà un ballet de chiens autour de leur chienne, s'ils ne font rien, elle aura au printemps une nouvelle portée...
J’ai vu une vidéo
sur un serial killer américain qui était très beau garçon et avait plein de
groupies qui lui écrivaient des lettres d’amour quand il était en prison et
attendait son exécution. Il avait vraiment un côté ange des ténèbres, une
totale absence d’empathie, un sourire qui fait froid dans le dos et je pensais
à Fédka Basmanov qui était probablement de la même espèce, tout comme son
maître le tsar Ivan, également bel homme. Pourtant, je n’en suis pas certaine.
Natacha, ma rédactrice, croit qu’ils étaient comme dans mon livre, elle me dit
que cela s’est passé certainement plus ou moins de cette manière tant cela
sonne vrai, et je me souviens de cet écrivain belge, Pierre André Mélon, qui m’avait
écrit sans savoir sur quoi portait mon roman, qu’il avait rêvé de moi. Il avait
rêvé que depuis l’enfance, j’étais suivie par l’âme d’un orthodoxe du XVI°
siècle qui était mort tragiquement et dans une grande détresse, et qui attendait
de moi son salut. Et d’autre part, je ne crois pas que le tsar lui-même eût été
complètement dépourvu de sentiments humains. A vrai dire, même Gilles de Rais
ne l’était pas, puisque il avait essayé de délivrer Jeanne d’Arc, qu’il aimait
profondément, et qu’il était allé au bûcher en pleurant de remords et en
demandant pardon aux parents de ses victimes...
La correction du
livre est presque finie, peut-être vais-je enfin le voir paraître, et pouvoir
en faire la promotion. C’est un moment que j’attends depuis longtemps, mais je
le redoute aussi. Au moins ai-je le soutien et la bénédiction de mon père
Valentin. Ce n’est pas rien.
Je pense qu'après, je terminerai mes souvenirs d'enfance mais n'écrirai plus, à part mon blog, et des vers, je reviendrai au dessin, et continuerai le folklore, tout ce qui se passe dans l'immédiat, le contemplatif et le non-dit, ou l'indicible, car j'ai de plus en plus de mal à me concentrer. C'est une conséquence de la covid, paraît-il, de l'âge, probablement, et d'internet. Je passais beaucoup plus de temps autrefois dans une vacuité propice aux pensées, et il me faudra consacrer mon carême de cette année à prendre de la distance.
Pendant ma maladie, j'ai crocheté un rideau anti voisin que j'ai enfin posé. A part le petit carré central, pour lequel j'avais un modèle, c'est une création!
Nil va travailler
chez les balalaïkers, avec lesquels il s’est entendu comme larrons en foire. En dehors de la fabrication, il va faire le représentant de commerce auprès des français, pour des vielles de type européen beaucoup plus abordables et pour les balalaïkas, car la balalaïka peut être utilisée dans d'autres domaines que ceux de la musique traditionnelle, et il est facile d'en jouer. Peut-être pourra-t-il même donner des cours on line, s'il s'y met suffisemment lui-même! La
ville d’Oulianovsk lui a beaucoup plu, comme je le prévoyais, car elle est
suffisemment grande pour offrir des opportunités de vie sociale tout en restant
à l’échelle humaine, et l’équipe farfelue des balalaikers fêtards lui convient
très bien. Ses collègues de l’atelier ne comprennent pas vraiment comment un
Français peut quitter son paradis démocratique opulent pour venir faire des
balalaïkas à Oulianovsk. Ils ne savent pas que le paradis n’est plus si
démocratique et plus si opulent, les légendes ont la vie dure, et en sens
inverse également. Ainsi, dans la dictature sanitaire occidentale française
délirante qui n’a désormais plus d’égale qu’en Chine et en Australie, on me
demande si Poutine est vraiment le dictateur féroce que la télé représente...