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mercredi 15 mars 2017

Avec Ilya à Yaroslavl


L'ours est l'emblème de Yaroslavl, car c'est après
avoir triomphé d'un ours que Yaroslav le Sage a décidé 
de fonder la ville à l'endroit de cet exploit.

Ilya, le gentil comptable, m'a emmenée au service de l'immigration à Yaroslavl. Nous avons traversé d'immenses étendues de bouleaux et de sapins aux pieds desquels s'étend encore une neige lépreuse, dans une lumière omniprésente et surnaturelle, des villages avec encore de jolies isbas, celui où l'on vend sur le bord de la route d'abominables peluches géantes aux couleurs flashy, probablement made in China, et celui où l'on vend des tresses d'oignons qui sont, pour une raison inexplicable, les meilleurs de la région. Puis nous avons vu de loin le kremlin de Rostov le Grand, un amoncellement de clochers et de bulbes, puis avant Yaroslavl, une raffinerie géante. Ilya m'expliquait que sa grand-mère paysanne n'avait jamais aimé le pouvoir soviétique: "Les gens s'en sortaient plutôt bien, avant la révolution, son père avait des terres, du bétail, sept filles, et tout le monde vivait, il est vrai, en travaillant dur, mais quand les bolcheviques sont arrivés au pouvoir, on a tout pris à tout le monde. Moi, je suis pour la petite économie traditionnelle, pour que tout le monde vive de son travail honnête, dignement et modestement, pour qu'on nous laisse tranquilles. Nous sommes arrivés ces dernières décennies à avoir quelque chose à nous, peut-être pas autant qu'en Europe, mais c'est la première fois depuis presque un siècle que nous travaillons pour nous, et les gens ont une peur terrible de perdre le peu qu'ils ont.
- Oui, ils sont coincés entre les libéraux qui voudraient les vendre au capitalisme international et les néo staliniens qui voudraient restaurer l'URSS... Ce qui prouve bien que tout cela fonctionne en symbiose. Et Poutine?
- S'il n'était pas là, ici ce serait l'Ukraine, mais évidemment, parfois, on voit prendre des mesures qu'on a du mal à comprendre, et je me demande si, dans tous les pays, ils ne sont pas liés par des accords financiers secrets dont nous n'avons pas connaissance et qui permettent de nous fourguer tout à coup des lois aberrantes.
- C'est bien possible, car nous avons affaire à une toile d'araignée, à un cancer universel."
Le service d'immigration est dans une arrière-cour boueuse, bien caché. Nous avons trouvé des gens qui attendaient, mais rien à voir avec les queues dans l'énorme usine à permis de séjour de Moscou, perdue dans un village lointain. Nous avons été reçus par une femme bienveillante qui nous a donné bon espoir, et nous allons essayer d'obtenir une entrevue avec le fonctionnaire qui décide avant mon départ pour la France. 
En sortant de là, nous avons fait un peu de tourisme, car Ilya a fait ses études à Iaroslavl, il connaît bien. J'avais déjà entrevu trois fois, notamment le quai au dessus de la Volga, déjà large et venteuse, complètement dégagée de son armure de glace. Yaroslavl est une très jolie ville, presque intacte et bien tenue, avec de ravissantes maisons du XVIII°, du XIX°, comme partout en Russie, de l'art nouveau. C'est une sorte d'Europe provinciale paisible au bout du monde, perdue dans l'immensité septentrionale, et il y fait nettement plus froid qu'à Pereslavl. Partout des églises de toutes les époques, si féeriques, et avant la révolution, il y en avait beaucoup plus. Des petits magasins aux vitrines de bon goût, des cafés, des restaurants. Nous avons d'ailleurs décidé d'aller manger ensemble, le froid et les émotions, ça creuse. 
Le café s'appelait Cuba, et la bouffe était très bonne, fraîche, j'ai même eu un menu de carême, salade verte, champignons, pommes de terre et pignons de cèdre, et du gâteau aux carottes avec de la confiture. Ilya m'a parlé de ses parents, médecins à Pereslavl. Ils vont faire du tourisme au Vietnam et ne sont pas sortis de Russie depuis les années 80. "Ils étaient partis au Laos, dans le cadre de l'aide soviétique aux pays en voie de développement. Nous avions construit là bas un hôpital splendide, comme nous n'en avions pas alors en Russie, et les médecins y étaient dix fois mieux payés que chez nous, où ils touchaient un salaire de misère, c'est d'ailleurs pour cela que mes parents sont partis, nous laissant deux ans à notre grand-mère, nous ne les voyions qu'un mois par an. C'était typique de notre politique d'alors: en mettre plein la vue aux pays sous-développés qui prenaient l'URSS pour un paradis, au lieu de faire chez nous des hôpitaux convenables et de payer les médecins normalement."
Puis il m'a parlé de son grand-père:"Il a fait toute la guerre comme cavalier, avec un sabre, comme au temps de la guerre de 14. Mais il n'est rentré qu'en 46, parce qu'on l'avait envoyé nettoyer les partisans de Bandera, en Ukraine. Un jour, il a été blessé dans un cours d'eau et se serait noyé, mais c'est son cheval qui l'a sauvé. Il s'est placé de manière à pouvoir le soulever et l'a emporté jusqu'aux habitations les plus proches. Il est parti à 19 ans pour la guerre, un beau garçon, et en 47, il avait l'air d'avoir plus de quarante ans, vous voyez ce que cela vous fait, la guerre..."
Yaroslavl, mis à part la rudesse du climat, c'est un endroit pour des Français, c'est à leur échelle, cela garde un charme désuet, une grande poésie, on a envie d'y flâner, on y verrait bien un salon de thé ou un restaurant français, ou une boutique de déco. En réalité, la ville est très grande, Ilya n'était pas très sûr, mais dans les 800 000 habitants, mais comme souvent ici, cette population est répartie sur une grande surface, sur des quartiers nouveaux, ou des quartiers de petites isbas, séparés par des bouts de forêt. Le centre historique m'a paru de la taille d'une petite ville française comme Montélimar ou peut-être Valence.


Le débarcadère et la Volga

Le kiosque du gouverneur. Il y a dans l'air quelque chose qui évoque le film
"Cruelle romance"

On appelle cette rue l'Arbat de Yaroslavl, elle est très animée en été, avec des vendeurs de tout et n'importe quoi et des artistes de rue.

café Gavroche!


                                             Romance cruelle

samedi 11 mars 2017

"La beauté est en train de quitter notre monde"




Andreï Kotov interprète "le pauvre pécheur" à 
la vielle à roue


On disait parmi mes amis cosaques que la vielle à roue serait venue en Russie avec les cosaques que Louis XIII avait recrutés pour guerroyer en Espagne. En tous cas, on n'en trouve pas trace en Russie avant le XVII° siècle. Les cosaques l'ont adaptée à leur manière et elle est connue sous le nom de "donskoï ryleï". Ils l'utilisaient plutôt pour des chants héroïques ou épiques. La vielle ordinaire, très simple par rapport à la vielle européenne, était utilisée, comme chez nous au haut moyen âge, pour accompagner des chants religieux populaires dits "vers spirituels", une spécialité russe dont je ne trouve presque pas d'équivalent français pour l'instant (si quelqu'un en connaît, je suis preneur). Il semble que cela existe en Grèce et en Serbie, et il y a des chances pour que les Bulgares et les Roumains connaissent aussi. En France, les chansons populaires à thème religieux me semblent plus anecdotiques, dramatiques et moralisantes. Il y a dans les vers spirituels russes quelque chose de profondément métaphysique et méditatif. Ils existaient naturellement avant l'arrivée de la vielle, mais avec la vielle sont apparus les vielleux aveugles qui chantaient ce répertoire au seuil des églises et parcouraient les campagnes en mendiant. Ces chants résonnaient partout, parlant aux gens d'un autre monde, des anges qui attendaient leurs âmes à l'issue de leur existence terrestre, et les incitant au recueillement et à la miséricorde. Ils se transmettaient oralement depuis des siècles.
C'est actuellement ce qui m'intéresse le plus, dans le folklore russe, et j'avais même commencé à faire des adaptations de ces chants, car ils supportent très bien la traduction, et il semble qu'ils sont issus de notre propre moyen âge. Il me semblait intéressant d'en faire profiter les orthodoxes français.
J'ai rencontré, en prenant congé de Skountsev, le folkloriste Starostine qui venait s'entretenir avec lui. Comme Skountsev lui parlait de mon engouement pour ce répertoire, il m'a dit: "Vous savez que dans les années 30, le pouvoir stalinien avait convoqué un congrès des vielleux de Russie, pour pouvoir les arrêter et les fusiller tous? L'essentiel de leur chants a
 disparu avec eux, et il nous en reste peu en comparaison de ce qui existait."
Il y a quelques jours, dans un fil de discussion sur facebook, un stalinien m'avait informée que j'étais "victime de la propagande occidentale", et que l'URSS était "l'apothéose de l'histoire russe." Les paysans massacrés, spoliés, affamés, n'étaient que des koulaks, c'était bien fait pour leur gueule, d'ailleurs, comme me l'avait expliqué un étudiant communiste français qui m'espionnait lors de mon premier séjour surveillé à Moscou en 73, "on était bien obligé de les éliminer, les paysans ne comprennent rien aux révolutions". Apothéose de l'histoire russe... C'est-à-dire que cette période où l'on a amené ce peuple à renier tout ce qui faisait son génie sous peine de mort ou de déportation est considéré par certains mutants post-soviétique comme l'apogée de leur histoire. Une période où l'on a détruit, en plus des vies et des destins sacrifiés, des quantités extraordinaires d'objets culturels, d'églises, de palais, d'icônes, en saccageant l'environnement de ce qu'on laissait subsister pour les touristes. Cela peut être lu dans un livre officiellement publié à l'époque soviétique "les planches obscures" de Vladimir Solooukhine. Ce n'est pas de la propagande occidentale, cela ne sort pas du rapport Khroutchev, que l'on m'agite aussi sous le nez et que je n'ai jamais lu, en revanche, j'ai entendu maintes fois le genre d'informations que m'a donné Starostine à propos des vielleux. Ce qui s'est fait encore de beau sous l'URSS était de l'ordre de la survivance ou de la clandestinité, totale ou partielle. La culture populaire a bénéficié de l'étanchéité des frontières, qui l'a soustraite à l'influence consumériste américaine, mais elle était méprisée et reléguée au fond des campagnes, le folklore officiel exhibé étant une recréation complète bien toilettée pour cette culture de musées qui tue la culture vivante dans tous les pays où elle sévit. Lors de mon premier séjour en Russie, j'ai passé une semaine à pleurer sans arrêt: je ne voyais que laideur et profanation, là où les voyageurs occidentaux avaient décrit une ville féerique, et passait mon temps à écarter mentalement les objets hideux qui semblaient monter la garde autour de tout ce qui subsistait encore de poétique, généralement dans un état délabré. Que quelque chose ait survécu malgré tout me paraît un miracle, que j'attribue à l'Orthodoxie et à ses saints martyrs, l'Orthodoxie étant pour beaucoup de Russes le seul élément traditionnel qui les raccroche à leur véritable identité et aux sources vives qui irriguaient leurs ancêtres. 
Naturellement, ce phénomène ne se limite pas à la Russie. Il a fallu pour tenter d'assassiner ce pays vivace déchaîner, avec une rare et méticuleuse méchanceté, une épuration implacable et prolongée, pour un résultat finalement moins réussi, si l'on peut dire, qu'en France, où la catastrophe est d'une part plus ancienne, et le travail satanique plus insidieux. Chez nous, le décor reste là, les châteaux, les églises, les jolis villages, mais la mentalité qui a présidé à leur jaillissement a été complètement extirpée par la République et le consumérisme, sans l'appui pour la population, d'une Eglise ferme et traditionnelle, puisque le catholicisme a démissionné devant le modernisme.
Je comprends, dans cette perspective, l'opinion du père Séraphin de Valaam, starets français qui a choisi de s’installer là bas, opinion selon laquelle la société russe est très malade. Oui, elle est malade, moins que la nôtre, mais elle est malade, toutes les sociétés actuelles sont profondément malades du même virus qui s'appelle progressisme matérialiste mondialiste quelle que soit la forme qu'il prend pour tromper nos anticorps et les détruire les uns après les autres, ces anticorps qui nous unissent, au lieu de nous séparer, et nous relient à nos ancêtres depuis la nuit des temps, qui nous évitent de prendre des vessies pour des lanternes et nous élèvent l'âme et l'esprit.
J'espère, après ma mort, que Dieu m'ouvrira les portes de la maison sainte Russie, que les adorateurs de Staline et autres bourreaux aillent les rejoindre dans le paradis bétonné de l'URSS, si c'est leur choix. Ils ne sauront même pas qu'ils se trouvent en enfer, tant il leur est devenu consubstantiel.
Comme je parlais de tout ceci à mon père spirituel, il s'est exprimé de façon claire: "Staline était un monstre dont le seul mérite fut d'avoir éliminé toute la clique de Lénine et Trotski." Puis il a ajouté: "J'ai connu une vielle dame qui avait quinze ans au moment de la révolution et m'a dit: quand tout cela est arrivé, j'ai tout de suite compris que la beauté était en train de quitter le monde".
  Impression qui fut la mienne dès l'enfance. Mais le monde dans lequel je suis née était déjà bien abîmé.



Vladimir Skountsev sur une vielle cosaque, avec son fils Fédia
Chanson héroïque des cosaques du Don
"Ce n'est pas le faucon qui s'envole avec l'aigle"

Le pauvre pécheur

Allait et venait ce pauvre pécheur 
De par le vaste monde

Vinrent à lui, pauvre pécheur,
De braves gens qui lui dirent:

 Qu'as-tu besoin, pauvre pécheur,
De tout cet or et de tout cet argent?

De tout cet or et de tout cet argent,
De tous ces beaux vêtements?

Tu n'as besoin ni des uns ni des autres
Tu as besoin de quelques pieds de terre

De quelques pieds de terre, pauvre pécheur,
De quatre planches et d'une poignée de clous.


vendredi 10 mars 2017

Mois de mars, calendrier de Constantin Soutiaguine

Skountsev m’a reçue dans son studio de l’Arbat, car il avait un concert et ses activités avaient déplacées à samedi, ce que j’ai appris dans le bus pour Moscou. Je lui ai chanté une complainte bretonne qui est ce que je connais de plus proche d’un vers spirituel russe, sur le plan du contenu, « la Vierge et saint Jean Baptiste ». Et puis une autre chanson, de Picardie, «Jésus Christ s’habille en pauvre. » Cela lui a beaucoup plu, et j’ai vu que cela lui donnait aussi des idées. Il a observé que j’avais fait des progrès, pour les gousli, et il voulait m’accompagner à la vielle à roue, mais comme cela se produit avec cet instrument capricieux, il n’arrivait pas à l’accorder, et il a laissé tomber, car cela prenait trop de temps. 
C’était le printemps. Au dernier moment, à Pereslavl, j’ai renoncé à prendre ma doudoune, et enfilé un manteau en polaire que j’avais abandonné depuis l’automne. Il y a trois jours, nous avions encore des chutes de neige et des températures négatives. Hier, à Moscou, il devait faire pas loin de 10°, il y avait du soleil, les gens avaient comme moi ressorti des vêtements plus légers. Les rues et les trottoirs sont débarrassés de la neige, on marche à pied sec, et le plus étrange, c’est que les décorations de Noël sont toujours partiellement en place, les arbres lumineux de l’Arbat, par exemple. Le printemps, en Russie, vient toujours très brusquement, mais c’est encore très tôt, et nous aurons sûrement des retours provisoires de l’hiver…
J’ai voulu donner de l’argent à une vieille femme qui mendiait, elle a refusé, car je suis moi-même une vieille, elle ne s’adresse qu’aux jeunes qui travaillent encore. J’ai insisté, mais rien à faire. Elle mendie pour payer les charges de son appartement, qui se montent à 500 roubles, ce que j’aurais pu facilement lui donner. Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas trop de mal à les rassembler. Sa terreur est de perdre son logement, et elle ne fréquente personne, les gens lui semblent tous susceptibles de l'exproprier, car elle n’a plus de parents qui puissent la défendre. Je l’ai adressée à notre père Théodore, dans notre église voisine, c’est sa vocation que d’aider ceux qui sont dans la détresse matérielle.
A mon retour de l’Arbat, j’ai accompagné Xioucha chez les Soutiaguine, c’était l’anniversaire de Sveta. Nous sommes arrivées si tard, que nous avons croisé leurs hôtes précédents, leur fille Macha et son mari, et le peintre Sacha Chevtchenko, que je n’avais pas vu depuis longtemps, et que j’aime bien. Nous nous sommes retrouvées dans leur pièce encombrée, aux murs couverts de tableaux. Ils habitent encore dans un appartement communautaire. Ils louent une des chambres pour leurs filles, ce qui leur donne plus d’espace, et ils auraient acheté une pièce qui est à vendre, mais manquent d’argent, la dernière pièce est encore occupée par un voisin, pas trop bienveillant, comme cela arrive souvent dans ce genre de logements.
Ils se sont montrés, comme à leur habitude, enjoués, drôles et chaleureux. Soutiaguine nous a chanté une extraordinaire chanson de truand sur « le beau ténébreux, prince de la pègre, qui avait séduit la belle Nina, la fille du procureur, et la tenait entièrement en son pouvoir ».  Il l’a chantée avec beaucoup de sentiments, et c’était un chef d’œuvre, qui m’a rappelé le répertoire du cosaque Iouri Chtcherbakov.

Nous avons évoqué Staline, à la suite de ma discussion sur Facebook à ce sujet. Il pense que sans nier les horreurs commises, on pouvait lui concéder qu’il avait ramené l’ordre, éliminé les bolcheviques et les trotskistes, gagné la guerre (mais je trouve discutable de lui en attribuer le seul mérite) et permis d’amorcer un processus de russification du communisme. C’est en effet ce qu’on peut lui concéder, et que je lui concède pour ma part.
Nous avons observé que se forme, quand un groupe prend le pouvoir avec un objectif idéologique ou politique implacable, une entité maléfique qui dévore tous ceux qui en font partie, comme ceux qui en sont  victimes: les torts sont partagés par l'ensemble des membres du groupe, qui s'entraînent et se tiennent les uns les autres, de sorte qu'il n'est plus possible à un seul d'entre eux de s'échapper ou de revenir à plus de modération, phénomène auquel je me suis intéressée à propos  de l'Opritchnina d'Ivan le Terrible. Mais que les crimes soient le fait de plusieurs ou d'un seul, ils restent à mes yeux injustifiables.

Sveta

Kostia


mardi 7 mars 2017

8 mars


Le monastère Goritski vu depuis la garnison
Lioudmila, ma rencontre du monastère Feodorovski, m'a invitée, aujourd'hui, veille du 8 mars, à un concert. Je croyais que c'était celui de l'ensemble cosaque local, avec sa fille, mais c'était celui de la garnison de Pereslavl, dans la salle des fêtes du quartier militaire, avec des soldats partout, c'était bourré, plus une place de libre, mais dès que je me suis avancée, quelqu'un s'est levé pour faire asseoir l'ancêtre.
Le concert était très touchant, et me rappelait le style music hall des années 50, avec une couleur russe et martiale. Il s'agissait de fêter les femmes et mères des militaires, à l'occasion du 8 mars, et aussi les femmes qui travaillent dans l'armée et à qui on offrait des cadeaux.
Le 8 mars, une femme ne peut pas faire un pas sans que tout le monde lui souhaite sa fête, et parfois lui offre des fleurs, même des inconnus. Le colonel qui présidait aux réjouissances évoqua les femmes en ces termes: "On prend le petit-déjeuner, les enfants dorment, on revient le soir, le repas est prêt, les enfants dorment déjà, c'est là notre vie, et comment y ferions-nous face sans votre soutien attentif?"



lundi 6 mars 2017

L'amour et le pardon.

Depuis déjà quelques temps je remettais à plus tard la traduction d'une homélie du métropolite Antoine de Souroj, dont l'élévation spirituelle et la profondeur convenaient parfaitement au début du Carême, car elle nous fait entrevoir ce que c'est que le repentir, pourquoi nous devrions tous l'éprouver, pourquoi l'éprouvent plus que nous les personnes, à l'image du métropolite Antoine, les plus saintes et les plus spirituellement accomplies.
J'ai de façon sporadique des altercations avec des révisionnistes staliniens qui voudraient me convertir à leurs vues avec un zèle de commissaire du peuple, assimilant l'anticommunisme à de la russophobie, et l'un d'eux m'a défini la période soviétique comme "l'apothéose de l'histoire russe", en dépit de ses innombrables martyrs et dommages culturels, par élimination des éléments les plus cultivés et les plus capables dans toutes les couches de la population, et par destruction pure et simple et à grande échelle du patrimoine, églises, palais, icônes, traditions. Je me refuse à faire fi de tout cela et à piétiner les tombes de tous les innocents qui ont fait les frais d'un Moloch idéologique implacable. Ces staliniens qui me reprochent de ne pas comprendre la Russie parce que je ne partage pas leur enthousiasme pour leur idole, ignorent complètement la notion de sobornost, pourtant déterminante pour saisir les profondeurs de l'âme russe et sa spiritualité, mais de quelle spiritualité pourrait-il être question chez des idéologues bétonnés?
L'homélie du métropolite Antoine relève de cette notion de sobornost, cette communion et cette solidarité entre tous les êtres humains dans la chute et la rédemption, et si Staline et sa politique sont absolument injustifiables, pose la question du pardon qu'il faudrait cependant, en tant que chrétiens, pouvoir lui accorder, et des limites de notre amour ordinaire. Le pardon n'est pas du tout une notion bien considérée en Occident, où l'on ne cesse d'instruire des procès à sens unique et de pousser des clameurs vengeresses, mais le pardon répare, et je reste encore impressionnée par celui que Iouri Iourtchenko avait accordé au bourreau ukrainien qui l'avait torturé pendant dix jours, et qui, fait prisonnier, le lui avait demandé depuis sa civière.
Pardonner n'est pas justifier, réussir à aimer un monstre d'un amour christique n'est pas la même chose que d'en faire un héros. Ceci précisé, il faudrait en effet, réussir ce tour de force, car notre salut ne se fait pas dans l'isolement et la division, mais dans le rassemblement et la communion.
Devant l'ampleur de la tâche et notre incapacité à correspondre à cet impossible, à cet énorme amour divin, on conçoit que nul d'entre nous ne puisse s'abstenir de se repentir.
Je mets toujours un cierge à saint Silouane en lui demandant de m'aider, sinon à aimer mes ennemis, du moins à ne pas les haïr.




Des ans l'irréparable outrage

L'hiver revient, mais pas pour longtemps, demain, réchauffement, fonte de tout ce qui sera tombé aujourd'hui. Le mois de mars est vraiment difficile à vivre, ici. Il faut profiter de cette moquette blanche et propre qui s'étend partout pour marcher d'un pas sûr, et aller se promener, ce que j'ai fait ce matin avec le petit chien. Je voulais acheter ciseaux, fil, aiguilles, centimètre, tout ce qu'il fallait pour raccourcir les rideaux offerts par Liéna Asmus, mais plus de ciseaux, plus de centimètres, jusqu'au 20 mars, la gestion des stocks est inconnue au bataillon. La jeune mercière me fait cadeau de son propre centimètre... en revanche, pour les ciseaux, c''est râpé.
Dans le parc, près du café français, m'aborde un bonhomme qui a dû être beau, nez aquilin, yeux clairs, mais l'alcoolisme (me semble-t-il) et l'âge ont fait leur oeuvre. Si je croyais ne pas faire le mien, d'âge, il a eu vite fait de mettre fin à cette illusion: "Vous avez combien, dans les 65 ans?
- Tout juste.
- Moi aussi, je suis de 49."
Oui, eh bien ça fait un peu plus, pépère. Je l'aurais rencontré avant la bouteille et les ravages des ans, cela aurait-il pu coller? Peut-on encore s'aimer quand de part et d'autre ne subsistent que des ruines? "Mon Dieu, me dis-je, quand je serai dans l'éternité, je serai jeune à jamais, j'aurai l'âge de mon âme!" Mais là bas, tout est si différent, sans doute, que cela donne le vertige quand on tient trop,à la terre. Etre jeune me fera une belle jambe... Mais si, ça compte, ça compte de ressembler à ce qu'on est dans la conception de départ, et non dans son état usé, défiguré, rapiécé. Le vieillissement, me disait le voisin du père Valentin, l'oncle Slava, c'est quand les cellules perdent la mémoire de ce qu'elles doivent reproduire. Alors la Mémoire Eternelle ne va pas oublier la gueule que j'avais à 20 ans, quand je me demandais celle que j'aurais à 60...
Au café, je prends la tartine de légumes et des pâtes de fruits, avec un thé vert au citron. Carémique. Je ne sais pas ce qui me prend, à mon âge, de suivre ça ric rac! Ce doit être l'ambiance...
Au retour, je tombe sur le Serbe qui est toujours à côté de la quincaillerie: "Qu'est-ce qui se passe chez vous, en France, c'est quoi, ça?
- C'est, mon ami, la transformation progressive de notre pays en Kosovo ou en Ukraine, je m'y attends depuis que l'OTAN a détruit le vôtre.
- Oui... Et cela me fait de la peine de vous le dire, mais vous ne l'avez pas volé!"
Cela me fait de la peine de l'admettre, mais en effet. Moi, j'étais en Russie, mais dans l'ensemble, tout le monde a gobé la légende des vilains Serbes qu'on distillait sur tous les médias de France et de Navarre. J'ai connu en stage une enseignante qui, en poste à Belgrade et rapatriée, se faisait traiter comme une pestiférée parce que sa version des choses ne ressemblait pas à la version officielle.

c'est à ce tableau d'Olga Kalashnikova que ressemble Pereslavl au mois de mars


dimanche 5 mars 2017

Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie

Le triomphe de l'Orthodoxie commémore la victoire de l'Eglise sur l'hérésie des iconoclastes, qui considéraient les icônes comme des idoles, et en ont fait disparaître un très grand nombre. On ne trouve pratiquement plus d'icônes antérieures à cette hérésie ailleurs qu'au monastère sainte Catherine du Sinaï.
Je suis retournée au monastère Fiodorovski, et à son petit café. La moniale de service, soeur Larissa, apprenant que j'étais française m'a d'autorité conduite à une jeune femme, Lioudmila, qu'elle a chargée de m'amener au réfectoire. Celle-ci m'a prise par le bras et ne m'a plus lâchée de la journée.
Le réfectoire m'a rappelé Solan, bien qu'il n'ait rien en commun avec celui de mon monastère français, mais c'est plus ou moins le même rituel, le repas en commun, la lecture à voix haute, en l'occurrence le baptême de la Russie à Kiev, saint Vladimir et les autres saints princes qui ont suivi. L'higoumène est la mère Varvara.
Après, nous sommes retournées au petit café, où j'ai acheté du miel, de la tisane, des pâtisseries carémiques. La soeur Larissa m'a déclaré que si j'allais dans un monastère grec en France et que j'avais pour nom orthodoxe, comme elle, Larissa, c'était la volonté de Dieu qui m'avait conduite à saint Théodore, car Larissa est un nom grec. Elle m'a fait du café, et m'a donné tout un tas de trucs.
Lioudmila est en relation avec le kazatchetsvo, la communauté cosaque locale, et m'a dit que j'y trouverais tout ce qu'il me faut dans le genre chants populaires et vieille Russie. Et sans me lâcher le bras, elle m'a entraînée chez elle.
Là elle m'a fait du thé, et servi encore des pâtisseries et confiseries carémiques mais caloriques. Elle habitait avant près de Vladimir mais se sent chez elle à, Pereslavl. "Je suis contente de vous avoir rencontrée, me dit-elle, je n'avais personne à qui parler de choses spirituelles." Elle m'a donné beaucoup de conseils et elle m'a complètement prise en main: les démarches administratives (elle est juriste), les pèlerinages, offices et processions locaux, les magasins moins chers, les marchés.
Elle a une fille ravissante et une vieille mère (de mon âge) qui croit elle aussi qu'elle a vingt ans et qu'elle peut éviter de se faire materner par une fille orthodoxe attentive.
Lioudmila est d'une famille de "koulaks" cosaques, des gens qui avaient une exploitation agricole prospère avant la révolution, dix enfants, et travaillaient dur. On les a naturellement spoliés et persécutés. Sa grand-mère, pendant la guerre, a été enlevée par les Allemands et expédiée en Allemagne pour y travailler. Au retour, elle a dû dissimuler ce fait, puisque être fait prisonnier était considéré comme une trahison par le pouvoir soviétique et que ceux qui revenaient de captivité ou s'évadaient étaient bons pour le Goulag.
Comme j'utilisais un mot qui faisait référence au diable, Lioudmila m'a interrompue: "Ne dites pas cela, car prononcer son nom, c'est le faire venir."
Elle pense (comme moi d'ailleurs) que les derniers temps sont arrivés et que nous en verrons l'aboutissement de notre vivant.
Elle a tenu à me donner un pot de confiture, de la salade de chou, un pot de conserves de courgettes à la tomate, des prosphores et de l'eau bénite, et m'a escortée jusque chez moi, pour m'éviter de porter tout cela et m'empêcher de glisser sur la glace. J'avais l'impression d'avoir rencontré un ange gardien, et d'ailleurs, elle me répétait que tout arrivait par la volonté de Dieu, y compris les Français à Pereslavl.
Hier, j'ai enfin attaqué mon icône du saint tsar Théodore, et l'ai faite très facilement, elle venait toute seule. Je me suis rendu compte que c'était justement la saint Théodore Stratilate, patron du saint tsar lui-même. Il me paraît significatif que les deux dynasties russes se soient terminées l'une par un tsar "bienheureux" et l'autre par un tsar martyr.





mercredi 1 mars 2017

Les freux sont arrivés

Le 1° mars est en Russie le premier jour du printemps, dont la venue est symbolisée pour tout le monde par le célèbre tableau d'Alexeï Kondratievitch Savrassov: les freux sont arrivés.

Les freux sont arrivés. Alexeï Savrassov
Outre que j'aime énormément ce tableau, j'ai eu la même vision, en allant faire une course, les mêmes oiseaux, au faîte d'un bouleau: les freux sont arrivés.
La neige fond, un glacier descend de mon toit. La glace aqueuse dérape sous les pas, comme du savon, le vent est mou, humide. Il faut avoir le pied marin.
En route, je vois venir à ma rencontre un bonhomme souriant qui m'aborde de but en blanc: "Je viens de me faire arracher une dent à la polyclinique!
- Ah bon, et ça vous a fait mal?
- Non, pas du tout, rien senti!"
Je crois qu'il était tellement soulagé qu'il lui fallait l'annoncer à la première personne qu'il rencontrerait. Obligeamment, il m'informe que la providentielle polyclinique se trouve au coin de la rue, c'est bon à savoir.
"Je n'ai plus de dents, me dit-il en me serrant l'épaule, la vieillesse, ce n'est pas la joie!"
Il s'éloigne en laissant une odeur de vodka dans son sillage. Il avait dû picoler pour se donner du courage, le pauvre homme!

lundi 27 février 2017

Maslenitsa et dimanche du pardon

Marina Skountseva
J’ai passé quatre jours à Moscou pour fêter la maslenitsa, le carnaval russe, d’abord une magnifique répétition chez Skountsev à l’Arbat, puis à l’église saint Dmitri Donskoï. La fête elle-même était décevante, car les Skountsev étaient sur scène, avec une sono assourdissante, les gens ne connaissent plus les jeux ni les chants, et c’est une façon de les leur apporter, mais ils ont du mal à participer, car on ne s’entend pas chanter, tout cela devrait être d’abord pratiqué en famille. Tout le monde devrait s'y mettre, il ne devrait pas y avoir de scène, mais des gens qui font de la musique, chantent, dansent et jouent tous ensemble.
Il faisait très beau, avec un soleil et un air vifs, et l’on pouvait voir déjà les bourgeons gonfler, et les branches se colorer. Elles deviennent jaunes ou rouges, les arbres commencent à se réveiller, et parfois, dans le vacarme de la sono, je me débranchais de mon environnement pour contempler ces ramures dorées sur les sapins sombres, le ciel très bleu, et les joyeux nuages aux robes volantées d’argent.
Ce vacarme est très regrettable, car l’intérêt du folklore, des voix et des instruments traditionnels, c’est que leur son est naturel et subtil, il est à l’échelle humaine.
Les petites dames de notre cours avaient mis de jolies jupes dans le style russe, et des foulards noués avec art. Elles m’ont accueillie à bras ouverts. Souvent, ici, les gens vous aiment au premier regard, et ne se posent plus de questions ultérieures.

Le recteur de la paroisse nous a invités à prendre un repas très copieux avec lui. C’est un prêtre majestueux et autoritaire qui a été entraîneur de l’équipe olympique. Tout brille de propreté. Tout le monde s’acquitte de sa tâche avec diligence et file doux. Il a grandi dans le chant traditionnel et considère les activités de Skountsev comme une thérapie psychologique et spirituelle. De même le sport, et les activités culturelles pratiqués dans le cadre de « l’école du dimanche ». Aussi a-t-il privilégié l’aménagement du centre nécessaire à la mise en œuvre de tout cela, alors que l’église est encore une sorte de préfabriqué, mais la construction de l’église définitive est en cours.
Plus que la fête elle-même m’ont intéressée les répétitions. Skountsev et sa femme Marina ont fait une démonstration des principes de la danse russe authentique à un groupe d’adolescents. Au début, tout le monde était coincé. Skountsev a pris son accordéon, et a commencé à expliquer en riant aux garçons : « C’est tout simple, la danse, c’est un plaisir. Vous vous levez et vous accroupissez, et vous sautez et vous faites ce que vous voulez, et maintenant, imaginez que vous avez un sabre à la main, et que vous dansez avec ! »
Et ces gamins ont commencé à sauter comme des cabris, gracieusement, et à y prendre un vif plaisir.
De même Marina dit aux filles : «Vous êtes là pour montrer combien vous êtes jolies et aimables, et combien vous aimez tout le monde autour de vous. Et voilà qu’un garçon vient danser à vos pieds, alors vous tournez autour de lui et vous lui faites comprendre : «Bravo, comme tu te débrouilles bien, comme tu es beau ! » Voilà toute la danse ! » Et les filles se mettent à évoluer comme des cygnes, naturellement.
« J’ai essayé, me dit Marina, de travailler avec des danseurs professionnels de type « ensemble Beriozka, chœur Piatnitski », ils ne savent absolument plus être naturels, on dirait des robots, avec un sourire mécanique accroché sur la figure. C’est l’école soviétique, qui s’inspire du folklore mais n’a plus rien à voir avec la tradition populaire, le problème est que les gens confondent les deux. On leur fait écouter des chants authentiques de la région d’Arkhangelsk, ils pensent que c’est de la musique arabe, on leur fait écouter «Konfetki baranotchki », composé par un juif à New-York, ils pensent que c’est du folklore russe. Et souvent, les jeunes ne s’y intéressent pas, car ils ont du folklore une vision trafiquée et ne soupçonnent pas qu’il est à la fois plus complexe et plus simple, qu’il appartient à tous et change notre vision de la vie.»
C’est du même ordre que les fausses isbas, les millions de matriochkas vendues à l’Arbat ou à Ismaïlovski Park, tout le toc et le kitsch que le diable fait passer pour de l’or pur.

Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’envoyer des enfants dans des cercles culturels ou à des activités n’a aucun sens. Il faut que ces choses-là soient pratiquées en famille. Les enfants des petites dames du cours ne font qu’assister à nos rencontres, mais ils assimilent tout ce que nous faisons. Ils chantent nos chansons, et j’ai pu observer qu’ils dansaient avec ivresse, surtout une petite fille de quatre ans, qui trouvait naturellement les attitudes, qui sont suggérées par la musique elle-même. Il faut remettre de la musique, de la danse, de la créativité dans nos existences aliénées et spoliées, notre musique, nos danses, notre créativité, et pas des traditions exotiques qui ne nous correspondent pas. C’est en effet une démarche thérapeutique, je suis d’accord avec le père André, thérapeutique et formatrice, ainsi que je l’avais fortement expérimenté avec le peu que je pouvais pratiquer à la maternelle, mais j’appliquais les principes de la culture populaire à tout le reste : apprendre ensemble, en réalisant quelque chose de beau qui nous motive et nous fasse rêver, qui nous élève, qui nous mette en relation les uns avec les autres, et avec tout le cosmos environnant. Ainsi vivaient nos ancêtres, dont les enfants étaient peu à peu inclus dans toutes les activités de leur vie et y trouvaient naturellement leur place, dans le cadre d’une communauté organique.
La maslenitsa consiste à s'en mettre plein la lampe de crêpes à la crème, de fromage et poisson, de telle manière que le premier lundi de Carême, nous sommes tous pratiquement malades et n'aspirons qu'à manger des salades et des soupes de légumes. 
Nous nous sommes tous demandé pardon à l'église, et je joins l'homélie du père spirituel du monastère saint Elizabeth de Minsk, que j'avais traduite l'année dernière, pour donner une idée ce ce que cela représente, quand on le vit vraiment. (cliquer sur le symbole des sous-titres, si nécessaire).



mercredi 22 février 2017

Panorama

Après cette première offensive printanière, la température retombe à - 7, c'est un peu tôt encore, et même, on n'est pas tranquille jusqu'à début avril. Je suis partie promener le petit chien du côté de la source, mais j'ai pris sur la droite, vers le monastère, et je me suis élevée à flanc d'escarpement sur les anciennes berges du lac. Il m'est apparu dans toute sa beauté, avec sa glace laiteuse et phosphorescente sous le ciel foncé, lugubre et grandiose. Tarkovski trouvait des correspondances entre les tableaux de Brueghel et la Russie, la façon dont les arbres se découpaient sur la neige m'a soudain rappelé ce qu'il en disait.
Je ne sais pas si c'est dû au réchauffement suivi d'une nouveau coup de gel, mais je marchais sur une croûte bien solide qui tout à coup cédait et je m'enfonçais jusqu'au genou. Après, j'essayais de ne pas trop appuyer sur un seul pied, de ne pas rester au même endroit. J'ai dépassé une maison moche et prétentieuse solitaire, avec quand même le cabinet au fond du jardin, la fosse septique sera pour les prochaines vacances. Et j'ai vu le monastère se dresser au dessus du champ de neige, précieux, étrange, onirique, un vaisseau fantastique, l'arche qui nous emmènera là où il faut, là où il n'y a ni tristesse ni gémissements, mais la vie éternelle.
Il s'agit du monastère Nikitski, consacré à saint Nicétas le Stylite, dont la source est un peu plus loin. L'archimandrite Dmitri a la réputation d'un saint homme, c'est le père spirituel de mon plombier. L'enceinte du monastère et l'une de ses églises ont été réalisées sur ordre d'Ivan le Terrible, et on y chante encore les stichères et les psaumes qu'il avait composés (je crois que je l'ai déjà dit mais je ne me lasse pas de la présence palpable de cette histoire russe qui me fascine).
Au retour, mon comptable dostoïevskien m'a annoncé qu'il allait déposer ma demande de permis de séjour.





mardi 21 février 2017

Blackos

Je crains bien qu'il me faille admettre, à côté de Rom, venu m'imposer sa présence il y a deux ans, celle de Blackos, le chat noir aux oreilles bouffées par le gel. Blackos devait se réfugier l'hiver dans ma cave, un peu moins froide que l'extérieur, mais voilà qu'il a découvert que celle-ci débouchait à présent sur une maison douillette où des privilégiés se prélassaient sur des lits et des coussins moelleux, avec nourriture à volonté. Il a essayé de faire partir les concurrents, mais devant la vive opposition de la maîtresse des lieux, il a changé de tactique, il est devenu doux comme un agneau. Je n'ai vraiment pas besoin de lui, mais je suis faible, surtout quand il fait si froid que les oreilles des matous tombent en morceaux.
J'ai décidé de me meubler en partie sur Avito, le bon coin russe. On m'a apporté une table à rallonge tchécoslovaque des années 70, quatre fois moins chère que l'équivalent neuf IKEA. Elle nécessite une remise en forme, mais j'ai décidé de faire ma déco dans le style récup. Elle me permettra de recevoir huit personnes. https://www.avito.ru/pereslavl-zalesskiy/mebel_i_interer/obedennyy_raskladnoy_stol_915444410
J'ai vu aussi un plumard qui a l'air pas mal. Les fauteuils, en revanche, sont tous plus affreux les uns que les autres. Il y a des limites à ce qu'un esthète peut supporter.
Je crois que je vais faire installer une tonnelle du côté de l'entrée de ma maison, car il s'en est fallu de peu que je prenne un bloc de glace sur la tête: le glacier du toit est en train de descendre. J'essaie de le casser, j'ai fait tomber quelques gros morceaux à titre préventif, mais il me semble qu'une tonnelle créerait une sorte de matelas intermédiaire et me protégerait du soleil en été.

lundi 20 février 2017

La source de saint Corneille

J'ai vu cet après midi arriver mes nouvelles connaissances, Olga et Nadia, et elles m'ont proposé une expédition à la source.
Nous voilà parties, accompagnées par un vent froid et humide. Le printemps n'est pas loin, la neige commence à fondre. Le matin, j'avais fait des courses sur une glace savonneuse et sale, à travers des flaques d'une profondeur indéterminée, j'étais allée me commander des lunettes à ma vue, ce qui me coûtera 1500 roubles verres er montures, soit 25 €... Pour ce prix j'ai eu aussi la consultation de l'ophtalmo.
La source est assez loin, et la neige rend la marche plus fatigante. Mais quelle beauté, même aujourd'hui où le ciel était gris. Olga, comme pas mal de Russes, donne énormément de conseils. Ils sont souvent très judicieux, mais comme ils vous arrivent dessus à,la façon d'une avalanche, on n'en retient aucun.
J'apprends que la chapelle située sur l'escarpement marque l'emplacement d'un monastère et du cimetière attenant dont ne reste plus qu'une pierre tombale: déserté à la révolution, le monastère a été entièrement démantelé au fil des années par les gens qui en prenaient les matériaux.
Le vent m'enivre, j'ai toujours aimé les grands courants d'air, peut-être parce que j'ai grandi avec le mistral. Les hauts arbres russes craquent comme des mâts et leurs branches bourdonnent. Le lac conserve un éclat laiteux et nacré sous les nuages bleuâtres, le paysage ressemble à un tableau de Levitan.
La source est au pied d'une interminable palissade qui marque la limite d'un espèce de grand centre touristique. Elle est surmontée d'une croix et nous lisons la prière accrochée à l'arbre voisin. Cette source est consacrée à saint Corneille, pas celui qu'Ivan le Terrible a tué par erreur, mais un saint local du XVII° siècle, saint Corneille le Silencieux.
Mes deux compagnes remplissent les bouteilles. Elles font tout, elles ne me laissent pas traîner mon sac à roulettes, je suis confuse et les invite à prendre le thé au milieu de ma pagaille. Du thé au citron et au gingembre.
Je suis pleine de courbatures. La promenade est magnifique, mais elle est loin, quand même, cette source.

mon petit chien

Olga

Nadia

Attention, serpents...

La source
Le lac au loin


dimanche 19 février 2017

Dimanche du jugement dernier

Un saut à Moscou pour me confesser et acheter des pinceaux. J'ai eu la chance de voir longuement le père Valentin, de passer un bon moment en famille.
A la liturgie du dimanche, sermon du père Fiodor, sur l'évangile du jugement dernier: le Seigneur ne nous demandera pas si nous avons jeûné ou prié, il nous demandera si nous avons aimé et secouru notre prochain, visité les malades, les prisonniers, nourri les affamés. Le père Fiodor sait de quoi il parle, car il s'occupe des sans domicile fixe des Trois Gares voisines de l'église. C'est un petit homme perpétuellement ébouriffé qui a une bonne dizaine d'enfants et quelque chose d'éternellement juvénile, on le sent toujours en train de retenir un clin d’œil humoristique.
Je confesse au père Valentin, entre autres, que le spectacle du monde où nous vivons me met dans de telles transes que je souhaite les mille morts aux politiciens responsables et à ceux qui les suivent. Il éclate de rire: "Oui, oui... Prions pour rester malgré tout de bons chrétiens!"
Il me parle chez Xioucha d'un Allemand orthodoxe qui lui avait écrit du fin fond de la région de Smolensk, où il a échoué dans un village en perdition et fait cinq enfants à une Russe. Il l'a invité à Moscou, et l'a incité à se rapprocher d'une communauté de paysans orthodoxes qui font dans l'agriculture écologique, comme lui, à réunir les bonnes volontés. Je trouve l'idée excellente, et certains Français pourraient s'y atteler également. Cet Allemand a de la sympathie pour les Amish. "Moi aussi, dis-je, mais nous n'avons pas besoin d'eux, nous avons déjà nos Amish, ce sont les vieux-croyants. Skountsev est allé dans un village de Sibérie où ils vivent comme au XVII° siècle, ils ne boivent même pas de thé, mais d'après lui, leurs infusions sont incomparables, et c'est ce que devaient boire tous les Russes, avant Pierre le Grand. Skountsev transmet tout cela, les chants qui existaient alors et existent encore, et cela fait au moins quelques enfants qui grandissent imprégnés de l'âme immémoriale de la sainte Russie!
- Qu'il soit béni pour ce qu'il fait. c'est notre rôle aussi, à vous et moi, de transmettre l'étincelle de notre culture dans un monde où tout s'éteint, dans la faible mesure où nous le pouvons, nous devons absolument le faire."
Mais comme je parlais de ce genre de choses à une amie de Xioucha, elle me dit que la perte de tout ce que je décrivais la rendait profondément triste. "Il faut simplement réagir, lui dis-je, aller vers cette source, et lui permettre de nous irriguer à nouveau, tant qu'il n'est pas trop tard".
Liéna, la fille aînée du père Valentin, me demande d'enseigner le français à ses filles, le français, qui me paraît parfois en danger de devenir assez vite une langue morte. Mais accrochons-nous dans les ténèbres montantes, et gardons notre lampe allumée: le Jugement Dernier approche, et je vais à sa rencontre avec quelques prêtres orthodoxes, des vieux-croyants et une langue qui n'a presque plus cours, tout cela se conservera dans la Mémoire Eternelle.
Coucher de soleil derrière ma maison

vendredi 17 février 2017

comptable lettré

J'ai vu un garçon, comptable de son métier, recommandé par Liéna, ma connaissance du café français, il va prendre en mains mes histoires de permis de séjour, car le gros problème est d'arriver à présenter la demande, quand les fonctionnaires vous renvoient comme une balle de ping-pong. C'est la deuxième fois qu'il le fait, il connaît la musique. Il m'a beaucoup plu, il a l'air intelligent et honnête, et nous avons fini par parler de Dostoïevski. "Je suis allé en Europe, me dit-il, et j'ai eu l'impression que nos écrivains classiques étaient considérés comme un diamant de la culture par les gens qui m'en parlaient mais qu'ils n'y comprenaient absolument rien.
- C'est parce qu'ils sont incroyants, ils ne comprennent pas la dimension spirituelle de Dostoïevski ni la notion de "sobornost", de communion, de responsabilité collective, qui fait que nous sommes tous reliés, qu'ici il fait plus noir et là bas plus clair, mais que nous sommes tous solidaires, nous contaminant ou nous guérissant les uns des autres du péché qui nous est commun.
- Oui, et je vois que vous, vous le comprenez!"
C'est la première fois que je parle de Dostoïevski avec un comptable.
Établir un permis de séjour prend six mois. Cependant, le contact personnel joue pas mal, ici.
J'apprécie beaucoup Liéna, c'est une jeune femme sensible et droite. Elle a passé son enfance dans les "baraques" abandonnées, derrière chez moi et ne peut en parler sans avoir les larmes aux yeux. Ces "baraques", un immeuble partiellement en briques et partiellement en bois, pourraient faire de jolis logements si on les restaurait, mais elles seront probablement détruites pour construire je ne sais quoi.
J'ai eu la satisfaction d'apprendre que mes voisins avaient racheté à leur parent le bout de terrain entre eux et moi, de sorte qu'on n'y construira rien, que je garderai sous mes fenêtres ce mystérieux espace de neige que je vois la nuit, et tout le ciel qui le surplombe, avec le croissant et les étoiles, ou les nuages du couchant. Pourvu que demeurent aussi les isbas d'en face, si pittoresques, le temps que je passerai encore sur terre...
Le peintre qui fait mes plafonds m'a dit que cet été, il avait vu que j'avais deux poiriers couverts de fruits, deux pruniers, à fruits noirs et à fruits jaunes, deux pommiers.
Hier matin, par -14, le givre sur les arbres du voisin

mercredi 15 février 2017

A la recherche de la source.




 Aujourd'hui, en promenant le chien, je tombe sur une brave dame, des bouteilles de plastic à la main. Je l'interroge sur la source, elle me dit que c'est loin, par là, elle m'explique. C'est une grande femme à la maigreur burinée et chamanique. Elle m'évoque tante Frossia, la guérisseuse, accoucheuse qu'embauche le héros de mon roman. Et justement, la voici qui me dit que maintenant que je suis en Russie, je dois m'intéresser aux simples, qu'on ne peut pas vivre et se soigner ici sans connaître les vertus du millepertuis ou de la calendula. Malgré son air chamanique, c'est sûrement une intellectuelle, elle paraît assez cultivée.Il souffle un vent glacial, elle m'explique que le climat a changé depuis qu'on a fait le lac artificiel de Rybinsk, qui a entraîné beaucoup d'autres ravages et catastrophes, l'engloutissement d'une très ancienne et très belle région de Russie et la déportation de sa population. Je rentre chez moi m'habiller plus chaudement et prendre ma poussette à roulettes et une bouteille vide de cinq litres. 
Arrivée au bout de la route qui longe l'ancienne rive escarpée du lac, je ne sais s'il faut aller à gauche à droite ou tout droit. Tout droit me paraissant très accidenté, je prends à droite et voit surgir les coupoles du monastère saint Nicétas au dessus de l'escarpement, comme une vision étrange, une ouverture sur un autre temps. Un papa et sa fille me disent que je me trompe de chemin. Je repars en arrière, prends à gauche, et traverse des bois. Un défilé de roseaux me mène par un chemin immaculé jusqu'au lac qui se dévoile soudain, immense, sous des nuages colossaux, pleins d'ombre, de lumière et de neige. J'avance sur la glace et vois à gauche le monastère Goretski, au dessus de la ville, et à droite le village de Gorodichtché, son haut clocher sur la berge bleue, en face, le large, une grande nuée foncée rapiécée de turquoise, dont les franges effleurent la mystérieuse, lointaine et sombre rive opposée. Le double de tante Frossia m'avait comparé le lac à un diamant, et c'est ainsi qu'il m'apparaît, un énorme et lisse diamant, sur lequel courent de brusques illuminations et des reflets laiteux. Le vent me tourne la tête, l'espace m'absorbe, tout ce que je vois est si beau et si étrange, si magnifiquement étrange, dommage que des ovnis contemporains affreux défigurent l'escarpement, grosses maisons prétentieuses, antennes pour diffuser internet partout, et bien que j'en fasse grand usage, il faut bien trouver quelque chose de bon aux mauvaises choses, je me prends à rêver de voir cette beauté telle qu'elle était, sans ces excroissances, ces tumeurs, ces ordures, quand tout était intégralement intact et que le prince Alexandre posait ses filets dans une eau non polluée.
Au retour, sans avoir trouvé la source, je rencontre ma nouvelle connaissance, avec une copine. Elle s'appelle Olga, la copine Natacha. Olga fait des objets en feutre, bottes, gants, sacs, elle est déjà allée en Italie, elle est née à Pereslavl et y a passé sa vie.
Je suis heureuse d'avoir trouvé, sinon la source, du moins cet accès sauvage au lac dans toute sa splendeur. C'est une promenade que je pourrai faire régulièrement, et je pourrai aussi accéder au beau monastère saint Nicétas sans passer par toutes les zones construites où abondent les châteaux américains. Pour la source, il fallait prendre ni à gauche, ni à droite, ni tout droit, mais légèrement en biais, le long de l'escarpement.



Le chemin de la source commence ici. La maison à gauche est à vendre, elle
est grande, neuve et pas finie, mais l'endroit assez planant, quand même.


Le côté de Gorodichtché

Le côté de Pereslavl 

les bois


Un pêcheur solitaire


Gorodichtché



mardi 14 février 2017

Un cycliste



On sent qu’on est dans la dernière partie de l’hiver, la température est remontée jusqu’à 1 °, ce matin, tempête de neige, maintenant le vent est si fort que je n’ai plus d’électricité. Le ciel  est resté gris toute la journée, mais un gris secrètement infusé d’irisations chatoyantes et vers le soir, quand je suis allée promener le chien, il est devenu violet, puis à l’horizon, d’un rose vif et presque orange, avec des filaments jaunes, et des taches turquoise. C’était un vent froid et exaltant, un vent d’ouest.
Sur le chemin, j’ai rencontré un cycliste, avec un conteneur d’eau sur son porte-bagages, mais il allait à pied. Je lui ai demandé : «Ce n’est pas trop glissant, pour faire du vélo ?
-Si, mais je ne monte pas dessus, je m’en sers pour transporter l’eau que je vais chercher à la source.
- Il y a une source ? Elle est loin ?
- Vous n’y arriverez jamais, moi j’ai le vélo, mais vous ?
- L’eau n’est pas bonne ici ?
- Mais c’est un cauchemar, l’eau c’est la vie, alors celle des canalisations, jamais ! »
Ce type avait dû être beau, il gardait d’étranges yeux bleu pâle, épuisés.
Je n’ai pas de vélo, mais j’ai un sac à roulettes, seulement je ne sais pas où est la source.
Plus tard dans la soirée, j’ai vu par la fenêtre que le vent avait coupé le ciel en deux, et au dessus de ce désastre, brillait une seule grosse étoile, celle du berger.

Je pense que je resterai ici, et je sens en permanence auprès de moi Ivan le Redoutable, ses fils, son favori, le jeune Basmanov, et le métropolite Philippe. Une compagnie qui ne me laissera pas si facilement tomber...  

Celui-ci n'est pas à moi...


lundi 13 février 2017

RVP


L'horizon s'éclaircit. Je suis allée trouver la juriste. Kostia l'avait prévenue que je parlais mal le russe, elle était surprise de constater que ce n'était quand même pas le cas, il faut dire que Kostia marmonne et peut-être suis-je en train de devenir sourde, mais je le comprends mal, surtout au téléphone.
D'après elle, j'aurais toutes mes chances, car la plupart des gens présentent un dossier à Iaroslavl dans le but de filer à Moscou aussitôt le permis obtenu et ça agace le fonctionnaire, or moi, j'ai une maison à Pereslavl, l'intention d'y vivre, et on a besoin de répétiteurs de français sur place. Les fonctionnaires vous reçoivent personnellement, on peut leur raconter sa vie, expliquer ses motivations, les miennes semblent toucher la juriste.  Mais le problème, le gros problème, c'est d'arriver jusqu'à eux: le site pour prendre rendez-vous marche mal, et les jours libres (un mercredi par semaine) sont pris bourrés jusqu'au 23 mars. Reste la prise de rendez-vous par téléphone, mais là encore, il est pratiquement impossible d'obtenir un correspondant, c'est occupé en permanence. Je connais tout cela, c'est l'angoisse, mais bon, l'espoir donne des ailes. Je voudrais continuer à découvrir la vie de Pereslavl et de ses environs, les bienheureux fous en Christ, les saints princes, les croix, icônes et sources miraculeuses, les clins d’œil d'Ivan le Redoutable à tous les détours de remparts... Pierre le Grand peut garder les siens, il ne m'intéresse pas du tout. Mais pour les amateurs, son esprit rôde aussi par ici.
Le samovar que m'a offert Kostia pour mon anniversaire.


Pour ceux qui s'inquiétaient de son sort, Rominet a retrouvé ses aises dans
la maison. A côté de lui, l'hortensia de Sacha Joukovski et l'azalée de Zakhar